MoL : chapitre 14
MoL : Chapitre 16

Comme prévu, comme promis, comme convenu et en vous rappelant l’adresse de ma page uTip https://utip.io/raka, sur laquelle, je vous rappelle, vous pouvez regarder jusqu’à (il me semble) 10 vidéos de 30 sec pour me faire gagner quelques centimes, j’ajoute à ce chapitre du mardi le chapitre suivant, publié sur uTip en exclusivité pour les donateurs (donc malheureusement pas pour les vidéo, c’est le système uTip qui veut ça…)

Si vous faites partie de ceux m’ayant fait un don sur cette plate-forme, je vous invite à y profiter du chapitre 16 en plus du chapitre 15 d’aujourd’hui !

Sinon, tout continue de façon classique sur xiaowaz, rien ne change 🙂


 

Chapitre 15 – Un vendredi chargé

 

Zorian sentit la bille chargée de mana l’approcher mais ne bougea pas. Il ne pouvait définir le côté duquel elle avait été lancée mais elle n’était pas dirigée vers son front. Il était capable de le dire, quand c’était le cas. Toujours. Pourquoi, il n’en était pas certain, tandis qu’il ne pouvait même pas sentir où la bille allait mais il remerciait les cieux pour ça. Il souhaitait simplement pouvoir reproduire ce talent dans tous les exercices.

Le mana de la bille vibra près de sa tête et il lutta pour en définir le côté.

— Gauche, tenta-t-il.

— Faux, lâcha Xvim sur un ton désintéressé. Encore.

Une autre bille arriva dans sa direction. Celle-ci non plus n’étais pas destinée à percuter sa tête. Pas très surprenant, en réalité – Xvim avait arrêté quand il s’était rendu compte que Zorian pouvait les repérer avec un taux de réussite total. Il n’allait pas non plus lui donner de points gratuits, non plus.

— Droite…

— Faux, répondit immédiatement Xvim. Encore.

Zorian fronça les sourcils derrière son bandeau. Est-ce que c’était lui ou les résultats empiraient-ils à mesure que le temps passait ? Quelque chose clochait terriblement, là. Au début de la session, il avait plus de la moitié des réponses correctes et maintenant, il avait faux quoi qu’il arrivât. Il aurait imaginé deviner correctement de temps en temps, même si ce n’était que statistiquement. Il n’y avait que deux possibilités !

Pour cette raison, quand la bille suivante arriva vers lui, il détacha rapidement le bandeau qui lui couvrait les yeux pour voir quel était le souci.

La bille vola droit au-dessus de sa tête !

Ce fils de pute !

— Je n’ai pas dit que tu pouvais enlever le bandeau, reprit calmement Xvim, comme si Zorian ne venait absolument pas de le prendre en flagrant délit.

— C’est de la triche ! protesta-t-il en ignorant complètement la remarque de Xvim. Bien sûr que je ne pouvais pas deviner correctement si vous ne respectez même pas vos propres règles !

— Vous n’êtes pas supposé deviner, monsieur Kazinski, répondit Xvim sans s’excuser, allant même jusqu’à le vouvoyer pour lui faire comprendre le sérieux de ses mots. Vous êtes supposé ressentir.

— Je sentais, grommela Zorian.

— Si ç’avait été le cas, tu aurais réalisé ce qui se passait bien plus tôt et vous n’auriez pas eu besoin de retirer le bandeau pour identifier le problème, expliqua son mentor. Maintenant cessez de perdre votre temps et remettez-moi ça pour qu’on puisse continuer.

Zorian injuria Xvim jusqu’au fond de ses tripes mais s’exécuta. Autant il avait horreur de l’admettre, autant il y était forcé : Xvim disait vrai. Il avait essentiellement deviné au hasard au-dessus de quelle épaule passaient les billes, ne se fiant qu’à son instinct brut plutôt qu’à une perception réelle. Mais ce n’était pas sa faute s’il ne pouvait pas traquer un si petit objet duquel émanait si peu de mana et se déplaçant si vite ! D’après les livres, il s’agissait d’un exercice hautement avancé qui demandait des années ! Honnêtement, demander à un étudiant de maîtriser ce genre de chose durant leur troisième année était tout sauf raisonnable. Mais parfaitement en accord avec le caractère de Xvim, cela dit. Au moins, il n’avait plus à se soucier du risque de se prendre les billes en pleine tête.

