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Chapitre 15 – Georges Delatour (1)

 

Mettant un terme à ses préparations initiales, Georges vérifiant une dernière fois qu’il avait bien empaqueté tout le matériel nécessaire à la conquête du donjon dans lequel il s’apprêtait à mettre les pieds.

Son bouclier, attaché dans le dos. Son cimeterre, parfait, il pendait à sa hanche. La ceinture de potions était remplie, huit potions de soin total et trois potion de magie intermédiaires. Il pourrait s’en sortir. Le parchemin de téléportation, qu’il avait acheté pour une somme exorbitante de crédits astraux, lui servirait s’il devait fuir le donjon dans l’urgence. Il espérait cela dit ne pas avoir besoin de l’utiliser ; non seulement pour ne pas avoir à repartir avant d’avoir tué le boss et récupérer de l’équipement sur son cadavre et dans les coffres qu’il gardait probablement, mais aussi par fierté. Il refusait de devoir filer la queue entre les jambes. Cela dit, la fierté ne justifiait pas une mort inutile, et la perte d’un pourcentage de ses crédits.

Il sortit de l’auberge et s’arrêta chez un armurier, afin de lui faire vérifier l’état de son armure. Comme il l’avait déjà fait la veille, d’ailleurs. Et elle était toujours en parfait état.

Il allait tenter de conquérir le Labyrinthe de la folie, seul. C’était une idée complètement folle, mais il le devait. Cela faisait déjà plus de dix ans qu’il traînait cette quête qui lui demandait de conquérir un donjon de niveau supérieur à 100 et possédant au moins trois étoiles de difficulté. Il en avait enfin trouvé un, et tout en sachant très bien que sur le plan tout entier, aucune équipe ne serait capable d’en venir à bout, il avait raffermi son cœur, et après s’être préparé pendant plus de huit mois, après avoir réussi à acquérir un plan de ce donjon après moult sacrifices, le grand jour était venu.

Georges s’élança sur la route, décidé à terminer ce donjon ou à y mourir. Il n’avait que 5 parchemins de sauvetage inopiné, et ne pouvait donc se trouver en danger de mort imminente que pour un total de 5 fois. Après quoi, la mort mettrait un terme à tout ce temps de préparation, à ces sommes astronomiques de crédits dépensés et à ces efforts de malade qu’il avait fournis pour ne laisser aucun point obscur dans sa stratégie. Après tout, il s’apprêtait à s’aventurer dans un donjon de niveau 100~110 ★★★, seul. C’était quelque chose de complètement stupide, impossible, dément. Ce donjon avait une somme totale autorisée de 550, ce qui signifiait qu’il était calculé pour 5 personnes de niveau 110, et les trois étoiles de difficulté annexe demandaient des explorateurs bien particuliers. Non pas des aventuriers, non pas des confirmés, pas même des vétérans, mais bien des héros ! Le labyrinthe de la Folie était prévu pour cinq héros de niveau 110 ! Et tout en s’avançant vers son destin, Georges, héros de niveau 110, transpirait en y repensant.

Mais quelque part dans sa tête résonnaient des mots, depuis tout ce temps…

[Le Mal à la Source – Quête Cachée de Classe]

[Le dernier Seigneur de Grimheim a perdu son royaume, son armée, sa famille et sa vie lorsqu’il a provoqué la fureur d’un boss de donjon, qui lui a reproché d’oser l’attaquer avec des milliers d’hommes. Vous avez rencontré son esprit meurtri au fond des bois de la Larme de Brume, qui ont poussé sur les ruines de son royaume déchu. Le monstre qui est venu à bout de sa légende n’est plus, mais il vous a demandé de rendre justice sur le premier boss suffisamment puissant pour que sa mort apaise l’âme du Seigneur. Vous devrez combattre à la loyale, et ne pas l’attaquer à plusieurs, ou les reproches passés seront toujours de mise. Lorsque sa vengeance sera accomplie, il vous transmettra le savoir qu’il a accumulé dans son esprit et son corps pendant les longues années de son règne.]

[Objectif de quête : Eliminez le boss d’un donjon de niveau 100 ★★★, en solitaire.]

[Récompense de quête : classe cachée.]

