MoL : Chapitre 47 Bonus

MoL : Chapitre 46
MoL : chapitre 48

Bonsoir ici-bas 🙂

Je profite de cette belle soirée pour poster un chapitre bonus de MoL, en l’honneur de lecteurs à qui je dois bien ça depuis si longtemps que j’en ai sans doute oubliés ! J’espère que vous me pardonnerez, je pense à Néréosky, Guillaume, Maxime, et sans doute d’autres qui m’échappent ce soir 〉_〈

Mais quoi qu’il en soit, je ne vous oublie pas !

C’est toujours un honneur que de vous offrir des pavés à dévorer 😀

 


 

Chapitre 47 – Politique.

 

Assis seul dans le compartiment du train, Zorian regardait à travers la fenêtre un paysage si familier désormais qu’il pouvait rester perdu dans ses pensées et n’en rien manquer. Il était supposé avoir déjà débarqué, mais les évènements qui venaient de se dérouler étaient toujours très frais dans son esprit et il jugea plus prudent de reporter ses plans de quelques heures, jusqu’à être moins distrait. Ce n’était pas comme s’il avait un emploi du temps précis à suivre, après tout.

Fermant ses yeux l’espace d’une seconde, il se retourna intérieurement vers son âme et chercha le levier qu’il avait activé pour échapper à Sudomir, s’immergea dans l’impression qu’il lui donnait lorsqu’il s’y connectait, et analysa la chose. Le levier lui-même n’annonçait pas sa fonction par des mots, mais se faisait comprendre suffisamment intelligemment – il renvoyait un sentiment de fin abrupte suivie par un retour soudain.

Retour au point de départ. C’était ce que prétendait cette fonction, et, pour autant que Zorian pouvait le dire, c’était exactement ce qu’il avait fait lorsqu’il l’avait activé.

Il possédait un moyen de terminer une boucle sur un simple caprice. Il pouvait recommencer le mois sans laisser derrière lui une âme à interroger et trafiquer. Merde, il ne laisserait rien derrière lui – le monde entier se réinitialiserait à son ordre. Tout ce qu’il fallait, c’était activer un levier.

Et ça changeait absolument tout. La nécromancie, son pire ennemi sous toutes ses formes, était soudainement devenue bien moins dangereuse et effrayante. Le risque de voir ses outils de suicide confisqués ou annulés par des barrières étranges comme celle du manoir de Sudomir était également devenu bien moins inquiétant – le marqueur était pratiquement impossible à détecter et retirer. De nombreuses idées qu’il avait caressées par le passé, mais qui avaient toujours été trop téméraires ou stupides pour être mises en œuvre – explorer le manoir Iasku ou sérieusement énerver la liche après avoir couru après les forces ibasiennes, par exemple – étaient de nouveau sur le tapis.

Se faire tuer ou assommer avant de pouvoir réagir restait un risque, ainsi que l’était la possibilité de se voir réduire en soumission. Il se demanda s’il pourrait créer quelque chose capable de forcer l’activation du levier à sa mort… Il faudrait pour ça se plonger plus intensément dans la magie de l’âme, mais ça pourrait être une chose intelligente à faire dans tous les cas : éliminer une de ses faiblesses majeures était fatalement une excellente idée.

Un potentiel problème résidait dans le fait que ce levier pouvait agir sur Zach et Robe Rouge également. Leur boucle avait-elle était coupée court à la suite de ses actions ? Probablement. Forcément. C’était forcément le cas si le levier fonctionnait comme il l’imaginait. Peut-être n’avaient-ils pas remarqué cette réinitialisation prématurée, l’activation ayant eu lieu si proche de la fin… mais comme il prévoyait de l’utiliser encore, ça n’allait pas durer.

Mais ça n’avait pas vraiment d’importance. Zach et Robe Rouge savaient tous deux qu’il y avait au moins deux autres voyageurs temporels, alors ça ne leur révélait rien de bien important. Bon, ça pourrait être un choc pour Zach, qui n’avait jamais vu de boucle stopper avant la fin sans aucun avertissement, mais peu importait. Il pourrait maintenant vivre ce qu’avait vécu Zorian pendant qu’il s’amusait à combattre un dragon.

Ouvrant les yeux, Zorian se détacha de son âme et concentra son attention sur le paysage une fois de plus. Celui-ci ne parvint pas à capter son intérêt bien longtemps – son esprit rejouait déjà tout ce qui s’était passé le mois précédent.

En vérité, il ne s’était pas attendu à ce que son exploration du portail fût aussi couronné de succès. Il s’était attendu à faire face à bien plus de défenses ibasiennes, et une fois de l’autre côté, à tomber sur une autre base lourdement gardée. Il n’avait pas prévu de vivre si longtemps, dans cette deuxième base. En fait, il n’avait même pas espéré, pour commencer, atteindre le portail lui-même, alors accomplir ce qu’il avait fait de l’autre côté ? N’en parlons même pas. Le premier essai était censé être un test primaire des défenses ibasiennes. Il voulait voir ce à quoi il avait affaire.

Et apparemment, il avait eu des ambitions bien trop modestes. Il avait eu tout ce qu’il avait espéré, et plus encore. Maintenant qu’il savait à quel point la base souterraine était peuplé d’incapables et qu’il n’y avait pas de défenses de l’autre côté du portail, il pouvait se permettre bien plus de témérité lors de ses futurs essais. Amener une armée de golems et nettoyer la base afin de pouvoir étudier le portail à souhait semblait même une option viable. Bien sûr, il devrait le faire sans leur donner l’occasion d’invoquer la liche. En plus, les golems seraient des combattants bénis face aux hordes de morts-vivants du manoir. Ils étaient tout aussi infatigables que les cadavres ambulants et ne possédaient pas d’âme avec laquelle les nécromanciens auraient pu s’amuser.

Bien entendu, il était impossible de penser au manoir Iasku sans se souvenir de la confrontation finale avec Sudomir Kandrei, et ce souvenir aspergeait en quelque sorte le moral de Zorian avec un bien mauvais vinaigre. Il s’était sorti de cette situation sans blessures, mais le fait était qu’il avait été totalement surclassé et acculé dans un coin par un dangereux nécromancien, tout ça pour finir par parier sur une capacité incertaine. Et encore, elle ne lui avait servi qu’à fuir. Ce n’était pas la façon dont Zorian voulait que se passent ses conflits.

