MoL : Chapitre 15
MoL : Chapitre 17

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Chapitre 16 – Il faut qu’on parle

 

Arrachant une feuille de papier de l’un de ses cahiers, Zorian écrivit un message à Imaya pour expliquer qu’il avait une autre leçon de divination avec Haslush et qu’il serait en retard le soir venu. Il ne voyait toujours pas quel était le souci s’il ne rentrait pas à l’heure mais il ne désirait vraiment pas se disputer pour ça.

Bien sûr, écrire le message était une chose. Le transmettre à Imaya en était une autre – il était actuellement à l’académie et la route était longue jusqu’à la maison. Il était pourtant sûr d’avoir une solution. Il avait trouvé bon nombre de sorts pour la communication de longue portée et même si la plupart n’étaient pas dans ses cordes ou ne convenaient pas à son besoin, l’une des combinaisons de sorts semblait prometteuse. Techniquement, il allait plier un avion en papier et l’animer afin qu’il trouve son chemin, alimenté par son propre pouvoir. Un simple sort de localisation pourrait le guider jusqu’à Imaya. La méthode avait fonctionné quand il l’avait testée avec Kirielle même si la distance était considérablement plus courte.

Découragé par la nature quelque peu expérimentale de ses actions, il plia la feuille pour lui donner la forme voulue et lança un sort dessus avant de l’envoyer voler à travers la fenêtre la plus proche. L’avion s’en alla paisiblement, flottant en direction de sa cible.

Eh bien… Les cours étaient terminés et le message envoyé. Il était temps de rejoindre Haslush.

De façon pas très étonnante, Zorian découvrit qu’Haslush avait arrangé leur deuxième entrevue dans une autre taverne. Bien sûr. Dépité, Zorian entra dans l’endroit et tenta d’ignorer les regards des clients tout en cherchant son instructeur dans la foule.

Il n’était pas là. Zorian avait-il trouvé le bon endroit ? Haslush avait-il simplement décidé de ne pas se montrer ? Il avait eu quelque mal à trouver la bonne taverne, Haslush lui ayant donné de très vagues directions mais c’était bien là. Il s’apprêta à quitter la taverne pour voir s’il avait manqué quelque chose quand il réalisa.

Quelque chose clochait. Il ressentait un désir surnaturel et oppressant de quitter ce bouiboui. S’il n’avait pas passé les quelques boucles précédentes à travailler la résistance avec Kyron, il ne l’aurait même sans doute pas remarqué mais il y avait clairement une magie à l’œuvre, une magie qui le ciblait.

Il sortit sa boussole de divination et murmura un sort de localisation rapide à la recherche d’Haslush. L’aiguille pointa immédiatement vers un modeste type aux cheveux bruns habillé en ouvrier d’usine assis dans un coin. Avec un soupir, Zorian fonça vers lui et s’assit à une des chaises en face de lui.

— Je peux t’aider ? demanda le type d’une voix cassée et douloureuse en regardant Zorian d’un air vide, les yeux injectés de sang. Très glauque. Pas du tout aimable.

Au lieu de répondre, Zorian lança un sort de désenchantement. Une vague de force se rua vers l’ouvrier en brisant l’illusion. Son apparence fondit immédiatement pour dévoiler Haslush qui faisant une moue boudeuse comme un gamin.

— Je dois dire que je ne m’y attendais pas, affirma-t-il. Je m’attendais à ce que tu entres et sortes au moins trois fois avant de te rendre compte. Je peux dire que tu as cassé la cote – seulement deux personnes avaient misé sur l’approche directe.

Du coin de l’œil, Zorian vit deux clients du bar lever leurs pouces dans sa direction avec des larges sourires.

— Pouvez-vous lever ce sort d’oppression, maintenant ? soupira Zorian. Je ne pense pas être capable de me concentrer sur ce que vous allez dire avec cette pression sur mes épaules.

— Oh. C’est vrai, réalisa l’inspecteur, qui claqua des doigts. La tête de Zorian s’éclaircit immédiatement et le désir de fuir la taverne comme un lapin face à un renard s’évapora en même temps.

— Donc, quel était exactement le but de tout ça ? demanda Zorian.

— Je voulais voir où se situent tes compétences d’observation, répondit Haslush en portant son verre à ses lèvres. La divination est l’une des disciplines magiques les plus sournoises parce que l’échec n’est pas évident. Tu peux effectuer une divination à la perfection et ne rien en tirer. Tu peux totalement la foirer et obtenir un résultat sans même réaliser que tu as tout faux. Pose la mauvaise question, interprète la réponse de façon erronée ou oublie de prendre en compte une variable importante et tes efforts seront vains – voire pire : ils peuvent t’induire en erreur. L’expérience peut t’aider à minimiser ce genre de problèmes, mais être naturellement perceptif est un atout.

— Je suppose qu’avoir remarqué immédiatement signifie que j’ai eu un bon résultat ? tenta Zorian.

— Ça veut dire que tu es loin d’être bien parti. Nous n’en avons pas fini.

Avec ça, Haslush tendit le bras au-dessus de la table pour lui attraper le poignet. La lumière et le son venant de la taverne s’effacèrent, remplacés par une obscurité silencieuse comme le néant. Les seules choses qu’il pouvait encore voir étaient son propre corps et celui de l’inspecteur, qui semblait assis dans le vide, sa chaise remplacée par les mêmes ténèbres qui avaient consumé le reste.

— Non, le préviens Haslush quand Zorian tenta de retirer sa main. C’est un sort inoffensif et il cessera dès que cessera le contact physique. Si ça peut te rassurer, je suis dans le même état que toi tant qu’il dure.

— Quel intérêt ? demanda Zorian.

— Combien de personnes étaient présentes dans la taverne quand j’ai utilisé ce sort ?

— Quoi ? s’étonna Zorian qui tenta par réflexe de regarder autour de lui pour se rendre compte ce que l’obscurité était supposée accomplir. Oh, vous voulez juger les détails que j’ai retenus à propos de la taverne.

