DMS : Chapitre 83
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Chapitre 84 – C’est reparti (4)

 

Je me rendis directement vers la Guilde des Explorateurs pour y demander où se trouvait ce fameux dispositif. Il s’avérait qu’il était juste là, dans le sous-sol du bâtiment mais que l’accès en était réservé aux explorateurs de niveau 20 ou plus. Il s’agissait d’un protocole mis en place afin de ne pas laisser les jeunes explorateurs néophytes et imprudents tenter d’aller conquérir des zones où ils ne feraient que mourir alors que Roram avait besoin d’eux.

Peu importait la somme que j’étais prête à dépenser, on refusait de me laisser entrer, malgré les deux niveaux qu’il me manquait à peine.

— Vous ne voulez vraiment pas faire un effort ? Après tout, je suis… Je suis Paladin, et j’ai ce familier, j’ai réussi à conquérir ce donjon que personne n’a pu défier avant moi… Je suis meilleure que ce que mon niveau le laisse penser…

J’étais à moitié en train de chercher des excuses et à moitié en train de supplier ce corrompu à l’entrée du sous-sol. Mais il continuait à me fixer, d’un regard froid et dur. J’avais l’impression de me faire écraser par une plaque de marbre sur laquelle un graveur tapait avec un burin, chacun de ses regards répétés étaient comme autant de coups qui me rabaissaient en me faisant comprendre qu’il ne cèderait pas.

Après tout, le système était strict. S’il avait décrété qu’il fallait avoir le niveau 20, alors pourquoi en aurait-il été autrement de moi ? Je ne faisais pas exception, et je ne voulais pas faire exception. Le mieux que je pouvais faire, c’était de faire profil bas et passer inaperçu.

Décidant de ne pas insister plus que ça, et voyant que ce type ne me répondait même plus, je fis demi-tour et quittai la Guilde.

Il fallait maintenant que je décide ce que j’allais faire. Il semblait bien que je n’avais plus trop le choix. J’allais devoir créer un donjon ici, dans la zone pour débutants, encore une fois. Une fois à l’intérieur, j’allais pouvoir le détruire et ressortir chez les géants.

Je craignais de faire ça parce qu’un donjon qui apparaissait et disparaissait comme ça et comme par hasard aux alentours de Roram allait mettre le système en alerte, c’était certain ; mais je ne voyais plus vraiment d’autre alternative.

— Puisqu’il faut y aller… me décidai-je.

Autant ne pas attendre la dernière seconde. Au moins, si quelque chose tournait mal, j’aurais toujours du temps pour tenter de rectifier le tir et rattraper la situation.

Peu désireuse de me rendre là où mon premier donjon se situait, je partis de l’autre côté.

— Mais attends. Si j’avance suffisamment, je devrais pouvoir atteindre une autre zone. Ainsi, les soupçons devraient être moins lourds.

J’étais géniale. Je n’y avais pas pensé plus tôt, mais peu m’importait, j’avais eu l’idée juste à temps et c’était ce qui comptait.

Je marchai donc à travers champs et en évitant tout ce qui ressemblait à des forêts ou des montagnes. Ainsi, je pourrais éviter de croiser des monstres que je n’aurais pas été capable de neutraliser.

Je me rendis ceci dit compte en croisant la route de quelques bestioles peu fréquentables que ce n’était pas si simple. Mais puisque la zone pour débutants allait jusqu’au niveau 20, je pouvais me considérer en haut de l’échelle, ou presque – et me défendre avec une aisance relative.

Aucun monstre ne fit le poids face à mon niveau 18 et mes compétences de Paladin. Je n’osais pas utiliser mes sorts d’architecte de peur que quelqu’un me voie, mais avec ce que j’avais pour moi et une maîtrise de mes deux poings, je pus me tailler un chemin dès que le danger frappait à ma porte.

Au bout de quelques heures, le soleil descendait déjà, loin au-dessus de l’horizon. J’avais dû aller suffisamment loin.

— Ici, ce sera parfait. Peu importe, de toute façon, je vais le détruire.

Je m’étais arrêtée près d’un grand trou, qui ressemblait à un cratère géant, comme si une météorite s’était jadis abattue là et que la terre ne s’en était jamais remise. Je m’en fichais, après tout. C’était juste un endroit classe, et mon instinct parlait.

Je me tournai dans tous les sens, fis plusieurs fois le tour du propriétaire en poussant même le vice jusqu’à aller me promener à plusieurs reprises à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Mais il n’y avait définitivement personne dans les environs, j’en étais à peu près convaincue.

Revenant au centre du cratère, je me concentrai.

— Sésame, ouvre-toi, murmurai-je en souriant.

La terre trembla légèrement et se plia à ma volonté ; pile au milieu du cratère s’ouvrit une fissure dans le sol et je savais déjà ce qu’il y avait au bout. Une petite salle, comme je le désirais.