Néanmoins, pour être honnête, la situation n’avait peut-être pas été aussi critique qu’il y paraissait. La boucle était vraiment proche de la fin et il aurait pu faire durer les choses afin d’empêcher son adversaire de tenter quoi que ce fût de trop dangereux jusqu’à la réinitialisation normale. S’il avait échoué, il aurait alors pu lui lancer une boule de feu surchargée au maximum, en direction des pieds sans doute, espérant réduire son corps en cendres. Il était difficile de juger à quel point la situation avait pu être dangereuse sans en connaître plus sur la personnalité du maire et les limites de sa nécromancie.

Bon, il allait découvrir ce qui le concernait très prochainement. D’une part, Sudomir était le maire de Knyazov Dveri et donc une figure publique – les informations à son sujet étaient sans doute légion, officiellement ou non. D’une autre part, Zorian comptait continuer d’attaquer la porte sous Cyoria et explorer le manoir Iasku à la fin de chaque mois. Il n’avait aucune raison de laisser passer ça, vraiment – les défenses du portail étaient assez maigres pour lui permettre de ne pas avoir à dépenser trop de ressources pour y accéder, et le bouton de retour instantané rendait l’idée d’explorer l’antre d’un nécromancien bien moins folle qu’avant.

Il devait définitivement faire quelque chose pour les barrières magiques, par contre. Sudomir semblait avoir placé quelques trucs très sophistiqués dans son manoir, et Zorian ne pouvait pas confortablement les ignorer. Qui pouvait dire quels secrets interdits et exotiques cachait un nécromancien de son niveau dans de telles protections ?

Peut-être pouvait-il éviter de déclencher les mécanismes ? S’il pouvait trouver un moyen de contourner l’autorisation initiale lorsqu’il passait à travers le portail, les barrières pourraient-elles rester dormantes. Il devait y avoir une clé, quelque chose qui laissait passer les mages – Sudomir ne pouvait pas avoir enregistré chaque putain d’Ibasien dans le schéma de son sort. C’était impossible.

Après y avoir réfléchi, il décida qu’un tel contournement serait utile, mais ne ferait que retarder le problème – si Zorian était à la place du maire, il aurait clairement placé d’autres pièges au travers de la maison afin d’éviter de tels abus. En considérant à quel point Sudomir se fiait à ses barrières pour s’occuper des intrus, il devait y avoir pensé.

Il fut tiré de sa réflexion par la voix de l’annonceur qui lui signala que le train entrait en gare. Il jugea avoir suffisamment retardé les choses, Zorian attrapa ses bagages et se leva, en quête de la sortie.

Il était temps de rendre visite aux Aranea une fois de plus.

 

___

 

La dernière fois que Zorian avait tenté de quémander l’instruction des Avocats Lumineux, il en avait résulté une négociation frustrante qui avait duré pendant plus de trois semaines et avait demandé la totalité de ses fonds en échange de connaissances utiles mais loin d’être critiques. L’autre chose dont il avait alors eu besoin, ces Aranea s’étaient montrées catégoriques en refusant de le lui enseigner. Il avait donc cessé de les importuner, spécialement parce qu’il avait trouvé d’autres Toiles bien plus enclines à traiter avec lui.

Maintenant, la situation avait changé. Il était bien meilleur en magie mentale et elles allaient peut-être se montrer bien moins hautaines. Il était également dans une situation bien plus dominante, capable qu’il était de répondre à leurs demandes extravagantes grâce à la découverte du trésor Aranea de Cyoria et la capacité de voler de l’argent et des ressources au Culte. Finalement, après en avoir appris un peu plus sur la culture et les coutumes Aranea par Voix de Paix, il en avait conclu qu’il avait en quelque sorte lui-même ruiné ses premiers échanges avec les Avocats Lumineux. Il s’était montré impatient et irrespectueux, ce qui avait sans doute beaucoup à voir avec le fait qu’elles eussent tant tiré les négociations en longueur : c’était à la fois un moyen de le pousser à leur offrir plus qu’il ne le souhaitait et une façon de lui faire comprendre qu’il n’était pas apprécié pour ce qu’il avait fait.

C’est pourquoi, quand Zorian se rendit chez les Avocats Lumineux le premier jour du mois, il ne leur proposa pas directement de faire affaire avec lui. Il se présenta simplement et demanda à pouvoir les rencontrer un jour prochain. On lui dit de revenir le surlendemain, ce qu’il fit. À ce moment, il arriva avec un cadeau pour les Avocats Lumineux et passa plusieurs heures à prétendre qu’il ne faisait que passer pour discuter amicalement avec des individus qu’il jugeait très intéressants. Seulement alors présenta-t-il son offre, commençant par un plan très ambitieux, offrant énormément et demandant tout autant. Elles refusèrent, bien entendu, en lui faisant une contreproposition ridiculement en leur faveur, et ainsi démarrèrent les négociations…

Il lui fallut une semaine entière et la moitié d’une autre pour obtenir satisfaction, ce qui était lent et ennuyeux, mais toujours mieux qu’avant. Le marché, un peu comme celui qu’il avait passé avec les Sages Filigranes dans la boucle précédente, alla au-delà de ce qu’il avait initialement espéré – apprendre comment réparer les paquets mémoriels – et on lui proposa également un raffinage de ses compétences télépathiques, un entraînement au combat mental et encore plus d’entraînement à ressentir les sens Aranea. Ce dernier point n’était pas un domaine laquelle les Avocats Lumineux pouvaient se prétendre spécialistes, selon leurs propres termes, mais promirent de faire ce qu’elles pouvaient en lui fournissant conseils et attention. En fait, c’était la partie du marché qui semblait les exciter le plus.

