DMS : Chapitre 28
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Chapitre 28 – Le Mal à la Source (2)

 

La forêt tout entière trembla, terre comme cieux. Même Georges, dans les airs, le sentit tout autour de lui. Le brouillard se dissipa sur des dizaines de kilomètres comme un gigantesque raz-de-marée et des centaines de Gorilles firent leur apparition à l’appel de leur dominant, en quelques secondes à peine.

La voix électrique de Georges vibra

— Une compétence d’invocation ? Hmm… Ils sont nombreux…

Des centaines de Gorilles venaient de l’encercler, avant même qu’il n’ait eu le temps de réfléchir à la suite du combat. La vivacité dont il bénéficiait lui permettait de se déplacer plus vite, mais ne faisait pas fonctionner ses méninges plus rapidement pour autant.

Ils ne lui laissèrent pas vraiment l’occasion de penser à la façon dont il allait devoir les gérer. Tous se jetèrent sur lui, un tsunami de gorilles furieux, la bave aux lèvres et le feu dans les yeux.

L’Appel des Valkyries ne permettait pas à Georges de s’envoler suffisamment haut pour prétendre les esquiver, cette compétence servait essentiellement à gagner en agilité et se soustraire du besoin du sol pour combattre, mais nécessitait tout de même de rester à quelques mètres au maximum du plancher des vaches.

Et prendre ce peu d’altitude était inutile ; inutile mais nécessaire. S’il ne fuyait pas vers le haut, Georges se ferait broyer par une horde de singes en colère. Aussi frappa-t-il le sol avec le pied et prit son envol rapidement, comme une balle de fusil aidée par une vivacité qui avait explosé.

Il se retrouva aussitôt hors de portée de leurs attaques, mais pas de leurs projectiles. Et encore moins du gorille Alpha, qui n’avait qu’à lever le bras pour l’atteindre. Cela dit, il n’osa pas, toujours traumatisé par la perte de contrôle de sa main ; il préférait laisser faire ses sous-fifres, il les avait appelés pour ça.

Les gorilles ne se laissèrent pas décontenancer, et se mirent à jeter vers Georges tout ce qui leur tombait sous la main. Branches, pierres, fruits, excréments. Tout y passait.

Et sous une pluie incessante faites de centaines de projectiles de toutes sortes, Georges devait user de tout son talent pour parvenir à en esquiver le plus possible. Mais la lutte était vaine ; les gorilles semblaient toujours trouver de quoi lui lancer, et son temps à lui était compté. Bientôt, les bonus liés aux compétences allaient disparaître et il allait tomber au milieu de la horde.

Ce lui serait alors fatal.

— Ils possèdent une compétence de lancer ? C’est pour ça qu’ils trouvent toujours de quoi jeter dans ma direction ?

Peu intéressés par ses états d’âme cependant, les monstres continuaient à le bombarder sous l’œil attentif de leur mâle alpha géant.

— Merde !

Et Georges, même s’il parvenait à esquiver la plupart des projectiles et à en carboniser le reste au contact, était dans une mauvais posture. Il tenta d’invoquer un éclair de faible puissance, qui infligea des dégâts mineurs à quelques gorilles mais ne le sauva pas.

Même lorsque l’une de ses compétences ultimes fut activée, elle ne lui fut pas d’un grand secours.

— Colère d’Odin !

Une colonne de foudre se déversa du ciel, frappant le monde avec une puissance augmentée par la Bénédiction d’Odin et éliminant instantanément une trentaine de monstres. Mais ce n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan ; Et il ne pouvait pas attendre le temps qu’elle se recharge un nombre incalculable de fois. De plus, rien ne garantissait que même s’il parvenait à éliminer la meute de monstres, l’alpha n’allait pas en invoquer d’autres.

— Merde ! Même comme ça, …je suis foutu ?

Il allait évidemment réapparaître chez lui s’il mourait, mais il aurait perdu tout ce temps pour rien. Il désirait plus que tout se rendre chez le Seigneur de Grimheim à nouveau… Il le fallait. Il n’était pas allé si loin pour rien. S’il mourait maintenant, ses efforts auraient été vains. La quête lui demandait de ne pas mourir tout en retournant voir l’esprit du Seigneur.

