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Chapitre 52 – En route vers le camp des géants (5)

 

Je me relevai afin de m’asseoir sur le bord de mon lit avant de tout à coup me mettre à trembler. Mes mains devant le visage, j’écartai légèrement les doigts et avec de grands yeux, me rendis compte seulement à ce moment que j’étais bien rentrée chez moi. Non, je n’étais pas rentrée, j’avais ressuscité.

— Haa… Haaa…. Me mis-je à haleter, ne cessant de greloter de tout mon corps, et pas de froid.

Mon cœur battait à cent à l’heure. Plus je m’éveillais, moins je parvenais à me calmer. Je ressentais toujours, telle une douleur fantôme, ce mal qui avait rongé mon corps pendant des jours. J’aurais cru être traumatisée par mon suicide mais en réalité, ce fut si soudain, si rapide que je n’eus même pas le temps d’avoir mal, même dans le corps de ce géant.

J’y pensais pendant quelques secondes, toujours hésitante et perdue. Il avait voulu me montrer cette capacité meurtrière ? Il voulait détruire toute la zone ? Je ne comprenais pas. Sans doute n’avait-il pas prévu de faire s’abattre la foudre pour de vrai, désireux de se contenter de m’impressionner par sa maîtrise des éléments célestes.

Je savais qu’il était mort. Une frappe pareille, j’avais clairement senti ma mort quand j’étais dans son corps. Mais… une chose me revint à l’esprit.

Je n’avais pas réussi à copier la compétence d’invocation de nuages et de foudre de ce géant. Quel était donc ce problème ? J’avais « copié » une compétence, et ce n’étais pas la sienne ? Se pouvait-il que nous étions observés par ce « grand dragon des illusions » ? Que j’aie copié cette capacité par erreur ?

C’était très peu probable. Pourquoi un dragon aurait-il été le témoin de ce qu’il se passait alors ? Et pour copier sa compétence, j’aurais alors dû la voir en action ; or, il ne me semblait pas avoir été victime d’un contrôle mental. J’avais bien le contrôle de ma tête et de mon corps.

— Cela dit, peu importe… Cette capacité est tout de même extravagante, admis-je en marmonnant dans mes mains. S’il s’agit de la capacité d’un grand dragon, alors… bingo. J’ai eu ce que je voulais, même si je ne sais pas comment.

Par contre, une chose m’intriguait. J’avais pu entrevoir un temps de réinitialisation.

— Qu’est-ce que ça veut dire ? La compétence peut être utilisée toutes les 24 heures ? Non… Le compte à rebours était lancé avant même que je ne l’utilise, analysai-je tout bas.

Je décidai de jeter un œil à cette compétence de manière plus précise. Allait-elle totalement disparaître au bout d’une journée ?

— Hah ? Mais…

J’avais beau chercher, je ne la possédais plus. Elle avait déjà disparu.

— Mais, protestai-je, ça ne fait pas encore 24 heures. Pourquoi… ?

Je constatai par contre et avec un étonnement non dissimulé qu’une autre compétence était présente dans mon esprit.

[Appropriation]
[L’utilisation de cette compétence permet à l’hypnotiseur vicieux de s’approprier la compétence d’un autre. La compétence copiée remplacera définitivement cette compétence.]

 

— …Comment ?

Avais-je remonté le temps ?

Cette pensée me fit sourire malgré tout. J’étais dans un état psychologique déplorable, tremblant encore de tous mes membres et complètement dévastée, c’était la première fois que la mort me mettait dans un état pareil. Je ne parvenais pas à retrouver un sol stable sur lequel poser le pied de mon mental.

— Est-ce dû au fait que je suis morte pendant que je contrôlais ce géant ? supposai-je soudain.

Je décidai de me recoucher et de ne pas me poser de questions dont j’étais incapable de trouver la réponse et qui ne risquaient que d’empirer mon état.

Fermant les yeux, je sentis Friderik collé à mes jambes et sans doute profondément endormi. Je décidai de ne pas le réveiller et de passer le temps qu’il faudrait pour me calmer.

