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Chapitre 51 – En route vers le camp des géants (4)

 

C’était la première fois que je voyais, que j’entendais parler ou que j’imaginais quelque chose pouvant posséder quatre étoiles derrière son nom. FeiLong m’avait dit qu’il ne connaissait pas d’architecte ou d’explorateur ayant dépassé trois étoiles pour la simple et bonne raison qu’ils devenaient tous des dieux avant. J’avais même entendu que la personne proclamée comme étant la plus proche de la déification, le Maître de la Secte de l’Eau Trouble, ne possédait que trois étoiles lui aussi.

Les trois étoiles… Il s’agissait là d’un goulot d’étranglement qu’architectes comme explorateurs avaient du mal à passer et qui, si on arrivait à le dépasser, permettait de terminer de remplir les conditions. Cela dit, tout le monde n’y parvenait pas ; à ce niveau, les crédits ne se gagnaient plus de la même façon. FeiLong n’avais pas voulu m’en dire plus cela dit, et j’avais dû me contenter de ça.

J’avais cependant face à moi et arrivant à pas de géant – et c’était le cas de le dire – un monstre à l’air inamical et avec quatre jolies étoiles au-dessus de la tête. Je comprenais maintenant pourquoi on disait que personne n’osait s’y frotter à moins de lever une armée et de subir de lourdes pertes… Quatre étoiles !

Et pas simplement ça, mais un monstre de niveau 120, par-dessus tout ! Il était largement au-delà des trois étoiles… et moi, j’étais là, à attendre qu’il arrive comme une conne.

Bon, cela dit, je gardais mon sang-froid, je savais qu’un titan pareil devait posséder des compétences d’un autre monde, littéralement. Si je parvenais à copier l’une d’entre elles, n’importe laquelle, je pourrais mourir en paix. S’il voulait me torturer, comme le disait FeiLong, il pourrait également. Posséder une compétence à quatre étoiles allait être un des plus hauts faits de l’histoire d’Imperos, j’en aurais mis ma main à couper.

Le géant approchait de la lisière de la forêt, dans laquelle j’avais légèrement battu en retraite. Il reniflait autour de lui, conscient de la présence d’un intrus. D’ailleurs, je pus l’entendre confirmer mes certitudes :

— Nom d’un cep, d’où vient donc cette odeur étrangère ?

Il parlait bien ! Sans doute était-ce là ce qu’on pouvait attendre d’un monstre dont l’intelligence avait explosé la barre des trois étoiles. Ils étaient sans doute beaucoup plus intelligents que les architectes – ou que n’importe quel autre monstre alentours, d’ailleurs.

Il se mit à déraciner des arbres pour les poser en tas, comme s’il ne s’agissait là que d’un tapis d’herbe qu’il aurait désherbé. Il faisait de la place pour mieux regarder et me chercher.

— Sans doute quelqu’un qui veut nous voler nos techniques de culture, s’écria-t-il d’un seul coup, se parlant à lui-même.

Il n’était pas si loin de la réalité, cependant. J’étais là pour lui voler du vin. Bon, ok, à l’instant présent, j’avais somme toute une chance nulle d’y parvenir, et ayant déjà accepté ma mort imminente, j’étais décidée à copier l’une de ses compétences.

Mais allait-il vraiment l’utiliser ? Je n’étais même pas un insecte à ses yeux. Je n’étais rien. Absolument rien. Il allait se contenter de me ramasser, de m’écraser ou de m’emmener pour me torturer. J’étais à des milliers de lieux d’être une existence qui nécessiterait l’utilisation d’une compétence… Je me mis à douter. Et comme il approchait, je pouvais sentir le vent que provoquait son taillage de forêt en règle.

Il va me trouver. Il me reste quelques secondes à peine. Après, ce sera terminé, il va probablement me tuer ; je ne sais même pas s’il m’estimera assez digne pour ne serait-ce que me torturer.

Il devait être sacrément intelligent, aussi. Suffisamment pour que je puisse sans doute discuter avec lui. L’idée saugrenue d’essayer d’en faire un ami me traversa l’esprit l’espace d’une seconde, mais si durant tous ces millénaires, personne ne l’avait jamais fait, c’est qu’il y avait une raison. Il devait être impossible de convaincre une telle race de se montrer amicale envers les architectes.

Il fallait que je le force à utiliser une compétence ; et j’allais tenter le tout pour le tout, je n’avais pas réellement le choix au point où j’en étais.

Tandis qu’il déracinait l’arbre derrière lequel je me trouvais, je fis un pas de côté et l’interpellai, d’une voix assurée et sûre de moi, comme si je n’avais attendu que son arrivée pour enfin daigner me présenter.

— Eh ! Enfin, te voilà ! criai-je dans sa direction.

Il balança immédiatement son arbre de côté – il vola à plusieurs dizaines de mètres de là – et eut le réflexe de lever le poing pour l’abattre sur moi. Il voulait vraiment se débarrasser d’une nuisible et n’utiliserait aucune compétence pour ça. J’avais raison.