…Au fond de sa tête résonnaient des mots savoureux et attirants. Une quête cachée ! On disait qu’une personne sur plus de cent mille avait accès à ce genre de quête, et celle-ci était bien particulière, elle allait lui permettre d’obtenir une classe cachée, réputée bien plus puissante que les classes de base que les aventuriers devaient choisir lors de leurs débuts. En plus, elle ne possédait pas de limite dans le temps ; l’esprit du Seigneur n’allait pas se sauver ! Et pour couronner le tout, il n’y avait pas de malus d’échec… S’il mourrait en essayant, il ne perdrait pas la quête et ne serait pas lésé pour l’avoir échouée. En réalité, il était persuadé qu’il ne pouvait pas l’échouer, et qu’il la possèderait jusqu’à ce qu’il parvienne à la mener à bien… Ou que quelqu’un d’autre le fasse avant lui.

Le Labyrinthe de la Folie fut bientôt en vue. Georges était fin prêt à en découdre. Il avait acheté, il avait espionné, il avait supplié, il avait travaillé, il avait aidé… Tant de choses qui lui avaient permises de parfaire sa connaissance du donjon sans avoir à y mettre les pieds. Il en connaissait désormais les couloirs, les monstres, les pièges, les coffres… Gorges savait désormais comment se battaient les monstres, ainsi que l’échelle de dégâts qu’ils étaient capables d’infliger. Il s’était assuré plusieurs pièces d’armure hétéroclites ; des brassards de mithril capable de parer les lames des Chevaliers-Lézards ainsi que leurs morsures venimeuses. Un plastron de cuir de Troll renforcé par de la maille de mithril, afin d’arrêter les attaques d’estoc. Ainsi, il n’avait que peu à craindre des archers Reptiliens, des espèces de dinosaures bipèdes qui adoraient par-dessus tout chasser à l’arc.

Ses bottes, forgées en mithril également, étaient lourdes et l’empêcheraient d’être repoussé par les Colosses Sang-Froid, qui éprouvaient un malin plaisir à envoyer les aventuriers imprudents dans un abysse de ténèbres hurlantes et acérées. C’était l’endroit qui lui faisait le plus peur, parce que chuter dans ces trous signifiait la mort assurée, peu importait les parchemins de sauvetage imminent ou les potions de soin. S’il tombait, il ne remonterait pas.

Même le boss… Bien que personne n’ait eu la chance de le rencontrer, certains groupes avaient réussi à obtenir dans le donjon des indices sur ce qu’il aurait pu être. Et en les rassemblant, Georges avait conclu qu’il s’agissait d’un reptile, très probablement d’un dinosaure, voire d’un démon à sang froid.

Et Georges s’était équipé en conséquence. Il connaissait si bien le donjon, en théorie du moins, qu’il était déjà persuadé d’en finir au plus vite, et il se voyait déjà face à un dinosaure géant. Il était sincèrement convaincu qu’il allait avoir sa chance face au boss des lieux.

 

*

 

Le Labyrinthe de la folie. Son entrée ne payait pas de mine, et n’était qu’un arbre creux, sous lequel il fallait se baisser pour entrer.

Mais une fois passées les moisissures et l’humidité sur moins de deux mètres, le sol chutait, et empêchait quiconque de se retenir, faisant tomber les pauvres aventuriers sur plusieurs dizaines de mètres sous le sol. Et là-dessous, c’était clairement un autre monde.

Il n’y faisait pas spécialement sombre, une lumière ambiante tamisée était émise par les murs de vieille pierre et se reflétait dans les innombrables flaques d’eau que l’on trouvait au sol. C’était bien comme il l’avait entendu, et il ne faisait nul doute qu’il s’agissait là d’un environnement idéal pour des reptiles. L’architecte lui-même devait avoir un sacré talent, parce qu’il était estimé que le donjon entier était réparti sur trois à quatre étages, et chacun d’eux était aussi grand qu’une dizaine de stades de football.

— Ha ! Malgré les dizaines d’années que j’ai passées ici, je n’ai toujours pas oublié ce qu’était le foot… Merde ! Ça me manque !

Georges était un fan inconditionnel de football, et supporter indéfectible d’une équipe du sud de la France des années 1920, qui n’existait probablement déjà plus. Et il s’en fichait de toute façon, il n’aurait jamais plus l’occasion d’aller voir un match.

