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Chapitre 15 – Georges Delatour (2)

 

Haaa… Haaa… Ha…

Georges était éreinté. Un genou à terre, s’appuyant sur son épée pour ne pas tomber de fatigue et sa réserve de mana presque complètement épuisée, il était venu à bout d’un Chevalier-Lézard. Un seul et unique monstre lui avait donné du fil à retordre et avait mis sa vie en péril à plusieurs reprises.

Mais ça en valait la peine ; en tout cas le pensait-il.

Il regardait le cadavre du monstre à ses pieds. Tranché, brûlé, percé, il était en piteux état. Georges avait été obligé de tout donner pour le terrasser, et il baissa les yeux vers l’épée du monstre ; son armure était lacérée et inutilisable.

Georges posa la main sur la longue lame sur laquelle coulait le sang qui n’avait pas encore séché et ce à quoi il s’attendait apparut dans son esprit.

[Trancheur de Chevalier-Lézard]

[Arme : Epée longue]

[Rareté : Rare ★★]

[Attaque : 550~610]

[+500% de dégâts en cas d’attaque surprise]

[L’épée d’un Chevalier-Lézard, gardien du Labyrinthe de la Folie. Cette arme est le testament de celui qui avait pour mission d’empêcher quiconque de traverser les raccourcis au travers de son antre.]

 …

Georges était quelque peu déçu, et soulagé en même temps. Il s’agissait d’une épée rare, et pour un donjon de niveau 100~110 ★★, il s’attendait à ce que même les monstres de base soient mieux équipés que ça. Il savait très bien que l’équipement que portaient les monstres et qu’ils lâchaient lorsqu’ils mouraient n’avait rien d’aléatoire. Il s’agissait d’un équipement fixe, contrairement à ces coffres que l’on pouvait trouver disséminés dans les donjons. Cette épée avait probablement été donnée à ce monstre parce qu’il tendait une embuscade à la sortie du raccourci, et qu’elle était parfaite pour ça.

Mais pour un donjon de cette catégorie, qu’un monstre se promène avec une épée rare était quand même un peu déconcertant.

Cela dit, Georges était soulagé, également. La description de cette épée lui laissait entendre qu’il s’agissait d’un Chevalier-Lézard particulièrement puissant, même au sein de son espèce. Il avait un rôle précis, et son arme en attestait.

Et Georges avait réussi à abattre un tel monstre, même s’il avait dû y mettre jusqu’au dernier effort.

Georges fit disparaitre l’épée, qui n’était pas faite pour lui – trop grande, il aurait dû l’utiliser à deux mains, et il n’était pas du tout versé dans l’art des attaques surprises – et la stocka dans cet espace mystérieux au sein de sa conscience.

Il ne savait rien du fonctionnement des architectes et ne pouvait donc pas savoir qu’il s’agissait du même endroit que celui où était stocké l’ensemble des schémas que possédait un maître de donjon. Pour lui, c’était simplement naturel.

Georges avala une potion de soin une fois qu’il se sentit à même de continuer l’exploration. Se reposer là n’allait pas être une solution à long terme, et il devait avancer. Au moins, il avait déjà passé un étage entier, pour le prix d’un seul et unique combat. Il s’agissait là d’une bénédiction divine, assurément.

Il s’engagea dans l’étage prudemment, en prenant garde à ne pas croiser d’autre Chevalier-Lézard comme celui qu’il avait occis un peu plus tôt – il n’était pas sûr de pouvoir en vaincre un deuxième dans la foulée – et se dirigea en se basant sur la carte du donjon.

 J’espère vraiment qu’elle est correcte… Sinon je le retrouve et je la lui fais bouffer. Parole de Thane.

Il grommelait tout en avançant, pointant les murs et le sol avec la pointe de son cimeterre afin d’y déceler d’éventuels pièges. À trois reprises, il déclencha ce qui l’aurait mené à une mort certaine s’il n’avait pas été averti du type de piège qui l’attendait.

Au bout de quelques dizaines de minutes de marche, il s’arrêta pour faire une pause, et s’adossa à un mur.

 Pff… Regarde-moi ça… Si je n’avais pas la carte, je me perdrais à coup sûr… Celui qui a dessiné cette carte doit être un génie de l’exploration.

Il baissa les yeux sur le grand papier déplié devant lui et calcula son itinéraire.