Mais l’énorme main s’arrêta à mi-chemin et il me dévisagea. J’étais déjà résignée à mourir, aussi n’avais-je pas peur de ce qui se présentait. J’avais le visage dur, fier et je le regardais droit dans les yeux. Sans doute cela l’intrigua-t-il, parce qu’au lieu de me tuer, il me surprit en posant une question :

— Qui es-tu ? Tu n’as pas l’air d’une dangereuse créature… Comment es-tu arrivée dans ces contrées ?

Il était curieux ! Je ne comprenais pas pourquoi, mais c’était ma chance. Il fallait que je lui montre que j’avais de l’esprit et que je pouvais encore plus attiser sa curiosité.

— Pourquoi cette question, Ô grand et glorieux géant ? Ne m’estimes-tu pas capable de venir jusqu’ici ?

Il retira sa grande main qui menaçait toujours de m’aplatir et se mit à rire légèrement.

— Hufufu… Tu es si faible… Tu viens de la ville, je le sais. N’est-ce pas ? Et tu vas y retourner lorsque je t’aurais tuée.

— Exact. Mais tu n’as pas répondu à ma question, glorieux géant, insistai-je.

— Si toi, créature si faible, tu es arrivée jusqu’ici, alors il existe un chemin sûr, nous ne sommes pas en sécurité. Il faut que je sache afin d’y remédier. Parle, et tu vivras quelques minutes de plus.

Avant de lui répondre, il fallait encore que je lui demande une chose qui avait fait sonner les cloches dans ma tête.

— Mais pourquoi absolument me tuer ? Qu’ai-je donc fait de mal ? m’enquis-je. Je ne suis pas là pour te faire du mal, ni à toi ni à ton peu…

Il éclata d’un rire tonitruant qui déracina encore quelques arbres au passage et qui m’aurait envoyée voler si je n’avais pas utilisé Entrave sur moi-même par réflexe.

— Ho ho ho ho ho !!! Toi, nous faire du mal !!!

Il se tordit de rire, se roulant même au sol et provoquant un séisme.

Je ne me laissai cependant pas influencer par son attitude et repris :

— Exact. Je ne souhaite pas de mal à ton peuple. Alors…

Il se rassit brusquement et afficha un visage très dur, d’un seul coup.

— Tu mourras. Point. C’est comme ça. Ne me demande pas pourquoi je respire, ne me demande pas pourquoi je mets un pied devant l’autre pour avancer, ça fait partie des lois de la nature. Mon instinct me dicte de te tuer, alors tu mourras. Maintenant, si tu continues à éluder le sujet et ne pas répondre à ma question, soit. Je trouverai seul, et tu vas mourir immédiatement.

Il était décidé à en finir immédiatement. Il se releva, et je pouvais déjà prévoir que son poing allait s’abattre une fois de plus. Un autre souvenir me vint tout à coup.

— Attends ! m’écriai-je encore. Tu comptes me tuer comme ça, d’un seul coup ?

Je fis mine d’être déçue, de ne pas avoir obtenu ce pourquoi j’étais venue. Dépitée, je fis la moue en regardant au loin.

Comme je m’y attendais, cela provoqua une petite réaction chez lui. Après tout, FeiLong n’avait-il pas dit qu’ils n’exécutaient pas immédiatement leurs victimes ? Ils devaient aimer les torturer, et moi, je pouvais essayer d’en jouer.

— Hmm… Qu’allais-je faire… marmonna-t-il d’une voix qui aurait tout de même pu couvrir un champ de bataille. En effet, pourquoi ne m’amuserais-je pas avec toi ?

Il me sourit alors, de ce genre d’exhibition de dents que vous ne souhaiteriez jamais voir, sadique et pleins de mauvaises intentions. J’allais décidément passer une saloperie de sale quart d’heure si je ne régissais pas.

— Hah ! criai-je. Tu vois ! Grâce à moi, tu vas pouvoir prendre du plaisir à me torturer, n’est-ce pas ? Si je ne te l’avais pas rappelé, tu ne me jugeais même pas digne de ça !

Il admit ce que je disais – et je ne m’attendais pas du tout à ça, moi qui me contentait de suivre le courant.

— En effet. Tu es un petit être étrange. Tu aimes souffrir ?

— Non, secouai-je la tête. Pas du tout. Mais je me dis que… que ça vaut le coup.

— Le coup ? En quoi souffrir pendant des années, attachée à une vigne et te faisant écarteler à petit feu vaudrait-il le coup ?

Oh, merde. Il comptait vraiment faire ça ? Moi qui pensais que même en me faisant torturer, j’allais mourir relativement vite ! Je sentis la sueur froide qui commençait à perler dans mon dos.

Réfléchis, grande conne, réfléchis !!!