Bien sûr, Zorian ne passa pas le temps d’attente à se promener sans but. Il occupa cette semaine et demi à rechercher d’autres Toiles afin de juger ce qu’elles pouvaient avoir à lui offrir. Il rendit visite aux Porteuses de Talismans, aux Acolytes du Serpent Fantôme et aux Adeptes de la Porte Silencieuses – les trois factions peu fréquentables contre lesquelles il avait été mis en garde par les Collectionneuses de Gemmes. À cette époque, il ne jugeait pas sa sécurité garantie et il avait évité de les contacter, mais ses compétences en défense mentale avaient grandement progressé depuis lors. Il fit également le tour des sept Toiles dont il avait entendu parler aux alentours de Cyoria : L’Apex Brûlant, Les Porteuses de la Marque Rouge, Bleu Profond, Les Torches de Cristal, L’Ordre de l’Argent Indestructible, les Chanteuses de la Pierre de Révélation et les Enigmes de l’Ouverture. Toutes se montrèrent intéressées d’une certaine façon, mais aucune ne put vraiment l’aider avec son problème de paquet mémoriel.

Les Porteuses de Talismans faisaient partie d’une Toile qui se concentrait sur la magie – la Toile la plus zélée en la matière que Zorian eût rencontrée – et se trouvèrent être un très mauvais choix lorsqu’il s’agissait de gérer un souci lié à une magie mentale exotique comme le sien. Pourtant, leur rendre visite ne s’avéra pas être une perte de temps. Par curiosité, il acheta plusieurs de leurs disques métalliques, ceux qu’elles utilisaient pour lancer leurs sorts, afin de voir comment ils fonctionnaient. Les formules gravées sur les disques le sidérèrent : sujettes à des restrictions en taille et en complexité largement étrangères à la formulation humaine, ces Aranea cherchaient à compresser et mélanger le plus de formules possibles sur ces outils primaires. Le design était complexe et incroyablement dense, mais fonctionnait avec efficacité et souplesse, sans la résonnance et les perturbations qui contaminaient généralement les constructions compressées à ce point.

Les disques lui étaient inutiles dans leur état naturel – il n’était pas une Aranea et ces outils étaient prévus pour des esprits Aranea. Pourtant, ils étaient suffisamment similaires à ce qu’on pouvait faire en formulation humaine pour qu’il s’imaginât les étudier pour y apprendre quelque chose. En considérant à quel point il se fiait à ses objets, tout avantage dans ce domaine était digne d’intérêt.

Les Acolytes du Serpent Fantôme refusèrent de le voir. Apparemment, leur dieu, ou esprit gardien, ou qu’en savait-il d’autre leur avait dit qu’il était héraut de mauvaises nouvelles et qu’il fallait lui dire de s’en aller. Il n’avait aucune idée de ce dont il s’agissait, mais cette Toile devint immédiatement bien plus intéressante. Que savait l’esprit au sujet de Zorian qui pouvait l’embêter à ce point ? Il laissa les Acolytes pour l’instant, mais se laissa une note mentale afin de se rappeler de leur rendre visite à nouveau le mois suivant et avant toute autre chose, pour voir si leur dieu allait réagir de la même façon.

Les Adeptes de la Porte Silencieuse lui offrirent une autre surprise : la Porte de leur dénomination faisait référence à un portail Bakora autour duquel elles avaient bâti leur colonie. C’était très, très intéressant. Elles se montrèrent très mal à l’aise lorsqu’il se mit à poser des questions au sujet du portail, par contre, tentant sans arrêt de changer de sujet. Elles prétendirent que le portail les mystifiait autant qu’il pouvait mystifier les humains, mais Zorian n’en était pas sûr et n’y croyait pas. Il y avait clairement une histoire à déterrer, et leur Toile était connue pour posséder une espèce de magie secrète leur permettant de se déplacer instantanément en de nombreux lieux. Pourtant, il était évident qu’il n’obtiendrait rien de plus de leur part en continuant à aborder le sujet, et il changea poliment de sujet.

Malheureusement, elles n’étaient pas très intéressées par l’idée de lui apprendre des choses. Elles le redirigèrent vers des Toiles qu’il avait déjà visitées, les Avocats Lumineux par exemple, et voilà. Cela ne signifiait pas qu’elles n’étaient pas intéressées par un échange, bien sûr – elles l’étaient ! Elles montrèrent un intérêt énorme pour un certain nombre de choses qu’il avait à offrir, mais ce qui attira vraiment leur attention, ce fut le mana cristallisé. Elles désiraient tout lui acheter s’il le souhaitait. En échange, elles lui proposèrent une grande variété d’objets magiques et de grimoires, tous clairement d’origine humaine… et bon nombre largement illégaux. Elles lui offrirent de le mettre en contact avec certains de leurs partenaires humains au cas où il désirait quelque chose qu’elles ne pouvaient pas actuellement lui fournir ; elles admirent qu’ils n’étaient pas tous du bon côté de la loi. Après quelques réticences, elles lui affirmèrent aussi pouvoir lui donner des informations sur les autres Toiles – où les trouver, ce pour quoi elles étaient célèbres, leurs faiblesses. Elles le mirent en garde, cela dit, qu’elles couperaient tout lien avec lui s’il usait de ces informations à de mauvaises fins.

Après y avoir bien réfléchi, Zorian leur demanda s’il existait des alternatives aux Avocats Lumineux en matière de spécialistes en magie mentale après s’être mis d’accord sur un prix pour cette information. Après quelques heures, leurs représentantes s’en revinrent avec l’information en question, lui fournirent le nom et l’endroit de huit Toiles supplémentaires notables pour leur spécialité magique. Il les remercia pour ça et tira sa révérence.

Les sept Toiles autour de Cyoria avaient toutes quelques choses en commun. D’une part, elles étaient toutes amicales envers les humains et bien plus faciles à aborder que toute autre Toile avec laquelle il avait interagi récemment. D’une autre part, toutes étaient centrées sur la magie – Cyoria était l’épicentre de la révolution magique Aranea, et toutes les Toiles proches s’étaient adaptées pour en tirer avantage d’une façon ou d’une autre. Finalement, elles étaient bien plus hostiles envers leurs voisines que les autres Toiles qu’il avait fréquentées. L’Apex Brûlant, les Porteuses de la Marque Rouge, les Torches de Cristal et L’Ordre de l’Argent Indestructible tentèrent toutes de l’engager pour attaquer les Toiles voisines, et l’Apex Brûlant déclara sans fioritures qu’ils prévoyaient de massacrer la Toile des Enigmes de l’Ouverture entière dès qu’ils en auraient l’occasion, jusqu’aux mâles et aux enfants. Oh, et toutes étaient très intéressées par les informations sur les Toiles cyoriennes et leurs possibles faiblesses.

