DMS : Chapitre 4
DMS : Chapitre 6

Chapitre 5 – Ce n’est qu’un essai (1)

 

Lorsque la lumière et les couleurs apparurent à nouveau en tourbillonnant, ce que je vis autour de moi fut exactement tel que je l’avais imaginé, comme si le miroir avait trouvé l’endroit exact qui correspondait parfaitement. Ou pire, comme s’il l’avait créé rien que pour satisfaire mon imagination, même si je savais que ce n’était pas le cas. Je me trouvais près de l’orée d’une forêt, une petite rivière qui coulait à quelques mètres de là clapotait gentiment alors que les sons de la nature s’imposaient petit à petit à mes oreilles. A perte de vue, sur l’autre rive, des plaines, des champs, des collines et des bosquets clairsemés créaient un paysage de rêve. J’étais à une distance incommensurable du Plan duquel je venais, et je ne pouvais pas imaginer avoir parcouru la moitié de la galaxie en une fraction de seconde.

Je pris une grande bouffée d’air.

— Même le ciel est bleu. Le soleil brille… Tiens, il est bas, c’est bientôt le soir ?

— Oui. Il était tôt le matin à Imperos mais ici, il est déjà probablement bientôt l’heure du diner. Mais regarde ta montre. Elle indique toujours l’heure d’Imperos. N’oublie pas, il faut que tu sois sortie avant 20h, me confirma FeiLong qui venait d’apparaitre aussi, sa main toujours dans la mienne.

— Euh… D’accord. Et je fais comment, pour sortir ?

— Je te montrerai ça le moment voulu, répondit simplement FeiLong, pour le moment, on va créer ton premier donjon, me répondit-il en souriant.

— Allez. De toute façon, ce n’est qu’un essai.

— Tout se passe dans ta tête. N’oublie pas, tu es une architecte, tu possèdes le pouvoir de plier les Lois à ta volonté. Regarde ce gros rocher, là, près de l’eau. Ouvre une brèche, on va créer ton donjon à l’intérieur.

Il y avait effectivement un énorme bloc de pierre de plus de cinq mètres de haut qui était gentiment posé là.

— Mon donjon va se situer dans ce bloc de pierre ? m’interrogeai-je.

— Il va se situer sous terre, en réalité. Ce roc en sera uniquement l’entrée de surface.

Fermant les yeux, j’imaginais le rocher s’ouvrir en deux verticalement, comme si deux mains gigantesques étaient en train de le déchirer comme une vulgaire feuille de papier. En les rouvrant, je me rendis compte qu’effectivement, le rocher ressemblait maintenant à l’entrée d’une grotte dans laquelle un ours aurait pu passer l’hiver ! C’était facile, en fait. Rien de bien sorcier, en tout cas.

— Tu as réussi du premier coup, Wuyin. C’est excellent !

— Ouais, c’est incroyable, je suis incroyable, ok. Bon, et maintenant ?

J’étais beaucoup plus pressée de voir l’intérieur du donjon que d’entendre ses compliments. L’entrée n’était qu’une formalité. Sans même attendre la réponse de FeiLong, je me mis immédiatement à presser le pas vers l’entrée du donjon.

— Tu ne perds pas de temps, dis donc.

— Pourquoi, je devrais ?

— Certes non.

Une fois tous deux à l’intérieur du rocher fendu, je sus immédiatement comment procéder. En réalité, c’était inscrit au fond de mon esprit depuis que j’avais ouvert cette boite magique devant la boutique.

Je jetai mon regard et mon dévolu sur le sol devant nous, qui commença à s’affaisser comme par magie, s’écroulant comme l’intérieur d’un sablier.  Mais ce n’était pas du sable, c’était un mélange de terre, de cailloux, et de substances dont j’ignorais la composition exacte. Et pire, je ne savais pas où tout ça disparaissait. Rapidement, un tunnel s’était creusé et descendait dans les profondeurs obscures. Il était assez large pour que nous puissions y marcher debout et côte à côte.

— Bien. Très bien. L’angle est bon, il doit s’enfoncer dans le sol mais ne doit pas être trop raide non plus, me complimenta FeiLong.

— J’ai fait des études d’architecture, je ne suis pas si bête que ça. Je l’avais compris.

— Hmm… Tu te plains même quand je te félicite.

Fei Long était dubitatif et me scrutait d’un air idiot.

— Ah, ça va, arrête ! Continuons.

