DMS : Chapitre 149
DMS : Chapitre 151

Chapitre 150 – Bienvenue à Zombieland (3)

 

 

Je me rendis à la cantine avec les autres élèves et rejoignis la file d’attente ridiculement longue. Tout en patientant, je décidai de jeter un œil aux quatre coins de la salle pour voir si j’y trouvais quelque chose d’intéressant.

Aux tables les plus proches de là où l’on distribuait la bouffe, je vis Val, qui remarqua que je la regardais et me fis un léger signe de la main. Elle était attablée avec des types, des bouchers vu leur look. Au premier regard, ils apparaissaient comme le rassemblement classique de connards qu’on aurait pu voir dans n’importe quelle université sur Terre. Le genre à bizuter des petits nouveaux dans leur super confrérie tant adulée. Mais rapidement, je remarquai qu’ils étaient plus tendus que nécessaires ; ils jetaient des coups d’œil rapides par-delà les épaules de leurs potes, tout en discutant des détails de la fête de bienvenue qui allait arriver. Un mec plein de taches de rousseur et un bandeau autour de la tête observait froidement la ligne dans laquelle je me trouvais, nous qui attendions de nous faire servir notre pitance. Tous semblaient comme à cran, ils attendaient quelque chose. Mais quoi ?

Je tournai la tête vers les tables le long du mur, auxquelles mangeaient silencieusement les Ehrlichs. Ils n’étaient clairement pas aussi sociaux entre eux que l’étaient les bouchers, rassemblés en groupes de deux ou trois. Je reconnus quelques camarades du cours de biologie qui dévoraient des trucs bruns ragoutants, et je me laissai une note mentale afin de prévoir un repas moi-même pour le lendemain… si je devais toujours être là ; la persona m’avait dit que ce n’était qu’une question de temps.

Dans le coin le plus éloigné, je remarquai Xiaolong et ses amis, sans doute. Ceux dont il m’avait tant parlés que je pouvais les reconnaître de visu. Tous riaient et plaisantaient ensemble. Je leur fis un signe de la main, mais Xiaolong ne m’avait sans doute pas vue.

Du côté de la royauté, une dizaine de filles bien habillées et maquillées. Il n’y avait rien à dire d’elles. Je pense que s’il y avait bien un groupe duquel je me sentais infiniment éloigné dans cet établissement, il s’agissait de celui-ci. Paillettes et chihuahuas, rouge à lèvres et vernis à ongle tout en exhibant sa nouvelle tenue de la journée en bavant faussement sur celle de sa voisine ? Très peu pour moi. Je n’avais jamais été comme ça, et je ne comptais pas le devenir.

Soudain, une voix attira mon attention, derrière moi.

—  Eh, lança un grassouillet à son voisin de file. Tu as entendu ce qui est arrivé pendant la matinée, dans le couloir ?

— Ouais, mec, répondit son pote, un type à lunettes et aux dents de lapin. Tout le monde le sait. Une fille a pissé dans la poubelle. Raconte-moi plutôt un truc que je ne sais pas.

— Nah, lui fit l’autre, d’un seul coup bien plus sérieux. J’ai entendu qu’elle avait chié, mec. Patrick m’a dit qu’il l’avait entendu du type qui connait quelqu’un qui l’a vu de ses propres yeux.

— Pas moyen.

— Totalement. C’était juste devant la salle de Nelson, le prof d’histoire. Ce mec a tourné au coin du couloir et l’a vue, elle était juste assise sur la poubelle, genre rien à foutre – Eh, regarde-moi chier en public, tralala.

— Elle a dit ça ?

— Mais non, merde. Mais après qu’elle eût fui en courant, il a regardé dans la poubelle et c’était là…

Il fit une pause dramatique, comme si son histoire était la plus passionnante au monde.

— Une crotte géante. Il a raconté qu’elle faisait la taille d’un bras de bébé !

— Quoi ? C’est dégueulasse. Genre, faut vraiment être atteint. Tu penses qu’elle était infectée ?

— Double chiffre, pour sûr. Elle était au moins à 10, si tu veux mon avis. Faut pas être dans son état normal pour faire ça. Ils devraient juste faire un test sur elle et l’exclure. On ne peut pas laisser une putain de nana infectée courir partout et chier dans les poubelles. C’est pas sain. C’est pas sain.

Le grassouillet m’aperçut en train de les observer et m’adressa un lent et sérieux hochement de la tête. Il avait ce genre de poil au menton qu’ont les gamins qui ne se sont pas encore rasés pour la première fois.

