DMS : Chapitre 119
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Chapitre 120 – Les Parias (1)

 

Je me retrouvais dans cette cellule, incapable de trouver une solution pour m’en sortir. Si ce type qui me faisait penser à un savant fou disait vrai, ils étaient en train de « programmer » une personnalité spécialement faite pour me posséder. Devais-je me sentir flattée de ne pas avoir droit à un parasite pioché au hasard dans leur grand seau grouillant de connards qui ne demandaient qu’à prendre possession d’un corps ?

— Si au moins je possédais une puissance suffisante pour m’échapper d’ici… me plaignis-je, je ne serais plus à ça près. Je suis déjà l’ennemie publique numéro un du système, je crois que je ne pourrais pas me rendre plus détestable que je ne l’ai déjà fait.

À bien y réfléchir, quelle puissance m’aurait-il fallu pour lui tenir tête ? Il avait le contrôle sur les Architectes de très haut niveau, et en y repensant bien, n’était-il pas à l’origine du monde entier ? De l’intégralité de tous les monstres, même les plus puissants ? Ne possédait-il pas un contrôle parfait – ou presque – sur l’univers entier ?

— Je ne serai jamais assez puissante pour ça, réalisai-je.

Alors, était-ce vraiment la fin ? Puisque je ne pouvais me défendre, je n’avais aucunement la possibilité de m’en sortir. Ce n’était pas Friderik, cette fois, qui allait pouvoir venir à mon secours. FeiLong, je n’y pensais même pas. Pythagore et Joc étaient loin et ne savaient de toute façon probablement pas ce qui m’arrivait. Peut-être ne le sauraient-il qu’un beau jour, lorsque mon corps sera celui qui les arrêtera et leur rira au nez, après s’être demandé pendant un temps sans fin ce qui était advenu de moi.

— Personne ne va venir me sauver et je ne peux pas sortir d’ici par mes propres moyens. Je suis enfermée et on va m’emmener sans que je puisse lutter.

Je savais que j’étais seule au monde, désormais. En fermant les yeux, j’avais toujours accès à mon donjon sous le château mais je ne pouvais malheureusement pas m’y rendre par magie.

Je rouvris les yeux, réalisant quelque chose d’important.

— Mon donjon ? Il n’a pas été supprimé… murmurai-je, je suis toujours sous l’influence du système corrompu de Joc. Le vrai système n’a pas accès à mon donjon, j’en suis sûre maintenant !

Je m’étais déjà posé la question plusieurs fois par le passé, pendant tout ce temps sur Albion. Le système devait savoir que j’y étais et pourtant… il n’avait jamais tenté de fermer le donjon du lac. J’avais soupçonné la possibilité que Joc m’eût totalement coupée de son influence, moi et mes créations. Je ne pouvais le vérifier mais lorsque j’avais emmené ce garde dans la taverne sous le château de Camelot, mes doutes s’étaient peu à peu confirmés.

— Je ne réponds plus aux règles imposées par le système. J’en suis certaine, maintenant. Il ne peut pas supprimer mes donjons comme il l’a fait avec celui près de Roram.

Mes doutes se confirmaient mais que pouvais-je faire de plus ? J’avais l’air maligne, à comprendre une vérité qui m’aurait peut-être arrangée en un autre temps et un autre lieu.

— Et mes connaissances des plantes ne me servent à rien non plus, grommelai-je tout bas.

Si au moins j’avais pu avoir le temps de faire pousser une branche de jonc azuré, j’aurais pu m’en servir pour…

— …Pour me téléporter ?! J’en sais de ces choses… m’extasiai-je.

Si je pouvais me téléporter hors de ces lieux, j’étais certaine que le système perdrait ma trace. Avec tout ce que j’avais compris, j’en étais absolument sûre : il ne pouvait plus me tracer et ne disposait d’aucun moyen d’agir sur moi s’il n’avait pas un accès direct à mon corps.

