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Chapitre 82 – C’est reparti (2)

 

Après avoir gentiment reçu quelques vêtements de la part d’un explorateur sans nom, je fus bien obligée de m’expliquer. Ils me regardaient tous d’un œil curieux, attendant avec anticipation ce que j’allais leur dire à propos de ce slime, gentiment posé sur mon épaule et silencieux au possible – sans doute profitait-il encore dans sa tête du bon moment qu’il avait passé contre moi.

— Je… commençai-je, je…

Comment leur expliquer ? Ils m’avaient bel et bien ouvert la voie un peu plus tôt, je cherchais simplement un moyen de tourner les choses de façon à ne pas paraître trop suspecte. Ils ne se préoccupaient même pas de ce super sort que j’avais lancé au final et n’avaient d’yeux que pour Friderik.

— J’ai utilisé un objet magique afin de faire de ce monstre mon familier, lâchai-je.

Des « oooh » et de « ouaah » s’élevèrent au sein d’une foule désormais grosse de presque vingt personnes. Des explorateurs étaient arrivés, d’autres avaient utilisé une méthode quelconque pour contacter leurs amis, et j’étais là, à devoir m’expliquer face à tous ces gens, dont la moitié m’avaient vue à poil.

L’un d’eux leva la main et demanda :

— Mais… Posséder un tel objet magique signifie-t-il que tu vas pouvoir finir n’importe quel donjon facilement ?

Je secouai la tête :

— Il était à usage unique et a été détruit.

Son visage fondit ; il s’attendait sans doute à pouvoir profiter de la situation et qui sait, peut-être même pouvoir m’emprunter l’objet en question. Quel homme cupide.

Dans la foule, une voix de femme s’éleva alors. Je fus surprise, parce que les femmes, ça ne courait pas les rues, même chez les explorateurs.

— Le donjon a disparu. Est-ce parce qu’il ne possède plus de boss ? Comment fonctionne ce domptage ? Est-ce qu’il a simplement disparu du donjon, le forçant à se refermer à jamais ?

Tournant les yeux dans sa direction, les explorateurs s’écartèrent pour laisser s’avancer une jolie jeune fille aux cheveux noirs, typée comme je l’étais. Elle était Chinoise et je me souvenais parfaitement d’elle ! Elle m’avait tuée d’une multitude de coups de poignard la première fois que je m’étais rendue par erreur sur Albion !

J’avais toujours pesté contre son attaque lâche, mais je devais garder en moi ce soupçon d’émotion qui menaçait d’apparaître sur mon visage. Je lui répondis alors sans attendre.

— Je ne sais pas du tout. Je suis une exploratrice, tu sais. Je ne suis pas l’architecte du donjon. Comment pourrais-je savoir ? Il a disparu et voilà.

Elle fronça légèrement les sourcils et ne pouvant que se satisfaire de ma réponse, tourna les talons pour s’en aller.

— Mais c’est quoi son problème, à elle ? murmurai-je tout bas.

Je répondis encore à quelques autres questions banales avant d’annoncer que je devais désormais rentrer à Roram afin de prendre du repos. Après tout, le soleil était maintenant couché et j’avais besoin de dormir.

Saluant tous les explorateurs perplexes, je fis route en direction du village. Certains d’entre eux me suivirent de loin pour une raison ou une autre. D’aucuns rentraient en même temps que moi, d’autres étaient curieux et voulaient m’observer un peu plus longtemps. De toute façon, il n’y avait plus de donjon, et une fois sortis de leur perplexité, ils n’auraient d’autre choix que de rentrer à la maison.

 

*

 

Je me rendis chez le forgeron et sa femme Lyrne, qui m’accueillirent à bras ouverts. J’avais eu peur pendant quelques secondes qu’elle n’ait retrouvé la mémoire et qu’elle ne me vaille une réception des moins cordiales… mais tout allait bien pour le moment.

Après m’avoir serrée dans leurs bras et s’être trouvés surpris par la présence d’un slime à iroquoise sur mon épaule, ils me conduisirent à ma chambre réservée ; après tout, j’étais de la famille, maintenant.

— Désires-tu quelque chose à manger ? s’enquit le forgeron une fois que je fus assise sur mon lit sommaire.

— Non merci, secouai-je la tête.

Après tout, je ne mangeais pas. J’avais l’apparence d’une humaine mais je restais une architecte et je n’avais aucun besoin de me nourrir ; je n’avais même pas faim. Mais il fallait tout de même que je donne un peu le change. Après tout, je sortais d’un donjon imprenable…

— Mais je veux bien de l’eau.

Il me sourit et partit immédiatement en dévalant les escaliers.

— Ce sort d’humanisation… Pourquoi a-t-il fonctionné, cette fois ? Il y a des conditions…

J’étais incapable de deviner ce qui avait fait échouer le sort la dernière fois que je l’avais utilisé, avant de me faire tuer par Wayne ; j’allais devoir en apprendre d’avantage si je voulais pouvoir rester plus de vingt-quatre heures d’affilée sur Albion.

