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Chapitre 94 – Le pire donjon du monde ? (4)

 

— Il est temps que j’aille dormir, réalisai-je en discutant avec mes nouveaux « amis ».

Mais où allais-je donc trouver un lit en plein milieu de la nuit ? La Guilde n’en proposait pas ; il était bien trop tard pour trouver une auberge encore ouverte et je n’allais tout de même pas dormir dans la rue. Le sort de Polymorphe humain pouvait cesser à tout moment et je devais être prête à le relancer au besoin.

Si je devais me changer en architecte en plein milieu de la rue, pendant mon sommeil… ce serait la catastrophe. Non, il fallait que je trouve un endroit en sécurité. Je ne voulais pas retourner dormir sur le plan des architectes non plus. Là-bas, il faisait jour et je n’arriverais pas à m’endormir, je le savais.

Par contre, une idée me vint.

— Le plan des architectes, hein ? murmurai-je tandis que je sortais dans la rue, c’est vrai que je peux aller et venir comme bon me semble désormais.

Je me rendis rapidement à la porte de la ville où le même duo de gardes était toujours stationné. Ils me regardèrent passer sans dire un mot, conscients que j’étais une exploratrice et que je pouvais bien me défendre au besoin ; d’ailleurs, le fait que je sorte de la ville au milieu de la nuit dans l’urgence reflétait peut-être une crise imminente. N’allais-je pas chasser ? Qu’aurais-je pu faire d’autre à cette heure en pressant le pas ?

Ils hochèrent simplement la tête en me regardant courir vers la forêt, puis vers le lac. Fort heureusement, avec Friderik le loup à mes côtés, comme s’il dégageait une présence intimidante, aucun monstre ne m’attaqua. Ou peut-être avions-nous simplement eu de la chance.

Quoi qu’il en fut, nous arrivâmes au lac en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire.

— Regarde, me murmura Friderik tout bas, les yeux pointés vers l’entrée du donjon.

— Hm ?

Je tournai la tête et vis une ombre disparaître au milieu de la nuit. Assurément, quelqu’un venait d’entrer dans le donjon ! Pour preuve, la barrière invisible se ferma, rendant la surface du lac aussi infranchissable que de la glace.

— Le type de tout à l’heure ? Cet expert des donjons aquatiques ? réalisai-je.

— Sans doute.

Friderik n’osait pas trop parler et conservait un volume minimal ; en tout état de cause, il avait gardé le silence pendant trop longtemps et il devait se soulager un peu. Il avait attendu que nous soyons loin de Camelot, de l’autre côté de la forêt et chuchotait malgré tout.

— Monte la garde. Je vais voir ce qu’il se passe.

Je fermai les yeux et pris contact avec mon donjon. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas fait et j’étais toujours un peu réticente de peur que le système me remarque. Mais après tout, si j’avais pu créer impunément des donjons et traverser les dimensions entre Albion et le plan des architectes, avais-je réellement quelque chose à craindre ?

Immédiatement, je le vis. Ce type était entré dans le tourbillon qui formait le tunnel d’entrée. Il avançait prudemment, équipé de la tête aux pieds avec une multitude d’objets. Il portait trois ceintures, six bagues, un collier, une robe étrange et un pantalon dépareillé juste en-dessous, des bottes pointues et une espèce de turban sur la tête. Pour de vrai, on aurait presque dit un fakir et je me retins de rire.

Il tenait dans sa main un long bâton noueux au bout duquel était incrustée une pierre bleue arrondie, comme une grosse perle transparente.

— Il est Élémentaliste, c’est vrai. C’est un lanceur de sorts.

Arrivé tout au fond du tunnel d’air, il regarda autour de lui. Pour sûr, il ne voyait pas ce qu’il se passait dans l’eau. Pour tout dire, de son point de vue, c’était comme se trouver dans un tunnel rond et bleu, complètement opaque. Il ne pourrait distinguer l’intérieur du donjon – le lac lui-même – que lorsqu’il aurait traversé la paroi aqueuse du tunnel d’air formé par le tourbillon en surface.

