MoL : Chapitre 54

MoL : Chapitre 53
MoL : Chapitre 55

Chapitre 54 – Le Portail est barré

 

À la suite de leur discussion avec le Serpent Fantôme et leur éviction subséquente de sa caverne, Zach et Zorian se téléportèrent à une distance suffisante, dans un endroit isolé et reculé, et s’assirent au calme pour décider de ce qu’ils allaient devoir faire. Et ce fut là que les embrouilles commencèrent.

Zorian voulait qu’ils se séparent pour quelques heures. Il avait besoin de se retrouver seul quelques heures afin de réfléchir à ce qu’il avait entendu. Pour s’assurer que sa logique était fondée et solide. Il avait déjà des suspicions, de terribles, terribles suspicions, mais ce n’était pas le genre de choses qu’il voulait faire entendre à la légère. En fait, il n’était même pas sûr de vouloir les confier du tout… à qui que ce fût. Même à Zach.

Une autre raison à ça ? Il voulait un peu de temps à l’écart de son compagnon temporel.

Zach ne voulait pas obtempérer, cela dit.

— Nous devrions en discuter tout de suite, avança-t-il. Pendant que c’est encore frais dans notre mémoire.

— J’ai vraiment une très bonne mémoire, rétorqua Zorian, qui avait spécialement mémorisé la rencontre entière à l’aide de la magie mentale et ne l’oublierait pas, même après des années : il pouvait repasser en boucle toutes sortes de souvenirs enregistrés de la sorte, dans le détail et autant de fois qu’il le souhaitait. Ce serait mieux si je pouvais réfléchir à cet esprit serpent seul, pendant un moment.

— Eh bien, parfait, répondit Zach en lui adressant un haussement d’épaules dédaigneux. Tu peux. Qui t’en empêche ? Mais il n’y a aucune raison qui t’empêche de le faire ici, avec moi. Je suis patient. Je vais simplement… rester assis là, de côté, et attendre jusqu’à ce que tu sois prêt à parler. Ce sera comme si je n’étais même pas là.

Zorian le regarda d’un air ennuyé. Il entretenait de sérieux doutes quant à la capacité de Zach à rester assis là sans bouger, et même s’il le pouvait… ce serait différent. Il n’y avait pas moyen que Zach ignorât ça.

— Bon, écoute… lui dit Zach, copiant son expression blasée. Je sais comment ça marche. Si je te laisse filer maintenant, tu vas réfléchir à une histoire stupide à me raconter. Tu sais quelque chose.

— Je ne sais rien de certain, protesta Zorian en secouant la tête. Et franchement, si je voulais garder mes doutes pour moi, je ne m’amuserais pas à inventer une espèce de mensonge élaboré pour t’arnaquer. Je refuserais simplement de te dire quoi que ce soit.

Zach remua sur place, mal à l’aise.

— Ok, dit-il. Je suppose que j’ai été un peu injuste. Désolé. Mais pourtant, tu ne songes pas sérieusement à me laisser dans l’ignorance, n’est-ce pas ? Après que je t’aie informé à propos de ce stupide serpent et t’ai même aidé avec ta magie mentale ? Tu réalises sûrement à quel point ça détruirait toute forme de confiance entre nous ?

Zorian détourna le regard. Bien entendu, il le réalisait ! Mais ce n’était pas si simple ! Si ce qu’il suspectait était correct, alors comment pourrait-il y avoir la moindre confiance entre eux ?

— Il ne peut y avoir qu’un seul gagnant à ce jeu, lui avait dit Lance de Résolution dans l’un des fragments des messages qu’elle lui avait laissés.

— Seul un peut entrer, seul un peu sortir, avait dit le serpent.

Si seul un seul voyageur temporel pouvait conserver les gains inhérents à la boucle temporelle et que le reste se voyait dissout dans le vide comme s’ils n’avaient jamais existé, alors comment pourraient-ils jamais coopérer l’un avec l’autre ? Toute alliance ne serait qu’une entende de fortune, temporaire et qui finirait inévitablement en une trahison.

Et quand tout fut considéré, Zorian était certain que Zach était dans une bien meilleure position que lui pour lui planter un couteau dans le dos. La boucle temporelle semblait le considérer comme plus légitime, si ce n’était que ça.

Pourtant, alors qu’une grande part de lui-même lui hurlait qu’il devait se taire à tout prix, il y avait une autre part qui insistait pour ne pas laisser Zach dans le noir. La situation lui semblait étrangement familière…

Après un moment, Zorian réalisa ce qui le dérangeait. L’idée de se complaire dans ce genre de savoir jusqu’à ce qu’il en fût sûr et Zach étant amer à ce propos… C’était assez proche de ce qu’il avait vécu avec Lance de Résolution avant sa mort. Et pour une bonne raison – il était plutôt certain que ses doutes actuels étaient exactement les mêmes que ce qu’elle avait tenté de garder secret. Il s’imaginait trahir Zach de la même manière qu’il avait été traité par le passé. Et il savait à quel point il avait haï le comportement de la Matriarche à ce moment…

Voulait-il réellement reproduire le plan secret de la Matriarche malgré la façon catastrophique dont ça s’était terminé ? Ne serait-il pas mieux de traiter Zach de la même manière qu’il voulait l’être ?

La confiance devait avoir un point de départ.

— Bien, soupira Zorian en se tournant vers Zach. Je vais te le dire.

— Enfin, s’écria Zach, exaspéré, les mains levées au ciel. Je pensais que j’allais devoir te frapper pour te faire retrouver la raison.

Note à soi-même : parler à Zach de sa tendance malheureuse à recourir à la violence physique pour résoudre ses problèmes personnels. Mais pour l’instant, il avait quelque chose de plus urgent sur la planche.

— Je dois te faire savoir que ça a le potentiel de détruire toute chance de confiance entre nous, soupira Zorian. Je veux dire, nous ne nous faisons déjà pas confiance. Tu conserves sans arrêt ce sort de camouflage de l’esprit quand tu es près de moi, par exemple. Ce sort est dangereux pour ton esprit, si tu le conserves en permanence. Je ne crois pas une seule seconde que tu l’ignores. Alors tu l’appliques spécifiquement pour nos rencontres, parce que tu as peur que je farfouille à l’aide de mes pouvoirs à la moindre occasion.

Zach frissonna, son visage prenant une expression comique de surprise. Zorian se souvint de la fois où il avait attrapé Kirielle la main dans le sac, en train de fouiller la cuisine à la recherche de bonbons.

— Tu n’as pas à te sentir coupable, l’interrompit Zorian alors qu’il venait d’ouvrir la bouche pour répondre, tout en secouant tristement la tête. C’est intelligent. J’aurais fait la même chose à ta place. Mais ça aide à valider ce que je t’explique : nous ne nous faisons pas confiance. À quel point, d’ailleurs, serions-nous paranoïaques l’un envers l’autre si nous savions tous deux que seul l’un d’entre nous pouvait sortie de la boucle, souvenirs et magie intacts ?

— Quoi ? s’étonna Zach, incrédule. Comment ? Pourquoi ?