Le reste de la session fut classique, c’est dire répétitif et ennuyant. Mais encore une fois, quelle partie d’une scolarité ne l’était pas à ce niveau ? Il était coincé dans cette boucle depuis un peu plus d’un an désormais et feindre l’attention en cours commençait à devenir difficile. Il était tenté de suivre les traces de Zach et de s’en aller, quelque part, pendant quelques boucles… mais il ne pouvait pas. D’une part, il aurait été irresponsable de perdre du temps ainsi quand il pouvait travailler sur ses compétences et s’améliorer. D’une autre part, il ne voulait pas attirer l’attention. Le souvenir de leur interaction était sans doute encore frais dans la mémoire de Zach et il y avait un potentiel troisième camp à considérer. Ne plus aller en cours du tout n’était pas du tout quelque chose que Zorian aurait pu faire et de nombreux sourcils allaient se lever s’il le faisait. Il la jouait déjà dangereusement en emmenant Kirielle et en sautant un quart des cours pour s’affairer à ses propres problèmes mais ces changements étaient encore plus ou moins explicables. Si ce qu’il tentait actuellement ne produisait rien, il allait devoir arrêter de jouer la comédie pour préserver sa santé mentale mais ce n’était pas le souci immédiat. Il y avait des problèmes plus urgents à régler et il remit tout ça à plus tard si et quand ça deviendrait pertinent.

Sa session avec Xvim achevée, il se rendit à la bibliothèque pour faire un rapport à Kirithishli. Normalement, il ne s’y rendrait pas le vendredi – gérer le stress post-Xvim le rendait assez irritable – mais il se sentait bien, ce jour-là. Visiblement, il s’habituait à ses sales manies.

— Zorian ! l’accueillit la bibliothécaire. Bon timing ! Nous venons de recevoir une livraison et Ibery doit rentrer plus tôt.

— Euh, ok, répondit calmement Zorian, sur le point de demander quel genre de livraison avant de décider que c’était une question stupide – des livres, évidemment. Que dois-je faire ?

— Contente-toi simplement de déballer les livres et de les séparer en catégories grossières, ordonne Kirithishli en désignant une petite montagne de livres. Je les inspecterai en détail plus tard pour décider ce que je dois en faire.

— Vous ne savez pas ce que vous allez faire avec ? demanda Zorian, perplexe. Pourquoi les avoir commandés, dans ce cas ?

— Je ne l’ai pas fait, lâcha Kirithishli en secouant la tête. Quelqu’un a fait don de sa collection personnelle à l’académie. C’est une chose qui arrive de temps à autre. Parfois, les gens lèguent leurs livres de façon testamentaire ou en héritent sans en vouloir et ne peuvent pas les vendre. Beaucoup de vieux ouvrages sont uniquement utiles en tant que curiosités historiques et parfois… même pas. La plupart des livres dans ces cartons vont être jetés, pour être honnête.

— Oh ? s’étonna Zorian en ouvrant l’un des cartons pour en sortir un livre – un manuel à propos de la culture des prunes, vieux de 20 ans. Je suis surpris. Je me souviens clairement que vous disiez que les bibliothèques se doivent de conserver tout ce qu’ils peuvent plutôt que de décider ce qui est bon ou utile.

— Oh, la ferme, claqua Kirithishli en lui envoyant une claque sans conviction qu’il évita sans souci. C’est un idéal à suivre, pas une loi inviolable. Il n’y a qu’un nombre de places limité dans la bibliothèque, peu importe à quel point tu la trouves impressionnante. D’ailleurs, la plupart de ces livres sont des doublons de volumes que nous possédons déjà. Arrête de jouer au plus malin et mets-toi au travail.

Zorian se lança dans la tâche colossale du déballage, carton après carton. Kirithishli lui avait fourni un énorme lexique contenant les titres de la plupart des livres les plus communs qu’ils recevaient de la sorte et lui intima de séparer les doublons évidents. Utiliser le livre manuellement pour trouver les références serait un cauchemar sans nom, bien entendu, spécialement avec ces toutes petites lettres entassées les unes sur les autres afin d’en caser le plus possible par page. Mais Zorian savait qu’il était fait pour tout autre chose : un des sorts qu’il avait appris d’Ibery dans une boucle passée impliquait la création d’une liste de terme que l’on souhaitait retrouver et connecter la liste par divination à un livre cible dans lequel on désirait chercher. Ça lui avait semblé un peu inutile à ce moment mais il réalisait maintenant qu’il était fait spécifiquement pour ce genre de cas. Et le livre de référence, énorme et dense avait probablement été écrit pour ce sort, lui aussi.

Au bout de 2 heures et 20 minutes, il avait séparé les doublons du reste des livres et feuilletait actuellement un des livres de sorts qu’il avait trouvés dans les cartons quand Kirithishli refit son apparition de dieu savait où elle était allée après lui avoir confié cette mission. Son progrès rapide la prit un peu au dépourvu ; il vit clairement qu’elle ignorait comment il pouvait avoir tant de connaissances dans la magie de bibliothèque et qu’elle était quelque peu déçue.