 

**

 

Deux heures plus tard, mon slime ouvrit les yeux alors que je n’avais toujours pas fermé les miens. J’étais tellement choquée que je n’avais même pas pensé à me calmer… d’une autre manière, plus charnelle.

— Oh… Wuying ! Tu es rentrée comme prévue, alors ! s’écria-t-il.

— …

Je fixai le plafond ; les pensées ne cessaient de m’assaillir, sans relâche, encore et encore.

— Wuying ?

— …Oui ? fis-je faiblement en baissant les yeux vers lui.

— Est-ce que ça va ?

Je vis à son visage qu’il était inquiet. Sincèrement inquiet. Pour lui, tout s’était déroulé comme prévu, j’étais rentrée en mourant et il me trouvait là, le matin suivant le jour fatidique.

— Je… balbutiai-je, je vais bien… Je vais mieux.

— Mieux ?

Il s’approcha de mon visage pour me scruter de plus près.

— Ne t’en fais pas. Je sens que ça passe.

— Wuying, qu’est-ce qui ne va pas ? insista-t-il malgré tout.

— Je… pense qu’il s’agit simplement du contrecoup d’une compétence. Ne t’en fais pas. Ce n’est rien de grave.

Il me regarda en silence pendant quelques minutes ; il me regardait fixer le plafond. J’étais toujours mal dans ma tête, comme si plus rien n’avait de sens, comme si je venais de perdre quelqu’un de cher, comme si je… comme si je m’étais perdue moi-même. Cela dit, mon corps allait mieux, mon cœur battait calmement et ma respiration redevenue paisible accompagnait des tremblements désormais presque inexistants.

— Tu sais, Friderik… finis-je par admettre, j’espère ne plus revivre ça. C’est horrible.

— Je ne sais même pas de quoi tu parles, répondit-il simplement, attendant sans doute que je lui explique.

Mais pour toute explication lui adressai-je simplement un sourire sans conviction avant de me lever et de me mettre deux claques.

— Il faut que je me reprenne. La compétence, j’ai rien compris. Sa disparition, j’ai rien compris. Et en plus, je suis revenue sans le vin.

— J’ai peur de comprendre, me dit Friderik tout en affichant une moue des plus évidentes.

— J’y retourne. Tiens-toi prêt, dans dix jours, finis-je par conclure.

 

***

 

Je repartis donc immédiatement, ne me préoccupant de rien d’autre que du chemin qui m’attendait. Après tout, j’étais désormais bonne pour me taper à nouveau des jours de marche, de l’escalade d’arbres, et tout ça en faisant bien attention de ne pas rencontrer le moindre monstre en chemin.

Mais ça valait le coup – sans doute. Même sans parler de cette compétence qui n’avait pas fonctionné et qui après tout restait buguée, je devais tout de même me procurer de cette cuvée d’excellence pour Pythagore. J’avais promis, et je comptais tenir ma promesse.

En chemin, je croisai à nouveau l’arbre contre lequel j’étais morte la première fois, toujours couvert de sang, séché cette fois. Une vieille tache noire et craquelée…

Passant mon chemin, je fis cette fois attention à ne pas me briser quoi que ce fut. Franchissant la canopée des palétuviers comme si je l’avais fait toute ma vie durant, je n’eux aucun mal à me retrouver bien vite dans ce qui restait de la forêt ayant abrité notre duel au sommet.

J’avais deux jours d’avance.

Et pour ne pas attirer les regards indiscrets – et l’attention des géants notamment, je me cachai dans une vieille souche loin de leur camp. Je me disais qu’ainsi, même s’ils approchaient de la forêt, ils ne me remarqueraient pas, hors de la portée de leur vue, de leur ouïe et camouflée par l’odeur de ce vieux tronc pourri.

— Et puis, je suis en sécurité ici. La carte indique clairement qu’il n’y a pas de monstres dans le secteur, me rassurai-je, un peu incertaine.