L’intérieur du tunnel s’effritait un peu par endroit, de la terre et du sable tombaient en filet comme si tout allait s’écrouler d’un instant à l’autre. Me concentrant, je recherchai ce savoir sur les matériaux, j’avais accès au type « Caverne ». Comme il me l’avait dit, je pliai la réalité à mon bon vouloir – à mes capacités d’architecte, en réalité ; il n’en fallut pas plus pour que les parois du tunnel deviennent rugueuses et se couvrent de pierre sombre, brune, noire et ocre. Elles se retrouvèrent rapidement couvertes d’aspérités, de trous et de bosses, et des stalactites pendaient du plafond à intervalles réguliers. Grâce à tout ça, le tunnel avait maintenant l’air solidifié. Il dégageait une sensation naturelle, comme s’il avait toujours fait partie du décor.

Aidés par la luminosité décroissante, nous nous sommes aventurés tout au fond de ma création, une quinzaine de mètres plus loin. Lorsque le tunnel devint un cul-de-sac, nous devions être à peu près à cinq mètres sous la surface, et il y faisait presque totalement noir. Bon sang, même les odeurs étaient réalistes ! En reniflant, on pouvait se rendre compte de l’humidité dans l’air, et des odeurs cavernicoles, fragrances moites composée de mousse, de renfermé et d’eau stagnante.

En un instant, là où il n’y avait précédemment qu’un mur au fond du tunnel se trouvait maintenant une vraie caverne. J’avais imposé ma volonté à ces lieux, et une salle de taille S était apparue. Elle était plus ou moins carrée, autant qu’une grotte pouvait l’être, à un point où on ne pouvait simplement pas jurer de son caractère artificiel, et mesurait trois mètres sous plafond pour une surface d’une centaine de mètres carré. Je le savais parce que c’était ce que me disaient les informations que j’avais dans la tête, pas parce que je voyais ce que j’avais fait. Il y faisait nuit noire, et seul l’écho de nos pas pouvait attester de la taille de l’endroit.

FeiLong prit la parole, quelque part dans l’obscurité la plus totale, alors que mon regard s’était posé sur l’entrée, seule légère source de lumière venant de tout là-haut, dehors.

— Un peu de lumière ? Réfléchis. Tu peux faire ça, non ?

C’était vrai. Quand je me mis à penser à de la lumière, je sus qu’il était possible d’en faire naître sous plusieurs formes différentes. Des torches, une ouverture sur l’extérieure, comme un puits de lumière dans lequel il était impossible de passer, ou encore des plantes bioluminescentes. Je fus surprise en me rendant compte qu’il était même possible de placer une source de lumière magique, n’importe où, sans raison. Et c’est ce que je fis, pliant les lois les plus élémentaires de la putain de logique à ma volonté, encore une fois, comme si je n’étais absolument pas choquée par ce que je faisais.

La pièce fut rapidement éclairée par une faible lumière verdâtre qui provenait… d’un caillou au milieu du plafond ?! C’était vraiment magique. Une source de lumière invisible posée n’importe où pouvait éclairer des lieux improbables de façon surnaturelle…

— C’est mieux, merci. FeiLong regardait autour de lui, les mains croisées dans le dos, à quelques pas de moi.

— Et maintenant ?

— Normalement, il faudrait faire un peu d’aménagement. Les monstres que tu vas invoquer sont des monstres génériques. Selon le type de donjon dans lequel ils sont placés, sa taille, le décor autour d’eux et d’autres variables, une version particulière du monstre sera utilisée.

— Comment ça, une version particulière ? m’enquis-je.

— Disons que… Imagine que tu possèdes un oiseau, pour faire simple. Tu souhaites le placer dans ton donjon. Si tu le poses dans un donjon de type désertique, ce que tu vas invoquer sera un vautour, ou quelque chose de cet acabit. Si par contre tu le places dans un donjon gelé, il va devenir… un pingouin, peut-être ? C’est pareil pour tous les types de monstres.

— Ah, je comprends mieux. C’est donc pour ça que je ne possède qu’un seul type de monstre, le tomte ? Je pourrai en décliner plusieurs types ensuite, selon l’endroit où ils sont placés ?

— C’est exactement ça.

— Et par aménagement, tu entends quoi ? rebondis-je sur ce qu’il m’avait dit juste avant.

— L’aménagement ? Regarde ta grotte, c’est une salle triste et vide. N’as-tu pas des possibilités de terraformation, maintenant ? Puis de décoration ?

