DMS : Chapitre 25 Bonus
DMS : Chapitre 27

Chapitre 26 – Une nouvelle façon de voir les choses (3)

 

En partance pour le donjon, j’étais décidée à tester l’étendue des capacités de Friderik. Il avait une défense hors du commun pour son niveau, et s’il parvenait simplement à montrer une efficacité potable en attaque, il pourrait alors être un ajout de taille au donjon.

Et puisqu’il pouvait voir ce qu’il se passait à l’intérieur du miroir, il était presque évident qu’il pouvait alors y entrer. Après tout, il avait réussi à en sortir.

Et comme je m’y attendais, il n’eut aucun problème à traverser le miroir quand je l’y balançai. Il apparut au milieu du donjon comme s’il en avait été un occupant de longue date et se mit à lentement tourner en rond, espérant qu’un explorateur allait bien vite faire son apparition.

J’avais eu un peu de mal à le convaincre qu’il allait devoir les tuer alors qu’il faisait encore partie de leur camp quelques heures auparavant ; nous avions avancé des arguments l’un et l’autre et il avait fini par céder dans une atmosphère un peu étrange lorsque je lui avais rappelé notre marché sur les équipements qu’il aurait le droit de garder pour lui.

— Bon, et maintenant, il ne reste plus qu’à attendre…

Et ainsi, le temps passa. Friderik, pour tuer le temps, s’intéressa au boss du donjon et le suivit de près. Dugnekk ne s’intéressait pas à lui, sans doute parce qu’il était un collègue  monstrueux. Mais Friderik étudiait le Pyromancien de près ; il avait l’air de vouloir graver dans sa mémoire la moindre caractéristique de son visage.

Au bout de quelques dizaines de minutes arriva l’explorateur têtu.

— Encore lui. Hmm, ça risque d’être compliqué. Il a du talent. C’est le type qui était entraîneur militaire.

Et en effet, lorsqu’il arriva dans la pièce principale, il se jeta vers le boss et en termina avec lui d’une manière rapide et efficace. Il était vraiment habitué à l’affronter, maintenant. Pourtant, il avait dû lui faire face moins d’une dizaine de fois, mais son tempérament militaire lui avait permis de s’adapter aussi vite que ça.

Il massacra également les cavaliers sans état d’âme. Il était devenu très bon, il avait dû gagner des niveaux à force de nettoyer mon donjon.

L’explorateur se calma après avoir nettoyé la salle et son regard se braqua déjà vers la tente où se situait le coffre. Il était évidemment là pour ça. Il rangea son épée après l’avoir essuyée contre un pan de son vêtement et pressa le pas.

— Hé.

Une étrange voix l’appela, lui qui était seul dans le donjon. Il tressauta, ne pouvant cacher sa surprise mêlée d’une légère panique. Il avait certainement calculé le niveau du donjon avant d’entrer, et en avait déduit qu’il n’y avait que le boss et les cavaliers. Après tout, il avait déjà l’habitude de mon donjon, il en était sans doute capable.

Il se retourna et balaya la salle du regard. Un peu confus, il se gratta la tête.

— Le vent, sans doute…

Il se retourna à nouveau en direction du coffre.

— Le vent dans un donjon souterrain ? T’es con, ou quoi ?

Cette fois-ci, ce n’était pas le vent ! Le vent ne parlait pas, le vent n’aurait pas osé l’insulter !

Il s’avança un peu plus près de la sortie. Mais il ne pouvait pas définir d’où venait la voix, c’était une caverne et tout résonnait.

— Qui est là ? Montre-toi !

Dans un coin sombre, à moitié caché dans les ombres et à moitié camouflé grâce à sa compétence, un slime gris riait tout bas.

— Ben alors ? Il est où, le grand aventurier qui se vantait de ne jamais avoir peur, même face à des Gobelins ?!

L’explorateur recula d’un pas, choqué.

— Tu… Qui es-tu ? Tu viens de Roram ?

Il semblait rassuré que le type qui lui parlait soit un explorateur comme lui. Après tout, seul un explorateur aurait entendu ce mec se vanter de ce dont il était question. L’explorateur se détendit et avança à nouveau de quelques pas avant de reprendre.

— Bon. Si tu ne veux pas te montrer, soit. Je ne sais pas ce que tu veux, mais le trésor est à moi, évidemment. D’ailleurs, tu as dû entrer en même temps que moi. Pourquoi ne te montrer que maintenant ? Si tu avais participé, tu aurais pu avoir une part du… Huk ?!

Devant lui venait de s’avancer un slime gris coiffé d’une iroquoise. Il arborait un visage serein et sûr de lui à la fois, et ne laissa pas à l’intrus le temps de reprendre ses esprits.