— T’es pas drôle, soupira-t-elle d’un air dramatique. Je voulais te montrer cette astuce en revenant, après t’avoir laissé passer deux heures à fouiller frénétiquement ce monstre de livre. Ton expression aurait été impayable.

Zorian leva simplement un sourcil et resta silencieux. Elle lui montra sa maturité en lui tirant la langue comme une gamine de 6 ans avant de jeter un œil au livre qu’il feuilletait.

— Tu as trouvé quelque chose d’intéressant ? demanda-t-elle.

— Pas vraiment, dit Zorian en fermant le livre. Rien de particulièrement intéressant là-dedans. J’espérais trouver un livre contenant des magies puissantes et super anciennes, mais pas de bol.

— Contrairement à ce que tu imagines, renifla-t-elle, même si tu avais trouvé quelque chose, ça ne t’aurait rien apporté de bon. Les romans d’aventures ont tout faux, la magie ancienne est presque toujours inférieure à ce que nous possédons de nos jours. Ces sorts sont oubliés, c’est une magie perdue, et elle l’est pour une bonne raison. Généralement parce qu’elle est impraticable et demande des ingrédients et des conditions qui n’existent plus ou parce qu’elles seraient considérées comme loin d’être éthiques dans le monde moderne. Par exemple, tu aurais du mal à trouver des participants pour un rituel impliquant une orgie et les sorts volcaniques d’Heruan se basent sur la condition particulière d’un volcan qui est endormi depuis 200 ans.

— Oh, cilla Zorian. C’est décevant.

— Plutôt, confirma Kirithishli. Et même quand ces sorts peuvent être lancés sans souci, ils ont tendance à être furieusement inflexibles et longs à former. Les anciens mages ne possédaient pas les talents de mise en forme que nous avons aujourd’hui alors ils compensaient par la complexité et la longueur de sorts hyperspécialisés. Il existait des centaines de sorts de changement de couleur et tous ne différaient que par la couleur de l’objet affecté. Les temps modernes ont généralisé les sorts de façon systématique : les méthodes d’entraînement améliorées permettent aux mages modernes de compenser le manque de précision d’un sort par un contrôle évident sur leur magie.

— Ce qui rend énormément de sorts de l’ancien temps obsolètes pour les mages modernes, finit Zoria. Je vois.

Il avait toujours su que la plupart des livres d’Histoires présentaient une version idéalisée de leurs ancêtres ; le portait de la désertification du nord de Miasina – et il refusait de l’appeler Cataclysme comme si un phénomène naturel s’était produit – et l’exode subséquent vers Altazia était une preuve suffisante qu’ils donnaient une version édulcorée de l’Histoire. Mais il n’avait jamais réalisé que les Ikosiens était des mages si peu talentueux en plus de tocards finis.

— …et il faut en être un aussi si on veut se faire certifier. Vous savez, je me suis toujours demandé pourquoi tant de sorts si simples à apprendre sont classés premier cercle. Je pensais que c’était une politique délibérée visant à encourager la certification mais je suppose que nombre d’entre eux n’étaient pas si communs la première fois qu’ils ont été évalués.

— Il y a de ça mais tu dois aussi considérer les choses du point de vue des créateurs de sorts, ajouta Kirithishli. Il est clairement plus prestigieux et profitable de créer un sort du premier cercle que du cercle zéro. Alors il est extrêmement rare qu’un créateur classe son sort sous le premier cercle et la guilde leur permet toujours de le faire, probablement pour les raisons que tu as évoquées. Une personne déterminée pourrait probablement convaincre la guilde de retirer cette classification sur énormément de sorts mais elle se ferait un paquet d’ennemis, spécialement les lobbies des créateurs de sorts. Ce serait une tâche sans merci et elle devrait avoir les yeux dans le dos à tout moment ensuite tout en surveillant les personnes qui tenteraient assurément d’annuler ces changements.

Zorian digéra l’information en silance. Il n’avait aucune intention de s’impliquer dans une politique d’un tel niveau, bien sûr, à la fois dans la boucle et en dehors de celle-ci. S’il y avait une chose que ses parents lui avaient vissée dans le crâne grâce à leurs sermons sans fin, c’était que sa force ne se trouvait pas là. Ok, ce n’était probablement pas le but de ces sermons mais ce n’était pas son problème. Pourtant, savoir ce genre de choses était utile. Il allait devoir tirer d’autres histoires de sa bibliothécaire préférée à l’avenir.

 

___

 

Quand Kirithishli lui dit de rentrer chez lui, Zorian n’était que trop heureux de lui obéir. Ce vendredi avait été un long et pénible vendredi avec les cours, sa session avec Xvim, le travail à la bibliothèque… et il avait vraiment envie de retourner chez Imaya pour se détendre. Malheureusement, ce n’était pas là son destin parce qu’au moment où il sortit de la librairie, il fut abordé par un homme à l’accoutrement louche qui l’attendant près de l’entrée.