Je me surpris à sourire en l’imaginant.

— Allez, plonge. Lance-toi, murmurai-je.

Il se mit à faire des gestes rapides de la main gauche tout en récitant quelques mots étranges. Aussitôt, je pus voir une aura bleutée émaner de son corps ; on m’avait dit qu’il pouvait respirer sous l’eau grâce à un sort : c’était sans doute ça.

Il lança un deuxième sort et je vis les parties visibles de sa peau rougir, puis brunir, et se craqueler comme la pierre. Était-ce un sort défensif ? Du genre « Peau de Pierre » ou un nom aussi évident ?

— Haha…

Il avança son visage et le fit traverser la surface du tunnel, qui le séparait du donjon à proprement parler. Son nez, ses lèvres puis ses yeux passèrent au travers. Il observa les lieux pendant plus d’une minute avant de reculer et se mettre à marmonner.

— Hmm… Il n’y a pas grand-chose dans ce donjon. Est-ce vraiment comme ce que disaient les informations ? Lorsque je suis arrivé, j’ai clairement senti que c’était un donjon de niveau 180-199. Alors pourquoi est-il aussi vide ? Même si on prend en compte qu’il s’agit d’eau et que tout le monde n’a pas mes capacités, elles ne sont pas rares non plus… Il y a quelque chose qui cloche.

Il était trop prudent !

— Rentre donc dans l’eau, idiot ! Allez, je n’ai pas toute la nuit ! râlai-je.

Finalement, l’Élémentaliste haussa les épaules et se jeta en avant, d’un air évident qui semblait dire qu’après tout, il devait bien finir par y aller. Il n’allait pas découvrir grand-chose de plus en restant planté là.

— Je n’ai vu qu’un seul monstre dans ce lac, fit-il tout en passant la frontière air-eau, le boss… Est-il si puissant ?

Il n’eut cependant pas vraiment le temps de continuer à tergiverser. À peine cinq secondes s’étaient écoulées depuis son « plongeon », et il commença à sentir la froideur de l’eau sur sa peau. C’était une sensation somme toute bien étrange ; inhabituelle en tous les cas.

— C’est comme si l’eau… traversait mes vêtements. Est-elle enchantée ? Non… Un piège ? Le lac entier est piégé ? Une zone de froid extrême peut-être ?!

Ni une ni deux, il fit demi-tour et retourna dans le tunnel d’air, à l’abri de l’eau et de ses effets néfastes. Mais là également, quelque chose n’allait pas. Un sentiment de manque, de…

— Hein ?!

D’un seul coup, il réalisa. Il ne tenait plus son bâton de sa main droite. En observant sa main vide, il remarqua que sa manche n’était plus là non plus et qu’il pouvait voir son bras nu, poilu et qui lui présentait une chair de poule évidente.

Ses yeux descendirent en silence et son regard glissa sur son torse, nu lui aussi, tout aussi poilu et tout aussi frigorifié. Le sort de peau de pierre qu’il avait lancé était en train de disparaître – avait-il sans doute perdu la concentration nécessaire à son maintien que ça ne m’aurait pas étonné.

Plus bas, son intimité pendait nonchalamment… aussi nue que le reste. Pft. Si petite. Je ne pus retenir un petit rire intérieur.

— Mais… Merde… Mon équipement ?!

Il se rendit alors compte que l’eau n’avait pas d’effet glacial comme il l’avait supputé. Non, il avait réellement senti la caresse de l’eau froide sur sa peau nue et avait paniqué pour rien… Pour rien ? Pas exactement, en réalité. Il avait à peine passé moins de dix secondes sous la surface de ce lac et… le lac lui avait volé tous ses vêtements, son arme et ses bijoux !

— Mais quelle est cette sorcellerie ?! s’exclama-t-il.

Comment pouvait-il espérer combattre un boss sans son équipement ? Et même sans parler de ça, comment pouvait-il d’un seul coup avoir perdu le butin d’années de dur labeur au travers d’Albion ?!