— J’ai vraiment la gueule d’un explorateur ?

Son intervention me fit sourire.

Evidemment, il faut qu’il fasse comme s’il était un monstre.

— …Qu… Qu’est-ce que c’est, ce slime ?!

— Eh ! Tu le vois, je suis un slime, et je ne suis pas n’importe quel slime ! Je suis… Friderik le slime !

Je pus presque voir des points d’interrogation au-dessus de la tête de l’explorateur et des étoiles briller au-dessus de Friderik.

— Fri… Hein ? Un nom ? Un boss ? Un donjon à deux boss ?

Il secoua rapidement la tête.

— Non, non… C’est impossible. Les niveaux ne collent pas. Il y a un problème, là.

Friderik continuait à avancer d’un pas… ou plutôt, d’un glissement décidé. Arrivé près de l’explorateur, ce dernier finit par réagir et dégainer son épée.

— Tant pis, tu restes un monstre et tu vas mourir.

Mais avant qu’il ne puisse bouger, Friderik avait enveloppé ses pieds et avait réussi à le déséquilibrer.

— Hok ! Saloperie ! Lâche-moi !

Il tomba sur le cul et tira de toutes ses forces pour libérer ses pieds, et finit par y parvenir. Enfin, il sortit pieds nus, ses bottes restèrent coincées et se firent broyer dans le corps gris de Friderik.

— Mes… Mes bottes de niveau 7 ! Je venais de les acheter à la boutique !

— Elles puent, tes bottes.

— Enfoiré ! Rends-moi mes bottes !

— …J’ai bien peur que tes bottes n’existent déjà plus, mon gars.

— …

Friderik faisant mine d’avancer vers lui à nouveau, son adversaire se releva d’un coup et brandit son épée pour frapper le slime.

Kling !

Klench !

Klang !

Ses coups ne faisaient qu’entamer à peine la surface de Friderik, qui avait perdu 18 points de vie en 3 attaques encaissées. Il avait vraiment une défense formidable. Et sa capacité de régénération n’était pas en reste ; ses points de vie remontaient déjà lentement.

— Qu… Espèce de monstre !

— …Tu m’as regardé avant de dire ça ?

— Quoi ?

— T’es con ? Evidemment que je suis un monstre. Et regarde, un monstre avec tous ses points de vie, merci d’avoir patienté.

Friderik ondula légèrement, je sentais qu’il voulait tester quelque chose. J’étais curieuse autant que stressée. J’espérais juste que ça allait fonctionner, sinon on allait dire de mon donjon qu’il abritait des créatures d’un ridicule absolu.

Friderik se sépara légèrement en deux, et forma avec son corps deux boules qui partirent côte à côte comme deux gros poings – ou un énorme cornet de glace toujours attaché à son corps – en direction du visage de son ennemi.

— Attaque du bonnet C !

…Il est sérieux, lui ?

Il avait baptisé son attaque en fonction d’un sous-vêtement ? Evidemment, ces deux boules ressemblaient fortement à… Mais quand même ! Il n’avait pas peur d’avoir honte.

Mais l’attaque fut vaine ; elle fut esquivée de justesse et avant que Friderik puisse attirer ses protubérances à lui et se reformer complètement, l’explorateur leva son épée à la verticale pour empaler Friderik au sol.

— Si je ne peux pas te trancher, alors… Qu’est-ce que tu dis de ça ?! Pointe d’Immobilisation !

Pointe de… Une compétence ?

Son épée s’abattit pointe vers le bas au travers des cheveux du slime et le traversa jusqu’au sol.

— Huh ? Merde.

Friderik ne pouvait plus bouger. Il tenta de se débattre, mais ce fut en vain. L’autre type courait déjà vers le coffre pour le vider.

— Ah. Quel lâche. Ha ha ! J’aurais fait pareil ! Bravo, mec. Et merci pour le repas.

— Quoi ? Arrête de divaguer !

Friderik commençait déjà à broyer et à ingérer la lame qui le traversait. Il termina son dessert en une quinzaine de secondes avant de se tourner vers la hutte où se trouvait le coffre.

Mais il n’y avait plus personne.

— Ah. L’enfoiré, il est parti. Il m’a eu.

Le donjon se réinitialisait déjà ; il avait sans doute passé la dalle de sortie après avoir pillé le coffre. Après tout, il avait perdu une paire de bottes et une épée… D’ailleurs, une compétence permettait d’immobiliser même un slime ?

Une fois Friderik sorti, je m’empressai de lui poser la question.

— Ah ? Oui. Pointe d’Immobilisation est une compétence que tous les épéistes peuvent apprendre au niveau 5. C’est essentiellement une compétence de fuite, elle demande d’abandonner son arme pour empaler un ennemi, qui ne peut plus se déplacer pour dix secondes. C’est un effet qu’on ne peut pas annuler, c’est comme ça même pour un slime, je suppose.