— Combien de personnes ? répéta simplement l’inspecteur.

Zorian se creusa les méninges pendant quelques secondes. Il avait bien observé les clients de la taverne en cherchant Haslush mais il ne les avait pas comptés. Et il était possible que quelqu’un eut quitté les lieux sans qu’il le remarque.

— Vingt… trois ? essaya-t-il.

— Pas loin. Combien de trophées sont alignés le long du mur à côté de notre table ?

Malheureusement, Zorian avait remarqué ces trophées en s’installant à table mais ne leur avait pas jeté plus qu’un simple coup d’œil. 15 questions plus tard, Zorian ne se sentait plus si confiant à propos de tout ça. L’inspecteur lui lâcha finalement la main et la taverne apparut à nouveau.

— Oh, ne sois pas si dépité, lui dit-il. Tu n’es pas mauvais. Et honnêtement, je n’aurais pas annulé nos leçons juste parce que tu aurais échoué à ce test. Comment te situes-tu par rapport à la divination, d’ailleurs ? Cursus standard de deuxième année ou quelques extras ?

— J’en sais pas mal sur la divination de bibliothèque et j’ai maîtrisé la recherche du nord, expliqua Zorian.

— Quoi ? L’exercice de recherche du nord, déjà ? s’étonna Haslush. Personnellement, Zorian avait trouvé la pratique vraiment facile.

— Bon. Voilà le travail que je vais te demander de faire de ton côté après la leçon d’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, ce soir, je t’apprends à analyser des objets.

Il fouilla dans les poches de son long imperméable et plaça un certain nombre d’objets sur la table : une enveloppe fermée, une vieille montre à gousset, une boîte scellée, une espèce de noix géantes et un gant à l’apparence fantaisiste.

— Analyser les objets… Je le fais beaucoup alors j’imagine que c’est un bon point de départ. Identifier ce qu’un objet fait, trouver qui l’a tenu en dernier, quels genres de protections et de magies sont placés… Tu pourrais en faire une carrière complète, de cette pratique, tu sais. Certains le font, d’ailleurs, lança Haslush. J’ai entendu que tu étais intéressé par un job aux forges de sorts alors ça va s’avérer utile pour toi.

— Donc, que dois-je faire ? demanda Zorian, impatient.

— Je vais t’enseigner les sorts dont tu auras besoin pour t’entraîner sur ces objets, lui annonça son instructeur en désignant ce qu’il avait posé précédemment.

La session fut très productive en fin de compte, et elle fit réfléchir Zorian. En se basant sur les divers commentaires de l’inspecteur, celui-ci se trouvait clairement haut placé dans la hiérarchie de la police de Cyoria. Peut-être pourrait-il faire quelque chose d’utile avec l’information sur l’invasion sans éveiller les soupçons des organisateurs ? Mourir une ou deux fois pouvait bien valoir le coup de le découvrir.

— Je dois vraiment vous remercier, monsieur Ikzeteri, conclut Zorian. Vous êtes bien meilleur dans tout ça que je l’avais imaginé au départ.

— T’en fais pas, le rassura Haslush. Je cultive activement une apparence peu flatteuse. Ça aide les gens à se sentir mieux autour de moi. Alors, qu’est-ce que tu essayes de me dire ?

Zorian soupira. Comment pouvait-il lui annoncer ça ?

— Pouvons-nous avoir de l’intimité, en premier lieu ? demanda Zorian.

Haslush leva un sourcil mais acquiesça peu après. Il lança rapidement une série de sorts sur leur table et attendit avec impatience. Zorian allait vraiment devoir le pousser à lui enseigner ce genre de sorts de protection, une boucle ou l’autre.

— J’ai eu vent d’un complot visant à introduire des trolls de guerre dans la ville la nuit du festival d’été après avoir bombardé la ville avec de la magie d’artillerie, lâcha-t-il en un souffle.

Haslush se redressa immédiatement sur sa chaise. Au moins, il n’allait pas balayer cette déclaration d’un revers de la main. Maintenant, il fallait s’assurer qu’il ne se faisse pas dégager du poste de police.

— Et je suppose que tu ne me diras pas où tu as entendu ça ? reprit Haslush sur un ton légèrement suspicieux.

— Je ne peux pas, confirma Zorian. Mais croyez-moi, c’est fiable à 100%.

— Je vois, soupira Haslush, avant de se verser une autre rasade d’alcool au fond de son verre vide. Je déteste le festival d’été, tu le sais ? Virtuellement tous les bâtiments voient leurs mécanismes de défense faiblir à ce moment à cause du mana nécessaire à l’évènement. Les visiteurs en grand nombre rendent compliqué la tâche de repérer les fauteurs de trouble et le maire d’autres grosses têtes veulent toujours que des tas de choses stupides soient faite en prévision. C’est un moment idéal pour tout criminel, pour tout terroriste qui souhaiterait semer le chaos en ville.

Huh. Zorian ne savait pas tout ça jusqu’alors.

— Alors… Comment ces personnes comptent-elle faire entrer des putains de trolls de guerre en ville ? Et qu’espèrent-elles accomplir ?

— Par le donjon, répliqua immédiatement Zorian. Quant à leur but, je ne le connais pas.

— Tu peux me dire autre chose ?

— Pas vraiment, non.

— Alors il me reste une dernière question, rajouta l’inspecteur. Pourquoi me dis-tu tout ça à moi ?

— Certaines personnes vraiment haut placées sont impliquées et je ne sais pas à qui faire confiance, avoua Zorian. Vous m’avez l’air suffisamment influent et il est… peu probable que vous soyez des leurs. Et j’espère fortement que vous ne me trainerez pas en cellule pour m’interroger de façon plus poussée.

Il ignorait si des personnes vraiment si haut placées étaient réellement de mèche, bien sûr, mais il sentait que la probabilité était plus que haute. Il avait échoué à imaginer comment une invasion de cette envergure pouvait se dérouler de façon si parfaite sans la coopération de personnes très influentes au sein de l’administration.