J’attendis le jour J et quelques minutes avant l’heure critique, je sortis de ma cachette. Jetant un dernier coup d’œil dans cette souche, à l’intérieur de laquelle je m’étais adonnée à deux jours de plaisirs coupables, je bondis en avant et me frayai un chemin dans la forêt en courant de toutes mes forces. Arrivée au cratère – qui me fit d’un seul coup froid dans le dos – j’aperçus un géant effectuer une ronde sur un chemin le long de la colline, exactement là où celui que j’avais suicidé se trouvait la première fois, à la sortie du camp.

— Merde. Je pensais pouvoir m’infiltrer… me plaignis-je. Mais il y en a un autre ? Ils réapparaissent ? Non… Ce n’est pas le même… je crois.

Je n’eus cependant pas vraiment le temps de m’en inquiéter. Il tourna la tête vers moi d’un seul coup et reniflant.

— Bon sang, mais ce sont des chiens de chasse, ma parole ! hurlai-je, hors de moi. Je savais qu’il était maintenant inutile de me cacher, il allait me trouver quoi qu’il arrive, et je pouvais tout aussi bien laisser libre cours à ma colère.

Colère qui n’allait pas durer bien longtemps de toute façon. Il fallait que je la joue fine à nouveau, si je voulais tenter le coup encore une fois et copier une compétence de géant ; alors je pris l’initiative d’avancer de moi-même dans sa direction pour finir par sortir de la forêt, fièrement, la tête haute.

Je le regardais dans les yeux, de loin. J’étais prête. Je savais que je jouais là des années de torture, mais quel choix avais-je ? Mon arrogance et mon entêtement ne me permettaient pas de faire machine arrière ; j’avais décidé, et je le ferai. Après tout, je n’étais pas arrivée là où j’en étais en faisant les choses à moitié.

— Eh, toi ! Le géant ! criai-je au moment où il m’aperçut.

Il s’arrêta net, et l’espace d’une seconde, voyant que je m’avançais toujours vers lui d’un pas décidé, garda le silence. Puis il se retourna d’un seul coup, si rapidement qu’il déclencha une bourrasque de vent qui faillit m’emporter jusque d’où je venais.

— Entrave !

Je pus me maintenir en place à la dernière seconde, par pur réflexe. Décidément, ce sort était vraiment pratique. Moi qui pensais ne pouvoir l’utiliser que sur des monstres, il s’avérait qu’il trouvait également un domaine pratique dans bien d’autres circonstances.

Au final, il cria en direction du camp.

— Elle est là ! Elle est là !!

Il cherchait à rameuter tous ses semblables ?! Quoi ? Avait-il vu que j’avais tué l’un des siens et ne voulait-il pas prendre de risques face à moi ? Si j’étais flattée d’être considérée de la sorte par un monstre à quatre étoiles, il était également vrai que je m’en serais bien passé ! Qu’allais-je faire, face à une horde de géants ? Parviendrais-je seulement à les inciter à utiliser une compétence ? Ils allaient me déchiqueter vivante… Non ! Ils allaient m’emmener et me torturer !

S’ils savent que c’est moi, ça veut dire que l’un de ces géants a vu ce qui s’est passé la dernière fois. Ils ne prendront plus le risque de se pavaner et de montrer ce qu’ils savent faire. Ils sont trop intelligents pour ça. Ils ont forcément une intelligence qui crève le plafond…

Le géant ne s’approchait pas. Il s’était retourné vers moi à nouveau et tandis qu’une vingtaine de ses frères arrivaient en courant et en provoquant un séisme de tous les diables, je me mis à paniquer.

Mes mains tremblaient, mon cœur battait déjà plus vite. Je n’arrivais pas à cacher mon anxiété, que dis-je, ma peur profonde de ce qui m’attendait pendant les quelques prochaines années. C’était là, devant moi, je ne pouvais plus éviter ce qui me pendait au nez : c’était désormais certain, j’allais me faire torturer, et mort ne s’en suivrait pas de sitôt.