— Allez. Si je me fie à la carte, les escaliers vers le niveau inférieur sont là-bas… Mais si je passe par là, je vais tomber dans un piège et me faire attaquer par des Archers. Il faut que j’évite tout affrontement inutile. Je vais donc voir si ce que m’ont dit ces gars de l’équipe de Blomo est vrai.

Georges replia sa carte avant de la ranger dans une poche intérieure de son armure de cuir, et s’avança vers un coin de mur. Il poussa sur l’une des pierres, qui présentait moins de mousse que les autres, et celle-ci s’enfonça facilement.

Des vibrations secouèrent les environs tandis qu’un passage s’ouvrait devant lui.

— Il y avait bien un raccourci, alors… Et juste à l’entrée du donjon !

Goerges s’engagea dans le tunnel étroit au bout duquel il pouvait déjà apercevoir un escalier sombre qui descendait dans les profondeurs.

— Génial. Un niveau passé sans problème.

Gorges était ravi. Un niveau passé, c’était de l’énergie économisée, des potions et la durabilité de son équipement aussi. C’était une grande chance que l’information concernant le raccourci se soit avérée exacte.

Ce que Georges ignorait, c’était que la pierre sur laquelle il avait appuyé ne faisait pas qu’ouvrir un passage vers la suite de son périple ; l’architecte du donjon aurait été le dernier des idiots s’il avait fait ça. Il avait volontairement créé un raccourci et disséminé des indices dans le donjon, sous la forme de notes portées par les monstres, afin de permettre aux aventuriers de le découvrir et de baisser leur garde.

Pourquoi ? On pourrait se le demander.

Et Gorges allait bientôt le découvrir.

Alors qu’il arrivait en bas de l’escalier en colimaçon qu’il venait d’emprunter, Georges le héros se retrouva face à une porte barrée par plusieurs lourdes chaînes. Il était impossible d’entrer depuis l’autre côté, et il dut passer plusieurs dizaines de minutes rien qu’à faire tomber les chaînes.

Criiiiik

La porte s’ouvrit en grinçant. C’était une lourde porte de bois armée de métal, et Georges dut pousser de tout son poids pour la faire bouger, faisant tomber de la rouille et de la crasse des gonds tandis qu’ils se décoinçaient.

Georges passa la tête prudemment, afin de reconnaître les lieux. Il était descendu d’un étage, et il ne pouvait pas faire preuve de témérité. Après tout, le moindre monstre s’avèrerait plus dur que tout ce qu’il avait eu à affronter à ce jour. Il était bien conscient qu’il fallait cinq héros comme lui pour venir à bout du donjon, après tout. Mais il fallait qu’il y parvienne seul.

SWISH !

Georges retira sa tête au tout dernier instant. Une lame venait de s’abattre à l’endroit exact où se trouvait sa nuque une demi-seconde plus tôt. Il recula en catastrophe, titubant et tombant au sol, les fesses et les mains dans l’eau. Toujours assis et la surprise se mélangeant à l’effroi causé par une attaque soudaine, il recula à moitié en rampant, à moitié en ne parvenant pas à se relever. Il se retrouva vite collé à l’escalier, et vit apparaître une tête dans l’encadrement de la porte entrouverte.

Les yeux jaunes ornés d’une fente noire ; la peau écailleuse, d’un ton allant du vert au noir selon les reflets de la lumière ; une armure de cuir à bandes recouvrait une partie de son corps. Il brandissait une épée longue, celle-là même qui avait essayé de séparer la tête de Georges de son corps… Un Chevalier-Lézard le regardait en tirant la langue par intermittences.

Le monstre n’était pas censé être là, Georges avait beau calculer les emplacements qu’il connaissait ainsi que les rondes des différents monstres, aucun ne devait être présent devant cette porte.

La seule explication plausible… Oui…

— J’ai activé une alarme. Et merde !

Maintenant, tout ce qu’il avait appris sur le donjon et ses occupants risquait d’être chamboulé, et de lui mettre des bâtons dans les roues. Est-ce qu’il arriverait même à passer cet étage ? Arriverait-il jusqu’au boss ? Pourrait-il avoir une chance de mener sa quête à bien ce jour-là ?