— Eh, ça va ? demanda-t-il.

— Uh… Ouais ? me surpris-je à répondre. Pourquoi donc ? J’ai l’air de ne pas aller bien ? Je vais pas aller… enfin, dans une poubelle…

— Hey, se mit-il à sourire. Il y a des sacrées beautés cette année. Je suis Dillon, et voici Kyle. Alors ? Quel cours as-tu fréquenté ? Quel est ton professeur préféré ? Où vas-tu t’asseoir pour manger ? Tu veux manger avec nous ?

Une femme de cuisine avec un bonnet blanc sur la tête et des gants en plastique blanc sur les mains l’interrompit.

— Substitut protéiné ?

Je jetai un œil sur ce qu’elle proposait : une espèce de substance orange et visqueuse qui dégoulinait le long de sa spatule. Je secouai la tête.

— Euh, non merci… Il n’y a pas de viande ?

Elle haussa un sourcil, comme si je venais de lui raconter une blague de file d’attente qu’elle avait déjà entendu un million de fois.

— Trouve-moi du bétail et tu auras de la viande, lâcha-t-elle en retirant sa spatule pour la proposer au gars derrière moi, Dillon, qui hocha la tête avec envie.

Je fis glisser mon plateau-repas vide jusqu’à la zone suivante. Une autre dame, presque le portrait craché de la première, me proposa une salade.

— Mélange vegan ? soupira-t-elle en voyant mon plateau vide.

— Oui, merci.

À défaut d’autre chose, je n’allais pas avaler ce machin orange dont la texture visqueuse et gluante me faisait plus penser à Friderik qu’à un truc comestible. Au moins, une salade, ça ferait l’affaire.

Elle attrapa, à l’aide d’une pince, les dernières feuilles d’un truc vert et jaune avant de se tourner.

— Eh, Carole, chérie, tu veux bien m’apporter une autre fournée de salade bio-fermentée ?

La Carole en question, qui traînait un peu la patte, déposa une pile d’assiette sur une table, non sans alerter l’ensemble du réfectoire par un violent bruit. Elle se retourna vers l’autre femme et grommela quelque chose d’incompréhensible avant de s’en retourner, toujours de sa jambe raide qui ne me disait rien qui valût, vers la cuisine. J’espérais qu’elle n’était pas elle aussi infectée, comme le vieil homme de ménage. Si les infectés couraient les rues, on n’en avait pas fini.

— On dirait que quelqu’un est de très mauvais poil, aujourd’hui. Assis-toi, chérie, elle va vite revenir.

— Excusez-moi, madame, lança Kyle. Savez-vous de quelle marque est cette salade ? Tout ce que fait Bio-9 provoquer des réactions allergiques, chez moi.

— Je pense que ça vient de chez Gen-5, mais pour être sûr, tu devrais éviter d’en manger, chéri.

Trente secondes plus tard, Carole revint de la cuisine avec une marmite emplie de salade bouillie, ou en tout cas, c’était ce qu’il me semblait. Elle le lâcha violemment au bout de la table de service.

— Il était temps, commenta la serveuse en plongeant sa pince à salade dans le récipient. Maintenant, ramène ce bac vide dans la cuisine et accélère, tu veux ? Tu es plus lente qu’une tortue sous somnifères.

Comme elle continuait à rabaisser sa collègue pas très affable, je remarquai que les bras de cette dernière étaient décidément trop raides, ce qui l’avait obligée à lâcher les assiettes et la marmite d’une façon maladroite et bruyante. Sa tête s’inclina à un angle étrange, comme si elle se demandait si elle allait vraiment choisir ceci ou autre chose, et que le choix était compliqué. Ses yeux, de plus en plus vides, reflétaient une absence de conscience.

Putain, elle était vraiment infectée ! Mais d’où ?! Quand ?! Vu son état, il s’agissait soit d’une blessure mineure datant de jours et de jours auparavant, ou d’une blessure sévère et très récente – et il n’y avait pas de trace de sang sur ses vêtements, alors c’était très peu probable.

Tout passa soudain au ralenti devant mes yeux. Carole sauta – aussi bien qu’une girafe paraplégique – vers sa collègue. Toutes deux tombèrent au sol, l’une sur l’autre, la calotte de protection qui recouvrait les cheveux de la pauvre victime glissant au sol et révélant un crâne bien dégarni, parsemé de cheveux grisonnants.

— Au secours ! hurla-t-elle en tentant de repousser des deux mains le visage de l’infectée qui tentait de la mordre. Dégagez cette vache de moi !

