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Chapitre 87 – Départ pour Camelot (3)

 

Le premier coup de poing que je balançai à la pauvre créature inconsciente me fit mal aux doigts. J’eus l’impression de frapper un mur de briques. Je n’avais jamais frappé de mur, mais c’était sans doute cette douleur qu’on devait ressentir.

Serrant les dents, je tentai le deuxième coup, immédiatement et pour ne pas perdre mon timing. Il me fit moins mal, mais ne perturba pas le dinosaure pour autant ; il ne broncha pas le moins du monde.

Le troisième coup me picota encore.

Le quatrième ne me fit plus aucun effet.

Le cinquième fit vibrer sa peau.

Le sixième provoqua un hématome, déjà tout noir.

Le septième lacéra sa chair, qui glissa sous mes doigts dans une gerbe de sang.

Le huitième fissura son crâne, que je sentis craquer sous mes phalanges.

Le neuvième lui explosa la tête, véritable feu d’artifice de bouts de cerveau.

Neuf coup. Il m’avait fallu neuf coups pour mettre à mort un monstre de niveau 198. Je me rendis alors compte de la différence de puissance qui nous séparait ; sans mon équipement, je n’aurais jamais pu espérer l’égratigner. Et il n’aurait même pas eu besoin de me tuer, je me serais simplement fracassée moi-même sur lui. En prenant en compte la puissance augmentée à chaque coup, il m’avait fallu le frapper quatre fois pour ne plus avoir mal et cinq fois pour commencer – à peine – à voir un effet sur son corps. Et même avec mon équipement, sans l’aide du géant, je n’aurais pas pu espérer l’affronter face à face. Quatre coups ? Si j’avais pu lui en infliger un seul, ça aurait été un miracle.

Au bout du neuvième coup, j’avais éclaté l’une de ses deux têtes et l’autre retomba, totalement inerte – encore plus qu’elle ne l’était lorsqu’il était juste assommé. Je m’étais demandé si deux têtes signifiait qu’il fallait le tuer deux fois, mais il semblait que la perte de l’une des deux était suffisante.

J’étais tout de même fière de moi, et le message qui apparut devant mes yeux était le bienvenu.

[Schéma du Raptor bicéphale acquis.]

Il m’avait fallu exactement dix secondes pour le mettre à mort. J’avais fait quelques calculs et ce niveau était la limite de ce que je pouvais me permettre de posséder actuellement ; plus que ça et je n’aurais pas assez d’énergie pour le placer dans un donjon.

Me tournant vers Hohol et soupirant à l’image d’un seigneur de guerre qui venait de remporter une bataille des plus faciles contre un ennemi tout-puissant, je lui fis un signe de la main.

— Bien, au suivant. J’en veux un autre.

Mon ton se voulait hautain, mais pas envers lui ; simplement afin de lui montrer que je tuais des monstres de dix fois mon niveau en une dizaine de secondes à peine. Et il le remarqua. Après tout, il faisait partie d’une espèce intelligente au possible.

— Incroyable, grande déesse, s’extasia-t-il, tu as mis à mort une créature que tu n’aurais jamais dû pouvoir blesser ! Que tu l’ensorcelles pour l’obliger à se suicider est une chose, mais que tu le tues de tes mains alors que ton niveau en ce monde est si faible… !

J’étais aux anges. Entendre les compliments du géant me plaisait fort. Lui rappelant que j’en voulais plus, je lui fis un nouveau signe de la main.

— Allons, mon brave, soufflai-je avec le menton relevé, il y a bien d’autres créatures qui remplissent mes critères, n’est-ce pas ?

Il leva les yeux au ciel et les fit rouler deux fois mais répondit aussitôt, de sa voix de baryton :

— Bien entendu. Maintenant que nous sommes ici, toutes les créatures que nous croiserons n’auront jamais rencontré le moindre architecte. Ce sont toutes des créatures inédites pour la ville des architectes et grâce à ma puissance, je peux sentir celles qui ont le niveau que tu désires.

Je lui adressai un sourire satisfait.

— Parfait. Allons-y. Quelle est la suivante ?