— Le serpent l’a dit plutôt franchement – seul un voyageur peut entrer, seul un voyageur peut sortir. Le reste… disparait pour toujours, je suppose. C’est logique, vraiment – je ne pense pas qu’il y ait jamais eu plus d’un voyageur supposé se promener dans le temps. Ou un Marqué, comme il nous a appelés. Une référence au marqueur, sans aucun doute. Quoi qu’il en soit, si nous situation est si unique et sans précédent, et que le mécanisme de la boucle n’a été imaginé que sous la condition –

— Zorian, l’interrompit Zach. Ne te méprends pas, mais… ton explication est à chier. Je n’ai aucune idée de ce dont tu parles. Bon, ok, plus ou moins, mais quand même. Commence par le commencement, tu veux ?

— Bien, soupira Zorian en tentant de masquer son ennui. Le début. Tout d’abord, il n’y a pas de voyage dans le temps, là.

— Non ? demanda Zach en fronçant les sourcils. Comment ça ? Le monde de l’illusion ? Ce… truc ?

— Il n’y a pas d’illusion, reprit Zorian en secouant la tête. Tout est réel. Nous sommes réels. Chair et sang et âme et tout le reste. Nous ne vivons pas dans une espèce de sort ou ce que tu veux du genre. Ce n’est pas un rêve. Ce monde existe, physiquement.

— C’est bien, répondit Zach en inspirant profondément. Je pense que ça me tuerait à l’intérieur s’il s’avérait que tout ce que j’ai appris était une faux et qu’une fois dehors, je serais le même bon vieux Zach que j’étais avant. Mais alors, c’est quoi ? une copie réelle du monde réel ?

— Pourquoi pas ? demanda Zorian. Les dieux ont bien copié des personnes dans leur totalité, les dupliquant jusqu’à leur âme et tout le reste. En plus, il semble que même les mages mortels savaient, à une époque, comment conjurer de la matière réelle à partir de rien. Regarde, laisse-moi te montrer. Quelque chose comme ça…

Zorian sortit un morceau de papier et quelques outils d’altération de son sac à dos et créa une copie de l’un des dessins de Kirielle devant Zach, lui expliquant comment le sort fonctionnait.

— C’est une combinaison de sorts sacrément utile, s’extasia Zach. Je ne peux pas croire que je n’ai jamais appris ça, pendant tout ce temps. Les choses auraient été tellement plus simples…

— Oui, bon… Je peux te l’apprendre, plus tard, lui promit Zorian. Mais de toutes façons, c’est ce que je crois que la boucle est, en substance. Bien qu’à une plus grande échelle. Qui que ce soit derrière ce sort se sert techniquement d’un schéma du monde, un peu comme je le fait avec les calepins de Kael et les dessins de ma sœur. Une image avec un niveau de détail complètement époustouflant d’un moment unique de toute la planète. Peut-être plus encore. Et il reproduit la réplique selon ce schéma, lui permettant de vivre un mois entier avant de la détruire et de recommencer.

Zach observa le dessin de Zorian, perdu dans ses pensées. Celui-là représentait deux moineaux en plein combat. C’était impressionnant : Kirielle savait les reproduire avec un réalisme extraordinaire. Si seulement elle pouvait être aussi dédiée à ses études qu’au dessin…

— C’est dingue, finit par affirmer Zach.

— Et le voyage dans le temps ne l’est pas ? fit Zorian en levant un sourcil.

— Je ne sais pas, ça semble… un peu plus plausible que ça, avoua Zach en soupirant, avant de rendre le dessin à Zorian. Je suppose que du coup, les élucubrations du serpent prennent une certaine logique, par contre. Mais ce qui ne l’est pas… si notre monde originel est réel, et que cette copie l’est aussi… sommes-nous exactement ? Un monde entier, ça a tendance à prendre de la place, après tout.

— Dans une dimension miniature, je suppose, répondit Zorian. Je n’en ai aucune preuve, cela dit, mais écoute-moi. Il est clair que pour que tout ça fonctionne, nous devons nous trouver sous une putain d’incroyablement rapide accélération temporelle en ce moment même et pour tout le mois. Autrement, comment se pourrait-il qu’un simple instant s’écoule dans le monde alors que nous passons des mois, des années, peut-être des siècles, ici ?

— Ah, je vois, s’illumina Zach en claquant des mains. Ce n’est pas que le temps ne s’écoule pas dans le vrai monde pendant que nous sommes ici… C’est qu’il s’écoule incroyablement lentement. Ou plutôt, qu’il s’écoule si vite ici que lorsque tout sera terminé, à peine quelques instants se seront écoulés dans le monde d’origine.

— Exactement, confirma Zorian. Mais ce genre d’accélération temporelle n’est pas d’un niveau que quiconque peut prétendre atteindre. C’est à des années-lumière de toute ce qu’on est capable de faire, au mieux.

— Oui, et donc ? dit Zach en haussant les épaules. Comparé à la copie d’un monde, ça semble plutôt dérisoire.

— Je suppose que oui, acquiesça Zorian. Mais je suspecte qu’il y a plus. Plus qu’un simple créateur ridiculement puissant. Les chambres d’accélération temporelle sont isolées du reste du monde afin de fonctionner efficacement. Mais cet isolement est toujours effectué via des barrières magiques et des obstacles physiques, comme des murs, ce qui signifie qu’on ne peut séparer qu’un certain volume de l’extérieur. Une dimension miniature, en revanche, ne touche notre réalité qu’en un seul point – son point d’ancrage. Tu ne peux pas être mieux isolé que ça, et je parie que l’accélération est bien plus importante si l’on enferme la cible dans ce genre de dimension.

— Alors tu penses que la boucle est en réalité une copie du monde, enfermée dans sa propre dimension et accélérée à foison, résuma Zach. La boucle serait une image ridiculement détaillée du monde réel tel qu’il était au tout début du mois, et quelqu’un ou quelque chose recrée périodiquement toute la dimension à cette image.

— Oui, confirma Zorian. Je suppose, mais ça colle avec tout ce que j’ai découvert jusque-là. Le plan séparé des plans spirituels, tout ça.

— Et moi qui pensais que ça ne pouvait pas devenir encore plus dingue, se plaignit Zach, le visage dans les mains.

Après une seconde ou deux, il se redressa et fixa Zorian.

— Alors, comment est-ce que ça nous affecte ? En quoi est-ce différent d’une vraie boucle temporelle ?

— D’une part, ça veut dire qu’assurer un mois parfait est impossible, expliqua Zorian. Tu ne peux pas décider que le mois que tu viens de vivre est parfait et désirer continuer, sortir de la boucle à ce moment pour le conserver derrière toi. Si tu veux effectuer de réelles actions, tu vas devoir quitter la boucle pour les effectuer. Et tu vas alors te retrouver au début du mois, le vrai mois, une dernière fois, pour le vivre, pour de vrai.

— Ok, c’est effectivement une différence majeure.

— Ensuite, les Aranea de Cyoria seront certainement en vie et en bonne santé, hors de la boucle, dans le monde réel, expliqua encore Zorian. Si tout ici se trouve être une copie et que la dimension est délibérément isolée du monde autant que possible afin de faciliter l’accélération temporelle, alors il est improbable que tout ce qui se passe ici affecte les vrais individus, dehors.

— Il pourrait toujours détruire leur âme dans le vrai monde, cela dit, nota Zach.

— Je doute qu’il puisse, renchérit Zorian. Je ne pense pas que le sort détruise réellement les âmes. À mon avis, il se contente de les marquer d’une certaine manière, faisant savoir à la boucle temporelle qu’elle ne doit pas les recréer lors de la nouvelle copie. Si la boucle est, comme le prétend le serpent, une espèce d’étrange mécanisme, alors il est logique d’y inclure une fonction telle que celle-ci. Afin de permettre au Marqué de se débarrasser d’obstacles impossibles à surmonter, pour la fois suivante.