— Ma… Ma fierté… Mon équipement… Où est-il ?!

D’un seul coup, il n’avait plus rien à perdre et le comprit. Il plongea à nouveau en avant, sans peur, sans hésitation. Aussitôt sous l’eau, il balaya le fond du lac du regard afin de tenter de déterminer où pouvait être passé son précieux équipement.

Il resta là, à flotter au milieu des flots glacials, inerte, nu et impuissant. Où qu’il regarde et même aidé par le clair de lune qui illuminait les fonds rocailleux du lac, il ne voyait qu’algues et algues et algues. Je le savais.

Et ce boss.

— Une sirène ? C’est la première fois que je vois une sirène. Va-t-elle chanter ?

Il craignit d’un seul coup pour sa santé mentale. C’était évident.

— Mais pourquoi reste-t-elle au fond, à me regarder sans bouger ? hésita-t-il, ne va-t-elle pas m’attaquer ?

Persuadé que son arme et ses vêtements étaient toujours là quelque part, peut-être même cachés entre deux pierres, entre des algues ou derrière cette… cette…

— …fontaine ? Merde, que fait une fontaine au fond d’un lac ? Est-ce que ça a seulement du sens ?

 

***

 

L’explorateur n’était plus. Il avait tenté de s’approcher du boss pour en finir à l’aide de sorts et sans posséder d’équipement mais s’était rapidement fait noyer. Il pouvait respirer sous l’eau, bien sûr, mais son sort ne durait qu’un temps et la Dame du Lac l’empêcha de le lancer une nouvelle fois.

Une fois capable d’entrer dans le donjon, je ne me fis pas prier. J’aurais pu me rendre à la dalle de sortie, simplement posée là sur le sol d’eau au fond du tunnel d’air mais je n’en fis rien. Il fallait que je dorme, j’étais épuisée.

Alors je m’effondrai et m’endormis. De toute façon, la barrière à l’entrée ne se rouvrirait pas avant que je ressorte.

Le matin venu, j’ouvris les yeux et dus relancer le sort de Polymorphe humain qui avait cessé de fonctionner pendant mon sommeil. Puis, sans attendre, je ressortis grâce à la dalle de sortie et au sort Retour.

Personne n’attendait devant le donjon, étrangement. Je m’y attendais pourtant… Je m’attendais à ce que ce type revienne pour tenter de récupérer son équipement adoré, fruit d’une vie de travail.

— Hah. Il est déjà chez les géants depuis longtemps, ton équipement. Idiot.

Friderik savait de quoi je parlais. Il se contenta de me murmurer à l’oreille.

— On rentre bientôt ? J’ai hâte de goûter un équipement de ce niveau.

Je lui tapotai la tête.

— Bientôt. Je veux juste enquêter un peu sur Lancelot… Quelque chose me perturbe, ici. Je ne voudrais pas courir de risque. Dans ma situation, il faut que je prenne le plus de précautions possible, et ça passe par la collecte d’informations. Connais ton ennemi, ton ami et les autres aussi… comme on dit.

— On dit ça ? maugréa Friderik en faisant mine de bouder car on n’allait pas immédiatement chercher son appétissant butin.

— Sans doute, quelque part, fis-je en haussant les épaules.

Le soleil brillait déjà haut dans le ciel. J’avais dû dormir jusqu’à midi au moins. Friderik n’avait pas osé me réveiller et avait sûrement profité de l’occasion pour faire de même. Maintenant, il fallait que je retourne à Camelot. J’allais devoir trouver un moyen de me renseigner sur Lancelot et le Roi Arthur.

— Quel meilleur endroit que Camelot pour ça… soupirai-je.

L’ironie du sort voulait que je me trouve au meilleur endroit de l’univers pour en apprendre davantage sur eux… et en même temps, ils étaient sans doute des figures intouchables. J’aurais de la chance si je pouvais trouver l’occasion de les voir de loin.