Bon. Peut-être qu’abordé était un mot un peu trop étrange – techniquement, l’homme en question était adossé contre un pilier et se détendait tranquillement. Il ne bloquait pas son chemin et ne lui adressa même pas la parole. Quoi qu’il en fut, au moment où il leva les yeux et que son regard croisa celui de Zorian, ce dernier sut que l’homme l’attendait, lui et lui seul. La quarantaine, vêtu d’un costume passé et bon marché, mal rasé, il aurait presque pu être confondu avec l’un des nombreux sans-abris de Cyoria si la confiance qui suintait de sa posture avait pu y coller.

Zorian s’arrêta immédiatement et un silence dérangeant tomba sur la scène tandis qu’il s’analysaient l’un l’autre. Zorian n’avait aucune idée de l’identité de ce type ou de ce qu’il lui voulait mais ne sentait pas enclin à faire la charité. Il n’avait pas oublié la façon dont il avait été assassiné l’une des premières fois et ne souhaitant en rien revivre cette expérience.

— Zorian Kazinski ? demanda finalement l’homme.

— C’est moi, confirma Zorian, qui jugea que mentir ne fonctionnerait pas et qu’il valait mieux confronter directement à côté de la bibliothèque plutôt que se faire planter un couteau dans le dos dans une ruelle sombre sur le chemin du retour.

— Détective Haslush Ikzeteri, département de police de Cyoria, se présenta-t-il. Ilsa m’a demandé d’être ton instructeur en magie de divination.

Zorian ne sut que dire. Ilsa avait choisi un détective comme instructeur ? Voilà qu’était fait le testament de cette idée de pousser son nouvel instructeur à lui apprendre les sorts de divination restreints dont il avait besoin pour ses affaires. Pourquoi fallait-il que ce soit un représentant des forces de l’ordre, carrément ?

— C’est génial, dit Zorian platement. Je me demandais quand est-ce qu’elle allait me trouver quelqu’un.

Si son manque d’enthousiasme dérangeait l’homme, il ne le montra pas et se contenta de se retourner pour s’en aller, faisant signe à Zorian de suivre.

— Allez, gamin, trouvons-nous une taverne où s’installer, ordonna-t-il en fourrant les mains dans les poches de son manteau.

Oh, oui, une taverne – l’environnement d’apprentissage parfait. Nom de dieu, non seulement ce type était un détective mais il était tout sauf professionnel. Son apparence débraillée l’avait en quelque sorte suggéré dès le départ mais Zorian essayait de ne jamais juger les gens trop durement d’après leur seule apparence. Trop de gens l’avaient fait envers lui et il avait toujours trouvé ça très ennuyeux.

Ses pensées durent transparaître plus qu’il ne l’imaginait dans son comportement parce que l’inspecteur commença immédiatement à se justifier.

— Allez, ne me regarde pas comme ça, lâcha-t-il. Ce n’est pas comme si nous allions faire quelque chose de très sérieux aujourd’hui. C’est la fin d’une longue journée pour nous deux, je présume, tu es crevé, je suis crevé, on ne se connait pas et nous n’accomplirons rien si on saute ainsi dans la première leçon quoi qu’il arrive. Putain, peut-être qu’on va même découvrir qu’on ne s’apprécie pas l’un l’autre et mettre un terme à tout ça. Alors ce soir, on va se contenter de faire connaissance en buvant un coup.

Ok, peut-être que Haslush était plus intelligent qu’il n’en avait l’air, plus capable que ce que Zorian lui avait accordé. Il devait vraiment arrêter de juger les gens ainsi. Mais bon…

— Je ne bois pas d’alcool, avertit Zorian.

— Tabou religieux ? s’étonna Haslush en le regardant d’un air étrange.

Zorian secoua la tête. Il n’avait jamais été vraiment religieux – les dieux étaient restés silencieux pendant des siècles et pour autant que Zorian pouvait se sentir concerné, ça voulait soit dire qu’ils s’étaient entretués soit qu’ils avaient abandonné leurs créations à leur sort.

Merde, écouter des histoires relatives à l’âge des dieux ne pouvait que le convaincre que l’humanité se portait mieux sans eux – ils avaient la fâcheuse tendance à balancer fléaux et malédictions pour le plus petit prétexte. Il ne pensait pas que les avancées scientifiques et technologiques des humaines n’eurent commencé qu’après que les dieux se soient tus.

— Mauvaises expériences, répondit-il simplement, peu désireux de pousser la conversation dans ce sens.

— Ah, comprit Huslash, satisfait de la réponse. C’est bon, tu peux commander un jus de fruits ou je ne sais quoi. Bordel, je peux te montrer un sort que j’utilise quand je suis en service et que je veux refuser une boisson offerte sans froisser les gens.