Zorian comprit soudain pourquoi Lance de Résolution s’était montrée si inquiète concernant leurs voisines et désirait s’octroyer l’aide des humains.

Heureusement, aucune des Toiles n’insista lourdement pour obtenir son aide, et se montrèrent assez ravies d’engager une forme de commerce pacifique. Naturellement, Zorian était intéressé par l’instruction qu’on pouvait lui fournir en magie mentale. Les groupes locaux, bien qu’orientés magie, possédaient une emprise décente sur leurs capacités innées… surtout lorsqu’il s’agissait du combat télépathique. La plupart d’entre elles étaient d’accord pour lui enseigner leurs capacités, bien que deux d’entre elles lui demandèrent plus que ce qu’il pouvait se permettre de sacrifier ce mois-là. En plus de tout ça, toutes proposaient des ingrédients exotiques récoltés dans les tréfonds du Donjon, dont certains radicalement impossibles à obtenir sur le marché classique.

Malheureusement, il était impossible de cacher à des bandes de télépathes naturels qu’il avait contacté d’autres Aranea tout en recevant un enseignement de leur part, aussi ne pouvait-il recevoir les connaissances que d’une seule Toile. La plupart se fichaient qu’il allât voir les Avocats Lumineux également, à l’exceptions des Torches de Cristal, qui refusèrent de lui transmettre quoi que ce fût s’i elles n’étaient pas les seules à le faire.

Il finit par choisir Bleu Profond, l’une des trois Toiles majeures de la zone. Elles lui étaient apparues comme les plus pacifiques de toutes en plus d’être spécialisées dans la domination et la manipulation de monstres. Zorian s’imagina que leurs méthodes, employées pour gérer des créatures très différentes d’elles-mêmes, pourraient se révéler utiles dans sa quête de compréhension de l’esprit Aranea. Et sinon, eh bien, le rendre plus efficace lorsqu’il devait contrôler ou neutraliser des créatures. C’était toujours utile.

Aussi s’assura-t-il deux enseignements de la part de deux groupes d’Aeranea pour ce mois-là. Les Avocats Lumineux se plaignirent, questionnant l’utilité de l’aide d’une Toile comme Bleu Profond alors qu’il possédait déjà les meilleures des meilleures, mais Zorian ne put s’empêcher de remarquer qu’elles se montrèrent encore plus motivées depuis qu’elles l’avaient appris. La concurrence les mettait au défi, semblait-il.

Tenter de s’accaparer l’aider d’un troisième groupe aurait été une grosse erreur, et un acte aussi stupide que cupide.

 

___

 

Rien de spécial ne se passa jusqu’à la toute fin du mois. Il continua à apprendre sous le tutorat des Avocats Lumineux et de Bleu Profond, et lorsqu’il n’était pas pris par ces occupations-là, il progressait dans d’autres domaines et préparait son futur assaut du portail, à la fin de la boucle. Il avançait rapidement au travers des grimoires récupérés dans le trésor Aranea de Cyoria, notant chaque sort qu’il pourrait trouver utile et mémorisant immédiatement ceux qu’il jugeait particulièrement bons. Divination et analyse de barrières, nouveaux sorts de combat, magie mentale la plus structurée… Il apprit tant de nouveaux sorts qu’il avait du mal à tous les retenir. Il s’essayait également de façon régulière à de nouveaux exercices de mise en forme, notant ceux qui semblaient plus simples à pratiquer, lesquels nécessitaient un truc pour être effectués correctement et lesquels devenaient bien plus simples une fois d’autres exercices maîtrisés. La plupart des exercices manquaient cruellement de ce genre d’informations.

Lorsque la boucle toucha à sa fin, Zorian était prêt pour une nouvelle tentative d’invasion. Il avait ajusté son arsenal à la lumière de ce qu’il avait découvert sur ses adversaires et avait créé six golems qu’il emmènerait comme support. Il avait capturé plusieurs Ibasiens durant ses voyages à Cyoria, afin de tenter de découvrir s’il existait une méthode pour passer le portail sans déclencher les barrières de protection du manoir Iasku. Malheureusement, aucun d’eux n’avait la réponse à ce mystère. Il ne pouvait qu’espérer que les gardes du portail fussent mieux informés.

Finalement, il avait tenté de découvrir tout ce qu’il pouvait sur Sudomir Kandrei sans trop attirer l’attention. Puisque le maître de maison secret du manoir Iasku était également le maire de Knyazov Dveri, il mena son enquête en se téléportant dans la ville, en posant des questions aux gens, et bien sûr, en lisant leurs pensées. Il découvrit que le maire avait une excellente réputation parmi les gens qu’il gouvernait – c’était un administrateur capable sous la férule de qui la ville était devenue bien plus influente et riche qu’elle ne l’avait été auparavant. Il avait pleinement profité de sa situation au nord d’Eldemar et de l’effort de colonisation lancé par le gouvernement pour catapulter la ville au sommet avant de répandre généreusement la fortune gagnée parmi les habitants. Il était connu pour être une personne cachotière, secrète et possédant une vie privée dont il ne parlait pas, mais très amical et bavard lors de ses interactions sociales. Il était probablement un mage talentueux, spécialisé dans la protection. Sa femme était décédée pendant le Nettoyage et il en était toujours profondément blessé ; au point de ne jamais s’être remarié.

Il était intéressant de noter que la maison Iasku n’était pas le secret que Zorian imaginait. Quelques personnes savaient que Sudomir possédait une demeure recluse et secrète, loin dans les contrées sauvages du nord, et que des choses louches s’y passaient. Cependant, la plupart des gens pensaient que la tendance de Sudomir à l’illégalité se limitait à la contrebande et le commerce de diverses drogues. Ils s’imaginaient qu’il devait être connecté à quelque organisation criminelle peu dangereuse, pas à des gens qui s’amusaient à relever les cadavres et qui prévoyaient de trahir le pays.