Aussi étrange que cela pût paraître, personne ne bougeait. Tout le monde était comme sidéré et chacun observait la scène comme on aurait pu regarder la télé, avec ce soupçon d’incrédulité et de fascination qui pouvait faire oublier la dangerosité de la situation.

— Mais aid… Oh, merde !

Leur dire d’aller l’aider était inutile, il n’y avait pas de temps à perdre. Je bondis au-dessus de la table de service pour me glisser de l’autre côté. Manœuvrant derrière le zombie, j’attrapai la lanière de son tablier, derrière sa nuque, et tirai un coup sec pour la dégager de là. Heureusement, ça donna à la pauvre victime un peu de répit en tirant la tête du monstre vers l’arrière. Malheureusement, cette même tête se tourna rapidement pour porter son attention sur moi, désormais à portée de dents ! Elle se retourna rapidement et parvint à m’envoyer un coup d’ongles – putain, aussi tranchants que des lames – sur l’avant-bras. Je sautai en arrière par réflexe, mais trop tard, la blessure était faite.

Bordel. Je venais de me faire blesser par une infectée de haut niveau. C’était mauvais. Très mauvais. J’allais devoir vite aller me faire inoculer ce fameux sérum qui faisait convulser… en espérant qu’il fonctionnerait.

Soudain, un boucher au visage carré et sévère apparut près de moi, un énorme pic à viande dans la main.

— Hé, Carole, lança-t-il en prenant son temps comme un héros à la télé. Je pense que tu n’es plus à sauver, hein ? Et même si on pouvait te guérir, pourrais-tu vivre avec ce que tu as fait ?

Carole tenta de bondir vers lui, mais rencontra le pic à viande, qui pénétra directement dans le crâne, entre les deux yeux. Les bras du zombie tombèrent aussi vite, et son corps entier devint mou et inerte.

Il leva son énorme pic à viande au-dessus de sa tête, comme si le corps qui y pendait ne pesait absolument rien, et l’exhiba à la foule qui se mit à acclamer de tous les côtés.

— Biff ! Biff ! Biff ! chantaient-ils tandis que j’aidais la pauvre victime oubliée à se remettre sur pieds.

Pourquoi les gros durs s’appelaient-ils toujours Biff ? L’avais-je créé ainsi par souci de cliché ?

— Oh, merde, jura la cantinière. C’était quelque chose, hein ?

— Je suis juste contente que vous alliez bien, répliquai-je en retirant une feuille de salade de ses cheveux gris.

— Grâce à toi, chérie, me remercia-t-elle.

Au moins, elle avait le sens de la reconnaissance. Elle attrapa quelque chose dans une de ses poches et me le tendit.

— Tu l’as mérité.

Une balle ? Oui, les balles d’armes à feu étaient ce qui servait de monnaie dans ce monde, ce bunker souterrain où l’argent n’avait pas plus d’utilité que du papier blanc.

— Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’écria Xiaolong derrière moi.

Je me retournai et lui répondis d’un geste de la tête.

— Ce type vient de planter un sac de viande avec l’outil le plus approprié pour ça, un pic à viande, répondis-je.

Biff laissa enfin tomber son trophée empalé et se tourna vers moi.

— Tu m’as offert tout le temps dont j’avais besoin pour aller chercher cette arme, donc tu peux accepter les remerciements de la vieille, me dit-il.

La vieille… Quelle politesse envers une victime.

Je décidai de ne pas répondre, et ainsi se termina mon premier repas à la cantine : le ventre vide.

La cantinière m’offrit bien de me resservir, après ce que j’avais fait pour elle et malgré la règle de restriction des ressources imposant que quoi qu’il arrivât, on ne pouvait pas avoir de deuxième service, mais après ce que je venais de voir de si près, ventre vide ou pas, l’appétit n’était plus là.

Ce que je venais de voir ? Pas l’attaque, non. Pas la victime, pas la mise à mort du zombie. Pas le comportement aberrant de la foule qui n’avait pas réagi. Non.

Cette blessure, la proximité extrême de la mort, la vraie.

Et je me rendis compte que je n’avais vraiment pas envie de mourir. J’avais peur de mourir définitivement.

Alors que nous nous apprêtions à quitter les lieux pour aller nous remettre de tout ça ailleurs, une voix sortit d’un haut-parleur grésillant. Le principal Gupta.

