MoL : Chapitre 84
MoL : Chapitre 86

Chapitre 85 — Masse critique

 

Zorian aurait menti s’il avait prétendu qu’interagir avec Quatach-Ichl une nouvelle fois ne l’emplissait pas d’une terreur absolue. Mis à part le fait que l’ancienne liche avait atteint un niveau incompréhensible d’expertise en magie de l’âme et pouvait potentiellement détecter les potentiels résidus des dégâts infligés aux leurs, leur offre actuelle était fondamentalement différente de la précédente. Avant, Quatach-Ichl les avait approchés. Il les avait totalement pris au dépourvu avec sa visite soudaine, et avait l’initiative depuis le départ, ce qui l’aidait sans aucun doute à faire diminuer le niveau de menace que les deux adolescents représentaient. Cette fois, ce serait eux qui viendraient le trouver et le prendre au dépourvu. Et Zorian n’était pas du tout certain que l’ancienne liche pouvait prendre ça avec grâce.

Pourtant, il savait qu’il devait tenter le coup. De fait, leurs initiatives actuelles étaient insuffisantes. Même s’ils parvenaient à rassembler toutes les parties de la Clé durant le même mois, avant que le temps ne leur manque, ce ne serait pas encore suffisant. Pas pour Zorian, en tous cas. La façon dont il était supposé quitter la boucle temporelle restait un problème irrésolu. Son original était toujours là, dehors, et il ne pouvait pas simplement ordonner au Gardien du Seuil de replacer son âme dans son corps et en avoir fini avec ça. Le Gardien était peut-être confus à propos de son statut de Contrôleur, mais il remarquerait certainement qu’il y avait déjà une âme dans le corps de Zorian, dehors. Et même s’il pouvait mettre ce problème de côté, il restait à déterminer comment voler le corps de son original.

Zorian avait quelques idées à propos de la manière de quitter la boucle temporelle malgré ça, mais toutes demandaient des connaissances incroyables en dimensionalisme et en magie de l’âme. Quatach-Ichl possédait les deux, et il était probable que les connaissances qu’il possédait en la matière ne pouvaient être trouvées nulle part ailleurs. Zorian ne pouvait pas se permettre d’ignorer cette source d’informations inestimable, peu importait le danger que cela représentait.

Arranger un rendez-vous avec la liche s’avéra plutôt simple, au moins. Tout ce qu’ils durent faire, c’était se rendre dans ce magasin de coin de rue et demander à le rencontrer. L’homme derrière le comptoir agit comme s’ils étaient fous, mais peu après leur départ, les rats-crâne devinrent soudain bien plus intéressés par ces deux gamins sortis de nulle part et les suivirent un peu partout. Zorian se contenta de détacher les rats du collectif un après l’autre, pendant quelques jours, jusqu’à ce que Quatach-Ichl décidât de le contacter personnellement.

À ce moment, Zach, Zorian et la liche étaient tous trois assis dans une partie privatisée d’un restaurant de luxe dans le centre de la ville. Pas exactement le genre d’établissements que Zorian avait l’habitude de fréquenter, en partie parce que rien qu’obtenir une place dans ces endroits était trop compliqué pour un étranger inconnu tel que lui, mais Quatach-Ichl avait lui-même choisi l’endroit et il était évidemment d’humeur à montrer l’étendue de ses richesses et son influence. Il utilisait le même visage de chair que la fois passée – soit cette apparence était son avatar habituel, soit c’était ce à quoi il ressemblait vraiment avant de se défaire de son humanité, si longtemps auparavant.

— Quelle offre intéressante, dit-il tout en jouant avec sa fourchette, la tapotant occasionnellement contre son verre tout en réfléchissant ; il avait ordonné un vin coûteux pour l’occasion et n’y avait pas touché de toute la rencontre. Je ne suis pas étranger aux demandes de richesses ou de secrets magiques, mais ces offres sont habituellement… hésitantes. Les gens sont en général attentifs à ne pas mettre une vieille liche en colère, ils ne sont pas sûrs de l’étendue réelle de mes capacités, et ils tentent de payer un minimum afin d’obtenir ce qu’ils désirent. Leur offre initiale est basse, et demandent des choses mineures afin de tester le terrain, ce que je pense, et ce que je demanderais s’ils me disaient ce qu’ils veulent vraiment

Quatach-Ichl fit alors une pause dramatique, désignant la petite pile d’artefacts divins et de matériaux rares que Zach et Zorian avaient amenés en guise de paiement en échange de sa fortune de secrets magiques, comme il l’appelait.