— Je suis tenté, en vérité, admit Haslush. Mais tu n’aurais alors qu’à dire que ce n’est qu’une blague de mauvais goût et je n’aurais qu’à te laisser filer. La guilde des mages a été fondée parce que les mages ne faisaient pas confiance à la législation humaine pour les juger de façon équitable et ils gardent leurs privilèges assez jalousement. Ils te feraient sortir en moins d’une journée pour mener leur propre enquête, tu recevrais une tape sur la main pour avoir été stupide et je passerais les quelques prochaines années à me faire démonter par mes chefs pour être tombé dans une farce de môme tout en mettant la guilde des mages en colère.

— Hm, fit Zorian.

Haslush avait l’air bien plus qu’amer de la façon de fonctionner du système. Il ne savait pas que les forces de police de la ville éprouvaient un tel ressentiment envers la guilde des mages.

— T’en fais pas, dit l’inspecteur. Je ne suis pas fâché contre toi. Je suppose que je vais aller faire une petite enquête de mon côté et nous en parlerons un peu plus après notre prochaine session. Toi, essayes d’en savoir plus sur ta mystérieuse source.

Zorian quitta la taverne de bonne humeur, même s’il était désormais imbibé de la peur d’assassins embusqués. Il fallait espérer que l’inspecteur crado serait discret pendant son enquête.

Lorsqu’il retourna à la maison d’Imaya, il apprit que l’avion en papier avait atteint sa destination et qu’elle était malgré tout peu contente. Apparemment, il avait percuté l’arrière de sa tête en délivrant le message et c’était dangereux. Et s’il avait touché son visage et crevé un œil ?

Certaines personnes ne sont décidément jamais contentes.

 

___

 

La maison était calme, les deux seuls occupants présents étant Zorian et Kirielle. Heureusement, la petite sœur s’amusait avec son carnet au lieu d’embêter le grand frère. C’était bien parce que tenter de faire léviter un escargot n’était pas facile du tout. Non seulement était-il vivant et donc résistant à la magie de façon naturelle mais il combattait également activement le sort, se tortillant et se tordant dans les airs afin de se libérer de cette force inconnue qui le réprimait.

Il trichait un peu – il faisait en réalité léviter la coquille, qui était immobile et bien plus solide que le corps visqueux. La vraie épreuve de force aurait lieu quand il essayerait de faire léviter un escargot en se servant de son corps. Mais bon, il avait déjà assez de mal pour l’heure.

— Pauvre escargot, fit remarquer Kirielle. Pourquoi tu ne le laisses pas partir, trouves-en un autre à torturer. Tu vas le traumatiser si tu continues comme ça.

— Je ne le torture pas, protesta Zorian en tentant de scinder son attention entre le sort et sa sœur. C’est tout sauf douloureux et c’est sans danger. Je ne suis même pas sûr que les escargots soient assez complexes pour pouvoir être traumatisés. Cette saloperie aussi enthousiasmée par l’idée de s’échapper que quand j’ai commencé.

Kiriell eut l’air de vouloir répliquer mais elle se contenta de grogner et de retourner à ses affaires.

— Où est-il ?

— Je ne sais pas, Kiri, soupira Zorian. Sois patiente. Il n’est même pas encore en retard.

— Peut-être qu’on devrait commencer sans lui ? tenta-t-elle.

— Non, on ne devrait pas ! coupa Zorian.

L’escargot tourna paresseusement dans les airs, les yeux exorbités qui dansaient violemment en sentant que les liens qui l’enserraient faiblissaient. Il redoubla d’efforts pour se libérer.

— Honnêtement, Kiri, tu peux être si insensible parfois. La seule raison pour laquelle je fais ça, c’est parce que Kael me l’a demandé. Tu devrais me remercier de te laisser participer.

— Tu parles d’insensibilité ! C’est la poutre qui se moque de l’hôpital ! grogna Kirielle. Tu préfères aider un étranger que tu viens de rencontrer que ta propre petite sœur. Et je suis reconnaissante, je –

— Alors sois gentille et attends. D’ailleurs, tu mélanges les expressions, je… bref, l’interrompit Zorian en laissant lentement redescendre l’escargot dans le creux de sa main, conscient qu’il n’arriverait plus à en tirer quoi que ce soit pour le jour. Il sera bientôt là. Si tu veux avoir quelque chose à faire, va relâcher ce petit bonhomme dans le jardin.

— Quoi ? Pas moyen !

— Ne te faisais-tu pas à peine l’avocate de sa liberté ? répondit Zorian en levant un sourcil.

— Euh, ouais, mais… Je ne vais pas le toucher ou quoi, hein. C’est gluant et dégoutant et ewwww…

Zorian leva les yeux au ciel et posa l’escargot dans une petite boîte à ses côtés. Il le libèrerait plus tard, le son de la porte annonça l’arrivée de Kael.

— Je suis là, annonça ce dernier. J’espère ne pas être en retard.

— Comment savais-tu qu’il allait arriver ? demanda Kirielle sur un ton inquisiteur en se tournant vers son frère.

— Sort d’alarme, lâcha Zorian dédaigneusement. Et non, Kael, tu n’es pas en retard. Même si Kirielle était impatiente, comme toujours. De toute façon, tu as dit que tu avais besoin de mon aide pour rattraper ton retard sur le cursus de troisième année, hein ? Quelle partie désires-tu qu’on voie ?

— Je ne sais vraiment pas, avoua le Morlock. Comme je l’ai dit, mon éducation s’est quelque peu faite en pointillés et même si je sais beaucoup de choses, il y en a d’autres que les mages formellement entraînés prennent pour acquis et dont je ne suis même pas conscient. Pourquoi ne pas me faire un bref résumé de tes deux premières années et on voit où on peut commencer à partir de là ? Ilsa a dit qu’elle me testerait dans trois mois, alors nous avons du temps pour travailler.