— Je vais peut-être y être obligée, me rappelai-je tout bas, après tout… je n’ai plus de donjon pour rentrer. Je sais que je peux en créer grâce à Joc, mais… le système ne me repèrera pas ? Je ne peux pas prendre le risque tout de suite.

Perdue dans mes pensées, je n’entendis pas le forgeron revenir. Lorsqu’il posa une carafe d’eau sur la petite table, il me fit sursauter.

— Désolé… s’excusa-t-il, tu étais perdue dans tes pensées, hein ?

— Oui, acquiesçai-je, j’avais le regard perdu vers le plafond, ha ha…

— Si quelque chose te tourmente, je ne suis peut-être pas la personne la mieux placée pour te donner des conseils sur la vie… mais tu peux en parler à Lyrne. Elle est intelligente et sait trouver des solutions.

Je pouvais en parler… ? Non, clairement pas.

— Merci, finis-je par lâcher.

Voyant que je n’étais pas encline à discuter plus que ça, il me laissa dans ma chambre et referma la porte après m’avoir souhaité une bonne nuit.

 

*

 

Cette nuit-là, je me surpris à rêver. Cela faisait longtemps, très longtemps que ça n’avait plus été le cas. Peut-être à cause du sort d’humanisation ? Ou parce que je n’étais plus sous l’emprise du système ? Quoi qu’il en fut, c’était agréable de rêver. Un rêve bien étrange et quelque peu dérangeant, mais agréable en tout état de cause, du simple fait de son existence.

Je me voyais, mère au foyer, devant un âtre où flambait un feu doré, brillant de rouge, d’orange et de jaune. La chaleur me caressait la peau et que je souriais, mon bébé somnolant dans les bras tandis que je le berçais en fredonnant tout bas. Soudain, il ouvrit les yeux en grand et me lança un regard vide de ses deux orbites noires où brillaient des milliers, des millions d’étoiles que côtoyaient des galaxies, des soleils et des mondes.

Surprise, je sursautai dans mon rêve même avant de le voir ouvrir la bouche en un sourire heureux et carnassier, prédateur même.

Il était étrange, ce bébé. Mais je n’avais pas peur. C’était mon bébé.

Le reste du rêve était flou et je ne m’en souvins pas au moment de mon réveil, le matin.

J’eus un peu peur, à ce moment.

— Le système me cherche… Ne me dis pas qu’il peut se servir de mes rêves pour me trouver… Ce sourire était trop équivoque. Comme s’il… Comme s’il avait réussi.

Non, ce devait être impossible, il fallait que ce soit impossible. S’il pouvait me traquer de la sorte alors j’étais perdue. Je ne pouvais pas lutter contre ça. Cela dit, je restai tout de même immobile, allongée sur mon lit pendant encore dix bonnes minutes. J’attendais de voir si quelque chose allait se produire, si le système m’avait réellement trouvée. Mais au bout du compte, je fus légèrement rassurée.

— J’espère que ce n’était qu’un rêve issu de ma forme humaine… murmurai-je.

Après m’être levée, je frottai mes yeux encore un peu gonflés et jetai un œil à Friderik, toujours endormi sur le lit.

Je le secouai un peu.

— Eh. Debout. Faut qu’on parle.

Il ouvrit un œil, si peu… Mais il était bien éveillé. Un point d’interrogation apparut au-dessus de sa tête tandis qu’il se demandait ce que je lui voulais.

— Hier soir, j’étais trop crevée, désolée, continuai-je, mais maintenant, il faut qu’on mette les choses au point.

— Eh bien, me répondit-il d’une petite voix, parle ? Même si je sais déjà où tu veux en venir. Je ne suis pas idiot.

— Nous sommes coincés sur Albion, t’en rends-tu compte ? Je ne sais pas si je peux me permettre de créer un donjon. Le système…

— Je comprends, me coupa-t-il, mais il va falloir essayer un jour ou l’autre, de toute façon. Alors autant ne pas faire traîner la chose, tu ne penses pas ?

— Je…

Je ne savais pas.

— Plus nous attendrons, plus le système pourra trouver de moyens de nous localiser s’il le souhaite.

Il avait bien raison. Je ne pouvais pas rester sans rien faire, vivre comme une fugitive sur Albion pour l’éternité et un jour, parce que l’erreur arrive toujours, tomber aux mains du système.

Prenant une profonde inpiration, je repris.

— Et puis, tu es mon familier, ne l’oublie pas. Ne parle pas, ne fais rien d’inopportun. Notre couverture pourrait rapidement s’envoler…

— Ai-je dit quoi que ce soit, hier ? me coupa-t-il une fois de plus.

— Non, certes.

— Je ne suis pas idiot, je te l’ai dit, répéta-t-il.

— Parfait, alors.

Sur ces mots, on frappa à la porte.

— Oui ? Entrez.

La porte s’ouvrit en grinçant et la tête de Lyrne apparut. Elle m’adressa un large sourire et entra avec un plateau sur lequel je pus trouver plusieurs tranches d’un jambon étrange, du fromage et du vin.

— Merci.