— Puis-je avoir votre attention, s’il vous plaît ? grinça-t-il à travers l’appareil, avant qu’un grésillement strident ne forçât tout le monde à se boucher les oreilles. Comme vous l’avez sans doute remarqué, il y a récemment eu un nombre inhabituellement élevé de… hm, situations concernant les VMs dans notre établissement. Tout le monde doit être conscient que ce n’est pas typique et que nous prenons toutes les mesures nécessaires. Nous prenons ceci très au sérieux et enquêtons sur la nature de ces incidents. À cette lumière, vous êtes tous libérés pour la journée, immédiatement. Les cours reprendront vendredi, et oui, la fête de bienvenue est toujours prévue. Vos parents ont tous été prévenus, et je les ai rassurés : toutes les précautions sont prises vous concernant. Alors vous n’avez pas besoin –

Le chahut provoqué par les élèves se ruant vers la sortie couvrit la fin de sa phrase.

Après avoir échangé des adieux rapides avec Xiaolong et son groupe, celui-ci décida de m’accompagner pour attraper la prochaine navette sectorielle vers chez moi. Tout en attendant qu’elle arrivât, j’entendis des bruits de lutte derrière moi. À cran suite à l’épisode de la cantine, je me retournai d’un coup et vis un large type en train de soulever ce grassouillet Dillon par le col.

— Allez, gros tas. Donne-moi cette balle. De toute façon, tu vas en faire quoi ? La bouffer ? Oh, mais tu en serais capable, ricana-t-il en baissant les yeux vers le gros ventre de sa victime.

— Je… l’ai… gagnée en cours… d’histoire ! bafouilla Dillon, à moitié étouffé.

Je me précipitai vers eux. Pas moyen que je laisse faire un truc pareil. J’étais souvent froide et inhumaine, mais là, c’était du harcèlement pur, et je ne pouvais pas laisser faire ça.

J’attrapai le grand gaillard par le col comme j’avais attrapé le tablier de la VM à la cantine ; par derrière.

— Laisse-le tranquille, tu veux ? lui fis-je sur un ton qui se voulait assuré.

Il regarda par-dessus son épaule et ses yeux s’élargirent en me voyant.

— Oh, ok, ok.

Il lâcha le pauvre Dillon qui s’enfuit, à moitié rampant, à moitié reculant et… à moitié roulant sur lui-même. Oui, ça faisait beaucoup de moitiés, mais vous dites ça parce que vous ne l’avez pas vu faire.

— Je n’avais pas réalisé que vous étiez amis. Désolé.

— Peut-être que tu devrais choisir quelqu’un de ta taille ? lui rétorquai-je en me rendant compte qu’il avait peur de moi, pour une raison qui m’échappait totalement.

— Ouais, enfin… haussa-t-il les épaules. La protection a un prix. S’il se fait agresser par un VM, il ne se servira jamais de cette balle. Moi, je pourrais éventuellement le protéger. D’ailleurs, beau boulot avec ce VM à la cantine. C’est pas n’importe qui qui a les couilles pour les attaquer à mains nues… Enfin, non, les… je veux dire… Tu vois…

L’excuse classique de la protection. Au moins, il justifiait son harcèlement par une raison réaliste. Je doutais fort que ce petit gros eût ce qu’il fallait pour tirer entre les deux yeux d’un VM. À commencer par une arme à feu – interdites à nos âges.

— Merci, lui chuchotai-je simplement, sans trop savoir pourquoi, en me retournant car la navette arrivait.

Je grimpai dans le train, avec quelque part en moi, un coin de mon ego qui baignait dans un sentiment d’héroïsme.

 

***

 

De retour à la maison, je me fis accueillir en grande pompe.

Ma mère était assise à la table de la salle à manger et m’attendait.

— Que s’est-il passé aujourd’hui ? demanda-t-il, sa désormais familière ride d’inquiétude entre les yeux. J’ai entendu qu’il y avait eu des VM à l’université ?

— Bonjour à toi aussi, répondis-je sur un ton ironique en jetant mon sac dans un coin avant d’attraper une pomme hydro-P dans la corbeille à fruits. Ce n’était rien, vraiment. Juste une cantinière infectée. Double chiffres, sans aucun doute, elle était déjà trop atteinte pour être sauvée.

— Et un homme de ménage, j’ai entendu. Des étudiants ont été infecté ?

— Probablement, admis-je d’un haussement d’épaule. Mais ils recevront un sérum pour ça, non ?

— Ne plaisante pas avec moi, jeune fille. Je ne peux pas croire que ça ait pu se produire. Ils n’ont pas de scanner rétinien à l’entrée de l’université ?