Évidemment, il s’agissait d’un donjon duquel on ne pouvait pas ressortir puisque l’entrée se situait à la verticale. C’était un choix totalement arbitraire, je m’amusais, voilà tout. Après tout, pourquoi aurai-je du rester sérieuse alors que je pouvais rigoler un peu tout en effectuant des tests ?

J’atterris au fond du trou et y plaçai immédiatement des lumières fongiques afin d’y voir un peu plus clair. Je voulus immédiatement supprimer mon donjon et rentrer chez les géants, mais une voix dans ma tête m’informa aussitôt que je ne pouvais pas faire ça sans dalle de sortie.

Je voulus alors poser une dalle de sortie et une voix dans ma tête m’informa que je ne pouvais pas faire ça sans avoir attribué un type de donjon à ma création.

— …Il va continuer à se foutre longtemps de moi, ou… ?

Grinçant des dents, je définis aussitôt le type de donjon en forêt hantée et dus creuser encore un peu afin de pouvoir placer la dalle en plein milieu.

— Enfin ! Bon sang, ce n’est pas trop tôt, me plaignis-je.

Enfin, je pus demander la destruction de mon donjon.

Je voulus le supprimer, quand une voix dans ma tête…

— Non… C’est pas vrai…

…m’informa que je ne pouvais pas le faire tant qu’il n’avait pas été conquis au moins une fois.

— Merde ! Voilà !!

Je venais de créer un donjon à l’entrée peu commode où aucun explorateur n’allait sauter, loin de tout et perdu dans la nature, tout ça pour m’entendre dire que j’allais devoir convaincre un explorateur d’y plonger ? Et rien de moins que ça, il allait falloir qu’il tue le boss ?!

— …Qian Wuying dans toute sa splendeur… me mis-je à pleurnicher.

Je n’avais pas été victime de ma malchance légendaire depuis un peu trop longtemps. J’avais presque commencé à m’y habituer, et même si je savais que je n’aurais jamais dû, c’était trop tard. Elle avait frappé à nouveau, au pire des moments !

Il me restait à peine quelques heures avant de perdre ma forme humaine. Et je voulais à tout prix détruire ce donjon.

Soudain, Friderik leva les yeux vers moi, lui qui avait été silencieux toute la journée. Maintenant que nous étions enfermés dans un donjon, il pouvait cesser de se faire passer pour un familier docile.

— Tu es une idiote, me lâcha-t-il de but en blanc et sans tact aucun.

Mais il avait raison. J’étais tellement bête.

— Je sais, avouai-je, pourquoi ai-je fait les choses comme ça ? J’aurais dû simplement… rester aux alentours de Roram.

Il ouvrit les yeux, surpris.

— Tu es encore plus idiote, alors. Tu veux simplement rentrer sur le plan des architectes, non ? Eh bien, pourquoi ne rentres-tu pas ? La dalle de sortie est juste là. Ton donjon, il peut rester là, pour ce que ça change. Dans le pire des cas, tu en possèdes un deuxième.

Facepalm.

Je… Je n’avais pas du tout pensé à ça.

Je posai le pied sur la dalle de sortie et voulus m’enfuir de là au plus vite.

…Une voix dans ma tête m’informa que je ne pouvais pas quitter un donjon en plein milieu de sa création.

— BOR !! DEL !! DE !! PUTAIN !! DE !! VOIX !!

Et ce n’était même pas la voix du système. Depuis que Joc et Pythagore avaient fait ce truc pour débloquer mes possibilités, ce que j’entendais en permanence, c’était la voix de Joc. Il jouait le rôle de la secrétaire de donjon, ou quoi ?

— Bon, puisqu’il faut y aller…

Je me mis à creuser une pièce de taille S, qui s’avéra rester vide, avant de vouloir y invoquer un tomte. Cependant, je retins ma main.

— Attends… Si je veux un jour supprimer ce donjon, il va falloir qu’il se fasse conquérir. Vu l’endroit où je l’ai placé, personne ne viendra pour un tomte.

Me ravisant, je fis apparaître un varan.

 

***

Teacup réapparut dans un fracas de couleurs et avec la nausée. Il venait d’expérimenter sans le savoir le mal des transports pour la première fois de sa vie ; mais ce ne fut pas ce qui le choqua le plus.

Tournant la tête, il vit le monde apparaître autour de lui, toujours peu conscient de ce qui venait de se produire. Il se rendait compte qu’il venait de se faire emmener en tant que passager clandestin dans une espèce de téléportation, mais l’endroit où il venait d’atterrir…

Il vit tout d’abord apparaître un visage familier.

— P… Pythagore ? s’exclama-t-il.

Les larmes lui montèrent aux yeux, juste assez pour qu’il se rende compte qu’après tout ce temps, il l’avait enfin retrouvé. Après tout, il avait été celui qui avait créé ce sort, et depuis qu’il l’avait perdu de vue à Imperos, il avait perdu espoir.