Ah, , ça avait l’air utile ! Zorian jeta un œil vers Haslush, qui interpréta immédiatement sa réaction comme une permission.

— C’est un joli petit sort d’altération qui convertit l’alcool en sucre, expliqua Haslush en levant la main droite pour montrer un anneau métallique qu’il portait au majeur. Je l’ai fait gravé sur cet anneau afin de ne pas avoir à l’utiliser de façon visible – lancer un sort de façon claire sur votre boisson peut souvent être interprétée d’une plus terrible façon qu’un simple refus, crois-le ou pas. Au moment où je touche le verre, le crime est accompli.

— Pratique, apprécia Zorian. Ce sort l’aurait sauvé de tant de soucis au fil des années. Mais je pensais que la matière organique ne pouvait pas être restructurée par altération ?

— Habituellement non mais principalement parce que la majeure partie sont trop complexes et peu compris pas parce que les composés organiques sont impossibles à reproduire, expliqua Haslush en étudiant plusieurs enseignes de tavernes à mesure qu’il avançaient – il ne cherchait apparemment pas la plus proche. À la fois l’éthanol et le glucose sont des molécules relativement simples et plutôt bien appréhendées, alors il n’y a pas de vraie difficulté à convertir l’une en l’autre.

Il s’arrêta soudain face à une enseigne bien particulière, l’observa pendant un moment et se tourna vers Zorian.

— Je pense que c’est endroit est bien. Qu’en penses-tu ?

Les expériences de Zorian avec les tavernes étaient très limitées et généralement peu plaisantes alors il fit simplement signe à Haslush d’avancer et il lui emboîta le pas.

Ce n’était pas aussi craignos que Zorian en avait peur : l’intérieur était sombre et l’air un peu épais mais les tables étaient propres et le bruit était gérable. Haslush choisit une table à l’écart dans un coin de la salle et lança un sort long et compliqué sur celle-ci après qu’ils eurent commandé à boire. Probablement une barrière de discrétion ou quelque chose dans le genre.

Zorian s’attendait à ce qu’il commence à l’interroger au moment où le sort se mit en place mais ça ne se joua pas de la sorte. Si Haslush était en train de mener un interrogatoire, c’était trop subtil pour Zorian. Merde, il ne lui posa même aucune question sur Daimen, ce qui était plutôt sympa en soi. Peu à peu, Zorian se détendit et commença à poser des questions à son tour. Comment un détective pouvait avoir le temps et l’envie d’enseigner quelque chose à un élève de troisième année, par exemple.

— Hah, renifla le détective en question. Une bonne question. Habituellement, une préoccupation de ce genre serait la dernière chose que j’accepterais de prendre sur les épaules mais pas plus tard qu’hier, mon commandant m’a mis un cas plutôt difficile sur le dos. Apparemment, il y a une rumeur qui court en ville, à propos d’araignées mentalistes qui rôderaient dans les égouts… Je suis supposé enquêter là-dessus.

Il leva les yeux au ciel en soupirant.

— Des araignées mentalistes, honnêtement, grogna-t-il.

Zorian lutta pour ne pas laisser échapper une exclamation de surprise et y parvint de justesse – en grande partie parce que Haslush prêtait plus attention à son verre qu’à lui à ce moment. Il avait lancé une rumeur sans même le réaliser ? Cela dit, il n’aurait pas dû être si surpris : il avait parlé des araignées à Taiven en face d’Imaya et Kirielle – entre Taiven et ces deux-là, toute la ville allait bientôt être au courant.

— Peu importe. Après le boulot, je suis allé rencontrer ma bonne amie Ilsa pour qu’on puisse mutuellement se plaindre des problèmes de la vie devant un verre et elle m’a dit qu’elle avait un problème pour trouver un enseignant en divination pour toi. Et à ce moment, j’ai réalisé que j’avais une solution parfaite pour régler mon problème : je pouvais balancer le cas à un autre pauvre hère, aider une amie dans le besoin et régler une longue dispute avec mon supérieur d’un coup de balai. Tu vois, il y a quelques années, les bureaucrates d’Eldemar ont décidé de lancer une campagne de recrutement pour trouver plus de mages intéressés par une carrière dans les forces de l’ordre. Seulement, au lieu de faire des choses concrètes pour les attirer, ils ont demandé à des mages qui travaillaient déjà dans la police de présenter la profession de leur propre initative.

— Ah, comprit Zorian. Alors, vous êtes supposé faire des trucs comme ça de toute façon ?

— Ouais mais j’ai un peu paressé à ce sujet et mon commandant me fait chier dès qu’il le peut à propos de mon quota. Mais est-ce qu’on peut me le reprocher ? Nous recevons une prime pour ça, mais c’est à peine un pourboire en considération de la tâche à accomplir.