Elle hocha la tête et s’en alla, tenant son ventre dans ses mains comme une mère déjà trop protectrice. Peut-être sa maladresse naturelle justifiait-elle son comportement, ceci dit.

Naturellement, je n’avais rien envie d’avaler. Friderik, par contre, ne se priva pas et engloutit la totalité de ce qui se trouvait sur le plateau d’un seul coup juste après mon regard de confirmation.

— Tu as gagné des statistiques ? lui demandai-je ironiquement.

Beurp. Non. C’était juste très bon.

— D’ailleurs… Puis-je voir ton statut ?

— Naturellement.

Il tendit un tentacule vers moi et me transmit l’information que je désirais.

 

[Friderik Ulfrson – niveau 6]

[Créature – Elémental]
[Force – 75]
[Constitution – 100] [Points de vie – 600]
[Dextérité – 40]
[Vivacité – 35]
[Piété – 20]
[Intelligence – 40] [Mana – 160]
[Charisme – 35]

[Compétences]

[Peau de pierre] [Camouflage partiel] [Régénération] [Maîtrise de l’épée] [Pillage] [Morphose]

Je fus surprise.

— C’est tout ? Je m’attendais à bien plus que ça…

Il fronça légèrement ses sourcils gluants.

— Tu te moques de moi ? Les équipements des explorateurs ne me donnent presque plus rien ! J’ai beau les dévorer encore et encore, je ne gagne à peu près plus aucun point dans mes statistiques. Je pense…

— …que le niveau est trop faible ? devinai-je.

— Oui.

— On avisera. Je te raconterai, je vais créer des donjons dans des endroits de plus haut niveau. Tu pourras t’en donner à cœur joie.

Il ouvrit grand les yeux – aussi grand qu’il le pouvait.

— Ooh, j’attends ça avec impatience !

 

*

 

De retour dehors, je me rendis rapidement vers la boutique des aventuriers. Maintenant que je possédais une classe, peut-être pouvais-je alors acheter ce qu’il avait à proposer ? Après tout, j’avais à ma disposition plus de vingt mille crédits. Je pourrais alors m’acheter quelque chose d’exceptionnel, n’est-ce pas ?

Le marchand PNJ m’accueillit tout naturellement, semblant toujours ne pas deviner que j’étais Qian Wuying, architecte.

— Bonjour, mademoiselle ! Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?

— Ouais. Quelque chose à v… Oh… Bonjour…

En croisant son regard, d’un seul coup, ce que j’avais en face de moi n’était plus un PNJ mais un explorateur, ou un architecte, sous l’emprise du système. Je ne pouvais plus le voir autrement. Il fallait dire que si je ne m’étais pas faite la réflexion plus tôt, ou plutôt que je n’avais pas vraiment réalisé… désormais, je savais que je ne pouvais plus leur manquer de respect. Ils étaient des véritables victimes dans toute cette histoire !

— Bonjour, mon brave marchand qui faites votre travail avec passion, acharnement et discernement. Pourrais-je, s’il vous plait, savoir si je puis me permettre d’acheter quelque chose dans votre estimée boutique, qui ne vend que le meilleur du meilleur sous ces cieux Albionnais ? Je veux dire… Ce doit être dur, depuis tout ce temps, ne pas pouvoir bouger… de votre boutique, évidemment !

Je n’en faisais pas un peu trop, là ? Friderik me lança un regard qui en disait autant. Mais le marchand ne sembla pas relever et peu importait la façon dont je lui parlais, je ne pouvais qu’espérer que le type tout au fond de ce personnage, celui qui était enchaîné et puni, se rende compte que je m’adressais à lui en particulier, lui exprimant mon soutien. Je ne pouvais pas en faire plus, de toute façon.

— Oh… Je suis désolé, mademoiselle, mais il semble qu’il y ait un petit problème. Je n’ai rien pour vous.

— Hm. Merde. Dommage. Merci quand même.

Finalement, je n’étais pas capable de lui acheter quoi que ce fut, hein ? C’était à moitié prévisible, mais j’avais essayé.

Tournant les talons, je me rendis à nouveau dans la rue. Les mains sur les hanches, je tentais de décider ce que j’allais faire ensuite.

— Je crois qu’il va vraiment falloir que je crée un donjon, afin de pouvoir rentrer… me décidai-je.

Raka
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18 thoughts on “DMS : Chapitre 82

  1. Tournant les yeux dans sa direction, les explorateurs s’écartèrent pour laisser s’avancer une jolie jeune fille aux cheveux noirs, typée comme je l’étais. Elle était Chinoise et je me souvenais parfaitement d’elle ! Elle m’avait tuée d’une multitude de coups de poignard la première fois que je m’étais rendue par erreur sur Albion !

    Des chinois sur Albion ?

        1. Non, Chinoise.
          Pourquoi aurais-je voulu dire Asiatique ?
          Un Chinois, ça se reconnait ; encore plus quand tu l’es toi-même.

  2. Cette histoire de rêve…
    T’es un peu skyzo pour ecreun truc aussi flippant 

    Le sourire carnassier surtout me glace le sang

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