S’il avait su qu’il allait tomber sur un tel monstre, il aurait demandé à une équipe de l’accompagner, mais… L’obtention des classes cachées était une chose que tout le monde convoitait, et rien ne lui garantissait que qui que ce soit aurait accepté s’il en avait parlé. Et personne ne l’aurait accompagné dans ces bois s’il n’avait pas partagé la quête pour leur montrer la raison de sa requête.

Il avait également peur qu’en faisant ça, d’autres ne convoitent cette classe cachée et le tuent afin de, sans doute, réinitialiser la quête pour la tenter eux-mêmes.

Non, il devait réellement faire ça seul. Il ne pouvait faire confiance à personne.

Mais il était un thane et les thanes n’étaient pas faits pour les combats à grande échelle de la sorte. Combattre des centaines de monstres ? C’était un rêve qu’il n’allait pas réaliser, il le savait. Il ne pouvait pas fuir non plus, et sa dernière option restait d’attendre la mort, avant de tomber dans une dépression sans bornes suite à l’échec de sa quête.

 

**

 

Dépassant toutes probabilités, il avait réussi à vaincre seul un boss de donjon comme le lui demandait cette quête extravagante. Georges savait qu’il ne méritait pas ce cadeau qui lui avait été fait, il était bien trop faible pour y parvenir.

Et pourtant, sa rencontre avec l’architecte fut une surprise sans nom. Georges attendit la fin de ses compétences, incapable de se décider à les annuler lui-même. La mort viendrait bien assez vite. Et en attendant la fin, il se remémora ce jour béni.

– Un aventurier solitaire dans un donjon que même les groupes n’ont pas réussi à conquérir, tu ne trouves pas ça un peu comique ?

FeiLong ne m’a pas attaqué tout de suite… Il a prétendu être le boss du donjon, mais il a préféré discuter que de m’attaquer directement. Je ne comprenais pas pourquoi, jusqu’à ce que…

– Tu ne m’attaques pas ? N’es-tu pas là pour terminer le donjon ?

Il était vraiment étonné. Ne pouvait-il pas comprendre que j’étais résigné face au boss ? Et que je l’étais encore plus face à son aura écrasante à lui ?

– Je…

Je n’arrivais presque pas à articuler. Je me voyais pourtant déjà mort.

– Tu… ? Ha ha ha ! Tu es courageux. Je ne sais pas pourquoi tu as fait ce choix, mais je le respecte. C’est pourquoi j’ai décidé d’être celui qui t’affrontera aujourd’hui.

Il se posait des questions étranges pour un architecte. En quoi trouvait-il intéressant de connaître mes raisons ? Après tout, il n’était qu’un architecte, il tuait des explorateurs en restant caché comme un lâche.

Mais alors pourquoi s’était-il montré alors que j’étais sur le point de me faire tuer ? Ce n’était pas logique. Il disait peut-être vrai. Je me suis dit, à ce moment, qu’il n’était peut-être pas dépourvu d’honneur, pour un architecte.

– C’est vrai. Pourquoi es-tu venu seul, alors que c’était un suicide évident ? Tu attises ma curiosité, désormais.

– …

– Allons, ne sois pas timide. Réponds. Je veux savoir.

– Je… Je n’ai pas le choix. Crois-tu que j’aurais choisi de perdre tout ce temps pour que tout finisse comme ça, si j’avais pu venir en groupe ? Je devais… venir seul.

– Oh ? Pour quelle raison ? C’est une obligation bien marginale.

– …une quête.

– Pardon ?

– Je dois terminer une quête !

– Une quête ?

Il a haussé les sourcils, intéressé par mon histoire. Il aimait les histoires ? …Il était assez puissant et son aura était assez dominante pour que je ne puisse pas refuser sa demande. Je savais qu’il allait me demander quelle quête, et je savais que j’allais lui répondre. Aussi ne perdis-je pas de temps.

– Je dois terminer ce donjon seul et sans aide, afin d’obtenir une classe cachée. Une de ces mythiques classes cachées ! Comprends-tu ce que ça représente pour moi ?!

– Hmm…

Ses yeux s’illuminèrent. Il reprit la parole et sembla nettement plus intéressé par ce qui me concernait qu’auparavant, lorsqu’il semblait juste poli.

– Tu as une quête qui te demande de tuer le boss de mon donjon seul ? Comme c’est étrange…

– E… Etrange ?