Zorian lança à sa petite sœur un regard qui en disait long mais elle l’esquiva avec adresse. Il était sûr que Kael savait exactement ce en quoi il était déficient en matière de connaissances mais Kiri lui avait probablement demandé de jouer un tel jeu, étant largement ignorant en magie elle-même. Il ne savait vraiment pas pourquoi elle était si obstinée à apprendre la magie immédiatement plutôt que plus tard dans un environnement scolaire adapté.

Honnêtement, autant il se sentait concerné par sa sœur, autant il appréciait Kael… autant il ne l’emmènerait pas à Cyoria si souvent. Il passait le plus clair de son temps dans la maison à devoir gérer Kirielle, Imaya ou Kael – et occasionnellement Kana – ce qui lui laissait assez peu de temps pour ses études personnelles. Relativement parlant, bien sûr – Kirielle se plaignait déjà qu’il passait trop de temps à étudier et pas assez à jouer avec elle.

Mais toutes choses considérées, il pouvait y aller mollo de temps en temps. Il pouvait prendre quelques heures pour aider Kael à étudier pour son test même s’il ne le passerait jamais tant que la boucle était active, alors quel était le problème si Kirielle les écoutait ?

Il leur donna à tous deux une brève explication du programme des deux premières années. En matière de magie, la majeure partie de la première année était consacrée à apprendre aux étudiants à consciencieusement et de façon consistante ressentir leur cœur magique, essentiellement en leur faisant activer divers objets magiques. Il y avait même un cours de première année appelé Opération d’objets magiques, qui était exactement ce que son nom indiquait. Ils travaillaient également leur mémoire en apprenant des séries de chants et de gestes de plus en plus complexes qui leur étaient montrés par les professeurs, une pratique pour les invocations réelles. Le reste n’était que théorie : des introductions aux diverses traditions et disciplines magiques, enseignements sur les bases du langage Ikosien, biologie, histoire, géographie, droit et mathématiques. Tout n’était pas strictement relatif à la magie mais – attends, qui était là ?

— Nous allons devoir reporter ça pour l’instant, conclut-il en regardant la porte. Quelqu’un arr –

Avant qu’il ne put finir sa phrase, la porte s’ouvrit violemment et Taiven s’invita dans sa chambre de sa manière agressive habituelle. Elle observa rapidement la pièce et fonça vers Zorian aussitôt qu’elle l’aperçut.

— – rrive, finit-il dans un long soupir de souffrance.

— Cafard ! s’exclama-t-elle, tout excitée. Tu es celui que je… Attends… J’interrompt quelque chose ?

— Oui ? lui répondit simplement Zorian.

— Peu importe, j’en ai pour une minute, lui répondit-elle en lui jetant un journal à la tête. Tu as vu ça ?!

Il soupira en attrapant le journal pour le poser sur la table. Là, il pouvait désormais voir exactement ce de quoi elle parlait. Et bordel.

Un étudiant de l’académie tue Oganji !

Hier matin, Zach Noveda a choqué le monde entier en annonçant devant une foule de journalistes qu’il avait exterminé Oganji, le dragon qui terrorisait le nord d’Altazia depuis plus d’un siècle. Naturellement, de telles prétentions demandent des preuves et le jeune héritier Noveda en a fourni de façon certaine en invoquant le cadavre de la bête pour une inspection poussée. Les officiels de l’Alliance invités pour l’occasion ont confirmé qu’il s’agissait bien du corps de la Terreur du Nord, bien qu’un examen plus approfondi soit nécessaire avant qu’ils n’acceptent de céder à Zach Noveda la prime pour avoir tué le monstre.

Zorian relut l’article dans un silence de pierre. Puis il le relut une fois encore. Il était totalement conscient que Kirielle et Kael lisaient par-dessus son épaule pour tenter de comprendre ce qui captivait son attention de la sorte mais il ne les laissa pas le distraire.

Était-ce la raison pour tous ces recommencements rapides ? Parce que Zach voulait tuer un dragon ? Zorian n’était même pas sûr de ce qu’il devait en penser. D’un côté, le dragon mage était une menace et le tuer un fait impressionnant. D’un autre côté, ça semblait être une perte de temps et un effort passablement inutile – qu’allait réellement y gagner Zach à part de l’expérience en combat réel ? La magie des dragons n’étaient pas utiles aux humains et Zach était déjà si riche qu’il devait bien se foutre de la prime.

Quelque jeu que pouvait être en train de jouer Zach, Zorian en était parfaitement inconscient. Ou alors, est-ce que l’autre voyageur temporel s’amusait simplement à faire ce qui lui passait par la tête à un moment particulier ?

— Eh, cafard, tu étais en cours avec lui, non ? demanda Taiven après un moment.

— Ouais, confirma-t-il. Il était supposé être dans ma classe cette année aussi mais il ne s’y est pas montré.

— Il s’est enfui de chez lui, expliqua Taiven. Tu n’as pas entendu le scandale, la semaine dernière ? Ils lui ont même posé la question dans l’article mais il l’a bien esquivée.

Zorian acquiesça. Zach avait simplement dit aux journalistes qu’il existait un grand nombre de désaccords entre lui et son ex-tuteur et qu’il refusait de plier le genou. Il y avait là une histoire intéressante, Zorian en était certain mais si le journal n’avait pas réussi à creuser pour trouver ce qu’il y avait de vraiment important, Zorian n’allait clairement pas réaliser mieux en fourrant son nez là où n’avait pas à se trouver.

Zach avait également dit aux journalistes qu’il comptait retourner à l’école pour quelques mois lorsqu’ils lui avaient demandé ce qu’il allait faire dans l’immédiat. Super. Zorian allait devoir faire profil bas pendant quelques boucles, jusqu’à ce que Zach en ait à nouveau assez de l’académie.

— Est-ce que Oganji n’est pas le dragon qui a annihilé une armée entière envoyée pour le tuer ? demanda Kirielle. Ou est-ce que maman m’a menti pour me faire peur ?

— Une petite armée, et il les a conduits dans un piège, expliqua Kael. Le général semblait penser qu’Oganj l’attendrait dans son antre tandis que l’armée approcherait. Au lieu de ça, il a décidé d’agir avant qu’ils n’arrivent : il a gravé des runes explosives sur le murs d’un canyon et les a attirés à l’intérieur. La seule raison pour laquelle il y a eu des survivants, c’est parce que certains mages se sont téléportés avant que le ravin ne les écrase.