— Pas le choix, hein…

Le monstre venait déjà d’entrer dans la petite pièce, et il laissait entendre un petit sifflement strident tandis qu’il s’approchait de lui. Georges attrapa son bouclier et dégaina son cimeterre, prêt à en découdre.

— Tu vas regretter d’avoir sous-estimé la puissance d’un Thane, mon gars !

En prononçant ces mots pour se donner du courage et tenter de déstabiliser son ennemi solitaire par une attitude affirmée, Georges leva la main qui tenait son bouclier, et des étincelles bleues s’y formèrent.

— Colère de Thor !

Comme si le plafond à plus de quatre mètres au-dessus de leur tête était fait de nuages noirs et menaçants, un épais éclair blanc et bleu descendit en fendant l’espace. Il frappa de plein fouet le Chevalier-Lézard, qui n’eut pas le temps d’esquiver une attaque qui descendait sur lui presque instantanément.

— Kriiiiiiiiiaaaaaaaaaaaa !

Il hurla en se crispant sous l’explosion lumineuse, et quand tout se calma, Georges avait en face de lui un Lézard à genoux, carbonisé en plusieurs endroits, et haletant. Il tentait de reprendre ses esprits ; il avait subi quelques dégâts légers, mais il était surtout sonné. Cela dit, Georges était certain que ça n’allait pas durer. Il avait utilisé une compétence de sa classe qu’il maîtrisait à la perfection, et était bien placé pour comprendre ses subtilités.

Les Thanes étaient des guerriers, équipés d’une arme et d’un bouclier et ayant juré dévotion à Thor, le dieu de la foudre. Disposant de mana et capables d’invoquer ses pouvoirs extravagants, ils étaient une force de frappe versatile, doués à la fois en combat au corps-à-corps et dans les attaques magiques.

Et il venait d’utiliser une compétence qui infligeait une quantité moyenne de dégâts mais qui étourdissait la cible pendant quelques secondes.

Il profita de cette opportunité pour se jeter en avant, balançant son cimeterre de droite à gauche, cherchant ensuite à le faire remonter sous la gorge du lézard toujours agenouillé.

— Ruée de Sleipnir !

Une de ses compétences d’attaque, qui infligeait deux fois plus de dégâts sur les ennemis étourdis, c’était le combo parfait qu’il avait utilisé un nombre incalculable de fois par le passé.

La lame glissa le long de la peau écailleuse du lézard, et y laissa une marque profonde mais loin d’être mortelle.

— Merde ! Cette peau ! Avec une peau pareille, pas besoin d’armure ! Enfoiré !

Il avait oublié, l’espace d’une seconde, que ce donjon n’était pas de niveau 100~110, mais 100~110 ★★★, et que les monstres qui y rôdaient n’étaient pas à prendre à la légère. S’il fallait être cinq pour le terminer, il fallait en tout état de cause être cinq pour s’occuper des monstres sans trop de problèmes.

Et malgré son talent inné et son entraînement ardu, Georges était désespérément seul. Il venait d’enchaîner une attaque magique et une compétence physique pour faire à peine saigner un seul et unique monstre. C’était complètement dingue. Mais il ne comptait pas en rester là. Tant qu’il pouvait les affronter un à un, il se sentait confiant. Il pourrait s’en sortir, d’une manière ou d’une autre.

Des éclairs crépitèrent dans ses yeux, et alors que le monstre se relevait, Georges chargea, l’épée à la main et le bouclier face à son destin.

Raka
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12 thoughts on “DMS : Chapitre 15

      1. Si tu penses à Odin et au Thane, c’est un peu plus particulier que ça. Je me réfère pour la stabilité et la cohérence de l’histoire à des classes que je connais (tant en gameplay qu’en background) sur le bout des doigts et que j’ai allègrement récupérées du jeu Dark Age of Camelot sur lequel j’ai un peu passé 15 ans, mdr.

          1. Gunts92 > c’est pas comme si c’était le cas … je t’invite à regarder la page de présentation de ce que tu lis 😉

  1. Merci pour le chapitre, c est simpa cette classe lier à la mythologie nordique j’espère que tu écriras le même principe avec d autre mythologie

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