Il fallait que je sorte si je ne voulais pas terminer comme Joc, avant que je ne le sauve. Mais je ne le pouvais pas ! Même en enfilant mes armilles de frappe et en utilisant Frappe brutale sur la porte de la cellule, elle ne broncha pas. Sans aucun doute prévue pour résister à des assauts furieux de personnes bien plus puissantes que moi, elle tint bon et ne me permit pas de quitter les lieux.

Je voulus alors tenter autre chose. Le long du mur courait une petite corniche et ma dernière option restait la mort.

— Si je peux revenir à la vie dans ma maison, alors j’aurai peut-être une chance de fuir.

Il fallait que je tente le tout pour le tout. Bien sûr, mourir faisait mal mais j’étais passé par bien pire que ça par le passé. J’avais vécu un certain nombre de morts qui me laissaient encore un goût amer dans la bouche. Me frapper violemment l’arrière de la tête contre cette corniche saillante était un moyen comme un autre de rendre l’âme.

Je pris une profonde inspiration et fermai les yeux. Je plaquai mon dos contre le mur de la cellule, mon crâne appuyé contre ce qui allait devenir l’outil de ma mise à mort.

— B… Bon sang, balbutiai-je en sentant la transpiration me perler le long de la joue.

Je n’osai pas.

Restant plaquée ainsi pendant ce qui me sembla être une éternité, je ne rouvris pas les yeux, écoutant ma respiration aller et venir.

— Allez, à dix, me décidai-je.

Une inspiration de plus.

— 1… 2…

— …7…8…9…

Je fis une pause.

— Allez ! 8…9… Neuuuuuuuuf………

— Neuf et dem… Merde ! Pourquoi est-ce que je n’y arrive pas ?!

Je rouvris brutalement les yeux en me rendant compte que simplement, je n’osais pas. Je restais bloquée, je ne pouvais pas me suicider. Une appréhension de la douleur ? Un instinct de survie ? Je ne savais pas exactement pourquoi mais il m’était impossible de me donner la mort volontairement.

Prenant mon courage à deux mains, j’éloignais ma tête du mur et je sentis mes yeux s’injecter de sang. Il fallait que je le fasse ! Il le fallait ! J’étais devant un choix : la mort ou une éternité de servitude, prisonnière de mon propre corps !

Je ne me rendis pas immédiatement compte de ce vieux grigou qui venait d’ouvrir la porte, concentrée que j’étais dans ma tentative de mise à mort. De toute façon, je savais que je n’aurais jamais réussi à frapper mon crâne contre ce mur.

— Oho ? Mais que vois-je là ? s’écria le grabataire qui venait d’entrer.

Ce type était encore plus vieux que Pythagore. Depuis combien de temps était-il là ? Vieillissait-il encore ? Pourquoi me posais-je ce genre de question dans une situation si critique ?

Il tendit la main et mon corps entier devint rigide. Plus de parole, je ne pouvais même plus respirer bien qu’étrangement, cela ne sembla pas être plus dérangeant que ça.

— Vous allez venir avec moi. Votre persona est prête. Oooh, que j’ai hâte ! Je vais enfin pouvoir tester cette nouvelle création ! Vous allez devenir une exécutrice de premier ordre ! Plus aucun rebelle ne nous échappera ! Les parias n’ont qu’à bien se tenir !

Des rebelles ? Des rebelles comme moi ? Je pensais que j’étais simplement recherchée mais en quelque sorte, oui, j’étais une rebelle…

Un paria, par contre ? Je ne compris pas tout de suite de quoi il voulait parler, et je ne savais alors pas à quel point je me fourvoyais, à quel point j’étais loin de la vérité contenue dans ces simples mots…

Il me traîna derrière lui, simple cadavre inanimé flottant dans les airs comme par magie. Je pouvais l’entendre malgré tout, et il ricanait tout bas en se frottant les mains, s’autorisant quelques regards intempestifs à droite et à gauche de temps en temps, convulsivement.

Ce type était vraiment taré. Était-il lui aussi une persona possédant un corps qui n’avait d’autre choix que de subir en silence ? Je ne pouvais que le supposer. En réalité, j’en étais sûre. Joc m’en avait dit tant que je ne pouvais plus en douter.