— Et j’ai entendu qu’il a tué deux des Onze Immortels, aussi, rajouta Taiven. Alors putain, comment Zach a-t-il fait pour tuer ce machin ?! C’est une espèce de légende, ou quoi ? Pourquoi tu ne m’as jamais dit qu’il y avait ce genre de mec dans ta classe ?

Zorian soupira. Qu’était-il censé lui répondre, merde ?

— Laisse-moi te présenter les choses ainsi, dit-il prudemment. Pendant les deux premières années, Zach avait des problèmes à suivre à peu près tous les cours. Il était si mage si mauvais que les gens ne savaient même pas s’il allait passer sa certification, et tu sais à quoi point c’est facile.

— Ça… n’a aucun sens, répondit Taiven. Même si ce massacre du dragon est une arnaque, il a quand même invoqué le corps d’un dragon adulte. Même moi, je suis loin de pouvoir faire ça.

— Je suppose que tout a changé pendant les vacances d’été, avança Zorian en haussant les épaules. D’une manière ou d’une autre, il est passé d’un raté en devenir à un génie en puissance. Le tout entre les années deux et trois.

— C’est totalement ridicule, pouffa Taiven. Comment tu veux faire un truc pareil ?

— Voyage dans le temps ? suggéra Zorian sans honte aucune.

— Comme je l’ai dit, ridicule. Tu es sûr qu’il ne faisait pas que feindre l’incompétence ?

— Je ne suis sûr de rien, Taiven, trancha Zorian – et c’était vraiment le cas, même après une année entière piégé dans la boucle, il ressentait toujours la situation dans son ensemble comme totalement démente. Et le peu que je sais est si fou que tu n’en croirais pas un traître mot.

— Oh, maintenant, j’ai envie de les entendre, s’émoustilla Taiven en croisant les bras devant elle. Allez, tente le coup.

— Dis, dis ! l’épaula Kirielle.

Kael resta muet mais Zorian pouvait sentir sa curiosité silencieuse.

Hm… Il pouvait leur parler de la boucle mais même s’ils le croyaient, qu’aurait-il accompli ? Ils n’étaient pas plus qualifiés pour résoudre ce mystère qu’il ne l’était et si ces trois-là s’amusaient à raconter à tout va cette histoire abracadabrante, sa couverture pourrait très vite sauter – qu’on parle de Zach ou d’une troisième partie. Et puis, il avait déjà parlé à Haslush de l’invasion alors il jouait déjà avec le feu dans cette boucle…

Oh, et puis merde, comme s’ils allaient le croire, de toute façon.

— Si je te disais que Zach et moi sommes des voyageurs temporels répétant perpétuellement le même mois et qu’une armée géante de monstres et de mages hostiles vont envahir la ville pendant le festival d’été, que répondrais-tu ?

Taiven se contenta de lever un sourcil.

— Allez, dis-moi, l’incita Zorian.

— Tu as raison, soupira-t-elle. Je n’en crois pas un mot. Alors tu dis que les choses que tu sais sont démentes à ce point ?

— Au moins, confirma Zorian.

— Huh, soupira-t-elle d’un air concentré. C’est intéressant mais tu vas devoir me parler de toutes ces histoires une autre fois. Je t’ai assez tenu la jambe, je pense. À la prochaine, cafard !

Zorian regarda Taiven quitter la chambre avant de se tourner vers Kael et Kirielle.

— Bon. On reprend là où on s’était arrêtés ?

Tous deux gardèrent le silence en le fixant d’un air désemparé.

— Hm… tenta-t-il. Pourquoi me regardez-vous comme ça ?

— Est-ce vrai ? demanda Kirielle sur un ton effrayé. Tu es vraiment un voyageur temporel ?

Zorian ouvrit et referma la bouche. Hein ?

— Ton amie est peut-être trop stupide pour voir l’évidence d’une réponse posée sous la forme d’une hypothèse, mais pas nous, élabora Kael. Tu le crois vraiment, n’est-ce pas ? Que tu voyages dans le temps.

— Je… Oui. Si c’est une illusion, je n’ai jamais vu de sort si parfait et puissant, confirma Zach prudemment. La magie que j’apprends dans une itération me suit dans la suivante. La folie ne donne pas à sa victime des sorts et du talent en mise en forme de mana.

— Je ne comprends pas, se plaignit Kirielle.

— On est deux, Kiri, on est deux… soupira son frère.

— Peut-être que tu devrais tout reprendre depuis le début ? suggéra le Morlock. Dis-nous ce que tu comprends.

Zorian prit un moment pour rassembler ses esprits.

— J’ai déjà vécu ce mois avant, dit-il enfin. La première fois, avant que je sois au courant de la boucle temporelle, je n’avais pas emmené Kirielle avec moi à Cyoria.

— Quoi ? s’exclama Kirielle. Zorian, ordure !

— Je vivais dans l’une des chambres de l’académie et j’allais en cours de façon normale, continua-t-il en ignorant l’insulte de sa sœur. Toi aussi, d’ailleurs. Mais je ne te connaissais pas à ce moment. Cependant… Nous avions un camarade de plus.

— Zach ? devina Kael.

— Zach, confirma Zorian. C’était comme s’il s’était totalement transformé pendant les vacances d’été. Je n’y ai pas prêté trop d’attention – j’étais curieux mais ce n’étaient pas mes affaires. Et le festival est arrivé et l’enfer avec lui. Des sorts d’artillerie sont tombés du ciel et une armée de monstres a suivi. Comme je courais à travers la cité en feu, j’ai assisté à une scène… Zach qui combattait l’envahisseur. Il lançait des sorts de haut niveau comme des confettis, se battait avec un talent que je ne lui connaissais pas et qu’un étudiant ne pouvait avoir… Il s’est débrouillé comme un dieu au début mais une liche est arrivée et l’a massacré.