— Quoi ? Mais c’est tellement injuste, se plaignit Zach. Pourquoi a-t-il cette compétence, et pas moi ?

Tu pourrais l’avoir eue, à un certain moment, songea Zorian. Il est fort possible que Robe Rouge te l’ai volée avant de t’effacer la mémoire…

— Crois-tu qu’il puisse être possible de… retirer cette marque à quelqu’un ? demanda Zach. C’est cool que les Aranea soient définitivement hors service, mais ça serait encore mieux de bénéficier de leur aide au sein de la boucle.

— Je ne sais pas, avoua Zorian. Je suppose que ça dépend de ce qui leur a été fait exactement. Il y a toujours un autre problème.

— Lequel ?

— Si l’on considère ce qu’est réellement la boucle temporelle, je ne pense pas que l’on puisse passivement attendre que le mécanisme arrive à court d’énergie. Il est probable que rester à l’intérieur de la boucle lorsque celle-ci arrivera à son terme définitif équivaudra à une destruction permanente. Si nous voulons survivre à l’effondrement, nous devons délibérément quitter cet endroit avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui est problématique, puisque ni toi, ni moi ne savons comment faire, où se trouve la sortie ou comment y accéder.

Zach l’observa, quelque peu choqué. Il semblait qu’il n’avait même pas réellement considéré la possibilité.

— Et en plus de ça, le serpent a dit qu’une seule personne seulement pouvait sortir de là, soupira Zorian. Ce qui veut dire qu’au moment où l’un de nous quittera la dimension, tout ce qui s’y trouvera disparaîtra. Effacé de l’existence, pour ainsi dire.

— On ne sait pas, protesta Zach. Comment un stupide serpent pourrait-il savoir quoi que ce soit à ce sujet, de toutes façons ? Tu as entendu ce qu’il a dit – il ne se souvient pas de ce qu’il s’est passé durant les précédentes boucles. Il pourrait simplement être en train d’inventer des trucs pour tenter de nous diviser. Il déteste les Marqués, suffisamment pour tenter un truc pareil.

— Et s’il avait raison ? continua Zorian. Et si uniquement l’un d’entre nous pouvait gagner ?

— Alors aucun de nous ne quittons ces lieux tant que nous n’avons pas trouvé un moyen, répondit immédiatement Zach en se redressant, avant de regarder Zorian d’un air déterminé. Nous allons trouver comment sortir tous les deux de là, en vie et on se fout du reste. Il doit y avoir un moyen.

Bien que Zach fût immunisé à l’empathie de Zorian à cause de son sort de protection, Zorian pouvait malgré tout sentir toute la passion derrière ces mots. Il devait bien le lui accorder – Zach pouvait se montrer très inspiré quand il le voulait. Malheureusement, il avait oublié un détail très important…

— Le truc, nota calmement Zorian. Le truc, c’est qu’il n’y a pas que nous dans ce monde. Il y a Robe Rouge.

Zach resta immobile un instant, avant d’ouvrir la bouche.

— …Merde, conclut-il.

— Oui, confirma Zorian. Je pense que je sais pourquoi nous n’avons pas entendu parler de lui depuis tout ce temps.

— Tu penses qu’il essaye de partir ? demanda Zach, soudain empli d’une crainte nouvelle.

— C’est ce que je ferais à sa place, confirma Zorian. Il pense qu’il y a un nombre inconnu de voyageurs complotant contre lui, dont au moins un étant meilleur mage mental que lui, et tu as toi aussi échappé à son emprise. Pourquoi prendre le risque d’affronter tout ça quand on peut juste tout quitter et effacer ses ennemis ? Il est dans la boucle depuis suffisamment longtemps pour avoir compris de quoi il retourne, j’en suis sûr.

— Putain, jura Zach en envoyant un coup de pied à un caillou proche, avant de se mettre à faire les cent pas. Putain ! Pourquoi ?! Pourquoi est-ce toujours comme ça ? J’ai enfin, enfin eu quelques réponses à propos de cette merde, et bien sûr je suis trois pas derrière un putain de trou de balle qui fait de son mieux pour me laisser pour compte ! Zorian, s’il te plaît, dis-moi que tu as une espèce d’idée. Où est la sortie ?

— C’est juste une supposition sans fondement, mais je pense qu’elle pourrait être dans le centre de recherche temporel sous Cyoria. Lance de Résolution a été très insistante, elle s’est assurée que j’apprenne sa localisation exacte, plaçant plusieurs copies sur la carte pour être sûr que je l’obtienne. Il doit y avoir quelque chose d’important là-bas.

— C’est génial ! s’exclama Zach en s’illuminant. Quand partons-nous ?

Zorian renifla avec dédain.

— Pas avant très, très longtemps. L’endroit est sécurisé, un truc de malade. Même Quatach-Ichl refuse de l’attaquer sans avoir toute une armée à disposition.

— Putain, encore. Bien sûr, ça ne pouvait pas être facile.

— J’espère que le paquet mémoriel de la Matriarche contient des informations cruciales sur le sujet, nota Zorian. Au moins, pourquoi cet endroit est si important. De la sorte, nous pourrons au moins savoir si oui ou non il faut perdre notre temps avec ce lieu.

— Bon, c’est toujours un début, soupira Zach. Il faut espérer que nous ne trouvions pas la sortie pour apercevoir Robe Rouge l’emprunter avant nous.

— Ne tente pas le destin, le prévint Zorian. Bref, il faut que je te demande. Supposons que nous trouvions la sortie et que Robe Rouge n’est pas là…

— Je te l’ai déjà dit. Personne ne sort tant qu’on ne sait pas comment sortir tous les deux, lui répéta Zach, devinant correctement la suite de la question. Une fois que nous avons confirmé l’emplacement de la sortie, nous nous occuperons de Robe Rouge jusqu’à ce qu’il ne soit plus un problème. Ensuite, on s’assoit et on réfléchit tous les deux à la façon de sortir ensemble. Et si on ne peut pas le comprendre nous-mêmes, on trouvera quelqu’un qui pourra nous aider. Le monde est vaste, quelqu’un doit savoir.

Zorian l’observa pendant quelques secondes, un peu choqué par un tel optimisme et une telle éthique. Il souhaita soudain pouvoir ressentir les émotions de son camarade, parce qu’il ne pouvait pas s’empêcher de se demander si Zach ressentait vraiment ça ou s’il était en train de se foutre de lui afin de le doubler à la fin. Jusqu’à quel point pouvait-il lui faire confiance ?

Et dans un coin de sa conscience, une petite, ténue partie de son esprit lui susurrait d’autres mots. Jusqu’à quel point Zach pouvait-il lui faire confiance ?

 

___

 

Suite à leur discussion, Zach et Zorian se lancèrent à nouveau dans la chasse aux Aranea avec une ferveur renouvelée. Jour après jour, semaine après semaine… En toute honnêteté, les différentes toiles étaient déjà quelque peu un vaste fouillis dans l’esprit de Zorian.

Mais c’était efficace – sa capacité à interpréter les souvenirs Aranea était en pleine croissance, et il avait même identifié exactement ce que faisaient les Aranea de haut niveau avec leur propre esprit.

Elles manipulaient leurs pensées, filtrant des distractions hors de leurs sens, incorporant d’inutiles sentiments et plaçant des compulsions étranges sur leur propre comportement. Il semblait que ce fût une méthode utilisée afin d’accroître la productivité et améliorer la prise de décisions.