— Et cet enfoiré s’en est servi pour aller piller mon coffre. Je le retiens, lui.

— C’est comme ça.

Il haussa ses épaules de slime d’un air peu concerné. Après tout, il s’en fichait, il avait eu droit à un repas gratuit. L’explorateur avait pillé mon coffre. Et moi… Moi, je n’avais rien gagné.

— Toi, vraiment, tu devrais avoir plus d’empathie. Pense à moi !

— Penser à toi ? Comment ça ?

Il faisait l’idiot, mais je savais qu’il comprenait ce que je voulais dire.

— C’est grâce à moi que tu as eu cette quête ultra rare. Tu ne peux pas te montrer un peu plus reconnaissant et m’aider au lieu de faire les choses de façon égoïste ?

— Hein ? Mais j’ai fait ce que j’ai pu… Au départ, je devais y aller uniquement pour ‘tester mes capacités’, non ? Je ne m’attendais pas non plus à ce que ça se termine comme ça.

— …

Merde, il avait raison. Qu’est-ce qu’il me prenait, de lui reprocher ce qu’il s’était passé ?

— Ouais. Bon. C’est vrai. Du coup, tu as gagné quelque chose en croquant les bottes et l’épée ?

— Ah, euh, oui. Quelques points en vivacité, ce genre de choses. Rien de transcendant, vraiment. Ah, et ma compétence Pillage semble fonctionner bien mieux dans ce corps gluant.

— Ah. Bon. Je vois.

Du coup, d’autres équipements lui donnaient toujours le même genre de statistiques. Je me rappelai de ce que sa quête disait, il pouvait avaler un peu de tout, y compris de la magie. Et le slime rocheux était déjà très résistant de base, surtout si on prenait en plus en compte sa capacité de régénération ; je ne voulais pas le rendre complètement invulnérable au corps à corps en négligeant sa défense magique.

Mais encore une fois, je ne voulais pas faire de lui un couteau suisse capable de tout faire mais de ne rien faire à la perfection. Ce genre de personnage dans les jeux vidéo était toujours bon au départ et devenait complètement inutile à plus haut niveau. Non, je voulais vraiment éviter ça.

Et Friderik avait un esprit simple, il me paraissait évident qu’il n’aurait rien à faire de ce genre de considération, il boufferait juste tout ce qui lui passerait sous la main. Il fallait que je prenne les choses en main et que je lui prépare un plan nutritionnel spécial slime en pleine croissance.

Et si je comptais faire progresser ses capacités physiques dans le temps, ce qui était vraiment important à mes yeux dans l’immédiat était de lui faire avaler des sorts. Je ne savais pas encore exactement ce qui allait se passer mais il fallait que j’en ai le cœur net. Si ça permettait de faire monter sa résistance à la magie, ou s’il pouvait même apprendre des sorts, ce serait le jackpot.

Mais des sorts ? De la magie ?

Je n’en avais pas encore vus. Je me précipitais donc vers le premier endroit auquel je pensais, où on savait toujours répondre à mes questions.

 

**

 

— Bonjour, mademoiselle ! Bienvenue ! Désirez-vous investir vos points durement gagnés ?

— Euh, non. Je veux acheter de la magie.

Le marchand de la boutique pencha légèrement la tête de côté.

— Acheter de la magie ?

— Des sorts, de la magie, oui. Fioup ! Vlam ! Prrrrtt !

Je faisais des grands gestes pour illustrer mes mots, parce qu’il faisait l’imbécile qui ne comprenait pas ce que je demandais en employant des mots simples.

— Mademoiselle, je ne vends pas de magie ici. Ni une, ni plusieurs. Nous sommes à la boutique de donjons, je vends des structures et des monstres. Pas de magies ici.

— Pas de… Mais alors où ?

Il haussa les épaules.

— Le quartier des Savants, au Sud de la ville. C’est un peu un monde à part et ils sont spécialisés dans ce genre de choses. Il y a sans doute quelques boutiques là-bas qui répondront à vos demandes. Mais je n’en sais pas plus, ce n’est absolument pas mon domaine.

Oh. Il ne savait donc pas tout sur tout. Tant pis, il avait au moins eu le mérite de m’orienter vers l’endroit que je cherchais.

Sortant de la boutique au pas de course, je me hâtai vers le sud.

Raka
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14 thoughts on “DMS : Chapitre 26

  1. Merci pour le chapitre.
    PS : Pourquoi elle essaie pas de lui faire bouffer de la pierre ? Vu ce qu’il est le résultat pourrait être intéressant non ?

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