Il fit une pause pendant un moment pour considérer quels allaient être ses prochains mots mais Kirielle ne comptait évidemment pas attendre si longtemps.

— Et après ? Qu’est-ce qui s’est passé après ?

— Quoi d’autre ? répondit Zorian en faisant une grimace. Nous sommes morts. La liche a lancé une espèce de sort étrange – un sort de nécromancie, m’a-t-on dit – et nous avons été tués sur le coup.

— Alors, comment es-tu revenu dans le passé ? demanda Kirielle, suspicieuse.

— Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que je me suis retrouvé dans mon lit à Cirin, et tu me souhaitais une bonne journée façon Kirielle. Au début, je pensais que la liche avait fait quelque chose mais je découvris bien vite que ce n’était pas une occurrence unique. Chaque fois que je mourais ou que le festival d’été atteignait minuit deux, mon âme se faisait transporter dans le passé, ce même matin, avant de prendre le train pour Cyoria.

Tous deux le fixèrent pendant quelques secondes et Zorian était déjà certain qu’ils allaient juste éclater de rire quand Kirielle décida de prendre la parole à nouveau.

— Alors tu voyages dans le temps mais tu ne peux aller qu’un mois dans le passé et seulement sous deux conditions spécifiques, résuma-t-elle, ce à quoi Zorian hocha la tête.

Elle comprenait bien mieux que ce qu’il l’imaginait capable.

— Et tu ne contrôles rien, sauf en te suicidant, rajouta-t-elle.

— Oui… confirma Zorian pour de bon.

— Tu es le pire voyageur du temps de tous les temps, soupira Kirielle en acquiesçant.

Une gamine de neuf ans était vraiment le meilleur moyen de faire retomber une tension. Parole.

 

___

 

Cela faisait déjà trois jours depuis qu’il avait tout raconté à Kirielle et Kael à propos de la boucle et il se sentait honnêtement quelque peu déçu par leur réaction. Ils semblaient tous deux le croire mais ne s’en montraient pas particulièrement affectés. Ils lui posaient des questions à chaque fois que l’un ou l’autre parvenait à se retrouver seul avec lui – et il savait que Kael effectuait des recherches sur le sujet pendant son temps libre – mais leurs vies continuèrent comme si rien d’anormal n’était arrivé.

— Je te l’ai dit, je suis dans la boucle depuis un peu plus d’un an, répéta Zorian à Kirielle. Je ne suis pas prêt de tout savoir sur tout et je ne peux pas répondre aux questions que tu me poses.

— Je n’arrive pas à croire que tu sois allé à l’école pendant tout ce temps, grommela Kirielle. J’aurais abandonné après la deuxième fois.

— Tu aurais été massacré ou réduit en esclavage par Zach à la première occasion, rétorqua Zorian. Si je fais ça lentement et prudemment pour une bonne raison.

Quelques coups légers sur sa porte mirent fin à leur discussion. Zorian était devenu un peu paranoïaque à chaque fois qu’il recevait de la visite depuis qu’il avait déjà tout dit à Haslush à propos de l’invasion et l’avoir en plus raconté à Kael et Kirielle n’avait pas arrangé les choses. Même s’il leur avait bien intimé de ne pas laisser se répandre l’information concernant la partie invasion, il ne pouvait être certain d’avoir été obéi. Spécialement sa sœur… Il s’attendait à tout moment à voir surgir des assassins mais ses peurs étaient toujours, fort heureusement, sans fondement. Ce n’était que Kael à la porte et Zorian le reconnut à sa façon si légère de frapper.

— Entre, l’invita-t-il.

Au lieu de pénétrer dans la chambre, cela dit, il resta sur le pas de la porte.

— Il faut qu’on parle, lâcha-t-il, un soupçon de nervosité dans la voix. Peux-tu venir dans ma chambre un moment ?

— C’est à propos du voyage dans le temps ? s’excita Kirielle.

— Kirielle, soupira Kael, je sais que tu ne vas pas aimer ça mais peux-tu rester dans ta chambre pendant que je parle à ton frère ? C’est en rapport avec tout ça, en effet… mais c’est quelque peu privé.

Pendant un moment, il semblait bien que Kirielle allait se plaindre mais elle lui lança finalement un regard interrogateur et acquiesça en silence. Kael l’observa quitter la chambre pour rejoindre la sienne en marmonnant tout bas et Zorian dut admettre qu’il était un peu jaloux de la façon dont Kael arrivait à la contrôler. Elle ne l’écoutait absolument jamais quand il lui disait ce genre de choses.

En haussant les épaules, Zorian suivit son ami dans sa chambre, où ce dernier tira prestement un coffre de dessous son lit. Il en tira un mystérieux livre noir sans titre ni fioritures.

— J’ai fait des recherches sur ton… problème… les derniers jours, annonça Kael. J’ai peut-être trouvé quelque chose.

— Vraiment ? s’excita Zorian comme pouvait le faire parfois sa sœur.

Le Morlock ouvrit le livre et en tourna les pages pendant quelques secondes avant de trouver ce qu’il cherchait. Il tendit l’ouvrage ouvert à la bonne page à Zorian.

— En me basant sur le chant que tu as retenu de la liche et tout ce que tu m’as dit d’autre, je pense que ce sort est sans doute celui qu’il a utilisé.

— Fusion d’âme, lu Zorian à voix haute. Nécessite au moins deux cibles. Provoque l’unification des âmes. Typiquement utilisé en tant que composant de rituels plus compliqués qui en modifient alors grandement les effets. Si le sort est utilisé en isolation, l’entité qui en résulte est presque toujours rendue folle ou défectueuse suite au stress de la fusion. On l’utilise généralement dans… la création de liens avec les familiers et les liens d’âme en général…

C’était clairement un candidat pour le sort en question mais où Kael avait-il trouvé ça, bordel ? En fronçant les sourcils, Zorian feuilleta les pages restantes. Empli de magies d’âme et la plupart écrits dans divers alphabets inconnus que Zorian ne pouvait pas lire. Ce n’était pas… le genre de chose qu’on pouvait trouver à la bibliothèque de l’académie, encore moins avec une simple licence d’étudiant.