Nous finîmes par arriver dans une grande salle circulaire que je ne pouvais que décrire comme étant l’apogée d’une culture scientifique avancée. J’avais l’impression de me trouver dans un vaisseau spatial, ou peut-être l’intérieur d’un ordinateur. Les murs et le sol ne pouvais être différenciés que parce que l’un était trop incliné pour marcher dessus.

Un œuf. Oui, un œuf. J’étais dans une espèce d’œuf cybernétique où tout n’était que câbles, tuyaux et lumières clignotantes. Le vieux m’emmena léviter jusqu’en son centre où se trouvait une chaise – un siège composé du summum de la technologie que l’univers pourrait un jour observer, voilà ce qu’il me laisser comme impression.

— Bien… Bien ! cria le vieux en se frottant les mains de plus belle, si vous saviez depuis combien de temps j’attends ce moment ! Je vais… ENFIN ! pouvoir observer ce que donne la persona pour laquelle j’ai tant travaillé !

Il se tourna vers moi et me sourit de toutes ses dents.

— Par contre, il ne faudra pas m’en vouloir, vous savez. Les choses sont ainsi, je ne peux pas garantir que vous conserviez votre conscience ou même vos souvenirs. Si d’aventure vous vous retrouvez âme en peine, perdue dans un corps sans contrôle et sans savoir pourquoi vous vous trouvez là, je vous prie de m’excusez d’avance, bouhahahaha !

Il leva la main vers moi pour m’envoyer m’asseoir directement dans ce méca-fauteuil du futur.

— Il nous fallait un corps à la volonté puissante, au potentiel illimité, et que demander de plus que le vôtre ?! Il s’est exclu des capacités de gestion du système pour une raison qui m’échappe même à moi et il est ainsi parfait pour recevoir cette persona trop puissante pour être tenue en laisse par les verrous de sécurité biologiques !

Il éclata de rire une fois de plus en regardant vers le plafond, les larmes aux yeux.

— Hm, hm, ha ha ha… HA ! Je profite du moment mais ne perdons pas plus de temps. J’ai si hâte de voir ce que va donner l’implantation !

Il leva les doigts en direction d’un des murs et une ligne lumineuse se dessina depuis un point quelconque sur cet assemblage de circuits pour se diriger à travers un réseau labyrinthique vers le sol, pour finir par trouver son chemin vers l’endroit où j’étais assise.

Finalement, lorsque les lumières sous mes fesses devinrent si vives que j’en eus mal aux yeux, je sentis le monde tournoyer autour de moi, et une voix s’adressa à moi, du plus profond de mon esprit.

Ainsi… Voilà le corps dont je dois prendre le contrôle ? L’hôte que l’on m’offre ?

La persona ? Je sentais qu’elle était comme une invitée indésirable tout au fond de ma tête, comme si j’étais devenue un hôtel dans lequel vivait un client qui ne payait pas le loyer.

— Tu… Tu te fous de moi ? murmurai-je dans ma tête.

Je ne savais pas qu’elle pourrait m’entendre, c’était un réflexe. Mais à ma grande surprise, la voix féminine et trop insensible à mon goût me répondit en esquissant un sourire. Je ne le voyais pas mais je pouvais parfaitement le ressentir.

Ne t’en fais pas, tu ne pourras pas lutter longtemps. Laisse-moi prendre mes marques et tu verras, nous serons bien, toutes les deux, une fois que tu seras totalement réprimée.

Je sentis la fureur monter en moi. Un putain de parasite qui me parlait comme si je n’avais rien à dire ?!

— Toi ! éclatai-je alors intérieurement, tu me laisses tranquille ! Sors immédiatement !

Mais que pouvais-je y faire ? Naturellement, je n’avais pas droit à la parole. La persona m’ignora et sembla se satisfaire de ce qu’elle comprenait de mon corps.

Les membres sont bons. Je les bouge tout naturellement. La tête résiste encore mais elle va céder. Ma volonté est universelle, celle de l’hôte est éphémère et sera brisée sous peu. Les doigts ? Parfait. Hmm….