– Ha ! J’ai moi-même une quête, depuis fort longtemps maintenant, me demandant de posséder un donjon invaincu jusqu’à ce qu’un explorateur dans ton genre, désireux de mener une quête à bien, ne soit le premier à le conquérir.

– Quoi ?

– Tu n’imagines pas combien de donjon j’ai bâtis et détruits avant de trouver le donjon idéal. Celui qui me permettrait de rester invaincu. Maintenant, tu es là, toi, la personne exacte dont j’ai besoin. Il faut que tu sois le premier à terminer mon donjon. Il ne doit pas en être autrement.

– Tu… veux dire que…

– Nous allons faire un marché, toi et moi. Je ne peux pas prendre le risque de voir un jour arriver un groupe qui parviendra à conquérir mon donjon. J’aurais fait tout ça pour rien, et un type comme toi est trop rare. Presque unique, ai-je envie de dire.

– Un marché ?

Je n’allais donc pas mourir ? J’étais choqué au-delà des mots. Pourtant, la norme… Un architecte faisait tout pour tuer les explorateurs, et inversement… C’était comme ça, et pas autrement…

– Je vais te laisser tuer ce grand gaillard. Tu me permettras en échange de terminer ma quête personnelle en étant celui qui terminera mon donjon le premier. Qu’en dis-tu ?

– …Et je vais te permettre de terminer une quête. Tu as attendu si longtemps ! Je suis unique. Tu as besoin de moi. J’ai bien envie de refuser…

– Vraiment ?

– …de refuser et de me laisser mourir ici, te faisant attendre une éternité de plus qu’un autre comme moi se présente…

– Tu le ferais ? Je vais te torturer, le sais-tu ? Je ne te tuerai pas.

– …t’as fini de me couper la parole sans arrêt ? Je veux vraiment le faire… mais je désire tant mener ma propre quête à bien… Et tu n’es pas dépourvu d’honneur. Je le sens. C’est étrange mais, en quelque sorte, je te respecte. Oui, j’accepte. Cela me fera peut-être du mal à l’avenir de permettre à un architecte de poursuivre sa quête, mais… l’avenir me le dira.

– Tu n’es pas idiot, pour un explorateur. Maintenant, va et tue.

Le boss qui m’écrasait quelques minutes avant par son aura et sa présence était alors doux comme un agneau. C’était incroyable. Il avait la tête baissée vers le sol et était tout prêt à donner sa vie. Ils sont vraiment soumis corps et âme à leurs maîtres… Il leva sa hache et se trancha les deux poignets avant de me regarder en attendant la fin.

– Si tu ne te dépêche pas, il mourra tout seul. Porte-lui un coup si tu veux être reconnu comme ayant participé à sa mort.

Il avait raison. Je me suis dépêché de lui envoyer un coup de la pointe de ma lame. Elle n’a fait que l’effleurer. Une égratignure à peine… Je n’avais vraiment aucune chance en combat singulier ; je continue à penser que je ne mérite pas cette classe.

Mais il fallait que Georges aille de l’avant. Il ne pouvait pas laisser passer cette chance unique dans une vie. Même s’il ne s’estimait pas à la hauteur des résultats obtenus, il n’allait pas faire la fine bouche.

Seulement, il était coincé désormais. Il ne pouvait fuir et se faisait bombarder. Les projectiles en eux-mêmes n’avaient pas vraiment d’importance, mais au moment où il retomberait dans cette horde de monstres, il allait mourir et tout aurait été fait en vain. Il aurait même accepté un marché avec un architecte pour rien !

— …Il y a de quoi être dégoûté, quand même. Je lui ai permis de mener une quête à bien alors que la mienne… La mienne, elle va se retrouver telle qu’elle était il y a encore quelques semaines. Je vais devoir tout recommencer, et je n’y arriverai jamais. Vie de merde.

Les ailes de l’Appel des Valkyries se détachèrent et les deux figures féminines réapparurent, le portant à bout de bras. Elles avaient presque disparu et ne tarderaient pas à le lâcher. L’éclat bleu de son arme s’était éteint en même temps et les courants qui parcouraient son corps également.

Quelques secondes de plus, et il chuta. La hauteur n’avait rien de catastrophique, quelques mètres à peine ; mais ce qu’il y avait au sol, c’était l’enfer.

Georges ferma les yeux, conscient qu’il allait souffrir.