Pythagore avait été traité comme un fou, de nombreuses personnes le cherchaient et personne ne le trouvait. Il se cachait, c’était certain. Fou ou pas, il devait lui rester ce qu’il fallait d’instinct pour ne pas se laisser prendre. Il se terrait, depuis tout ce temps.

Et quel ne fut pas le choc qui s’abattit sur son petit esprit quand il se rendit compte de la présence des géants ! C’était donc là que se cachait Pythagore ! Pas étonnant que personne n’ait pu mettre la main sur ce vieux renard ! Il n’était plus en ville !

Et les géants l’entouraient, aussi pacifiques que du bétail. C’était peut-être ce qu’il y avait de pire dans toute cette histoire. Comment était-ce seulement possible, envisageable, imaginable ? Même dans les rêves les plus fous de tout architecte, il était hors de question de prétendre côtoyer les géants vignerons ! C’était… C’était simplement impossible.

Ceci dit, il lui fallut bien se rendre à l’évidence. Les géants n’avaient pas la moindre intention d’attaquer Pythagore, Wuying ou même ce type de l’administration. D’ailleurs, si le premier choc n’était pas suffisant, quand il entendit ce que celui-ci avait à raconter sur son emprisonnement dans son propre corps pendant dix millénaires, Teacup tomba littéralement à la renverse, incapable de contrôler ce vertige qui s’emparait de lui.

— C’est… complètement et totalement… dingue…

Il pensait être un cas de cirque, un monstre de foire, invisible dans un monde où tout le monde semblait l’avoir oublié. Mais en entendant l’histoire de Joc, il alla même jusqu’à avoir pitié de lui. Pour rien au monde n’aurait-il voulu échanger sa place avec la sienne et subir cette éternité de tourment.

Peu à peu, il reprit néanmoins ses esprits et réalisa ce qu’il se passait. Wuying était vénérée par ces géants pour une raison dont il ignorait tout, et Pythagore était apparemment devenu un alcoolique et baignait dans un océan de vin quotidien, pour son plus grand plaisir. Même si Joc restait le plus mystérieux des trois, il commençait à le comprendre, lui aussi.

— Il faut tout de même que je trouve un moyen de leur signaler ma présence… réalisa-t-il.

Cependant, même les géants étaient incapables de le voir, l’entendre, le sentir. Comment aurait-il pu faire savoir qu’il était là ? Pythagore était le premier intéressé mais il avait déjà tenté jusqu’à la télépathie – et en était devenu timbré – sans la moindre once de résultat.

— Tout part d’elle, finit-il par murmurer, c’est elle qui crée des situations improbables.

Conscient qu’elle possédait quelque chose de spécial, il se décida à la suivre où qu’elle aille, jusqu’à trouver une opportunité sur laquelle se jeter. Après tout, il finirait bien par tenter le destin et trouver une occasion de lui dire qu’il était là, sous ses yeux, incapable de lui parler.

Elle se souviendrait alors forcément de lui.

Raka
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21 thoughts on “DMS : Chapitre 84

  1. Après tout, le système était strict. S’il avait décrété qu’il fallait avoir le niveau 20, alors pourquoi en aurait-il était autrement de moi ?
    Je me rendis ceci dit compte en croisant la route de quelques bestioles peu fréquentables que ce n’était pas si simple.
    Tu devais être assez endormi 🙂

    Hmm, donc finalement c’est Teacup qui va finir par l’aider dans cette situation où elle s’est fourrée ? Merci pour le chapitre (2 en plein semaine, wouah!).

      1. Ne voulais-tu pas dire plutôt « je m’en rendis compte en croisant » ou alors « je me rendis compte de ceci en croisant » ?

        1. Non. « Ceci dit » est utilisé comme un adverbe synonyme de « Cependant » ou « Néanmoins »…
          J’aurais pu dire « Ceci dit, je me rendis compte, en croisant la route… »
          C’est pareil, juste moins littéraire.

  2. C’est sur quant elle lance le sort de feu dans le donjon ce crétin invisible se jettera dessus

    1. J’ai envie de dire, quand t’es enfermé dans un donjon et que tu lances un sort capable de détruire un pays, y a pas vraiment besoin de se jeter dedans.

  3. Bon… Finalement c’était peut être Teacup dans son donjon détruit mince mes prédictions seraient fausses !!

    Merci pour les chapitres supplémentaires.
    J’hésite à me faire cryogéniser pour pouvoir lire jusqu’à la fin où à gagner au loto pour te financer l’écriture… Je sais pas lequel est le plus réalisable >_<

    1. Me demande pas mon avis, je vais pas y réfléchir à deux fois mdr
      Avec assez de rentabilité je change ça en projet professionnel et j’écris 8h par jour cinq jours sur sept.

    1. Non, de la même façon qu’elle ne peut pas trouver de choses dans ses coffres. Le donjon est lié à elle et la reconnait. Ca fonctionne pas.

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