C’était également incroyablement dangereux. Mal exécuté, ce genre de magie mentale pouvait rendre un individu impotent, catatonique, fou de manière irréversible, ou pire… et il s’agissait d’une branche de la magie très facile à mal exécuter. Personne ne comprenait vraiment les esprits, en vérité.

Malgré le danger, Zorian trouva l’idée fascinante. Ce n’était pas littéralement une augmentation de son intelligence, mais ça fonctionnait presque ainsi. Il tenterait probablement de le faire à un moment… mais pas maintenant. Il avait les mains pleines, et il espérait simplement que Lance de Résolution n’avait pas effectué de manipulation mentale aussi radicale et excessive que certaines des anciennes Aranea qu’il avait croisées récemment.

Les leçons de Zorian sous la tutelle de Xvim se passèrent sans incident. Il décida de ne pas lui révéler ses dernières découvertes quant à la nature de la boucle temporelle, ne sachant pas vraiment qu’en penser lui-même, et était inquiet de la façon dont Xvim pourrait réagir en découvrant qu’il n’était qu’une copie de lui-même. Il était un homme remarquablement calme et composé, mais ça serait une sacrée révélation. Il lui posa cependant des questions sur les dimensions miniatures.

Malheureusement, Xvim ne savait littéralement rien à leur propos. Les secrets de leur création étaient rares et extrêmement bien gardés. Seuls les plus grands mages pouvaient n’était-ce qu’en créer une toute petite, et ils ne partageaient pas ce savoir à la légère. Xvim prétendait n’en avoir jamais vu la moindre de toute sa vie, et pourtant, il n’était pas le dernier à avoir parlé à des mages talentueux, ce qui amusa quelque peu Zorian. Techniquement, Xvim se trouvait dans une telle dimension, il ne le remarquait simplement pas.

Entre ses interactions avec Zach, la chasse aux Aranea et les leçons avec Xvim, Zorian se trouvait sans arrêt occupé. C’était éreintant, et il opta pour laisser tomber certaines de ses routines habituelles. Il ne partit pas chasser les monstres avec Taiven, par exemple, et ne lui parla pas de la boucle temporelle.

Finalement, comme la fin du mois approchait, Zorian décida qu’il s’était préparé aussi bien qu’il le pouvait. Il informa Zach qu’il allait tenter d’ouvrir le paquet mémoriel de la matriarche et qu’ils allaient faire une pause de deux jours dans la chasse, le temps de se reposer et de se préparer.

Kirielle, au moins, était extatique à ce propos. Elle pouvait enfin avoir son frère rien qu’à elle, pour deux jours entiers… ou au moins, c’est ainsi qu’elle sembla interpréter sa décision.

Au deuxième jour de cette pause, Zorian était allongé sur son lit et lisait une œuvre de fiction plutôt barbante parlant de voyage dans le temps. Il s’agissait d’un homme qui était retourné trois ans dans le passé afin de mettre un terme à une guerre dévastatrice qui allait être déclarée, et ce, afin de sauver son grand amour. L’histoire était plus amusante qu’il ne l’avait imaginé, mais c’était probablement juste lui – c’était supposé être une romance, pas une comédie, c’était juste qu’il ne pouvait pas la prendre très au sérieux.

Le sort temporel était alimenté par l’amour, rien que ça – quelle était cette étrange magie ?

Kirielle l’interrompit en sautant sur son lit – et sur lui – tout en lui envoyant un coup d’épaule dans les côtes, où elle resta cantonnée, prétendant lire le livre avec lui pendant un moment.

— Je peux te demander quelque chose ? s’exclama-t-elle soudain.

— Vas-y, lui répondit Zorian en tournant la page, ce qui fit sursauter sa sœur, qui retourna la page pour la remettre en place.

Alors elle lisait vraiment

— Tu m’emmènes à chaque fois que tu viens à Cyoria ?

Oh. Cette question, encore.

— Non, pas toujours, admit Zorian.

— Pourquoi ? s’interrogea-t-elle aussitôt, une pointe d’outrage naissant dans sa voix – il pouvait comprendre qu’elle s’attendait à cette réponse, mais qu’elle ne l’aimait pas pour autant.

— Parce que c’est dangereux, avoua Zorian. Zach n’est pas le seul voyageur temporel, mis à part moi. Il y a une troisième personne, et elle en a après nous. Pour tout te dire, la plus sage décision aurait été de ne jamais t’emm –

— Non ! protesta-t-elle.

— …mais je suis bien trop gentil pour faire ça, termina Zorian.

— Maman a dit qu’elle te félicitait pour ton mauvais goût, l’informa-t-elle.

Zorian la regarda d’un air ennuyé et laissa tomber le livre ouvert sur son visage. Elle râla sans dignité pendant quelques secondes avant de soulever le livre afin de tenter de l’utiliser comme une masse contre son frère.

Elle abandonna rapidement en réalisant que ce n’était pas efficace. Et quand elle remarqua que Zorian se servait de ça pour la détourner de ses questions.

— Pourquoi tu n’as pas fait appel à la guilde des mages si ce type est si dangereux ?

— Parce que c’est un voyageur temporel et que ça ne servirait à rien, expliqua Zorian en levant les yeux au ciel. Je doute qu’ils me croiraient, pour commencer. Et même si c’était le cas, ce serait simplement comme dire exactement à cet enfoiré où me trouver.

— C’est nul.

— Ouaip.

Elle s’agita nerveusement pendant un moment, et posa le livre à côté d’elle, sur le lit.

— Je ne peux vraiment pas t’aider ? demanda-t-elle alors.

— Tu m’aides à garder l’esprit sain.

— C’est tout ? Je t’ai totalement défendu face à Zach, à la gare !

— Ok, tu marques un point, concéda Zorian, qui estimait que même s’il n’avait pas été en grand danger, le comportement de Kirielle était glorieux. Mais vraiment, pourquoi t’énerves-tu ? As-tu peur que si je ne t’emmène pas à chaque fois, je vais m’ennuyer de toi ?

— Oui, chuchota-t-elle en baissant les yeux. Daimen et Fortov sont tous deux partis à l’Académie, se sont fait des nouveaux amis et m’ont oubliée. Et puis tu y es allé aussi, et tu n’as pas pu te faire d’amis, alors je sais que ce n’est pas très gentil, mais j’étais contente parce que ça voulait dire que tu n’allais pas m’oubli –

— Kiri, soupira Zorian.

Elle l’ignora et continua de plus belle, crachant mot après mot et ne reprenant que rarement son souffle, comme si tout ça allait disparaître si elle arrêtait.

— …mais tu as toujours été si distant et tu es toujours, toujours, ennuyé par tout. Et quand tu m’as emmené avec toi et que tu t’es soudain montré si gentil, tu as d’un seul coup retrouvé Zach, un voyageur temporel comme toi, et il va se souvenir et pas moi et –

— Kiri, Zach ne pourra jamais te remplacer, soupira encore Zorian en la serrant dans ses bras afin de l’empêcher de s’emballer plus encore, levant les yeux aux ciel lorsqu’elle ne put plus le voir.

Décidément, elle pouvait vraiment s’inventer des histoires stupides, parfois.

— Ce type est presque aussi ennuyeux que toi, et il ne peut même pas s’excuser en disant qu’il n’a que neuf ans.