— Vous en savez plus que moi à ce propos, répondit Zorian en haussant les épaules. Comment est-ce que… euh… présenter la profession à quelqu’un… à moi, en l’occurrence, vous relève de votre travail concernant les araignées ?

— Je n’ai pas le temps de faire les deux, clarifia Haslush avant de froncer les sourcils, puis de secouer la tête comme pour s’éclaircir les idées. Ouais, c’est ma version et je m’y colle.

La discussion s’amenuisa à partir de là et le détective promis à Zorian de le revoir dès lundi. Perdu dans ses pensées en rentrant chez Imaya, Zorian se demandait si quelque chose allait ressortir de l’enquête sur les araignées. Probablement pas, si on considérait le sérieux avec lequel Haslush prenait ça. Mais quand même, il allait devoir questionner l’homme à ce sujet, en espérant dénicher de nouvelles informations.

 

___

 

Zorian tapota du pied impatiemment tandis qu’il attendait qu’Imaya ouvre la porte. Il avait la clé de devant mais elle était inutile : Imaya avait la fâcheuse habitude de laisser la clé sur la porte, à l’intérieur et ce jour ne faisait pas exception ; il ne pouvait entrer sans qu’on lui ouvre.

Elle aimait probablement que les choses soient ainsi.

Le son du déverrouillage attira son attention vers la porte elle-même, qui s’ouvrit brusquement, révélant une Imaya à l’air inquiet.

— Hmm… Quelque chose est arrivé ? demanda-t-il, imaginant d’un coup que Kirielle eut pu faire quelque chose de mal.

— C’est à moi de poser cette question, répondit-elle. Où étais-tu ? Tu étais supposé rentrer il y a des heures.

— Euh… bégaya Zorian. Quel est le problème ? Ce n’est pas comme si je rentrais tard dans la nuit…

L’expression qu’elle lui offrit lui apprit qu’il n’aurait pas dû dire ça. Non qu’il comprenait pourquoi – ce n’était pas comme s’il existait une règle décrétant qu’il devait se précipiter pour rentrer après les cours, après tout. À Cirin, ses parents n’avaient jamais jugé important ce qu’il faisait de son temps libre tant qu’il ne négligeait pas ses devoirs et qu’ils ne les mettaient pas dans l’embarras. C’était un sentiment vraiment étranger que d’avoir en face de soi quelqu’un d’inquiet pour un petit retard.

— Bon, je suis désolé mais je devais rencontrer mon instructeur de divination après les cours et ça s’est un peu… éternisé, expliqua-t-il. Vraiment, Miss Kuroshka, vous allez faire une crise de nerfs si vous paniquez à chaque fois que je suis un peu en retard après les cours. Ce n’est pas la première fois que je suis retenu de la sorte et ce ne sera pas la dernière.

Elle soupira et le fit entrer, apparemment quelque peu attendrie par son discours.

— À l’avenir, essaye de me prévenir quand tu rentres en retard, l’intima-t-elle. Il existe sûrement des moyens magiques d’envoyer des messages à travers la ville, non ?

C’était une bonne idée, Zorian dût l’admettre.

— Je verrai ce que je peux trouver, promit-il.

— Bien. Ta sœur te demande depuis un moment déjà, tu sais ?

— Elle n’a pas été embêtante ? grogna-t-il.

— Non, c’est un petit ange, le rassura Imaya pour balayer ses inquiétudes.

Zorian leva silencieusement les yeux au ciel à l’idée que Kirielle put être un ange. Si Kirielle était si gentille, pourquoi Imaya voulait-elle à ce point qu’il rentre à la maison ?

— Elle passe le plus clair de son temps à dessiner, à jouer avec le cube magique que tu lui as donné et à parler avec Kana. Ou devrais-je dire parler à Kana ? Ce n’est pas normal pour une enfant d’être si discrète…

Zorian acquiesça sans dire un mot, ravi que le cube qu’il avait créé était un tel succès. Ce n’était rien de spécial, juste un cube de pierre gravé de quelques formules de lumière arrangées à la manière d’un puzzle pour enfant. Il en avait trouvé le schéma dans un des livres que Nora lui avait recommandés et avait décidé qu’en fabriquer un serait doublement utile : en plus de lui offrir une expérience pratique, il avait donné à Kirielle quelque chose pour passer le temps.

— On dirait qu’elle s’est bien amusée, aujourd’hui, fit remarquer Zorian. Pourquoi a-t-elle besoin de moi ?

— Tu es son grand frère, lui répondit Imaya en le regardant d’un air étrange. Elle n’a pas besoin d’une raison pour vouloir te voir. Tu lui manques peut-être.

— Et la vraie raison ?

— Kana s’est assoupie et ton cube est arrivé à court de mana, admit finalement Imaya après une seconde de silence.