Il m’attrapa délicatement pour me déposer sur son épaule avant de se changer en un trait de foudre et de s’envoler vers les nuages. Aussi loin que je pouvais voir, il n’y avait des terres, des montagnes, même un océan. Mais jusqu’où s’étendait donc ce plan ? Il ne pouvait pas être infini, tout de même…

Mais avant que je puisse y penser plus que ça, nous étions déjà arrivés à destination. Nous percutâmes le sol dans un fracas électrique et Hohol claqua immédiatement des doigts, sans même me demander si son choix me convenait.

Je n’aperçus ce qu’il visait que lorsque la bête fut déjà au sol, crépitante et prises de spasmes.

— Hein ? suffoquai-je à moitié.

À mon interjection, il fronça tout de même légèrement les sourcils.

— Ce n’est pas bon, grande déesse ? m’interrogea-t-il alors, si jamais celle-ci ne te conv…

— Tu te fous de ma gueule ?! m’écriai-je en posant les mains sur ma tête, comment veux-tu que ça ne me convienne pas ?!

Cet abruti venait de coucher une bête… Une créature… Un… Un cheval noir dont les sabots fumaient et dont les deux cornes frontales offraient un semblant de mythologie ; on aurait dit une licorne, mais avec ça de différent.

— Tu viens de me dénicher une licorne ?! Non, je veux dire, qu’est-ce que c’est que cette licorne étrange ?

Pour être parfaitement honnête, j’aurais pu compter sur les doigts d’une main le nombre de personnes sur Terre et que je connaissais qui n’auraient pas rêvé de posséder ou même de simplement chevaucher un jour une licorne.

C’était une créature noble, je ne savais même pas si j’allais oser la frapper. J’étais alors convaincue que s’il m’avait offert une vraie licorne, du genre… blanche avec une corne et une crinière multicolore, je n’aurais pas pu m’y résigner.

Bon, il fallait avouer qu’à deuxième analyse, celle-ci tenait plus d’une fusion entre une créature infernale et la licorne des légendes. On aurait dit une expérience ratée.

— Je vais mettre un terme à ses souffrances. C’est une bonne action de ma part. Oui.

La pauvre créature devait être piégée entre le rêve et le cauchemar au quotidien. En tout cas, c’est ce dont je me convainquis rapidement, juste avant de retrousser proverbialement mes manches.

Une dizaine de secondes plus tard…

[Schéma du Cheval de Cauchemar acquis.]

— J’avais raison ! criai-je en voyant son nom.

C’était bel et bien un animal cauchemardesque, et il devait maintenant être en train de me remercier, libéré de cette malédiction, dans le monde meilleur dans lequel il se trouvait.

Hohol sembla comprendre ce que j’avais dans la tête et ouvrit la bouche pour parler, d’un air hésitant cela dit.

— …Tu sais, il va réappa…

— STOP ! lui coupai-je la parole, je ne veux rien savoir. J’ai raison, tu te trompes.

Je savais bien que c’était faux et j’étais pourtant habituellement une personne sensée et posée, réaliste même. Je ne me perdais jamais dans des rêves louches ou des désirs extravagants, je savais garder les pieds sur terre… mais devoir tuer une licorne était plus fort que moi. Après tout, moi aussi, j’étais une fan incontestée de ces créatures.

Me perdant dans mes souvenirs pendant quelques instants, je revis à force de soupirs et de sourires ma vieille tasse à café sur laquelle était imprimée une tête de licorne ; je me souvins aussi de mes couvertures, que j’avais un jour trouvées aux puces et qui décrivaient un jardin empli de ces animaux sacrés…

Oui, j’avais été attirée par les licornes depuis aussi loin que ma mémoire remontait.

— Ce n’est pas une licorne, hein, me rappelai-je tout haut pour me faire redescendre sur terre, c’est un cheval ténébreux à deux cornes et dont les sabots émettaient de la fumée noire.

Hohol haussa les épaules, ne voyant plus où je voulais en venir. À vrai dire, je l’ignorais moi-même. Peut-être essayai-je simplement de me rassurer face à une réalité inexistante mais une éventualité effrayante.

— Ne nous attardons pas, finis-je par décider.