Elle parvint à se dégager un peu pour le frapper suite à ce commentaire. Bon. Au moins, elle ne pleurait pas.

— Je te pardonne de ne pas m’emmener, parfois, décida-t-elle au bout d’un moment, très généreuse. Mais tu t’as pas intérêt à m’oublier !

— Bien entendu, acquiesça Zorian en bon grand frère – quel genre de requête était-ce donc ?

Mais plus il y pensait, plus il réalisait qu’il n’avait pas vraiment le choix. Si Robe Rouge décidait de quitte la boucle temporelle pour retourner dans le monde d’origine en laissant la copie s’effondrer et disparaître derrière lui, quel futur pouvait donc exister pour Kirielle et lui ? Les vrais… puisque la petite sœur qu’il avait sous les yeux n’était qu’une copie, tout comme il l’était…

Et c’était un autre souci. Il n’était qu’une copie du vrai Zorian. S’il trouvait un moyen de retourner dans le monde réel, qu’allait-il arriver au vrai ? Argh… Plus il y songeait, plus la migraine rampait. Il aurait clairement préféré découvrir que la boucle avait simplement retiré son esprit de l’original pour le placer dans un corps de substitution, ce qui aurait signifié qu’il tuerait le Zorian d’origine en sortant de la boucle et en y replaçant son esprit, mais ce monde avait déjà tué des centaines de copies de lui-même, alors quelle différence cela faisait-il ?

Est-ce que son esprit d’origine aurait été d’accord avec ce raisonnement ? Accepterait-il de mourir afin qu’une version future et plus puissante de lui-même puisse vivre à sa place ? En toute honnêteté, probablement pas… mais il ne possédait aucun moyen de l’empêcher d’effectuer l’échange d’âmes, même si le désirait.

Le lendemain, il allait finalement ouvrir le paquet mémoriel. Il espérait sincèrement qu’il contenait les pièces manquantes de ce gigantesque puzzle, une bonne fois pour toutes.

 

___

 

— Très bien, dit Kael en lui tendant une fiole emplie d’un liquide jaune brillant.

En l’inspectant de plus près, Zorian pouvait voir que la luminescence n’était pas uniforme, mais provenait de minuscules lucioles nageant dans le liquide.

— C’est la potion dont je te parlais. La potion d’auto-conscience. Elle permet d’augmenter les capacités d’une personne de bloquer toute distraction externe afin de se concentrer sur soi-même. C’est généralement utilisé afin d’aider les personnes à détecter et ressentir leurs réserves de mana et leur âme, mais je pense que ça pourrait fortement t’aider dans ce que tu comptes réaliser.

— Et à quel point ton information à ce propos est-elle digne de confiance ? demanda Zorian, l’air suspicieux, en faisant tournoyer le liquide dans la fiole. L’as-tu déjà testé, ou… ?

— C’est avec ceci que ma professeure m’a aidé à peaufiner mes… capacités, expliqua Kael. Et ça fonctionne définitivement. D’ailleurs, alors que je ne suis pas totalement sûr si ça va t’aider dans ta tâche actuelle, ça ne te fera clairement aucun mal de la boire. Zach s’est porté volontaire pour la tester une paire de fois, et je sais de source sûre que ça n’interfèrera pas avec la magie mentale.

Il pointa ce dernier du doigt, et celui-ci hocha rapidement la tête en levant les pouces avant de sourire de toutes ses dents.

Argh. Cet enfoiré refusait de laisser tomber son sort de l’esprit vide pour une raison inconnue, mais il acceptait de boire une potion inconnue distillée par un nécromancien amateur qu’il venait de rencontrer. Parfois, il était juste totalement impossible à cerner.

— Bon. Alors on y va, céda Zorian, jute avant d’avaler le liquide d’une traite.

Presque instantanément, son esprit fut comme affuté, à un degré exceptionnel tandis que, paradoxalement, le monde extérieur commença à devenir distant et indistinct. Ce n’était pas comme si ses sens avaient soudain perdu de leur efficacité, parce qu’ils étaient toujours aussi aiguisés qu’avant, mais ils lui disaient que ce qui l’entourait était de moindre importance, peu digne de concentration, un peu comme lorsqu’il se perdait à regarder dans le vide, parfois, et qu’il ne voyait plus ce qu’il y avait autour de lui.

Il cessa de lutter contre les effets de la potion et laissa son esprit glisser lentement vers l’intérieur. Il pouvait sentir son cœur battre, ses muscles se contracter alors qu’il gesticulait légèrement, le sang courir le long de ses veines… Il pouvait sentir ses réserves de mana et la manière dont elles réagissaient lorsqu’il les titillait… Son sens personnel, qui lui permettait de ressentir son âme habituellement de façon plutôt faible et qui était toujours si lent à répondre, semblait tout à coup si facile à interpréter…

Merde. Pourquoi n’avait-il pas demandé quelque chose comme ça à Kael plus tôt ? Tout ce qu’il avait fait aurait été incroyablement plus facile !

Non, il ne pouvait pas se laisser distraire – il rejeta ces pensées parasites et plongea dans son esprit, où se trouvait les souvenirs de la matriarche. Il ne sentit pas le même sens d’incroyable clarté cette fois – probablement parce que sa magie mentale était déjà trop affûtée pour que la potion pût l’aider – mais c’était acceptable. Il attrapa mentalement le paquet de souvenirs en décomposition et entreprit de lentement l’éplucher.

Pas assez prudemment, il s’avéra. Le paquet, déjà sur le point de se détériorer totalement lorsqu’il avait commencé, ne put tolérer Zorian et son toucher inexpérimenté. Il éclata violemment, sonnant Zorian sous une pluie d’images confuses, un mécanisme de défense, peut-être, et les souvenirs contenus dans le précieux emballage se mirent à rapidement s’évanouir de son esprit.

Jurant intérieurement suite à cet échec, Zorian fit de son mieux pour accéder au maximum de souvenirs qu’il le pouvait avant qu’il ne disparaissent.

Précédemment, il avait espéré que Lance de Résolution n’avait pas trop profondément joué avec ses propres pensées comme certaines des autres anciennes Aranea. Maintenant, il pouvait clairement affirmer que ç’avait été un rêve bien optimiste. Les souvenirs qui flottaient actuellement dans son esprit démontraient une maîtresse dans cet art, qui faisait passer toutes les autres Aranea expertes en la matière pour des amatrices. Lance de Résolution avait trouvé un moyen de changer une partie de son esprit en une espèce de calculatrice magique, pouvait temporairement séparer son esprit en plusieurs parties parallèles et pouvait intégrer les perceptions de nombreuses Aranea en une seule et unique pensée cohérente. Et ça, c’était juste ce que pouvait comprendre Zorian à ce moment, pendant le peu de temps qui lui était donné. Même s’il avait eu plusieurs années supplémentaires pour s’améliorer encore, il doutait qu’il aurait été capable d’interpréter ce qu’il y avait dans le paquet mémoriel.

Et pourtant, malgré tout ça, il y avait un souvenir bien particulier que Zorian pouvait clairement comprendre… parce qu’il avait été créé spécifiquement pour qu’il puisse le comprendre.

[Si tu parcours cette pensée,] firent écho les mots de la matriarche, [alors, selon toute probabilité, nos plans ont été balayés et les choses se sont emballées. Cela signifie également que tu es devenu suffisamment bon dans l’art de la magie mentale pour plonger dans ce paquet mémoriel et y lire certains de mes souvenirs. Bien joué. J’espère que tu as la courtoisie de respecter ma vie privée, et que tu laisseras le reste de mes pensées s’envoler sans y toucher.]