Le jour du festival d’été, Zorian se rendit à Cyoria et descendit dans le Donjon pour y attendre le début de l’invasion. Il ne put trouver le groupe de gobelins qui lui avait été si pratique – qu’il n’eût pas été chasser le monstre avec Taiven avait considérablement changé la donne dans les tunnels – et il finit par se rabattre sur une espèce de scorpion femelle possédant des tentacules en guise de queue. Principalement parce qu’elle possédait des centaines de jeunes qui la suivaient partout. S’il lui ordonnait d’attaquer la base ibasienne, ils feraient de même, sans besoin d’ordres ne de directives.

Zorian se glissa dans la base tandis qu’elle et sa progéniture distrayaient les défenseurs, un peu comme la fois précédente. Les golems, bien plus lents que lui et très peu furtifs, reçurent l’ordre de rester en arrière pendant qu’il s’en allait neutraliser les mages les plus disciplinés ainsi que les trolls de guerre stationnés autour du portail.

Les trolls étaient ennuyeux. Il avait besoin des mages en vie pour pouvoir les interroger à propos des protections du portail et les méthodes qu’ils utilisaient pour appeler Quatach-Ichl, mais tout ce qui les neutraliserait échouerait contre les trolls. Après y avoir bien réfléchi, il plaça simplement des pièges d’incinération à une certaine distance du portail et entama un bombardement continu du groupe ennemi à l’aide de bombes de guidage ou de gaz. Il transforma la zone entière en un nuage soporifique géant, gaspillant probablement la moitié des bombes dans le processus, mais peu lui importait. Ce qui comptait, c’était que les mages finirent tous au sol et que les trolls se jetèrent dans sa direction en hurlant toute la rage qu’ils pouvaient.

Ils coururent directement vers les pièges, mais plutôt que de mourir dans d’horribles souffrances, ils survécurent à l’expérience. Il fallut une seconde complète à Zorian pour se rendre compte de la situation – ils n’étaient des trolls normaux. Non, ils étaient du même type hyper-résistant que celui qu’il avait croisé avec Taiven dans les égouts. Celui qui résistait au feu. Il se téléporta juste à temps pour éviter de finir haché menu par les énormes masses de fer, mais à une distance suffisamment courte pour leur permettre de le rattraper presque aussitôt.

Le combat qui s’ensuivit, qui consistait principalement en une série de téléportations alentour tout en balançant des sorts à des trolls de guerre de plus en plus colériques, résultat en un gâchis de presque tous les explosifs qu’il avait préparés et la destruction de quatre de ses golems lorsqu’il fut forcé de les faire venir pour distraire les monstres. Putain.

Mais au moins, il était en vie, et la même chose ne pouvait pas être affirmée de ses adversaires. Les trolls de guerre étaient devenus des glaçons, seul moyen qu’avait trouvé Zorian pour en venir à bout. Il les explosa en une myriade de morceaux sanglants juste pour être sûr. Vivre et apprendre – la prochaine fois, il utiliserait des pièges givrants.

Il vérifia ce qui se passait en direction des autres Ibasiens et les découvrit en mauvaise posture face aux scorpions. Ils étaient parvenus à blesser la mère, ce qui avait rendu les rejetons totalement fous de rage, poussés par un instinct suicidaire. Les mages s’éparpillèrent face à eux et Zorian s’assura d’intercepter quiconque avait l’air de pouvoir ou vouloir organiser une défense potable.

Avec la majorité des menaces éliminées, il retourna au portail et évacua le nuage de gaz soporifique qui tenait à rester là en particulier. Il s’approcha enfin des mages endormis.

Ce qu’il découvrit dans leurs esprits était encourageant. En premier lieu, les quatre mages qu’il avait neutralisés étaient ceux qui savaient comment contacter la liche. C’était pour cette raison que les autres étaient venus les voir en catastrophe la fois précédente – ils ne demandaient pas la permission de l’appeler à l’aide, ils ne savaient littéralement pas comment faire. La méthode elle-même consistait en un simple sort d’envoi de message télépathique, quoi que celui-là nécessitait une clé particulière pour pouvoir atteindre Quatach-Ichl.

Il avait vu cette clé auparavant, il le réalisa. Il s’agissait de l’amulette d’un noir poli en forme de goutte que les Ibasiens de haut rang portaient en permanence. Il avait pensé qu’il s’agissait d’un ornement destiné à les différencier de leurs sous-fifres car ce pendentif ne laissait échapper aucune signature magique, mais il avait apparemment tort. Même maintenant, il ne parvenait pas à comprendre comment cet objet était supposé servir de clé, et il n’osa pas l’analyser trop en profondeur, de peur de déclencher un piège invisible ou de voir Quatach-Ichl apparaître à ses côtés. Il ne se sentait pas de recevoir un rayon désintégrateur dans la face pour l’instant.

Et puis, le moyen d’entrer proprement dans le manoir consistait simplement à laisser un Ibasien de haut rang entrer le premier. Ce passage signalait à la barrière de la maison Iasku que tout allait bien et que quiconque entrait après lui était également autorisé à le faire, par association. Zorian ne savait pas si ces Ibasiens particuliers étaient enregistrés dans la barrière ou si celle-ci détectait simplement la présence de la clé, et il s’en fichait. Il poussa l’un des gardes endormis au travers du portail, amulette incluse, et lui emboîta le pas. Juste pour être sûr, il ordonna aux deux golems survivants de le suivre au pas.

Il soupira de soulagement quand la barrière négligea de réagir à sa présence et quand le portail resta ouvert.

— Voyons ce que je peux trouver avant que Sudomir ne réalise qu’il y a un intrus dans sa maison, grommela Zorian tout bas en enjambant le corps inconscient du mage noir.

Il fit signe à ses golems de suivre et s’enfonça dans le manoir.

 

___

 

En considérant qu’il s’agissait de l’un des points d’invasion utilisés pour attaquer Cyoria, le manoir était étonnamment vide. Maintenant qu’il n’avait pas à esquiver des morts-vivants en pagaille, Zorian eut le temps d’explorer l’intérieur du bâtiment et fut sidéré par sa nature des plus ordinaires. C’était une maison vide, grande, mais pas plus exceptionnelle que ça passé ces détails.

Il ne croisa ni pièges ni morts-vivants jusqu’à tenter de se rendre au centre de la maison, où il suspectait la présence du maire. À ce moment, il rencontra une espèce de limite invisible et il sentit quelque chose tenter d’analyser son âme et échouer. Un sentiment lourd et malsain s’abattit aussitôt tandis que les barrières concentraient leur énergie autour de lui.