— Non, mais il y en a à la gare.

— Eh bien, je m’en vais appeler ce principal dès ce soir et lui expliquer le fond de ma pensée. Ensuite, on va te trouver une école plus sécurisée que ça.

— Mais…

Mais quoi ? Je m’en foutais, non ? Je n’avais pas prévu d’y passer ma scolarité. Je devais sortir d’ici au plus vite et tout faire pour guérir Friderik du mal qui le rongeait.

— …Mais j’aime bien cette école, lâchai-je sans trop le réaliser.

D’ailleurs, c’était la seule du district. Elle n’avait tout de même pas l’intention de m’envoyer dans un autre secteur ? C’était un temps fou de perdu !

— On ferait quoi ? On déménagerait, hein ? supposais-je tout haut.

— Je ne sais pas. Peut-être.

— Quoi ?! Sérieusement ?!

Pourquoi est-ce que je prenais ça tellement à cœur, bordel ?! Mon cœur battait à cent à l’heure, et je sentais ce stress brûler en moi. Je ne voulais pas partir ! Cette université était… C’était là que je voulais aller !

Je fis demi-tour et montai dans ma chambre, incapable de réaliser ce qui m’arrivait.

Tu es affectée par ton personnage.

La persona s’était éveillée tout à coup et répondait à mes interrogations intérieures.

— Quoi ? Tu te réveilles toujours aux moments propices, toi.

Je le sus depuis un moment déjà. J’attendais que nous puissions être seules.

— Oh… Je n’avais pas remarqué.

J’étais à demi-assoupie.

— Ok.

Je te disais donc que ce plan que tu as créé, tu l’as créé avec un passé et un présent. Celle que tu es existait déjà avant, sur Terre, sur le plan des architectes, sur Albion. Mais la Wuying de ce plan est un personnage à part entière également. Une gamine de seize ans, avec son propre caractère, et même si tu l’as créée à ton image, et que vous n’êtes désormais plus qu’une seule entité… Elle a eu seize longues années pour changer, se détacher de toi en vivant d’autres expériences.

— La Wuying de ce plan… réalisai-je. Mais oui… C’est pour ça que je sais tant de choses ! Ce sont ses souvenirs, pas les miens !

Techniquement, ce sont désormais vos souvenirs à toutes les deux. Elle est toi, tu es elle. De la même façon que tu as pris sa place, elle a pris la tienne. Elle a hérité de tes souvenirs, et je suis en train de vous parler à toutes les deux, d’une certaine façon. La combinaison de vos passés a créé ce que vous êtes désormais. Il faut que tu t’habitues aux changements, parce que tu n’as aucun moyen de les inverser.

— Tu veux dire… que… je ne suis plus moi ?

Bien sûr que si. Je dis juste que celle que tu as créée a grandi différemment de toi, et désormais, elle affecte tes sentiments tout comme désormais, tu affectes les siens. Imagine-la. Elle a vécu sa vie, et d’un seul coup, un beau matin, lors de son premier jour d’université, elle s’est retrouvée avec des souvenirs étrangers, tant de connaissances… Tu as l’impression d’être toi ? Mais elle aussi. Vous vivez la même chose, dans le même corps. Ce n’est pas comme si vous étiez une nouvelle personne, ou que tu contrôlais son corps. Non. Toutes les deux, vous avez chacun l’impression d’être celle qui a hérité de l’autre, vous êtes désormais le reflet parfait l’une de l’autre, et c’est pourquoi ton corps, nourri par l’âme que vous partagez, répond. Chacune d’entre vous a l’impression d’être celle qui a le contrôle et qui prend les décisions, alors que… ces décisions sont les mêmes, quoi qu’il arrive.

— Laisse tomber, tu me perds, avouai-je. J’y réfléchirai plus tard.

Tu viens d’offrir à Wuying, la gamine de seize ans, une toute nouvelle vie, un nouvel avenir en ta compa…

— Ouais, c’est bon, laisse tomber, j’ai dit.

D’ailleurs…

— Hm ?

Il est temps de créer un donjon. La puissance est suffisante. Le système a déjà percé à plusieurs endroits de l’enveloppe de ce plan, alors nous allons pouvoir travailler le sujet, désormais.

Raka
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6 thoughts on “DMS : Chapitre 150

  1. « à moitié roulant sur lui-même. Oui, ça faisait beaucoup de moitiés, mais vous dites ça parce que vous ne l’avez pas vu faire. » c’est moi ou Wuying viens de me parler là 0_0.

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