Zorian pouvait littéralement ressentir l’amusement dans ces paroles. Comme si elle s’était assurée d’y attacher ce sentiment bien particulier, à cette partie du message en particulier. Elle savait vraiment qu’il n’avait aucune chance d’interpréter les autres souvenirs.

Même dans la mort, cette araignée se foutait de lui.

[Je sais que tu penses que je méritais tout ça en y allant précipitamment comme je l’ai fait, mais écoute-moi. J’ai rassemblé chaque indice sur la boucle temporelle, tout ce que je pouvais trouver. La plupart de ce que je m’apprête à te dire me vient de l’esprit-maître des Acolytes du Serpent Fantôme, une autre Toile Aranea. Cherche-les si tu ne l’as déjà fait, mais sois averti, l’esprit ne sera pas ravi de te voir.]

Quel sous-estimation. La Matriarche n’avait-elle pas réalisé la profondeur de la haine du serpent envers les voyageurs temporels ? Ou estimait-elle que cet avertissement était suffisant ?

[D’autres sources incluent le centre de recherche sur la magie temporelle situé sous Cyoria. Tu peux trouver sa localisation sur la carte que j’ai attachée à ce message. J’ai également récupéré des informations sur ces mystérieux envahisseurs, ceux-là qui ont réussi à interagir quelque peu avec notre ennemi en rouge. Il semble que les envahisseurs sont curieux de qui est leur nouvel informateur et ont passé un temps considérable à enquêter sur lui.]

Et merde. Tout ce que Zorian avait découvert en attaquant les envahisseurs n’avait jamais rien mentionné de tel. Mais encore une fois, lorsque Zorian avait été capable de sonder leurs souvenirs, ils n’interagissaient déjà plus avec Robe Rouge.

[Ce que j’ai rassemblé de tout ça… est que la boucle temporelle est une espèce de faux monde, un monde parallèle. Nous sommes réels, mais nous ne le sommes pas. C’est difficile à comprendre. Ou à accepter. Le problème qui en sort est très simple : la boucle temporelle se dégrade. Je ne peux dire combien de temps elle va encore être capable de se régénérer encore et encore avant de s’effondrer totalement, mais je sais qu’attendre simplement qu’elle se termine serait désastreux. Si l’on veut s’en sortir, il faut quitter cet endroit. Et tout ce que j’ai appris sur notre ennemi voyageur temporel suggère qu’il est totalement désintéressé par la sortie, il ne la cherche même pas. Je ne crois pas une seule seconde qu’il soit trop stupide pour ne pas voir l’importance de tout ça, et s’il n’en fait pas une priorité, cela ne peut signifier qu’une chose : il a déjà trouvé la sortie, et il peut quitter ce monde aussitôt qu’il le souhaite. Aussi, l’arrêter était d’une importance capitale. Peu importe le reste, il ne pouvait être autorisé à quitter la boucle temporelle.]

Oh. Alors, ça… C’était pas bon, pas bon du tout.

[Aussi, si je dois être honnête avec moi-même…] hésita le souvenir fantôme de la matriarche, comme si elle ne savait pas si elle devait parler de ce qui allait suivre. [Si je dois être honnête, j’espérais que je pourrais découvrir comment notre ennemi commun avait rejoint la boucle temporelle. Ainsi, j’aurais pu faire de même… et puis, un jour, la quitter avant tout le monde.]

Attends, quoi ?

[Je ne suis pas sans cœur, figure-toi. J’aurais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour aider ta version alternative dans l’autre monde. Zach également, pour ce que je peux promettre. Mais j’avais essentiellement prévu de vous trahir, oui. Tout le bien que j’aurais pu faire, pour ma Toile, pour mon espèce, et… même pour moi-même… c’est bien trop irrésistible. J’espère que tu sortiras de cet endroit, et que si tu le fais, tu n’en voudras pas à mon autre moi pour ma faiblesse, mais je ne vois simplement pas comment j’aurais pu faire un quelconque autre choix. Ce n’est pas personnel, mais il ne peut y avoir qu’un seul gagnant à ce jeu. J’en suis vraiment navrée.]

C’était… Zorian faillit déchiqueter le message entier sous le coup de la colère. Tout ce temps passé à se sentir coupable pour sa mort, espérant que Robe Rouge mentait et qu’il existait un moyen de la ramener… et il s’avérait qu’elle avait prévu de le trahir ?

Mais non. Non, il n’allait pas détruire le message. C’était important. Trop important pour le balancer comme ça.

Il l’écouterait jusqu’à la toute fin. Il devait bien ça à la Matriarche. Même si elle avait prévu de le trahir.

[Je ne suis pas sûre que ce message soit vraiment nécessaire. Mais la boucle temporelle peut si facilement créer des copies de nous-mêmes, elle peut sans aucun doute nous détruire tout aussi aisément. Notre ennemi possède clairement des connaissances poussées sur son fonctionnement. Aussi, ce message, j’espère qu’il ne sera pas nécessaire, mais juste au cas où, j’y ai placé une carte indiquant les bases de l’envahisseur et plus important, l’emplacement du centre de recherche. Je suis à peu près certaine que la sortie y est localisée – c’est un ancien artefact appelé la Porte du Souverain. Tu peux trouver sa légende dans divers ouvrages, je le sais. La sécurité est importante, mais tu trouveras un moyen d’y accéder facilement, à la fin de ce message. Le Portail n’a pas réagi quoi que je fasse, mais peut-être qu’un voyageur temporel saura quoi faire. Autrement, tu vas devoir trouver la Clé afin de l’ouvrir. Si c’est le cas, c’est très mauvais. Si j’ai bien interprété les élucubrations du serpent, la Clé se trouve être les cinq trésors royaux du premier Empereur Ikosien. L’anneau, la couronne, le bâton, l’orbe et la dague. Ces objets sont tous perdus, probablement dispersés au travers de Miasina. Tu devrais mener des recherches sur un tout autre continent. Je ne pensais pas que ce serait possible, même avec l’aide des Portails de Bakora, alors je n’ai pas trop insisté et n’ai pas suivi les rumeurs les entourant avec fougue…]

Après quoi se trouvait une carte de Cyoria, de son monde souterrain, pour être précis, largement identique à celle qu’il avait récupérée dans les esprits des mâles Aranea, mais les trous s’y trouvant emplis d’informations variées. Finalement, la Matriarche lui indiqua qui était l’inspecteur gouvernemental possédant les autorisations nécessaires pour accéder à la zone de recherche magique, vérifier ce qu’il s’y tramait et si l’on n’y gaspillait pas les ressources gouvernementales qui leur étaient affectées. Selon la Matriarche, l’homme n’était même pas un mage, et très facile à incarner… et ce fut ainsi qu’elle avait accédé aux lieux.