Sachant que les hordes de morts-vivants allaient arriver sous peu et ne se souciant plus de rester furtif, Zorian commença à tester les barrières pour découvrir exactement ce qu’elles faisaient. Il commença par leur balancer l’un de ses derniers explosifs avant de l’activer pour voir s’il détonnerait. Ce fut le cas, mais ça ne voulait pas forcément dire que les ajustements qu’il avait faits par rapport à la fois précédentes étaient corrects – dans la boucle précédente, ils avaient fonctionné jusqu’à ce qu’il s’était retrouvé face à Sudomir. Selon toute probabilité, la structure des barrières n’activait ses plus puissantes défenses que quand le maire le lui ordonnait.

Tenter de vérifier si le portail s’était refermé avec l’activation des défenses échoua. Rien dans la maison ne pouvait être ciblé par aucun sort de divination dont il avait connaissance. Se téléporter ne fonctionnait plus, et connecter un sort de rappel à un cylindre de pierre avant de le lancer par la fenêtre ne lui permit pas non plus de sortir. Les barrières emplissaient la demeure entière d’un faible champ de perturbation magique – pas assez pour l’empêcher de lancer des sorts, mais définitivement suffisant pour rendre ses incantations plus longues.

Il s’imagina s’échapper par une fenêtre – une option étrangement viable vu leur taille et la possibilité de les ouvrir facilement de l’intérieur – mais décida de ne rien en faire. Sudomir lui avait semblé plutôt bavard lors de sa première attaque, et maintenant que Zorian savait qu’il possédait une porte de sortie, il voulait voir ce qui pouvait arriver s’il lui adressait la parole. Peut-être que Sudomir était le genre de personne à aimer s’étaler ? C’était stupide, mais il y avait des gens comme ça.

Pendant la demi-heure qui suivit, Zorian combattit un flot ininterrompu de morts-vivants. Contrairement à la fois précédente, il fut capable de conserver ses grenades disruptives et les autres objets pour ne se fier qu’aux golems ; ils occupaient les cadavres animés tandis qu’il dégommait ceux qui passaient. Il était finalement assez bon dans ce qu’il était en train de faire, à savoir empêcher une armée de morts d’avancer dans sa direction. Si bon, en fait, que Sudomir finit par décider de rappeler les forces qui lui restaient plutôt que les regarder se faire annihiler. Du moins, c’est ce que Zorian supposa, puisque tous les sangliers et les types habillés de noir se tournèrent pour fuir dans un même mouvement.

Huh. S’il s’était attendu à ça. Il se demanda si Sudomir allait vraiment finir par se montrer avant que Zorian ne termine d’éradiquer le dernier de ses sous-fifres. Il l’observait clairement, soit via des sorts de divination ou au travers d’une fonction visuelle inhérentes aux barrières, alors il était très certainement conscient qu’approcher Zorian était dangereux.

Zorian haussa les épaules et entreprit d’analyser les barrières grâce à l’outil d’analyse qu’il avait récupéré du trésor Aranea une fois encore. Si Sudomir décidait de ne pas se montrer, ça signifiait qu’il pouvait prendre le temps de déconstruire la structure des barrières à volonté, et ce serait une énorme victoire à son actif.

Comme il le suspectait, les barrières n’appréciaient pas qu’il tentât de les percer à jour. S’il n’avait pas été catalogué comme l’intrus qu’il était, il était persuadé que l’outil d’analyse qu’il utilisait se serait chargé de le dénoncer. Zorian s’y attendait – c’était pour cette raison qu’il n’avait pas tenté directement après avoir franchi le portail. Ce à quoi il se s’attendait pas, par contre, c’était que la barrière qu’il était en train d’analyser combatte avec tant de véhémence. Les mouvements des barrières qui l’entouraient et les pulsions de disruption répétées dirigées dans sa direction étaient étrangement adaptatives, trop intelligentes pour venir d’une construction magique. Sudomir ajustait-il le tout en temps réel ou les barrières elles-mêmes étaient-elles dotées d’une forme d’intelligence – chose qu’il n’avait encore jamais vue ?

L’air devant lui se tortilla en une silhouette vaguement humanoïde, et Zorian lança immédiatement une lance de force dans sa direction. La forme ne fut pas affectée et se solidifia rapidement pour devenir l’image fantomatique d’une personne familière. Un grand homme plus âgé vêtu d’un costume brun luxueux. Il arborait une épaisse moustache et souriait, l’expression ensoleillée.

Zorian ne fut pas dupe, cela dit. Tandis que la projection illusoire de Sudomir tentait de lui offrir un air d’indifférence joyeuse, son sourire était clairement plus crispé qu’il ne l’avait été la première fois.

— Salut ! le salua-t-il au travers de sa projection. Je ne suis pas sûr que vous en soyez conscient, mais c’est une propriété privée. Vous ne pouvez pas simplement entrer et commencer à semer la zizanie à tout va ! Que vous ai-je fait, pour mériter ça ?

— Je suis étonné que vous souhaitiez me montrer votre visage si ouvertement, Sudomir Kandrei, lui signifia Zorian en analysant son environnement pour s’assurer que le maire ne fût pas en train de tenter de le prendre par surprise quand il serait occupé par sa projection.

— Hah ! Un mage de votre calibre ne tombe pas sur un lieu comme celui-ci par accident, répondit Sudomir en grimaçant légèrement. Vos compétences, votre équipement… Vous saviez déjà ce que vous alliez trouver ici, j’en suis certain. La question intéressante qui se pose est alors qui êtes-vous ? Il n’est que politesse que de se présenter, ne le savez-vous donc pas ?

— Pourquoi avez-vous aidé les Ibasiens à organiser leur attaque sur Cyoria ? demanda Zorian, pas du tout intéressé par l’idée de donner la moindre information personnelle et ne trouvant pas le petit jeu du maire amusant. L’ardoise compte déjà des milliers de morts, et ce n’est que le début. Qu’est-ce que ces gens vous ont fait à vous, pour mériter ça ?