Ce qui signifiait qu’il s’agissait probablement de la propriété personnelle de Kael.

— Kael… Es-tu un nécromancien ? chuchota prudemment Zorian.

— Une question difficile, répondit-il après une seconde de silence. Je ne réduis pas les morts en esclavage et je ne maudis pas les gens. Il y plus que ça, dans la magie de l’âme.

Eh bien, c’était juste parfait – il avait raconté son secret à l’une des seules personnes qui pouvait faire quelque chose pour le réduire à néant définitivement. Et dire qu’il sermonnait Kirielle juste quelques minutes auparavant parce qu’elle était trop imprudente. Un gigantesque idiot, voilà ce qu’il était.

Mais eh, ce qui était fait était fait et au moins, Kael ne semblait pas très hostile à ce moment. En tous les cas, il semblait plus effrayé par Zorian que Zorian par le Morlock.

— Je ne vais pas te balancer, si c’est ce qui t’inquiète, lui assura Zorian, en partie parce qu’il était mortellement apeuré de ce que Kael pourrait vouloir lui faire s’il tentait ; un nécromancien, bordel…

— Tu m’as fait confiance et tu as gardé mon secret alors il serait hypocrite de ma part de te trahir sans raison. Pourtant, de la nécrom… je veux dire, la magie de l’âme ?

— C’est une discipline intéressante, se mit à sourire Kael. Si on ne la regarde pas injustement bien sûr. Ma professeure avait un grand intérêt en la matière et je voulais hériter de la tradition.

La tradition, ouais. Zorian fut tenté de pousser la réflexion un peu plus loin mais décida de se retenir. Erreur ou pas, il pouvait au moins en tirer quelques bénéfices. Il venait tout juste de rencontrer un nécromancien aux compétences apparemment décentes et qui acceptait de l’aider. Combien de fois allait-ce se reproduire ?

— Alors… Si la liche a effectué une fusion d’âme sur moi, pourquoi suis-je toujours… eh bien, moi ? demanda Zorian. Comme je le comprends, un tel sort aurait dû mélanger nos âmes, à Zach et moi, en totalité. Nous aurions dû cesser d’exister en tant que personnes individuelles.

— Je dois admette que je ne suis pas expert en magie de l’âme, averti Kael. Mes domaines de prédilection restent l’alchimie et la médecine, la magie de l’âme n’était à peine qu’un intérêt secondaire. Cela dit, je devine que le sort a été stoppé avant qu’il puisse prendre totalement effet. Il est entièrement possible que Zach se soit suicidé quand il a réalisé qu’il se faisait cibler.

— Ç’aurait été une action sensée de sa part, acquiesça Zorian. Même s’il ne m’a pas vraiment donné l’impression qu’il était conscient du danger quand je lui ai parlé, après coup. Je suppose que l’amnésie a pu lui jouer des tours.

— Ou il avait peut-être un sort de protection sur lui-même, destiné à le tuer s’il détectait la moindre action non autorisée sur son âme. Tu as déjà dit qu’il n’était peut-être pas celui à l’origine de la boucle. Quiconque aurait fait ça serait clairement un mage des plus puissants et clairement au courant des dangers qui pèsent sur l’âme.

— C’’est vrai. Et comme le sort ne pouvait que fonctionner pendant un temps très court, nous avons été épargnés su pire effet, supposa Zorian. Et j’ai terminé avec une espèce de lien d’âme qui me traîne derrière Zach dans la boucle. Possible. Il y a clairement une fusion d’âme impliquée, dans tous les cas. Peux-tu découvrir ce que fais le sort précisément ?

— Peut-être, hésita Kael. Même si ça voudrait dire qu’il faudrait que je lance des sorts. De la magie d’âme, plus précisément. Tu es sûr que tu veux faire confiance à un vulgaire, sournois nécromancien ?

— Oui, confirma Zorian en levant les yeux au ciel face au ton dramatique de Kael.

Peut-être n’était-ce pas la chose la plus intelligente à faire mais il était avide de réponses et Kael lui laissait une impression vraiment plus que correcte et il était généralement assez bon pour juger les gens.

— C’est vrai que je suis très prudent envers la magie de l’âme mais ça ne veut pas dire que je te déteste forcément, hein. Lance donc les sorts dont tu as besoin.

Après 15 minutes de mystérieux chants et gestuelles qui n’eurent pas d’effets visibles sur lui et ne lui laissèrent même pas de sentiment désagréable, Kael fut forcé d’admettre qu’il n’en savait pas beaucoup plus. La seule chose qu’il pouvait lui confirmer était l’absence d’un lien d’âme classique avec Zach. S’il en possédait un, c’était bien plus exotique et subtil que ça.

— Je suis désolé, s’excusa Kael. Je pensais qu’une magie de l’âme aussi énorme serait évidente à étudier mais j’avais visiblement tort. Peut-être que si j’essayais sur Zach… ?

— Il n’y a pas moyen de l’examiner sans lui dire la vérité, coupa Zorian. Je ne suis pas sûr de vouloir le faire tout de suite.

— Bien entendu, comprit Kael. Même si je ne sais pas ce que je pourrais faire d’autre. Il faudrait que je sois un mage de l’âme bien plus performant et si ce que tu dis est vrai, je n’aurai pas le temps de le devenir. Même si tu m’as bel et bien convaincu et que tu étais capable de le faire au tout début de la boucle – et je doute que tu en sois capable avant qu’on se connaisse un peu mieux – un mois ne sert à rien. On ne peut aller nulle part, en un petit mois dans ce domaine aussi vaste.

— Hm… bafouilla Zorian après quelques secondes de silence. Peut-être que tu pourrais m’apprendre la magie de l’âme ?

— Tu voudrais faire ça ? lui demanda Kael, amusé.

— Tu as dit qu’il y avait plus au sein de cette magie que maudire les gens et jouer avec les morts. Et j’ai vraiment besoin de réponses que seule la magie de l’âme peut m’apporter.