— Et… Euh… Oui, ça vaut le coup, parce qu’en échange, je pourrais alors te demander une faveur ! lui répondis-je tout à coup.

Je m’étonnais moi-même. Qu’est-ce que j’étais en train de tenter là ?

— Une faveur ?

Il leva les sourcils et bafouillait dans sa barbe. Il ne voyait pas où je voulais en venir. Et moi, je commençais à mettre un plan de dernière minute en place, contre vents et marées.

— Oui, une faveur ! J’ai toujours admiré ton peuple et sa toute-puissance ! lui donnai-je de façon éhontée. Vous possédez des compétences extraordinaires ! Et en échange de mon sacrifice, je souhaite que tu me montres l’un de tes coups les plus puissants, les plus dévastateurs !

— …

Il se mit à réfléchir. Après tout, rien ne l’obligeait à considérer ma demande. Il pouvait aussi bien me ramasser et m’emmener contre mon gré. J’étais même persuadée qu’à son niveau, il devait connaître l’une ou l’autre magie pour m’empêcher de me suicider…

Néanmoins, il m’adressa un hochement de tête satisfait.

— Je peux faire ça, oui. Après tout, quand tu rentreras dans ta ville dans quelques années, lorsque tu seras morte, tu pourras alors raconter comme nous sommes puissants ! Ainsi, personne ne viendra nous voler nos techniques de culture. Oui. C’est une excellente idée.

Il ne pensait décidément qu’à ses cultures et aux techniques qui lui permettait de faire pousser ses vignes… Mais j’avais, par chance, trouvé son point faible. Il allait me montrer cette fameuse compétence !

J’avais réussi à tenir jusqu’au moment exact où Friderik venait de se rendre dans le donjon ! Mon timing était parfait, il était déjà en train d’étouffer Izdasa, qui se laissait faire sans réagir.

Le géant face à moi leva ses poings au ciel et scanda quelques grognements gutturaux que je ne comprenais pas – le nom de sa compétence de monstre qui n’avait pas de nom, sans doute. De mon côté, je sentis ce pincement au cœur et la puissance démesurée qui suivait la mort du boss de mon donjon.

Des nuages noirs s’amassaient déjà dans le ciel, et des centaines d’éclairs crépitaient sur le monde, s’abattant dans un chaos exemplaire.

Sa capacité était au-delà de tous les mots que j’aurais pu employer pour la décrire. Et moi, je m’apprêtais à la copier avant de rapidement me suicider par n’importe quel moyen – il était hors de question que je reste pour me faire écarteler pendant des années.

— Appropriation !

 

Je me mis à hurler le nom de ma compétence en observant ce géant ; le son qui sortait de ma bouche était aussi instable que le nom de la compétence lui-même.

J’allais remplacer cette compétence par quelque chose de formidable, de divin, de… démoniaque ! Quelque chose de géant.

Soudain, je sentis une information me pénétrer l’esprit, et j’eus du mal à comprendre le sens de tout ceci.

[Appropriation vient d’être supprimée.]
[Contrôle Mental Ultime vient d’être acquis.]
[Réinitialisation de la compétence dans : 23 h 59 m 59 s.]
[Contrôle Mental Ultime.]
[Permet au Grand Dragon des Illusions de prendre le contrôle total de toute cible vivante pendant une durée liée à la différence entre l’intelligence de l’utilisateur et l’intelligence de la cible.]

 

Ne comprenant pas ce qui venait de se passer et n’ayant absolument pas copié la compétence que j’avais en face de moi, je n’eus que quelques secondes pour formuler un plan non plus de dernière minute, mais de dernière seconde, et me mis à hurler :

— Contrôle Mental Ultime !

 

Ma vision se brouilla et je vis ce petit corps blessé et déjà à moitié mourant, là, couché dans l’herbe dans une forêt ridicule dont les quelques arbres restants ne m’arrivaient pas jusqu’au cou.

Ma barbe me démangeait et mes bijoux de famille me dérangeaient fortement, là, coincés dans un sous-vêtement trop serré. Je compris immédiatement que je venais de prendre le contrôle du géant et sentant que je le perdais déjà, je concentrais ses connaissances de géant afin d’invoquer la foudre et la faire frapper de plein fouet sur toute la zone, ne laissant sur une vingtaine de mètres qu’un immense cratère carbonisé.

 

***

 

J’ouvris les yeux, le lendemain matin à 7 h, encore complètement chamboulée.

Raka
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14 thoughts on “DMS : Chapitre 51

  1. Je ne sais plus quoi penser… Simplement… Vivement demain que je comprenne quelque chose a ce qu’il vient de se passer…

    Merci raka pour ce chapitre bonus j’aurais pas été capable d’attendre 1 semaine pour la suite 😉

  2. merci pour le chapitre, et surtout garde le rythme ! trois chapitres par wk moi je veux bien 🙂

  3. Il y a que moi que sa derange le grand dragon des illusions ainsi que le temps de réinitialisation de la compétence

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