— Ah, acquiesça Zorian.

Il remarqua que le design du cube ne lui permettait pas de stocker une grande quantité de mana mais il ne se sentait pas assez confiant pour recréer le schéma sous une autre forme. Il y avait une raison pour laquelle les cubes possédaient une réserve de mana rudimentaire, après tout : les concentrations élevées avaient tendance à exploser si on les manipulait de façon inappropriée et les cubes se devaient d’être des outils pour débutants. Ces mêmes débutants qui étaient spécialisés dans la destruction de ce qu’ils pouvaient avoir entre les mains les quelques premières fois. En prenant en compte le nombre de problème qu’il avait eu rien qu’en recréant le design sur un cube en pierre, il sentit qu’il avait fait le bon choix en décidant de ne pas interférer avec le schéma de base. Il devrait simplement en créer d’autres si Kirielle voulait toujours jouer avec ; c’était une bonne expérience pratique, en plus.

— Elle est dans sa chambre, je suppose ?

— Non, dans la tienne, à lire tes livres, répondit prudemment Imaya.

Les yeux de Zorian se tordirent tandis qu’il résistait à l’idée de foncer tête baissée jusqu’à ses quartiers et d’en dégager sa sœur. En réalité, il était déjà chanceux de posséder une chambre, pour commencer. Imaya n’avait toujours pas trouvé d’occupant pour la chambre qu’occupait actuellement Kirielle, ce qui signifiait qu’il pouvait garder la sienne pour lui seul. Manque de chance, il ne savait pas garder Kirielle à l’extérieur. Kirielle n’avait aucune inhibition quand il s’agissait d’aller et venir comme bon lui plaisait et Imaya était encore moins incline à l’en empêcher que leur mère, à Cirin. Elle semblait trouver le comportement de Kirielle naturel.

Et la petite démone le savait ! Elle savait qu’elle pouvait faire à peu près tout ce qu’elle voulait et s’en tirer à bon compte parce qu’Imaya l’appréciait plus elle que lui et elle exploitait cette faille autant que possible. C’est pourquoi, quand Zorian entra bruyamment dans la chambre, elle se contenta de l’ignorer. Affalée sur le lit, un livre ouvert devant elle, les pieds confortablement reposés sur l’oreiller. Tandis qu’il l’observait, elle tendit la main pour attraper un biscuit gentiment posé sur un plateau avec tous ses frères, plateau que lui avait amené Iyama. Zorian pouvait déjà voir tous ces petites miettes disséminées partout sur son lit.

— Eh, protesta-t-elle. Ce sont les miens ! Va t’en chercher d’autres !

Zoiran n’écouta pas sa complainte et étudia le plat de biscuits qu’il venait de voler à sa démoniaque petite sœur.

— Tu sais, à la base, je voulais juste attirer ton attention et t’empêcher de tout salir encore plus. Mais ils ont l’air plutôt bons…

— Nooooooon ! hurla Kirielle face à Zorian qui ouvrit la bouche, menaçant d’avaler d’un coup tous les biscuits d’un coup.

Elle semblait peu encline à quitter le lit pour les récupérer, cela dit. Elle savait qu’il ne lui permettrait probablement pas de récupérer sa place une fois qu’elle l’aurait quittée, maligne petite diablesse qu’elle était.

— Tu sais quoi ? fit-il finalement en fermant la bouche avant de remettre les biscuits sur le plat. Je te les rends si tu nettoies toutes tes miettes.

Kirielle frotta immédiatement ses mains sur les draps deux ou trois fois en poussant les miettes par terre, devant le lit. La tâche faite, elle lui offrit un sourire lumineux.

— Ha ha… se mit à rire Zorian avec humour. Maintenant va chercher un balai et nettoie ça correctement. Je vais manger un biscuit par minute tant que ma chambre restera aussi sale après ton passage.

Il ponctua ses mots en fourrant le premier biscuit d’une éventuelle longue série dans sa bouche. En fait, ils étaient vachement bon.

Kirielle laissa échapper un couinement de protestation et sauta du lit en grimaçant. Elle tenta en vain de lui reprendre son plat de biscuits mais quand elle réalisa qu’elle ne pourrait pas le forcer à lui rendre – et quand il en mangea un deuxième – elle quitta la chambre au galop pour récupérer une pelle et une balayette. Apparemment, elle s’en était aussi plaint à Imaya, qui se pointa quelques minutes plus tard avec un autre plat de biscuits, pour qu’il n’ait pas besoin d’en voler à sa petite sœur. Eh bien. Peu importait.

Malheureusement, même après avoir récupéré son lit des griffes de Kirielle, elle était revenue. Actuellement elle était affalée sur son torse, effondrée sur lui au moment où il avait fermé les yeux pour une petite seconde.