Les géants rejoignirent celui qui me faisait face et qui ne bougeait toujours pas. Ils échangèrent quelques mots dans une langue plus grognée que chantée ; ils agitaient les mains, ils me jetaient des coups d’œil furtifs de temps en temps et semblaient ne pas pouvoir se décider. Étaient-ils en train de se demander à quel cep ils allaient m’attacher ? S’il ne valait pas mieux d’abord me torturer autrement ? S’ils ne feraient pas mieux de me tuer tout de suite, peut-être…

Ils hochèrent la tête entre eux, d’un air décidé et résolu, presque… presque apeuré.

Ils s’avancèrent alors vers moi, le visage dur et les sourcils légèrement froncés.

— Et voilà, mon heure est venue… Je ne pourrai décidément rien faire, me lamentai-je. Pardon, Friderik, tu vas me manquer, toi aussi, prends bien soin de mon donjon, surtout. Pardon, FeiLong, j’aurais dû t’écouter. Pardon, Pythagore… On dirait que tu n’auras jamais la chance de goûter à ce fameux vin, tout compte fait…

Je fermai les yeux, m’attendant à me faire happer par une gigantesque main ; serrant les dents, je patientais, la douleur allait arriver bien assez vite, je le savais. Tenter de dire quoi que ce fut était parfaitement inutile. La jouer fine ? Cette option s’était envolée au moment où toute la troupe était arrivée au galop.

Une seconde passa, puis deux. Cinq, et puis dix.

Au bout de trente secondes, confuse, j’ouvris petit à petit les yeux. Et ce que je vis n’avait pas fini de me laisser coite.

Face à moi étaient agenouillés plus de vingt géants ; la tête baissée, le regard creusant le sol à mes pieds, ils ne bougeaient plus d’un poil.

— Qu… Quoi ?

M’entendant ouvrir la bouche, l’un d’eux leva la tête et m’adressa la parole :

— Grande déesse venue d’au-delà des cieux, pardonne-nous pour ce que nous avons fait. Nous ne cherchons pas à faire la guerre ou le mal, et sommes désireux de rester vivre ici, à cultiver la vigne des dieux en toute tranquillité. Laisse-nous vivre en paix, nous t’en conjurons. Nous ne semons pas la mort malgré notre puissance, et ne faisons que repousser les intrus et les torturer un peu pour les dissuader de revenir troubler notre paix.

Je ne comprenais rien à ce qu’il racontait. Ni le début, ni le milieu, ni la fin. Et il continua :

— Nous ne savons pas pourquoi tu es descendue d’au-delà des cieux, ou pourquoi tu as choisi de te présenter dans un corps si faible d’apparence, ni même pourquoi tu as jugé bon d’abattre ta colère divine sur notre frère Vedbarg, mais nous t’en prions tous, autant que nous sommes. Toi qui es capable de forcer l’un de nos frères à se donner la mort de son plein gré en utilisant sa compétence la plus puissante, l’Appel du Walhalla, pardonne-nous ce que nous avons pu faire de mal et ne nous force pas à subir le même sort que lui.

Ils s’inclinèrent tous face à moi et ces montagnes de muscles et de barbes se retrouvèrent presque à plat ventre, implorant ma pitié.

Je commençais tout doucement à cerner la situation.

Je souris en coin avant de m’avancer vers eux.

Raka
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10 thoughts on “DMS : Chapitre 52

  1. Ouaaah c génial… Elle a désormais la main mise sur une vingtaine de monstre 4*… Respect 🙂
    Merci raka pour le chapitre !!

    1. Elle a « la main mise » sur des creatures à la Stat d’intelligence hyper haute sur la base d’un mensonge. 

      T’y crois ? Haha.

  2. Ahah excellent et sa promet pour la suite, avons nous là un malentendu ? Ou alors ces géants qui sont d’un tout autre niveau on vue quelque chose à propos de notre héroïne qui serait peut être la réincarnation d’une déesse ? Hâte dans découvrir plus

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