Après tout, j’étais partie pour faire une collecte de monstres, et Hohol était là pour m’aider à faire exactement ça. Traîner ne servait à rien. Je grimpai rapidement sur son épaule une fois de plus et il partit en un coup de tonnerre sans me demander mon avis, sachant parfaitement où se rendre.

Nous atterrîmes dans un fracas de plus sur un ours. Il était deux fois plus gros que moi et ses poils étaient aussi longs et sales que les cheveux de Bob Marley. Je ne pus m’empêcher d’avoir un haut-le-cœur.

Si Hohol ne s’était pas légèrement loupé en lui tombant dessus, le tuant sur le coup par la même occasion, j’aurais volontiers refusé cette bestiole dégueulasse.

— Beurk…

Et j’espérais ne pas avoir besoin d’en dire plus pour qu’il comprenne que non, je ne voulais pas qu’il m’en trouve un autre. Je voulais partir loin de ces créatures puantes et grasses.

— Hohol… commençai-je pour m’assurer qu’il comprenne bien.

Il secoua la tête nonchalamment.

— Je ne comptais pas te présenter cette créature, grande déesse, expliqua-t-il, c’est un monstre d’un niveau supérieur à deux étoiles…

Effectivement, je n’aurais rien pu en faire, en imaginant même être capable de le tuer ; après tout, même avec l’aide de mes armilles, je ne pouvais utiliser mes Armilles que pendant dix secondes, après quoi l’effet disparaissait. J’étais sceptique quant au fait de pouvoir dégager suffisamment de puissance en dix secondes, même en répétant l’action encore et encore, pour tuer une bête de ce niveau.

Je fronçai légèrement les sourcils, un petit quelque chose d’interrogateur au fond des yeux.

Le géant continua sur sa lancée. En réalité, il avait expliqué des choses entre temps mais je ne l’avais pas écouté.

— …inconnue, j’ai dû m’arrêter ici. Pourtant, je ne manque pas de pouvoir. C’est simplement… comme si le sort avait cessé de fonctionner.

Il ne parvenait plus à chevaucher la foudre ? Si c’était le cas, on était dans la merde. Et par ‘on’, je voulais dire ‘je’. Lui, il n’aurait aucun problème pour se défendre. Mais nous étions à plus de deux heures de voyage à la vitesse de la foudre… Comment allions-nous pouvoir rentrer si nous étions coincés ici ?

— Nous sommes bloqués ici ? demandai-je aussitôt.

Il secoua la tête ; sûr de lui, il fût honnête avec moi.

— Non, bien sûr. Je vais relancer le sort. Étrangement, j’ai simplement besoin de quelques minutes pour ça.

Je soufflai. Un vrai, réel soupir de soulagement. Je ne me voyais pas rentrer à pieds, même s’il était celui qui aurait couru tout du long. Après tout, j’avais laissé Friderik aux bons soins de Pythagore et Joc mais je ne voulais malgré tout pas les faire attendre plus que nécessaire.

J’observai un peu les alentours. Il y avait là une forêt qui se détachait au loin, silhouette sombre entre deux montagnes majestueuses ; de l’autre côté, je pouvais voir une plage, et au-delà, un océan. Si ce n’en était pas un, je n’en voyais en tous les cas pas le bout.

Soudain, une idée étrange me traversa l’esprit. Sans trop y penser, je me tournai vers Hohol.

— Il existe des créatures, sous l’océan ? lui demandai-je l’air curieux.

Il haussa les épaules, le plus naturellement possible.

— Bien sûr.

— Des créatures qui respectent mes critères ? continuai-je.

— Hmmm… Oui, finit-il par affirmer après quelques secondes de réflexion.

— Alors allons-y. Direction l’océan ! lui ordonnai-je en pointant du doigt par là-bas.

**

 

Nous n’avions même pas utilisé sa téléportation. Il s’était contenté de m’attraper et de courir tout droit pendant quelques minutes. Après tout, l’océan était proche. Soudain, j’eus une légère intuition, un mauvais augure en quelque sorte.

— Ton pouvoir électrique fonctionne sous l’eau ? demandai-je d’un seul coup.