 Bon. Il faut que je passe par là, et que je tourne ici. Ensuite, je devrais être proche des escaliers.

Mais quelque chose clochait définitivement. Georges n’était pas né de la dernière pluie, et n’en était pas à son premier donjon.

 …il n’y a pas d’ennemis…

Même en admettant que le Chevalier-Lézard n’était que le seul et unique garde du raccourci, le combat qu’il a mené contre lui aurait dû ameuter une horde de monstres à plusieurs dizaines de mètres à la ronde. Or, il régnait toujours là un silence de mort, il n’en avait pas croisé le moindre. En réalité, il avait esquivé tous les archers Reptiliens en embuscade à l’étage de l’entrée en passant par ce raccourci gardé par un monstre surpuissant. L’architecte du donjon considérait ce raccourci comme un piège, et s’étonnait d’ailleurs qu’un explorateur ait réussi à le vaincre seul. C’était à cause de ce Chevalier-Lézard que cet étage n’était pas plus gardé que ça.

 Tant pis. Je dois me faire des idées. Il y en aura en-dessous.

Georges se leva et suivit le chemin qu’il avait décidé pour se retrouver face à une cage d’escaliers en pierre.

 Et voilà. Si je n’avais pas cette carte, j’aurais pu y passer des jours.

Remerciant encore une fois l’excellente idée qu’il avait eu de se préparer à ce point, Georges s’élança dans les escaliers, et descendit marche après marche vers l’inconnu.

En effet, ses informations allaient bien au-delà de cet étage, mais la carte s’arrêtait là. Il allait devoir trouver son chemin seul, désormais.

Dès qu’il mit un pied à l’étage du dessous, une étrange sensation l’oppressa. Il s’agissait clairement de l’étage auquel il allait rencontrer les Colosses Sang-Froid, des créatures ressemblant à s’y méprendre à des statues de pierre grise et ne possédant aucune fioriture. Leur taille – ils mesuraient presque trois mètres de haut – et leur poids considérable en faisaient des ennemis lents mais redoutables. Les informations que Georges avait rassemblées sur eux indiquaient clairement qu’ils possédaient une résistance toute particulière à la magie et que personne n’était parvenu à les faire reculer par la force jusqu’alors.

Gerges sentait un courant d’air malsain, et il ne pouvait venir que des profondeurs abyssales, ce qui signifiait donc que les Colosses n’étaient pas très loin. C’était leur terrain de prédilection, après tout. Un pont en pierre tortueux reliait les deux parties de cet étage, et les Colosses se trouvaient dans les alentours, cherchant à pousser les explorateurs malheureux vers une mort assurée.

 Quand faut y aller…

Georges ne laissa pas ce frisson qui lui parcourait l’échine l’empêcher d’aller de l’avant. Il raffermit sa prise sur son arme et s’engagea dans l’étage, en direction de ce que les explorateurs avaient baptisé Le Pont de Toutes les Morts. Personne n’avait réussi à aller au-delà. Georges espérait ouvrir la voie, tel un pionnier intrépide ; il avait confiance. Ses bottes le fatiguaient à chaque pas, mais elles étaient assez lourdes – du moins l’espérait-il – pour empêcher les Colosses de le repousser.

 

*

 

Bientôt, Georges aperçut exactement ce qu’il s’attendait à voir. Le fameux pont de pierre, simple voie de moins de 2 m de large et bordé par deux précipices obscurs, qui, il le savait, étaient sans retour. S’il tombait, il réapparaîtrait au temple local et risquait de perdre une pièce d’équipement. De plus, le temps perdu permettrait sans doute à l’architecte du Labyrinthe de changer la donne concernant ce raccourci et le Lézard qui en gardait la sortie. Non. Mourir ici était hors de question.

Georges avança jusqu’au bord du précipice et regarda en bas, plus par principe que pour nourrir un vain espoir. Et comme les rumeurs le racontaient, il était bel et bien sombre et semblait sans fond. À première vue en tout cas, parce qu’y tomber signifiait la mort en un coup, quel que soit l’équipement, quelle que soit la résistance ou les compétences.

Un Colosse à proximité se tourna vers Georges et alors que ce dernier l’entendit bouger d’un bruit de pierre crissant et raclant sur la pierre, le monstre ne lui laissa pas le loisir de l’observer dans le détail et s’avança vers lui d’un pas lourd et déterminé.