— Ah, ce n’est rien de personnel, vraiment, fit Sudomir en haussant les épaules, son sourire faiblissant légèrement. Ils sont au mauvais endroit au mauvais moment. La politique peut être brutale, parfois.

— La politique ? s’étonna Zorian, incrédule. Ils tentent de libérer un Primordial afin de le laisser semer le chaos au travers du continent et vous pensez que c’est par intérêt politique ?! Je peux comprendre en quoi ils pensent que c’est dans leur intérêt, mais vous ? Pourquoi voudriez-vous que ça arrive ?

Sudomir l’observa, l’espace d’une seconde. Clairement, il était en train de le jauger.

— Alors vous savez à ce propos également, hein ? finit-il par soupirer tout en faisant claquer sa langue en signe d’insatisfaction. Eh bien, je ne pense pas être suffisamment à l’aise pour discuter de mes buts avec vous, mon cher intrus. Cependant, juste entre vous et moi, je parierais que les Ibasiens sont bien trop optimistes concernant le Primordial et son niveau de danger supposé. Il va faire beaucoup de dégâts, j’en suis certain, mais imaginer qu’il va parcourir le continent et détruire des choses par caprice ? Aucune chance. Je lui donne au maximum une semaine avant qu’Eldemar rassemble suffisamment de troupes et en vienne à bout. Et encore, c’est en imaginant qu’il ne s’agisse pas d’un animal stupide capable de tomber dans le premier piège tendu.

— C’est une vision très téméraire, fit Zorian en fronçant les sourcils. Et si vous avez tort ?

— On n’a rien sans rien, lui lâcha Sudomir sur un ton qu’aurait pu employer sa mère.

Ugh. Cette conversation ne menait nulle part, et ce type gagnait clairement du temps. Zorian fit disparaître l’illusion d’un geste de la main et avança à nouveau vers le centre de la maison, ses deux golems devant lui. Il n’y avait plus aucun intérêt à tenter d’analyser les barrières, il ne pouvait pas percer les secrets de trucs intelligents, de toutes façons.

Une autre projection spectrale vacilla devant lui et il la fit disparaître avant qu’elle pût avoir le temps de s’exprimer.

— Maintenant, vous devenez simplement malpoli ! résonna une voix désincarnée tout autour de lui – plus de projection, cette fois, juste le son, qui le suivait partout où il posait les pieds. Nous étions en train de discuter !

Zorian rencontra une porte verrouillée et Zorian y colla l’un des trois cubes qu’il avait encore à disposition. Il n’explosa pas lorsqu’il lui en donna l’ordre.

— Désolé, mais pas d’explosifs sous mon toit, déclara fièrement la voix de Sudomir.

Zorian fronça les sourcils. Comme la fois passée. Et il avait ajusté les explosifs pour tenter de contrer cet effet, pourtant. Inquiétant, oui. En elles-mêmes, les barrières anti-explosions n’avaient rien de nouveau. Chaque bâtiment important en possédait. La plupart du temps, il s’agissait de protections basiques qui ne pouvaient se mesurer au talent artisanal de Zorian. Sudomir possédait des barrières capables de contenir non seulement ses explosifs basiques, mais également les versions spécialisées supposées fonctionner dans un lieu lourdement protégé.

Sa main se saisit instinctivement de l’un des anneaux attachés à son collier. Son ancienne méthode de suicide, qu’il avait choisi de porter juste au cas où. Il en détacha un et le lança vers la porte, pour voir s’il allait exploser. Les anneaux de suicide étaient son œuvre la plus sophistiquée, après tout, faite pour fonctionner en dépit de n’importe quelle circonstance.

L’anneau n’explosa pas. Hmm. Peut-être que la barrière fonctionnait selon un principe exotique qui annulait simplement toute formulation destinée à créer une explosion ?

Afin de tester cette théorie, il sortit une fiole de liquide explosif, purement alchimique et dénué de toute formule magique, et la jeta sans préavis sur la porte. La bouteille détonna comme prévu, envoyant voler échardes et poussière un peu partout.

Alors les explosifs alchimiques fonctionnaient. Bon à savoir.

— Mais combien d’objets à usage unique avez-vous amené ? lui demanda Sudomir au travers de sa lourde voix. Ça a dû coûter une fortune ! Je suis flatté que vous ayez dépensé tout ça pour ma petite personne, mais est-ce vraiment l’utilisation la plus intelligente de vos ressources ?

Après ça, les morts-vivants toujours debout dans la maison se mirent à l’attaquer à nouveau, tentant de le prendre en embuscade depuis des pièces adjacentes tandis qu’il tentait de naviguer dans les couloirs labyrinthiques de la maison. Ils échouèrent à le blesser, mais ils le ralentirent de façon effective, et ce fut suffisant.

Il arriva littéralement à court de temps – la boucle prit fin avant qu’il pût trouver Sudomir.

Oh oui, il y aurait une prochaine fois.

 

___

 

Le mois suivant fut largement similaire au précédent. Il contacta les deux mêmes Toiles, passa la majeure partie de son temps à travailler sa magie mentale et se permit simplement une petite déviation au tout début pour rendre visite aux Acolytes du Serpent Fantôme.

Ils lui dirent l’exacte même chose qu’ils lui avaient dite la fois passée : Le Serpent Fantôme prétendait qu’il était porteur de mauvais augure et qu’il devait s’en aller. Il tenta de comprendre pourquoi, sans résultat – l’esprit que la Toile vénérait refusa de dire quoi que ce fût de plus à son sujet. Apparemment, le simple fait de savoir qu’il annonçait une mauvaise nouvelle était une mauvaise nouvelle. Il était la pire des nouvelles.

Bizarre. Bon, détester quelqu’un sans raison n’était pas un crime en soi, et, mis à part les attaquer ouvertement, il n’y avait pas grand-chose que Zorian pouvait faire quant à cette situation. Et s’il les attaquait, il allait braquer ce connard d’esprit contre lui, n’est-ce pas ?