Je fronçai légèrement les sourcils en attendant sa réponse. S’il ne fonctionnait pas – ou s’il s’avérait dangereux à cause de la conductivité – alors je laisserais immédiatement tomber l’idée.

— Oui, me confirma-t-il, avec une certaine limite. L’électricité que nous maîtrisons est puissante et magique et peut percer la surface de l’eau. Mais elle perd rapidement son effet. Je n’ai jamais testé ça personnellement mais j’ai entendu les autres en parler : pour pouvoir être efficace, notre éclair doit frapper à moins d’un mètre sous la surface.

Il allait donc devoir attirer une créature jusque-là. Je me demandai d’un seul coup s’il savait nager.

— Comment vas-tu faire pour attirer une créature à la surface ?

Il se tourna vers moi en posant le pied sur la plage, d’un bruit lourd et dans une explosion de sable blanc, avant de m’adresser un sourire.

— Je ne peux pas faire ça. Si nous entrons dans un plan d’eau, notre magie devient folle et nous risquons de mourir. Seule la pluie ne nous fait rien. Si tu veux cette créature, alors tu vas devoir servir d’appât, grande déesse.

Appât ?! Il connaissait mon niveau. Il savait que je ne pouvais pas survivre face à une créature agressive. Peut-être ne l’était-elle pas ? Mais alors, pour quelle raison me poursuivrait-elle ? Pour me faire la cour ?

Non… Ne me dis pas qu’il veut que j’attire un mâle en rut… Et si jamais il m’attrape ?! Merde ! Que faire, que faire… ?! Si ce que je veux faire fonctionne, alors une créature aquatique serait d’un grand bénéfice ! Faut-il vraiment que je sacrifie mon corps pour ça ? Ma virginité ?

Après une délibération rapide, j’en vins à conclure que je ne pouvais pas faire une chose pareille.

— Je ne peux pas, Hohol. Je ne peux simplement pas. Si cette créature m’attrape et me fait ma fête, je serai incapable de lui résister, et je ne veux pas porter son enfant ! Je le refuse catégoriquement ! D’ailleurs, puis-je seulement en avoir un, dans ce corps ?!

Il pencha légèrement la tête sur le côté, comme s’il ne comprenait pas ce que je lui disais. Comme s’il pouvait ignorer ce dont je parlais ! C’était lui-même, l’instigateur du plan qui nécessitait que je devienne un appât !

Il finit par sourire, ayant en apparence renoncé à donner un sens à mes paroles – ou plutôt à le prétendre – et il se contenta de me préciser :

— Mais il n’y a pas de mâle, chez les sirènes.

Raka
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13 thoughts on “DMS : Chapitre 87

  1. Hohol haussa les épaules, ne voyant plus où je voulais ne venir.

    Bonjour et merci pour le chapitre. Et je met egalement une phrase qui m a un peu perturber. (^▽^)

  2. Attrapez-les tous !!! Attrapez-les tous !!! Pokem… Oups !!! Je me suis trompé de fiction :p ! C’est juste que ce chapitre me faisait un peu penser à Pokemon vu qu’elle part à la chasse pour faire une collecte de monstre. Avouez que vous y avez pensé aussi sur le moment :p.

    C’est pratique quand même de se faire seconder par un puissant géant pour butter des monstres. Comme ça, ça lui facilite la tâche et en plus, elle peut avoir des monstres assez puissant pour les mettre dans ses futurs donjons. C’est tout benef ^^ ! Et quels monstres ! Un cheval cauchemardesque (et pas une licorne hein :p !), un ours dégueulasse et une sirène ! La belle panoplie en somme ^^.

    Bref, merci pour ce chapitre 🙂 !

      1. Moi qui croyait le contraire ^^. J’ai du confondre avec le raptor à 2 têtes. Malgré tout, ça va lui faire un beau bestiaire et lui faire récolter suffisamment de points pour la faire monter de niveaux ^^.

          1. Quand je disais ça, je pensais à quand elle mettrait ses futures monstres dans ses futures donjons ^^ ! Je plains les pauvres aventuriers qui vont se frotter à ses futures donjons ^^ ».

  3. Si un poisson attrape une architecte, ce sera plus pour la bouffer… -_-
    Merci pour le chapitre !!

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