Heureusement, le destin jouait en ma faveur. Le soir-même, au coucher du soleil, j’allais devoir amener Friderik chez le Seigneur Ombre. Il m’avait promis une petite fortune et je sentais que c’était le meilleur moyen pour approcher Lancelot et Arthur.

— J’aurai peut-être besoin de plus de richesse encore pour graisser la patte de suffisamment de monde, réalisai-je peu à peu.

Je me mis à sourire de façon narquoise.

— Mais bien sûr. Haha… Je suis un génie.

Je me retournai et m’apprêtai à entrer dans mon donjon lorsqu’un reflet argenté attira mon regard, dans les fourrés entre le lac et la forêt, plus loin.

— C’est quoi, ça ?

Plissant les yeux, je me rendis compte qu’il s’agissait d’un gros rocher dans lequel était plantée une épée.

— …

Un rocher. Une épée. Le Roi Arthur.

— Ne me dis pas que…

Je m’approchai à pas feutrés, comme si l’on avait pu me surprendre. Arrivée devant le trésor, je me rendis compte que je n’avais pas rêvé. Une épée somptueuse, ornée d’or, de joyaux, dont la lame semblait faite de platine pur – quelle idée – et la garde taillée dans le jade se trouvait être à moitié enfoncée dans la pierre.

— C’est une blague… ?

Sur le rocher étaient gravé quelque chose écrit en Anglais.

— De l’Anglais, maintenant… Voilà autre chose.

J’avançai la main pour caresser ces quelques lettres, totalement abasourdie. Je ne rêvais pas. C’était réel.

Property of K.A.

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 94

  1. Merci pour le chapitre.
    Je m’attendais pas a l’aventurier cul nu xD
    Property of King Arthur la fameuse Excalibur, Friderick va t’il essayer de la manger ça serait drôle

  2. Merci pour le chapitre

    L’eau de la fontaine qui donne c’est propriété au lac est une idée cool sur le papier.Mais une fois que ca va se savoir plus personne n’entrera dans le donjon ,tout les aventuriers de ce niveau doivent avoir des objet un minimum précieux qu’il ne veulent pas perdre.

    Il faut créer des donjons pas trop facile pour que les aventurier meurent et que tu gagne des crédit ,mais il faut aussi qu’il ai envie d’y entrer. 

    D’ailleur Fei Long gagne combien avec le labyrinthe de la folie ,il ne doit pas y avoir foule entre le fait que seul les aventuriers des très haut niveau puissent entrer et qu’il soit réputé inconquérable. 

    A moins qu’il existe un élément qu’on ignore(et je suis sur qu’on ne sait pas tout) ,genre un incitant pour aller dans des donjons inviolables (des bonus de crédit si le donjon a tenu un certain temps,….)

    1. Concernant l’élément incitant les aventuriers à aller dans un donjon inviolable, ça a déjà été précisé il y a quelques chapitres dans la guilde, le premier à conquérir un donjon gagne un bonus en plus de la somme de crédit de base.

      Après concernant son donjon, j’hésite entre trois possibilités pour inciter les aventuriers, soit mettre un message comme quoi les objets ont été grandement améliorés et qu’il faut battre le boss à poil pour les récupérer, la deuxième est jouer sur le fait qu’on peut gagner un sort pour apprivoiser le boss dans les donjons pour une personne avec uniquement un boss dedans et la dernière est la prostitution du boss avec pour payement ton équipement.

      1. perso, vu la mentalité des aventuriers, je pense que masse d’aventuriers vont se jeté tête la première dans le donjon en apprenant que l’autre à échoué.
        ils vont se dire qu’il doivent tenter leur chance pour choper la récompense du 1er conquérant.

      2. Ben non si tu lit bien on dit que le coup du bonus ne marche qu’as Camelot car c’est la capitale et bla-bla-bla donc non à part à Camelot on sait pas trop se qui pousse les aventuriers à vouloir faire un donjon difficile à part les récompenses (coffres,crédit) bien sûr.

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