La persona bougeait mon corps sans que je puisse y redire ! C’était la sensation la plus désagréable au monde ! J’imaginais parfaitement ce qu’elle pouvait me faire faire… et ce que je ne pouvais plus lui interdire. Je me surpris à espérer qu’elle n’était pas étudiée pour être trop perverse.

La tête semble répondre plutôt correctement. On m’a signalé que cet hôte était peut-être doté de compétences dépassant mes prévisions et mon contrôle mais tout va bien. Elle cède. C’est bien, hôte. Cède. Laisse ma volonté prendre le contrôle et tu verras, je ferai des choses que tu n’imaginais pas possible auparavant.

Initialisation du processus cognitif et sensoriel, ok. Je vois. Contrôle des yeux. Contrôle des lèvres, de la langue…

— Ok. Ainsi, ceci est ma voix. Parfait. Connection au système établie et fonctionnelle.

Elle parlait comme un programme, comme un ordinateur ? Pourquoi avais-je l’impression de devoir faire face à… un logiciel ? Un virus, un… un malware ou je ne savais quoi ?!

Et j’étais là, prisonnière d’un corps qui parlait et se déplaçait maintenant contre ma plus forte volonté, comme s’il était articulé par une armure qui me forcerait à effectuer les mouvements de son choix. Je n’arrivais plus du tout à contrôler le moindre de mes mouvements : même ma respiration avait maintenant l’air automatisée.

— Bien, prononça mon corps en se levant calmement, le système me fait savoir que je dois chasser des parias ? J’attends les informations complémentaires et je m’y mets aussitôt.

Le vieux fou qui m’avait implanté ce truc indésirable dans le corps se mit à rire à nouveau, tournant autour de sa création avec le regard empli d’une fascination non dissimulée.

— Incroyable, incroyable ! Je n’imaginais pas que ça fonctionne si parfaitement du premier coup ! Moi qui imaginais devoir réessayer l’implantation encore et encore ! Je… suis un génie ! Ha ha ha ha !

Il se mit à sauter de joie sous mes yeux, qui me forçaient à voir ce que la persona désirait que je voie. Là où elle regardait se portait mon regard et je ne pouvais même pas fermer les paupières pour m’en cacher.

— Quel est ton nom, persona ? Comment le système t’a-t-il nommée ? demanda-t-il soudain.

Je lui adressai un regard, sentant l’affection d’un créateur, d’un père, d’un type malsain aussi. Ma bouche s’ouvrit à nouveau toute seule et lui répondit fièrement.

— Le système m’a baptisée Wuying. Je suis l’exécutrice numéro un et je vais partir en chasse des parias.

Sans plus attendre, je tournai les talons pour me diriger vers la porte de sortie, qui s’ouvrit dans un glissement pneumatique.

Raka
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9 thoughts on “DMS : Chapitre 120

    1. Je sortirai encore un chapitre demain (parce que j’ai toujours promis d’en faire deux par Week-end) en plus du chapitre régulier du lundi, et un bonus dans le courant de la semaine.

      Si ça t’a manqué, tu vas être servi 🙂

  1. la persona va surement prendre conscience de la compétence la plus terrible de son hôte  » la malchance légendaire  » elle va bien en baver.

  2. C’est tellement flippant
    Elle n’a pas pensé à la bague de connaissance de Joc et Pythagore
    Je ne vois que 3 manières pour elle de s’en sortir :
    – soit grâce à une pirouette scénaristique du style les géants arrivent où elle est l’élue (un truc dans le genre)
    – soit teacup parvient à intervenir et la délivrer (plausible même si je vois pas comment) — ou Frédérick
    – soit, mais ce serait vraiment inédit, après une lutte de plusieurs millénaires le système est suffisamment affaibli pour qu’elle s’échappe toute seule et recommence à zéro, souvenirs en moins
    Voilà, merci de nous publier cette magnifique série et j’espère que tu parviendras à te faire publier un jour !
    Thanks for the chapter !

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