— Pourquoi es-tu toujours là, Kiri ? soupira Zorian.

— Je m’ennuie, avoua-t-elle. Ton puzzle est cassé, au fait.

— Il n’est pas cassé, rectifia Zorian. Il est juste à court de mana. Je peux t’en faire un autre demain, si tu veux.

— Ok.

Un silence descendit dans la chambre et Zorian ferma les yeux une fois de plus, décidé à faire une petite sieste.

— Zorian ? le héla soudain Kirielle.

— Oui ?

— C’est quoi, un Morlock ?

Zorian ouvrit les yeux et tourna la tête pour fixer Kirielle avec une expression étonnée.

— Tu ne sais pas ce qu’est un Morlock ? demanda-t-il sans trop y croire.

— Je sais que ce sont des gens aux cheveux blancs et aux yeux bleus, répondit-elle. Et que les gens en général ne les aiment pas trop. Et que Kael en est un. Mais maman ne m’a jamais raconté ce qu’il se passait avec eux.

— Elle ne voulait pas, hein ? grommela Zorian.

— Non, confirma Kirielle. Elle disait qu’une jeune Lady comme moi ne devait pas parler de ce genre de choses.

Dans le but ultime d’éviter une dispute, Zorian se retint de lâcher un commentaire déplacé sur la qualification de Kirielle en tant que Lady. Pas même un reniflement de dérision. Quelqu’un devait absolument lui donner une médaille pour le contrôle de soi dont il venait de faire preuve.

— Techniquement, dit-il, il s’agit d’une race d’humains souterrains. Même si la plupart ne vivent plus sou terre, désormais. La disparition des dieux a frappé leur civilisation assez durement et les autres habitants du donjon les ont largement foutus dehors, vers la surface. Les colons Ikosiens ont plus ou moins participé au processus en les frappant avant qu’ils ne puissent s’en remettre et en rasant plusieurs de leurs plus grands camps.

— Oh, lâcha Kirielle. Mais ça n’explique pas pourquoi les gens ne les aiment pas. On dirait que les Morlocks devraient nous en vouloir, et non le contraire. Et Kael n’a pas l’air de nous détester.

— Kael est probablement totalement ignorant de sa culture ancestrale. Je comprends qu’un grand nombre de Morlock le soient. Et pourquoi les gens ne les aiment pas, eh bien… Les anciens Morlocks étaient des barbares aux coutumes barbares, vivant en un temps barbare. Ils aimaient sacrifier les gens à leurs dieux et il semble qu’ils aient pu être cannibales.

— Cannibales ? couina Kirielle. Ils mangeaient les gens ?! Pourquoi ?!

— Difficile à dire, avoua Zorian en haussant les épaules. Les colons Ikosiens trouvaient plus intéressant de les condamner pour leurs pratiques que chercher à comprendre pourquoi ils faisaient ce qu’ils faisaient.

— Ben ouais, ils mangeaient des gens, répéta Kirielle. C’est démoniaque et dégoûtant. Ne me dis pas qu’ils continuent ?

— Ne sois pas ridicule, pouffa Zorian. Les autorités ne les laisseraient jamais s’en tirer comme ça.

— Oh, comprit Kirielle. C’est bien. C’est pour ça que les gens ne les aiment pas ? Ils ont peur que les Morlocks essayent de les manger ?

— Ça y contribue certainement, soupira Zorian. J’ai perdu le compte du nombre de rumeurs que j’ai entendues à propos des Morlocks qui kidnapperaient des enfants dans la rue pour les bouffer, ou je ne sais quoi. Mais il y a plus. Les Morlocks possèdent leur propre art magique, actuellement banni à peu près partout ; pourtant, beaucoup d’entre eux le pratiquent toujours. La guilde appelle ça Magie du Sang.

— Le nom est sinistre, trembla Kirielle.

— N’est-ce pas ? continua Zorian. Il n’y a pas d’information officielle à propos de la nature de la magie du sang mais la plupart des gens pensent qu’il s’agit de quelque chose lié aux sacrifices. L’histoire raconte que les Morlocks peuvent tuer rituellement un être vivant pour alimenter leurs sorts. Les Morlocks modernes ne peuvent pas vraiment massacrer des gens sur un coup de tête mais ils seraient supposément toujours enclins au sacrifice animal, à la fois pour la magie et la religion.

Kirielle se rapprocha près de son frère, visiblement craintive et tremblante.

— Je suis contente que Kael et Kana ne soient pas comme ça.

— Moi aussi, Kiri, lui confirma Zorian en lui tapotant la tête. Moi aussi.

Raka
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9 thoughts on “MoL : Chapitre 15

  1. Merci pour le chapitre
    Il se passe pas grand chose

    Sur utip ils disaient que les pubs étaient indisponibles pour le moment

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