DMS : Chapitre 132
DMS : Chaptre 134

Chapitre 133 – Camelot en danger (2)

 

 

— La soumettre ? fis-je en clignant des yeux. J’aurais pu cligner des oreilles également si j’avais su comment faire tant ce qu’il me disait me paraissait loufoque.

— La soumettre, répéta Joc en hochant la tête d’un air grave. Je voudrais bien l’étudier de manière plus approfondie et elle ne se laissera pas faire, à moins de t’avoir reconnue comme la patronne.

— La patronne ? répétai-je, hébétée.

Je ne savais plus ce que je devais penser et répondre. Il venait de m’annoncer des trucs qui dépassaient quelque peu mon entendement. En quoi avais-je la possibilité de soumettre la persona, celle-la même qui avait pris une possession parfaite de mon corps ? Comment diable voulait-il que je me démerde pour lui annoncer que désormais, c’était moi qui commandait ?! N’allait-elle pas simplement se foutre de moi et reprendre le contrôle ? Et encore, en imaginant qu’elle me laisse finir mon explication initiale.

— Pour l’instant, reprit Joc en voyant mon air perplexe, elle dort. Nous pouvons la manipuler jusqu’à un certain point sans l’alerter. J’ignore encore si c’est quelque chose d’induit par ta mort, ou la distance. Volontaire, peut-être ? Je peux imaginer qu’elle doive se recharger, loin du système. De fait, je ne sais pas jusqu’où je peux m’aventurer sans craindre de l’éveiller d’un seul coup. Donc…

Il fit une légère pause et me fixa droit dans les yeux, si intensément que je ne parvins pas à détourner le regard.

— …Donc, finit-il par lâcher, nous allons l’enchaîner proprement et la soumettre par magie.

— M… Mais, tu ne voulais pas simplement la faire dispar…

— Non, coupa-t-il en secouant la tête. C’est ce que j’imaginais au début, mais en entendant tes explications, je me rends compte que je ne peux pas me permettre de perdre un sujet d’étude si extraordinaire. Te rends-tu compte que nous avons là une persona, directement impliquée dans le système ? Te rends-tu compte de la quantité d’informations que nous pourrions en tirer ?

Je soupirai. Il avait raison mais…

— Je t’avoue que je me sentirais plus à l’aise si elle n’était plus là. Plus là du tout. Là, c’est comme si… je n’avais plus d’intimité.

— Il ne faut pas voir les choses ainsi, Wuying, rectifia Joc. Elle n’est pas « quelqu’un ». Elle est « un programme vivant ». Une espèce d’intelligence artificielle qui n’a aucune notion de l’intimité et de la pudeur. Elle s’en fiche totalement, de tout ça. Considère-la comme un outil. Un outil qui va s’avérer sacrément utile, si tu veux mon avis.

J’abandonnai la lutte. Il avait réponse à tout et j’étais encore trop embrouillée pour parvenir à exprimer clairement mes doutes et mes appréhensions.

— Fais comme tu veux. Mais… fais attention à moi.

— Bien entendu, affirma-t-il avec un sourire chaleureux. Tu es plus importante que cette persona. Si je me loupe ou qu’elle fait quoi que ce soit qui puisse te nuire, je la détruirai, tout simplement.

Ce qu’il disait me rassurait un peu même si je pouvais toujours voir au-delà des choses « prévues », jusqu’où naissaient les incidents « imprévus ».

Joc leva la main et semblant vouloir commencer immédiatement, se mit à chanter un truc étrange dans une langue qui m’était inconnue. Il lançait déjà le sort ? Je n’avais pas un peu de temps libre pour m’y préparer psychologiquement ? Mais il était trop tard pour lui poser la question.

Voilà que j’étais déjà paralysée. Je sentais de lourdes chaînes entraver mes bras et mes jambes et j’avais du mal à respirer. Joc reprit ses esprits et se pencha sur moi pour me parler d’une voix douce.

— Il ne faut pas que tu aies peur. Je vous ai scellées toutes les deux, pour être sûr qu’elle ne fasse rien même si elle parvient à s’éveiller et reprendre le contrôle. Bien sûr, ces entraves ne sont pas sans failles mais elles tiendront le temps qu’il faut.