Mis à part le message préenregistré, il ne reçut rien d’autre du paquet mémoriel. Mais pour dire vrai, le message était un peu trop pour lui. Le plan de la Matriarche visant à le trahir, le fait que Robe Rouge connaissait peut-être l’emplacement de la sortie de la boucle depuis fort longtemps, les informations sur la Clé…

Au bout d’un moment, les effets de la potion s’atténuèrent et il se trouva aspiré dans le monde environnant à nouveau. Zach comme Kael étaient impatient de découvrir ce qu’il avait appris dans les souvenirs de l’Aranea, et Zorian fit de son mieux pour leur en parler. Tout, excepté la partie qui disait qu’elle avait prévu de le trahir, à la fin, et ce qui concernait la Clé…

La conclusion était unanime : ils avaient accès à ce centre de recherche magique, et ils devaient s’y rendre le plus tôt possible. Ainsi, Zorian incarnerait l’inspecteur gouvernemental le lendemain et volerait son badge d’identification, ainsi que tout ce dont il avait besoin pour pénétrer les lieux.

 

___

 

Deux jours plus tard, tout était prêt. Comme il était très peu probable que deux inspecteurs du gouvernement fussent deux adolescents, Zach leur avait amené une potion de changeforme, achetée au marché noir et supposée les transformer en hommes banals d’une quarantaine d’années. Ce qui était… étrange. Mais quoi qu’il en fût, une fois leur apparence parfaite, toute la documentation nécessaire entre les mains, ils se contentèrent d’entrer dans la mairie de Cyoria pour demander l’autorisation de descendre dans le centre de recherche.

Zorian craignait que Lance de Résolution se fût trouvée incroyablement chanceuse lors de sa propre tentative et que quelqu’un allait appeler un supérieur cette fois-ci afin de confirmer leur identité… mais rien de ça ne se produisit. Personne ne s’inquiéta même du fait qu’ils étaient deux, alors qu’il n’était supposé y avoir qu’un seul inspecteur.

Zach, étant l’idiot qu’il était, leur posa la question pour de vrai. Zorian était sur le point de leur effacer la mémoire sur-le-champ tout en l’engueulant, mais il s’avéra qu’ils ne s’inquiétèrent pas du tout de la question.

Quelle sécurité déplorable.

— Vous devez être nouveaux, lui affirma l’homme qui les escortait. Cet endroit se fait inspecter très régulièrement. La royauté a peur que quelqu’un leur dérobe leur fameuse Porte du Souverain, alors ils s’en préoccupent constamment. C’est pour ça qu’il y a une sécurité aussi élevée, ici. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi les chercheurs tolèrent ça. Si j’étais à leur place, je renverrai ce putain d’objet directement dans le trésor royal afin de travailler en paix. Je parie que ce n’est même pas la vraie…

Après quoi ils furent dirigés vers un ascendeur magique luxueux sur les bords du Gouffre, qui les mena directement au centre en question. Le long du chemin, ils passèrent devant d’autres centre, moins secrets – l’un des gardes armés qui les escortait était bavard et ne cessait d’en parler. Zach entama réellement une conversation avec lui, ce qui était cool, parce que ça permit à Zorian de rester silencieux le long du chemin sans paraître trop malpoli.

L’autre garde était aussi muet que Zorian. Tous deux partagèrent un regard compris avant de lever les yeux aux ciel lorsqu’ils comprirent que les deux autres n’allaient pas arrêter de jouer les commères, avant de s’ignorer royalement.

Finalement, ils atteignirent l’endroit, passèrent à travers deux points de contrôles fortifiés et armés, dont les gardes ne jetèrent qu’un coup d’œil rapide à leurs papiers avant de les faire entrer sans ménagement. Ils furent bientôt finalement à l’intérieur.

Ils furent accueillis par une paire de chercheurs – un d’une quarantaine d’années, l’autre qui ne devait avoir guère plus de dix-huit ans. Ils leur offrirent une visite des lieux, et furent plutôt surpris lorsque les deux inspecteurs acceptèrent l’offre sans rechigner.

— Nous ne recevons pas souvent des inspecteurs qui sont intéressés par notre travail, commenta le plus âgé des deux, qui s’était présenté comme étant Krantin Keklos, un peu plus tôt. La plupart désirent simplement voir la Porte du Souverain pour s’assurer qu’elle est toujours intacte, et s’en vont aussi rapidement que possible.

— Oh, nous voulons définitivement la voir également, sourit Zach. Nous pensions simplement qu’il était peut-être intéressant de voir ce que vous aviez d’autre, ici.

— Bien entendu, dit Krantin. Soyez assurés que nous en prenons soin. Nous sommes reconnaissant envers la couronne de nous permettre d’étudier un artefact si impressionnant.

— Vous ne semblez pas croire qu’il s’agit d’un faux, comme de nombreuses personnes, nota Zorian.

— Je ne sais pas s’il s’agit de la Porte de légende, admit Krantin. Mais c’est certainement un artefact de l’Âge des Dieux.

Pendant une heure, Krantin et Aread, son jeune assistant que laissait principalement le vieux prendre les devants, conduisirent Zach et Zorian çà et là dans le centre de recherche afin de leur faire part de leur travail. Zorian pouvait voir que Krantin était extatique à l’idée de faire visiter l’endroit à un représentant influent du gouvernement, malgré son attitude renfrognée. Il désirait plus de fonds et de support de la part de la couronne, et pensait que leur lécher les bottes était un bon moyen d’y parvenir.

Le centre était divisé en trois parties. La première consistait en une série de trois chambres noires, la première et plus petite réservée aux expériences sur les plantes et les animaux tandis que les deux plus grosses étaient utilisées par les humains. La seconde portion traitait d’alchimie et d’accélération temporelle sous différentes formes. Finalement, la troisième et dernière partie se trouvait autour d’un énorme cube noir de quatre mètres de long possédant un creux en forme de porte de chaque côté. Krantin expliqua qu’ils n’avaient jamais réussi à l’activer.

Gravé dans la porte se trouvait un diagramme très familier – une ligne horizontale surmontée d’un triangle inversé.

— Et voilà, dit Krantin en balayant l’air devant lui, comme pour retirer un rideau géant. La Porte du Souverain. Malgré les légendes qui l’entourent, nous croyons qu’il s’agit d’une chambre d’accélération temporelle à la puissance extraordinaire, plutôt qu’une vraie porte vers un autre monde. Malheureusement, nous n’avons jamais réussi à vraiment l’activer. J’avais de grands espoirs au regard de l’alignement planétaire et l’amplification de la magie dimensionnelle, mais je n’ai pas eu une telle chance. Dommage.

— Incroyable, s’extasia Zach en observant le cube, une expression incalculable sur le visage.

— Oui, confirma Krantin. Il est difficile de croire que quelque chose comme ça croupissait dans les trésors de la famille Noveda depuis des dizaines et des dizaines d’années. Si ce n’était pas pour la générosité de monsieur Zveri, qui nous a fait don de certains des artefacts inutiles de la famille Noveda, qui sait combien de temps encore ce Portail serait resté caché !

— Oui, répondit froidement Zach en serrant les dents. Quel type généreux, ce Tesen.

— Eh bien, toussota Krantin en réalisant qu’il venait de toucher une corde sensible. Bien que je sois heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir, c’est à peu près tout ce que nous faisons ici. Si vous voulez bien –

Regardant autour de lui, Zorian confirma qu’ils étaient seuls dans la zone pour l’instant et entra en contact avec l’esprit des deux chercheurs. Bien qu’à la fois Krantin et Aread fussent des mages hautement entraînés, ils étaient spécialistes en magie temporelle et ne possédaient aucune vraie défense mentale. En quelques secondes à peine, Zorian les força à entrer dans un état de stupeur forcée. Ils restèrent debout sur leurs pieds et avaient l’air en pleine forme au premier regard, mais étaient désormais inconscients.

Zach leva un sourcil face à leur silence soudain.