Et puis, s’il apprenait personnellement ce genre de sorts, il n’aurait plus vraiment besoin de faire confiance aux étranger pour jouer avec son âme. Pour résoudre tout ça, il fallait lancer des sorts de l’âme, et si quelque devait le faire, autant que ce fut lui.

— Je suis flatté que tu veuilles bien dépasser tes préjugés mais en vérité, tu ne serais jamais assez bon pour ce que tu cherches à faire, expliqua Kael. Bien que la majeure partie de cet art puisse être réalisée par un mage classique tel que toi, les sorts vraiment sophistiqués demandent un certain niveau de perception de l’âme. Une compétence qui ne peut être acquise qu’en buvant une potion réalisée à partie de chrysalides de mythe funèbres proprement récoltées.

— Et elle est rare, cette potion, hein ?

— Les mythes funèbres passent le plus clair de leur temps sous le sol, continua Kael. Pendant 23 ans, elles vivent leur vie avant d’émerger en masse, sous la forme d’essaims empoisonnés. Elles vivent ensuite exactement une journée avant de pondre leurs œufs et mourir. Au cas où tu serais curieux, la dernière émergence remonte à moins d’une dizaine d’années.

— Donc rien pour encore plus de dix ans, comprit Zorian.

— En effet, acquiesça Kael. Et la potion a besoin d’une chrysalide fraiche. Elles ne peuvent pas être conservées.

— Aucune autre façon de faire ?

— Hmm… Peut-être que si. Mais je ne connais que celle-ci, personnellement. Il existe des rituels demandant des sacrifices humains, il me semble, et qui prétendent au même effet mais je n’ai jamais tenté le coup et je te suspecte de ne pas désirer le faire, toi non plus.

— Clairement, non, soupira Zorian.

Après quelques minutes de plus d’une discussion qui tournait désormais en rond, Zorian quitta la chambre de Kael, perdu dans ses pensées.

Il n’était pas très enclin à abandonner l’idée d’apprendre cette magie bien spéciale mais il avait largement assez à faire pour le moment et il n’allait pas forcer. Les nouvelles boucles seraient toujours là pour le lui permettre plus tard.

Au moment où il entra dans sa chambre, une fois la porte fermée et verrouillée, il sentit une sensation très familière sur son esprit. Ce n’était pas comme la fois où il s’était aventuré dans les égouts avec Taiven, plus subtil et moins étranger un peu comme des toiles d’araignée caressant doucement les frontières de ses pensées.

Il paniqua immédiatement, les yeux allant de droite à gauche et de gauche à droite à la recherche d’un assaillant tandis qu’il tentait de briser mentalement ce qui pénétrait son esprit. Malgré tout l’entraînement de Kyron, il s’en trouva parfaitement incapable.

[Alors, tu es Ouvert ?]

Une voix claire et confiante résonna dans sa tête. Contrairement à la fois précédente, il n’y eut aucune image, aucune douleur… mais quelque part, c’était encore plus terrifiant. Lors de leur dernière rencontre, ses adversaires n’étaient clairement pas habitués à faire face à des humains. Celui-là savait exactement ce qu’il faisait.

[Intéressant. As-tu rencontré l’une des nôtres par le passé ? Ce sera plus simple que j’imaginais, dans ce cas.]

Là ! L’ombre dans ce coin, avait-elle bougé ?! Zorian était sur le point de lancer un missile magique vers le coin sombre lorsque son corps entier se figea et refusa de lui obéir.

Une silhouette ténébreuse bondit hors de l’obscurité et atterrit sur son lit – pile devant lui. C’était une araignée, comme il le suspectait mais absolument pas ce qu’il s’attendait à voir. Elle était relativement petite pour une espèce d’araignée géante, pas plus grande que son torse et bien plus compacte que ces variétés aux longues pattes effilées auxquelles les gens pensent quand on leur parler d’araignées. Se triturant les méninges, Zorian l’identifia comme un type d’araignée sauteuse.

Comme elle se tournait pour lui faire face, il se trouva soudain nez à nez avec une paire de gigantesques yeux noirs qui donnaient à la bête une apparence étonnamment humaine. Il y avait une autre paire d’yeux plus petit sur son front – par manque d’autre terme – mais les deux gros attiraient toute l’attention de Zorian. L’autre chose qu’il remarqua, bien évidemment, fut cette paire de mandibules qui pouvaient sans doute lui percer le crâne avec une facilité déconcertante.

[Salutations, Zorian Kazinski,] reprit l’araignée par télépathie. [J’attends de pouvoir te rencontrer depuis un moment maintenant. Toi et moi allons devoir avoir une longue, une trèèèès longue discussion.]

Raka
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16 thoughts on “MoL : Chapitre 16

  1. Avant de lire le chapitre ils mettaient encore qu’il y avait pas de pubs disponible :/
    Vous avez pas ce problème les autres ?
    Est-ce qu’il faut créer un compte xiaowaz ?

    1. Rien à voir avec le compte xiaowaz.
      Je ne sais pas d’où vient le souci. Il semble que d’autres ne l’aient pas :/
      Tu es derrière un proxy ? Un VPN peut-être ? Ca pourrait éventuellement avoir un impact.

      Et puis au pire, tu lis et puis voilà 😀 C’est pas un drame !

        1. Adblock peut gêner.

          Un navigateur ayant un adblock natif intégré aussi. 

          Sur chrome il faut aller dans le petit cadenas a côté de l’adresse et acceder au paramètres pour autoriser la ligne « annonces ».

          Sur les autres navigateurs je ne sais pas…

    2. En effet, testé et approuvé, il faut désactiver les bloqueurs de pub (adblock, block, etc.) ET la protection par défaut du navigateur (le bouclier au début de la barre d’adresse sur Firefox).
      En espérant que cela aide d’autre à participer !

  2. Sa-y-est le prologue est enfin terminé xD Non sérieusement merci pour le chap et la trad toujours aussi qualitative!!

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