 Le sol tremble… Il est vraiment monstrueux. Est-ce que j’arriverai à le retenir ? Et après ?

Georges venait de réaliser quelque chose d’important. Il avait tant et si bien préparé des contres à chaque créature connue du Labyrinthe et il avait mis tant de temps à mettre au point un moyen de résister aux Colosses qu’il avait négligé la façon dont il allait ensuite les combattre et s’en débarrasser.

 Merde !

On aurait pu s’attendre d’un monstre de puissance pareil qu’il cherche à écraser sa victime, à lui balancer ses énormes bras de pierre avec une violence à même de lui broyer les os et de le transformer en bouillie sanglante. Pourtant, il se contenta de se pencher légèrement en avant, les bras tendus, pour pousser le pauvre Georges vers le bord. Confiant en sa puissance, le Colosse ne comprit pas pourquoi Georges ne bougeait pas ; et le principal concerné ne trouvait pas de solution pour sortir d’un blocage dans lequel il s’était lui-même placé.

 Merde, merde, merde !

 Pouuuuusse !!

 Alleeeeeez !! Recule, sale caillasse !

Le Colosse ne parvenait pas à le faire reculer, mais en retour, il n’arrivait pas à le faire bouger non plus. Ses bottes lui permettaient de rester ancré au sol, mais il ne possédait pas la force nécessaire pour mettre la pression à son adversaire. Georges finit par s’énerver et lancer des attaques magiques en désespoir de cause.

 Colère d’Odin !

Une cascade de foudre tomba sur la tête du géant de pierre, qui craqua et crépita sous la puissante attaque foudroyante mais ne broncha pas outre mesure.

 Bordel ! Comment on te pète la gueule, à toi ?!

Evidemment, il se rendait compte plus que jamais du besoin de coéquipiers pour un tel donjon. Mais il ne pouvait pas s’y faire, il désirait ardemment retourner voir le Seigneur de Grimheim et obtenir une classe cachée. Il serait un sur cent mille à avoir une classe plus puissante que les autres, il n’allait certainement pas laisser passer ça. C’était une occasion qui ne se représenterait probablement jamais.

 Tu vas voir, toi !

Georges s’énerva et commença à pousser de plus belle. Mais la réalité était cruelle, et rien n’y fit. Il était à des lieues de pouvoir ne serait-ce que bouger son ennemi.

 Haa… Haa… Mais quoi ! Si je ne peux pas te dégager de là, je fais quoi, moi, hein ?!

S’il osait bouger un peu, il perdrait son appui, serait déséquilibré et finirait au fond du trou pour de bon. Le précipice n’était qu’à quelques centimètres derrière lui, et même s’il n’avait pas le loisir de se retourner pour le constater, il pouvait sentir le souffle glacé et sinistre remontant des tréfonds.

 Ha… Si… Si seulement… je pouvais atteindre… le boss… J’en… Haaaaaa !

Il tenta de pousser une fois de plus, mû par le désespoir, mais ce fut encore en vain. Il s’épuisait déjà, bloquant à l’aide de ses bottes lestées plusieurs centaines de kilogrammes de pierre qui ne désiraient que le faire reculer et tomber.

 Raaaah… Si… Je… Le boss… Aucune chance contre… moi… C’est sûr…

Georges commençait à sentir son esprit tournoyer. Il manquait de souffle et d’endurance, mais n’avait aucun moyen de s’en tirer. Le Colosse pouvait rester là pendant des siècles à attendre, alors que lui n’était qu’un humain, et n’aurait pas l’occasion de survivre quelques minutes de plus. C’était la fin.

Soudain, une voix se fit entendre, résonnant au travers des ténèbres comme un coup de marteau frappant le métal chauffé à blanc. Sombre et froide, décidée et autoritaire, une voix qui imposait le respect.

 Alors comme ça, on s’imagine avoir une chance contre moi, dans ma demeure ? Ha ha ha, intéressant…

L’air vibrait sous le poids des mots qui s’écrasaient sur les épaules de Georges comme autant de chapes de plomb. Alors qu’il se sentait partir et qu’il s’effondrait déjà, à la merci du cruel destin qu’allait lui imposer cet ennemi impassable, un flash lumineux fendit l’air comme sorti de nulle part, et trancha la statue géante en deux, de la tête au bassin.