Il disait vrai… D’un souffle, le fond de la grotte s’ouvrit légèrement, et du trou nouvellement formé, de l’eau se mit à couler dans un petit canal qui venait de se creuser. J’en avais à peine imaginé la possibilité, et une source venait déjà de naître, terminant sa course dans une petite flaque au milieu de la pièce.

— Tu apprends vraiment très vite, je suis impressionné. Je pensais qu’on en aurait pour des heures à te faire faire ce genre de choses… Mais il semble que ça vient naturellement.

Et maintenant, du décor, c’est ça ?

Balayant la pièce du regard, plusieurs fourrures d’animaux apparurent au mur çà et là, et près de la flaque d’eau, plusieurs huttes ressemblant à des tipis émergèrent du néant, autour d’un feu de camp. Tout était en modèle réduit, parce que je savais quel monstre j’allais devoir placer ici.

Le feu de camp éclairait la grotte d’une lumière orange fluctuante, chaleureuse et jurant avec le vert dégueulasse précédent, que je me dépêchai de faire disparaitre en un clin d’œil. Tout avait une teinte plus naturelle désormais. On aurait dit qu’on était prêt à faire une soirée marshmallows au coin du feu.

— Attention tout de même, n’en rajoute pas trop, précisa FeiLong.

— Ah ? Pourquoi ? Il y a une… Oh ! Oui, je viens d’atteindre la limite… dis-je en essayant de placer une autre petite hutte. Un bourdonnement dans ma tête me faisait clairement savoir que c’était trop, et rien ne se passa.

— Tu ne peux pas générer des choses à l’infini. Tu plies la nature à ta volonté, tu bafoues les lois basiques de la physique et d’autres choses qu’on m’a expliquées mais que je n’ai jamais comprises. Il est question de l’équilibre des forces universelles, ce genre de choses auxquelles je n’ai jamais réussi à accrocher.

— Alors, je ne peux même plus placer de monstre ?

Je commençais à m’inquiéter. S’il fallait faire des choix et créer des donjons aussi petits, où était l’intérêt ? Non, il devait y avoir un moyen de contourner le problème, c’était évident.

— Pour le moment, tu es bloquée. Si tu veux regagner un peu d’énergie, il faut faire pencher la balance dans l’autre sens. A la place de prendre, il faut que tu donnes.

Que je donne ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je vais devoir donner quelque chose ? Mais quoi ? Mon corps ? A qui ? Ah, en réalité, c’est pour ça que tu m’as accompagnée ?!

— Je… Eh bien… On ne se connait pas encore très bien, et même si j’aime beaucoup ça, peut-être que ce n’est pas encore tout à fait le moment… Et puis, comme ça, sur le sol froid et dur ?

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— C’est bien pour ça que tu es venu avec moi, non ? Peut-être que si on casse une de ces huttes, on pourrait s’installer dessus, ce serait plus confortable que le sol… Ah ! Finalement, pourquoi pas… Après tout, on ne vit qu’une… Attends… Euh…

J’étais complètement perdue. Il avait l’air si froid et stoïque, est-ce que c’était vraiment le comportement de quelqu’un qui voulait faire ça ?

— Tu… Qu’est-ce que tu veux dire, finalement ?

— Tu es vraiment bizarre, là. Est-ce que ça va ?

— Oui, oui ! Explique-moi ce que tu voulais me dire.

J’avais la légère sensation de m’être un peu enflammée toute seule.

— Pour avoir le droit de placer plus de choses dans ton donjon, et ça inclut absolument tout, de l’entrée jusqu’au boss, il faut que tu redonnes de la bonne fortune. Tu ne peux pas créer un donjon composé uniquement de pièges mortels et de monstres, car l’équilibre est complètement ébranlé. Il faut qu’à côté, il y ait des bénéfices pour ceux qui explorent les donjons.

— Alors c’était ça !

Je me sentais bête. Bête et un peu excitée, pour le coup. Il avait réussi à me chauffer, sans le vouloir mais c’était de sa faute ! Il n’avait qu’à être plus précis dès le départ !

— Mais n’est-on pas supposé les tuer, ces explorateurs ? Pourquoi leur donner des bonus ?

— Parce que tu n’as pas le choix, voilà tout. Tu crois que tu vas tuer beaucoup d’explorateurs, avec ce donjon tel qu’il est ? Tu veux quoi, qu’ils entrent, et leur demander gentiment de se noyer dans ce petit bassin ? Ou d’avaler une bûche de ce feu de camp ? S’il vous plait, monsieur l’explorateur, vous ne voudriez pas mourir dans d’atroces souffrances ? Ça m’aiderait beaucoup.

Raka
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