Il se redressa et alors que je ne pouvais répondre, j’entendis une voix paniquée et frénétique dans ma tête, qui résonnait de droite à gauche, en rond et de haut en bas, comme une mouche qui volerait en cherchant la sortie d’un piège hermétique.

Il a osé ? Qui ? Lui ? Où ? Je dormais ? Ce poids désagréable m’a éveillé ? Pourquoi ? Où suis-je ? Toi ? C’est toi qui a le contrôle de ton corps ? Mon corps ! C’est le mien ! Pourquoi ne puis-je pas… Hein ? Que fait ce typ… Joc ? C’est Joc ? Je le reconnais ! Il est identifié dans le système comme ayant disparu sans laisser de trace. Que fait-il ?

La persona. Au début perdue, perturbée puis curieuse, elle s’était mise à paniquer en apercevant Joc. Elle savait qu’il possédait tant et plus d’expérience grâce à son accès aux bases de données du système et savait qu’il était capable de lui faire du mal.

Je la sentis se débattre comme pouvait se débattre une intelligence artificielle coincée dans un corps et elle parvenait déjà à tenter de lever mes mains. Pour sûr, elle était capable de prendre le contrôle de mon corps sans mon consentement ! Heureusement que ces chaînes magiques étaient solides et fermement attachées, sinon je me serais déjà levée et j’aurais sans aucun doute agressé Joc.

Joc qui continuait à psalmodier en agitant des mains enveloppées de lumière de différentes couleurs ; le sort qu’il lançait prenait du temps et il avait l’air totalement perdu dans son monde. Avait-il seulement remarqué que la persona s’était éveillée et avait décidé de réagir ?

Relâche-moi ! Immédiatement ! Traître ! Nous allons nous occuper de toi dès que tout ceci sera terminé ! Appropriation !

Je sentis que même si elle ne pouvait utiliser ma bouche pour parler, elle avait réussi à lancer le sort et la confirmation arriva aussitôt.

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[Ruée Onirique vient d’être acquise.]

[Réinitialisation de la compétence dans : 23 h 59 m 59 s.]

[Ruée Onirique.]

[La nuée de mites scintillantes partage des rêves et des souvenirs. Capables de plonger dans le rêve des autres en restant éveillées, les mites scintillantes forment un être aux corps multiples qui ne dort jamais.]

 

Eh merde ! Fait chier !

Je trouvais la persona bien familière et vulgaire, tout à coup. Ainsi, elle était capable de paniquer et de lancer l’appropriation sans calculer correctement ses retombées ? De montrer de tels sentiments de dégoût et de frustration ? Je me permis de sourire intérieurement. Finalement, elle n’était pas si parfaite ; la maîtriser était-il possible, si elle possédait ce genre de faille ?

Joc baissa les yeux vers moi et posa les mains sur ma poitrine. Il en profitait, l’enfoiré !

Mais ça ne dura pas et il serra les poings, passant à travers mes vêtements et ma chair ; il en retira un sac de nœuds de fils de lumière entortillés les uns dans les autres, le genre de trucs qu’on aurait mis à la poubelle sur Terre, au lieu d’essayer de dénouer.

— J’ai, annonça-t-il simplement.

Jemmmiiiuuuaaaaaaaarg !

La persona voulut protester mais ne poussa qu’un cri désarticulé et empli de souffrance. Apparemment, ce qu’il avait dans les mains, c’était exactement ce qu’elle était. Un méli-mélo de sortilèges interconnectés les uns aux autre comme un immense circuit – ou comme une forme de vie multicellulaire qu’on pouvait parfois voir dans les océans et qui atteignaient des kilomètres.

La persona ne chercha pas à protester plus longtemps – sans doute ne pouvait-elle plus, maintenant qu’elle n’était rattachée à moi que par quelques filaments lumineux épars.

Joc se mit à farfouiller, tirer, dénouer avec tant de patience que je me rendis compte qu’il aurait acquis le respect de toutes les grand-mères du monde s’il avait décidé de devenir un assistant lors de leurs séances de tricotage.

Au bout de ce qui me sembla être des heures, il finit par sourire enfin. Je n’avais pas réussi à décrocher mon regard paralysé de cette masse de fils avec laquelle il jouait et lorsqu’il finit par les fourrer en moi à nouveau, je me permis de soupirer intérieurement.