Le monstre tomba en morceaux sous les yeux ébahis et encore embrumés de Georges, qui pensait déjà qu’il était en train de rêver.

 Que…

La voix tonna à nouveau, précise et imposante.

 Nul n’est parvenu jusqu’à moi. Et pourtant, tu dis que je n’ai aucune chance contre toi ? Viens me montrer, humain, viens et goûte au désespoir.

Un cercle lumineux apparut au sol sous les pieds de Georges. Il n’eut d’autre choix que de rapidement avaler une potion afin de tenter de recouvrer un minimum ses sens avant de comprendre qu’il était en train de se faire téléporter.

Tout devint lumineux, puis s’assombrit. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il tourna la tête et se rendit compte qu’il se trouvait dans une espèce de palais rudimentaire, comme auraient pu en construire les hommes des cavernes s’ils avaient construit des palais, ce qui n’était sans doute pas le cas.

Soudain, il sentit un mouvement sur le côté, et tourna rapidement les yeux.

Il tomba nez à nez avec un monstre de plus de trois mètres de haut, un croisement entre un dinosaure et quelque chose de plus humain mais bel et bien reptilien. Il se tenait là et le regardait d’un œil glacial, les mains posées sur la hampe de cette énorme hache… Georges devait lever les yeux afin de pouvoir observer ce monstre dans toute sa splendeur.

 Le boss… ?

Cette allure, cette présence, cette puissance. Sans bouger, il dégageait quelque chose d’unique et de dominant, de carnassier même. Georges n’en revenait pas. Par quel coup du destin avait-il rejoint la salle du boss ? Parce que la créature qu’il avait sous les yeux était bel et bien le boss du donjon, il en aurait mis sa main au feu.

 Comment…

Sur la gueule du lézard géant se déchira un sourire pointu.

 Tu prétends pouvoir ne faire qu’une bouchée de moi, alors que tu ne peux pas passer ces simples Colosses ?

Il fit un pas en avant, soulevant sa hache comme un fétu.

 Alors montre-moi. Amuse-moi, allez.

Georges n’en revenait pas. Il était le premier à voir cette créature depuis l’apparition du donjon, il y avait plus d’un an déjà. Et tout ça pour quoi ? Il sentait bien qu’il n’allait pas être à la hauteur. C’était impossible. Strictement impossible. S’il était celui qui avait abattu le Colosse d’un seul coup, alors toute lutte était complètement dérisoire.

Georges ne dit rien et ses épaules s’affaissèrent.

Tandis que le boss était sur le point de soulever son arme pour l’abattre sur sa pauvre victime, une voix plus calme et posée s’éleva d’un coin sombre de la salle.

 Un an déjà… C’est vrai, ça fait longtemps que je n’ai pas dégourdi mes muscles.

Une silhouette sortit de l’ombre d’un pas calme, tandis que le boss s’était arrêté en plein mouvement, comme par respect, …ou peur.

 Aujourd’hui, le boss, ce sera moi.

L’homme en tunique chinoise, dont la peau rouge et les cornes protubérantes définissaient la nature, observa Georges pendant quelques secondes, les mains dans le dos et le regard assuré.

Georges fut pris au dépourvu. Un architecte… L’architecte du donjon !

 Qu… Qui es-tu ? Dis-moi quel est ton nom, enfoiré.

L’architecte haussa les sourcils, surpris ; mais il adressa un sourire agréable à l’explorateur et tout en s’étirant les épaules en vue d’un combat – ou d’une mise à mort – lui répondit simplement :

 FeiLong. Enchanté.

Raka
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15 thoughts on “DMS : Chapitre 16

  1. Merci pour ce chapitre 

    Je me doutais un peu que c’était le donjon de FeiLong ; après tout, c’est le seul personnage qui est amical avec l’héroïne et qui possède un donjon.
    Maintenant on peut voir toute sa badassitude.

  2. Je savais que c’était FeiLong, mais son donjon… Quel salaud, ses géants de pierre et un gouffre sans fond, c’est abusé (certains aventuriers peuvent voler ?)

  3. merci pour le chapitre

    mais ou est rendus notre héroine ? un gang de mec une nana une ruel dit moi quand méme pas quelle ce fais …

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