— Tu les as eus ? demanda-t-il en se tournant vers Zorian.

— Oui, confirma Zorian. Alors. Veux-tu savoir comment on active ce truc ? Et si c’est vraiment sage de le faire ? Je veux dire –

— Nous devrions essayer de le toucher, décida Zach.

…Ouais, ok. Ce n’était pas comme si Zorian avait une meilleure idée.

— Nous devrions le faire ensemble, par contre, fit remarquer Zorian.

— Oh, c’est vrai. Ainsi, nous pouvons espérer l’activer en même temps. Nous possédons tous deux le même marqueur, alors ça devrait fonctionner, n’est-ce pas ?

— Peut-être, acquiesça Zorian, mal à l’aise.

Il n’était pas très persuadé de la chose, mais que pouvait-il tenter d’autre ? Si la Matriarche avait raison, Robe Rouge savait déjà tout sur cet endroit et pouvait partie quand bon lui semblait. La boucle temporelle existait toujours, cela dit, donc il ne l’avait pas fait. Pourquoi ? Zorian l’aurait fait, à sa place.

Il lui fallait les réponses détenues par cette chose.

— À trois, trancha-t-il. Un, deux… Trois !

Tous deux pressèrent leurs mains contre le diagramme de la porte en parfaite synchronisation.

Deux secondes s’écoulèrent.

— Il ne se passe rien, se plaignit Zach. Merde…

— Non, grimaça Zorian, qui pouvait sentir que quelque chose réagissait dans le cube et tentait de toucher leur marqueur comme s’il demandait une… confirmation ? Je peux sentir quelque chose. Je ne sais pas si tu peux ressentir ton marqueur, mais…

— Pas vraiment, non, avoua Zach.

— Eh bien, quoi qu’il en soit, je pense que si je me contente de –

Il abattit l’un des leviers de son marqueur. La force mystérieuse qui émanait du cube se précipita immédiatement en lui et tout devint noir.

Zorian s’attendit à moitié à s’éveiller à Cirin, Kirielle sur son ventre.

Mais il n’y était pas. Il flottait dans un vide ténébreux et sans fioritures. Et Zach se trouvait juste à ses côtés.

— Ouah. Que s’est-il passé ? demanda ce dernier en regardant alentour. Où sommes-nous ?

— Le cuve voulait que je lui donne une espèce de confirmation, expliqua Zorian. Alors j’ai dit oui. Et nous voilà ici.

— Si nous sommes coincés dans ce vide pour toujours à cause de toi, je ne te le pardonnerai pas, le prévint Zach.

— Tu aurais fait exactement la même chose à ma place, et tu le sais bien.

— Bon, ok, mais n’es-tu pas censé être de nous deux le plus paranoïaque ? Accepter une requête inconnue de la part d’un mystérieux ancien artefact me semble pas mal stupide.

Avant que Zorian pût répondre, une autre personne apparut devant eux, de nulle part.

Non. Pas une personne. L’entité en face d’eux était vaguement humanoïde, mais il s’agissait clairement d’une façade brute. Elle ne portait pas de vêtements, mais c’était acceptable, elle ne possédait pas de parties génitales non plus, pas plus que de cheveux, de poils ou quoi que ce fût d’autre qu’une peau douce et lisse. Son visage était blanc et apathique et ses yeux n’étaient que deux vides brillants dépourvus d’iris ou de quoi que ce fût d’autre que cette lumière tamisée qui en émanait.

— Bienvenue, Contrôleur, commença l’entité, sa voix placide et sans émotion.

Zach réagit plus rapidement que Zorian. Il porta immédiatement la main à sa baguette, pour la trouver efficacement scellée à son fourreau. Vérifiant par lui-même, Zorian remarqua que ses propres baguettes souffraient de la même punition. En fait, ses vêtements semblaient également totalement collés à sa peau, et bien qu’il pût sentir ses réserves de mana, il semblait incapable de les faire se manifester.

— Qui es-tu ? demanda Zach. Où sommes-nous ?

— Je suis le Gardien du Seuil, répondit l’entité, la voix aussi terne que l’était son visage. Et il s’agit de la salle de contrôle.

— Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un espace physique, nota Zorian. Regarde comme nos vêtements semblent faire partie de nos corps.

— Eh, tu as raison… remarqua Zach, en fronçant les sourcils alors qu’il ne parvenait pas à retrousser sa manche.

— Nous sommes des espèces de projections, expliqua Zorian. Comme l’entité en face de nous.

Ils observèrent cette dernière de plus près. Et elle sembla interpréter leur attention comme une autorisation.

— Quelle est votre requête, Contrôleur ?

— Pouvons-nous quitter cet endroit ? demanda Zorian.

— Bien entendu, acquiesça facilement le Gardien. Voulez-vous quitter maintenant ?

— Par quitter, voulez-vous dire retourner dans les corps desquels nous avons été projetés ? clarifia Zach.

— La réponse reste la même, répondit machinalement le Gardien.

— Et la boucle temporelle ? demanda Zorian.

— La boucle temporelle ? bafouilla le Gardien sans comprendre, avant que ses yeux ne se concentrassent sur Zorian, pour finalement continuer. Je suis désolé. La Porte est fermée.

— Quoi ? protesta Zach. Que veux-tu dire par là ?

— Le Contrôleur a déjà quitté la boucle temporelle, expliqua le Gardien. Il n’est pas possible pour qui que ce soit d’autre d’en sortir.

Il y eut un bref silence, tandis que Zach et Zorian réfléchissaient.

— Mais je pensais que nous étions le Contrôleur, fit remarquer Zach.

— Vous êtes le Contrôleur, confirma facilement le Gardien.

— Mais tu viens de dire que le Contrôleur était déjà sorti, grimaça Zorian.

— En effet.

— Pourquoi la boucle existe-t-elle toujours, en ce cas ? demanda Zorian.

— Elle ne peut prendre fin tant que le Contrôleur s’y trouve.

— Alors le Contrôleur a quitté la boucle, mais tu ne peux pas y mettre fin parce que le Contrôleur est toujours à l’intérieur ? s’exclama Zach sans y croire. Est-ce que tu réalises à quel point c’est stupide ?

— Je ne pense pas que nous ayons affaire à un être intelligent, le coupa Zorian. C’est une espèce de sort animé qui exécute sa fonction et qui ne comprend pas qu’il y a plusieurs Contrôleurs alors qu’il n’est supposé y en avoir qu’un seul. Gardien, avec combien de personnes es-tu en train de parler, en ce moment même ?

— Seul le Contrôleur peut accéder à cette salle, répondit-il placidement.

— Alors, attends… fit Zach d’une voix tremblante. Tu es en train de dire…

— Robe Rouge a arnaqué la salle de contrôle en lui faisant croire qu’il était le Contrôleur, soupira Zorian. Il est déjà parti. Et maintenant, personne ne peut le suivre.

— La Porte est fermée, confirma le Gardien.

Eh bien… merde.

Raka
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11 thoughts on “MoL : Chapitre 54

  1. Merci pour le chapitre mais au moins la boucle peut pas prendre fin sans qu’ils sortent tous donc c’est bon

  2. Merci pour le chapitre, et la suite m’a l’air assez mouvementée et je m’attends bien à ce qu’il y ai une rencontre entre Zorian et Damein pour retrouver les 5 artefacts liés au portail étant donné qu’il est archéologue, pour « modifier » le portail. (Ce n’est qu’une hypothèse)

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