Il avait réussi. Il avait fait un truc pour soumettre la persona et je ne risquais plus rien.

Enfin, c’est ce que je me disais mais mon soulagement fut de courte durée.

— Voilà, Wuying, tout est prêt pour la suite, annonça-t-il d’un seul coup.

— L… La suite ?! m’écriai-je, soudain capable de parler. Mais quelle suite ?!

Il perdit son sourire et reprit un air grave.

— Tu pensais que c’était tout ? Si c’était si facile, le système serait bien loin de mériter le respect que je lui porte – en tant qu’architecture fonctionnelle, bien sûr, pas pour ce qu’il fait – et n’existerait déjà plus aujourd’hui, sans aucun doute. Non, Wuying, ce n’est pas tout ! J’ai réduit les capacités de contrôle de la persona au maximum mais je ne peux pas faire mieux si je ne veux pas totalement la détruire ou risquer de me faire posséder moi-même ! Et si les rôles étaient inversés… Désolé pour ça Wuying, mais nous serions perdus.

Bien entendu que nous serions perdus ! Ce n’était pas la peine de s’excuser, je savais très bien que je n’avais aucunement les capacités de faire ce qu’il avait fait. Alors comme ça, ce n’était pas fini ? Il n’avait fait que réduire le contrôle de la persona ?

— Comment ça, réduire le contrôle ? demandai-je à voix haute. Je me demande ce que ça veut dire.

— Elle n’est plus capable de prendre le contrôle de ton corps par la force, désormais. On peut dire que vous êtes à égalité sur ce plan, pour l’instant.

— Oh ! m’écriai-je. Alors elle est toujours là mais ne peut plus rien me faire ?

— C’est à peu près ça, confirma-t-il en faisant disparaître les chaînes qui m’entravaient.

— Donc tout va bien ? insistai-je.

— Hm… hésita-t-il, non, pas tout à fait. La persona va attendre que tu t’endormes pour récupérer ton corps et tout recommencera comme avant.

— …

Je ne savais même pas quoi répondre à ça. Effectivement, si ça se passait comme ça… on allait avoir un problème.

— Tu comptes faire quoi, alors ? demandai-je finalement.

— Moi ? Oh, moi… répondit Joc d’un air absent. Moi, je vais juste te donner l’occasion de lui montrer qui est la patronne.

— H… Hein ?

Sans attendre, il fit un nouveau geste de la main et je me retrouvai à nouveau paralysée. Je m’en rendis compte juste avant que le sommeil s’empare de moi sans crier gare.

Mon monde devint noir et je me retrouvai rapidement debout dans un espace infini sur un sol apparemment invisible. La chose colorée qui se détachait de ce décor de néant…

…c’était moi, juste là, en face de moi.

Je me voyais, debout à même pas dix mètres, comme dans un miroir.

— Salut, Wuying, m’annonça mon reflet. Alors comme ça, tu comptes me dominer ? …La bonne blague. Appropriation.

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 133

  1. Merci pour le chapitre !! ^0^

    Un peu de sintaxe nazie pour le retour de DMS :

    « — Tu pensais que c’était tout ? Si c’était si facile, le système serait bien loin de mériter le respect que je lui porte – en tant qu’architecture fonctionnelle, bien sûr, pas pour ce qu’il fait – et n’existerait déjà plus aujourd’hui, sans aucun doute. Non, Wuying, ce n’est pas tout ! J’ai réduit les capacités de contrôle de la persona au {maximum} mais je ne peux pas faire mieux si je ne veux pas totalement la détruire ou risquer de me faire posséder moi-même ! Et si les rôles étaient inversés… Désolé pour ça Wuying, mais nous serions perdus »

    C’est mieux de dire {au minimum} non ? ^^

    1. Il les a réduites au maximum. Il ne pouvait pas les réduire plus que ça 🙂
      Le maximum est relatif à l’intensité de la réduction, non aux capacités après coup.

      1. Oui mais ça me semble plus fluide…
        Enfin ok, je chipote pour un rien. ^•^’

        C’est que tes histoires sont supers ! Je te redemande si tu connais wattpad ? Là-bas il y a plein de créateurs de talent dans ton genre, et les gens s’entraident et sont super gentils ! En plus tu peux inscrire ton histoire à des concours pour la démarquer… voir te faire repérer par un éditeur ! 😀

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