Et il heurta le sol, contrairement à ce qu’il attendait. Il pensait tomber au milieu des monstres, et être accueilli par le contact de leur fourrure et les impacts de leurs poings.

Cependant, seul le silence régnait autour de lui. Tout était froid, distant et atrocement calme.

Georges attendit encore quelques secondes avant d’ouvrir les yeux. Il vit au-dessus de sa tête une paroi rocheuse où serpentaient des vignes et autres plantes grimpantes, de la mousse et d’où ruisselaient des gouttelettes d’eau.

— Un plafond ? La forêt… ?

Il n’était évidemment plus au milieu des bois. L’absence des singes, de ciel et de brouillard le masquant en était la preuve évidente. Georges se releva lentement et observa les environs. Il se trouvait dans une grotte, et face à lui se tenait fièrement le spectre du dernier Seigneur de Grimheim.

Sa voix d’outre-tombe résonna, et ce n’était pas dû à la caverne dans laquelle il se trouvait.

〈 Aventurier. Tu as réussi là où de nombreuses personnes ont échoué avant toi. Peux-tu me prouver que tu as mené ma mission à bien ? 〉

Georges comprit immédiatement. Il s’était fait téléporter par le spectre. Il avait dû être attiré par ce combat gigantesque, ou peut-être était-il simplement au bon endroit, par pure chance.

Georges se dépêcha de sortir la tête du boss qu’il avait tranchée suite à la demande de la quête et placée dans son inventaire. Il la brandit avec fierté face au dernier Seigneur de Grimheim.

〈 Je vois. Tu es bien digne d’être le héros que j’attendais. Ma lignée va enfin pouvoir être apaisée, mon ami. Je vais désormais reposer pour toujours dans les ruines de ma cité tant de fois séculaires. Viens. Suis-moi. Tu vas être le premier à avoir cet honneur depuis ma mort. 〉

Sans attendre la réponse de Georges, il se retourna et emprunta un couloir dans la roche. Georges se hâta de le suivre et se retrouva rapidement à l’intérieur de la salle du trône d’un château qui était sans nul doute celui du Seigneur de Grimheim.

Le spectre invita Georges à s’assoir sur le trône d’un geste de la main. Et le thane n’hésita pas une seconde. Il était là pour rendre une quête, il n’allait pas refuser de faire ce que lui demandait l’esprit qu’il avait tant cherché.

Aussitôt sur le trône, le spectre lui adressa la parole à nouveau.

〈 Désormais, brave héros… Je te lègue mon domaine, ma Seigneurie, mon héritage. Tu t’es montré digne de la toute-puissance de Grimheim. Adieu, Seigneur de Grimheim. 〉

Il s’agenouilla face à Georges avant de s’effacer progressivement, tandis que plusieurs messages apparaissaient dans la tête de notre nouveau Seigneur.

[Le mal à la source – quête accomplie !]

[Vous avez désormais la possibilité de changer de classe une fois pour devenir Seigneur de Grimheim.]

[Attention : tout changement est irréversible.]

[Désirez-vous accepter la proposition du dernier Seigneur de Grimheim ? En cas de refus, son héritage sera perdu à jamais.]

Georges était extatique. Plus qu’une classe cachée, il s’agissait d’un héritage total, l’un des changements de classe les plus radicaux et les plus convoités. Aucun instructeur ne saurait plus l’entraîner, désormais. Il allait se retrouver seul au monde pour apprendre ce qu’était sa nouvelle classe.

Assis sur son nouveau trône face à une grande salle désespérément vide, il n’hésita pas.

— Oui, évidemment.

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 29

  1. C’est vraiment trop bien ^^
    Merci pour le chapitre
    Il y a juste un truc qui me trotte dans la tête : George n’est pas censé être français ? Pourquoi est il devenu un thane qui est une forme de titre de noblesse nordique ? Est ce que c’est du à sa réincarnation ? Le monde dans lequel il est, a des similitudes avec le nôtre ?
    Désolé de te bombarder de question, mais j’avoue avoir été perturbé
    En tout cas c’est toujours sympa de pouvoir naviguer entre les points de vues ^^

    1. Quand tu arrives au niveau 5 tu choisis ta classe, Friderik l’a dit.

      S’il a décidé que thane lui correspondait, c’est son choix.

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