Ses leçons avec les Avocats Lumineux progressaient à une allure rapide. À la fin du mois, il était prêt à tenter de réparer le paquet mémoriel de la matriarche. Et ça fonctionna… plus ou moins. Le paquet ne termina pas exactement dans un état réparé, mais il avait réussi à stopper la dégradation et à gagner deux mois de plus avant qu’il ne recommençât à dépérir à nouveau. Les Avocats Lumineux l’informèrent qu’il s’agissait de la seule chose que l’on pouvait faire pour un paquet mémoriel qui se détériorait – le réparer mentalement comme on pouvait et gagner un peu de temps, mais ce processus était en soi aussi destructeur que la dégradation, simplement plus lent : on ne pouvait le réparer ainsi qu’un certain nombre de fois. Selon la taille et les conditions de ce paquet-là, les Avocats Lumineux suggérèrent une réparation supplémentaire avant sa destruction totale.

Il avait deux mois pour devenir suffisamment bon en réparation, après quoi il aurait une dernière chance de gagner un peu de temps. Ce qui signifiait que selon la façon dont allait se dérouler ce second service de réparations, il disposait encore de quatre ou cinq mois au maximum pour parvenir à interpréter les souvenirs d’une Aranea.

Il décida qu’il devait alors acquérir de l’expérience dans la lecture des souvenirs Aranea. De vraies expériences avec de vrais souvenirs, et non des exercices simplifiés en compagnie de professeures. Bien sûr, ni les Avocats Lumineux ni Bleu Profond n’accepteraient de travailler avec lui sur ça, et il pariait qu’aucune autre Toile ne le serait. Non, ce genre de choses était pratiquement toujours un acte hostile – une chose que l’on fait à ses ennemis.

Alors la situation était simple. Il devait trouver des ennemies Aranea.

Sa première idée ? Se tourner vers les Plonge-Lames. Après tout, elles avaient tenté de le piéger une fois, et il en gardait toujours une rancune profonde, même s’il était le seul à s’en souvenir. Au début, ça fonctionna même – il parvint à piéger plusieurs patrouilles Plonge-Lames et à les capturer afin de lire dans leurs souvenirs.

Ses deux premiers essais finirent aussi bien que la première fois qu’il avait tenté de sonder les souvenirs d’un humain. C’est-à-dire, pas bien du tout. Il s’améliora rapidement, cela dit, et découvrit des choses intéressantes à leur sujet. Elles avaient pour habitude d’attaquer les mages vulnérables, tiens donc, étonnant. Elles se limitaient aux mages qui tentaient d’explorer le Donjon sous Korsa, et se montraient très prudentes à propos de ceux qu’elles ciblaient. Néanmoins, tout le monde pouvait, dans certaines conditions, être considéré comme une proie facile et potentielle. Elles vivaient très profondément dans le Donjon, et à chaque fois qu’elles faisaient disparaître la mauvaise personne, elles n’avaient qu’à se retirer dans les profondeurs le temps que les choses se calmassent.

Et c’est ce qu’elles firent après avoir réalisé que quelqu’un les attaquait – elles abandonnèrent purement et simplement leur camp sous Korsa et retournèrent vers les profondeurs du Donjon. Ayant lu dans leurs esprits, Zorian savait que ce serait pour des semaines, peut-être des mois, et il n’osa pas les suivre.

Aussi se contenta-t-il de mettre à sac leurs réserves d’or en surface, plus par dépit que par besoin, et s’en alla à la recherche d’autres cibles.

Il demanda à Bleu Profond et aux Avocats Lumineux si elles connaissaient une Toile Aranea qu’il pourrait attaquer. De façon étonnante, ce fut les Avocats Lumineux qui furent le plus intéressées. Il s’était attendu à ce que Bleu Profond sautât sur l’occasion, considérant le voisinage, mais elles étaient en réalité plutôt satisfaites de leur situation actuelle. Elles lui offrirent un job, cependant… un travail qu’elles prétendaient pouvoir lui permettre d’obtenir à peu près tout ce qu’il désirait de leur part. Techniquement, elles voulaient qu’il éradique l’ooze de cristal qui harcelait leurs équipes de collecte dans les parties plus profondes du Donjon.

Les oozes de cristal étaient pratiquement immunisés au dégâts physiques, rapides, absorbaient la plupart des énergies magiques, pouvaient tirer des échardes de cristal comme autant de flèches sur les trucs qui les dérangeaient, et rien qu’un tout petit bobo de la part de l’une de ces échardes pouvait transformer un être vivant en statue de cristal. Ils étaient parfois appelés Basiliques de cristal et se trouvaient être l’un de ces monstres cauchemardesques que personne ne désirait affronter à moins de ne pas avoir le choix.

Bleu Profond ne semblèrent pas étonnées quand il refusa leur offre.

Quant aux Avocats Lumineux, elles étaient apparemment sous la menace permanente d’une Toile appelée Toile de la Peau du Démon ou encore Toile Hurlante. Aucun de ces noms n’était le nom officiel de cette Toile, mais puisque ses membres ne parlaient jamais et se contentaient, pour toute connexion télépathique, de hurler, les Avocats Lumineux ne savaient pas comment les appeler autrement. Elles indiquèrent ne pas voir de problème à l’idée de leur disparition pure et simple.

Et vers la fin du mois, Zorian avait découvert un bon nombre de choses à leur propos. Comme le fait que cette Toile s’était baptisée les Challengers de l’Imprononçable, et étaient les soi-disant anciennes Aranea – les Aranea d’origine, ne possédant pas de talent magique et dont les Toiles avaient été exterminées par les nouvelles générations originaires de sous Cyoria. Elles avaient observé leurs anciennes voisines tomber face à la magie des nouvelles-venues, soit via la conquête violente de leurs territoires, soit au travers d’immigrantes manipulatrices de magie, et prétendaient désormais être les seules anciennes restantes. Pour autant qu’elles pouvaient être concernées, les Avocats Lumineux étaient celles qui pouvaient bien être traitées de démons.

Tragique, mais elles étaient également des tueuses violentes qui attaquaient activement leurs voisines, et même des communautés humaines quand elles pouvaient s’en sortir. Zorian ne voyait pas d’inconvénient à les éradiquer en retour.

Finalement, à la fin de la boucle, il finalisa ses préparatifs pour un assaut de plus sur le portail. Cette fois, sa brigade de golems survivrait peut-être assez longtemps pour pénétrer dans la maison Iasku en sa compagnie, afin de lui donner une supériorité évidente sur les morts-vivants de Sudomir.

Comme on dit, la troisième fois est la bonne.

Raka
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