— Vous, en revanche ? continua-t-il. Vous y allez directement. Vous ne désirez rien de plus que mon expertise complète en dimensions. Un set de secrets extrêmement rares, presque sans prix. Et vous ne m’offrez rien de moins que cinq artefacts divins et une pléthore de matériaux extrêmement rares en retour. Je suis impressionné par votre audace, pour n’en dire plus. Cela dit, je ne peux m’empêcher de me demander… N’êtes-vous pas inquiets ? Ne vais-je pas tenter de vous arnaquer, vous laissant avec un échange décevant ? Après tout, vous cherchez à échanger des biens physiques contre des informations d’une valeur incertaine. Je pourrais fort bien vous ignorer après avoir empoché les biens, ou jouer l’imbécile et ne vous donner qu’une ombre de ce que vous désiriez.

Zorian acquiesça mentalement, mais n’était pas très inquiet. Bien que de nombreux points concernant l’ancienne liche étaient énigmatiques, il était presque sûr qu’il avait bien cerné son sens de l’honneur. Quatach-Ichl se targuait d’avoir un sens de la justesse qui ne souffrait aucune lacune. Il ne se jouerait pas d’eux à moins d’imaginer qu’ils ne le fissent les premiers. Le vrai défi était de le faire accepter le marché, en premier lieu.

— Bien que je ne prétende pas vous connaître, vous êtes aussi célèbre pour votre comportement honorable que pour votre expertise magique et votre brutalité en temps de guerre, dit Zorian, ce à quoi la liche répondit par un sourire neutre, elle qui voyait les trois traits comme autant de compliments. Nous avons le sentiment que si nous parvenons à arriver à un accord, vous ferez de votre mieux pour l’honorer.

— Peut-être que mes connaissances en dimensions miniatures ne sont pas aussi complètes que vous l’imaginez, cela dit, fit remarquer leur interlocuteur en tout franchise. Je suis en effet un être aux nombreux talents, mais il s’agit d’un domaine très exotique, dont l’étendue de mes connaissances pourraient vous laisser sur votre faim. Déçus, dans le meilleur des cas.

— Dans ce cas, répondit Zorian en faisant mine de s’y résoudre avec grande peine, nous l’accepterons calmement et en toute bonne foi. Nous souhaitons prendre le pari.

— Hmm… Bien que ce ne soit pas une chose très intelligente que de l’admettre dans ce genre de négociations, je sens que vous vous montrez un petit peu trop aventureux, continua la liche, les regardant d’un œil d’aigle, comme pour observer leurs âmes. Il aurait été plus malin de tenter un petit échange, pour voir si mes compétences en magie des dimensions valent ce que vous offrez comme investissement.

— Eh bien… hésita Zach, en offrant un sourire joyeux. Bien qu’il ne soit pas non plus une chose très intelligente que de l’admettre dans ce genre de négociations, nous sommes pressés par le temps. Vous tester lentement et pinailler sur les détails prendrait trop de temps. C’est pourquoi les termes sont si généreux, voyez-vous ?

— Généreux ? Discutable, pouffa Quatach-Ichl. Je ne faisais que questionner votre logique. Je n’ai rien dit sur la valeur que ce marché pourrait avoir à mes yeux. Ce que vous demandez est très précieux.

— Oui, renvoya immédiatement Zach. En effet, ça l’est. Et notre paiement également. Nous réalisons que vous contacter de la sorte et vous demander une telle faveur est un peu déraisonnable. Nous réalisons également qu’étant pressés, nous sommes naturellement désavantagés. Nous avons une limite de temps. Vous, non. Voilà pourquoi nous désirons offrir autant que nécessaire. En des circonstances plus normales, nous n’aurions jamais accepté, ou même initié un tel marché.

Quatach-Ichl les regarda encore pendant quelques secondes. Peut-être essayait-il de leur imposer une pression supplémentaire en gardant le silence pour attendre une réaction ?

— Vous êtes deux fort intéressants jeunes individus, finit par annoncer Quatach-Ichl. Je pense que c’est la raison pour laquelle je ne vous ai pas encore dit de déguerpir, et plus vite que ça. C’est ce que je réponds normalement aux personnes tentant de me proposer ce genre d’échanges. Est-ce que vous êtes des adolescents, pour commencer ? Vous êtes bien trop calmes pour ce que vous êtes supposés être. Des jeunes de quoi, quinze ans ?

— Pourquoi vous fatiguer à seulement demander ? le défia Zach. Nous savons déjà que vous nous avez espionnés avant de nous inviter ici. C’est de bonne guerre, naturellement. Nous ne nous sentons pas offensés par un tel comportement. Mais le fait est que vous en savez probablement largement assez pour répondre à vos propres questions. N’est-ce pas ?

— Je sais quelques petites choses à votre propos, admit la liche. C’est juste qu’elles n’ont pas beaucoup de sens. Comment diable deux étudiants de l’Académie ont-ils pu rassembler ces objets et trouvé comment me contacter ? Qui êtes-vous réellement ?

— C’est un secret, répondit platement Zorian, qui ne voyait pas d’intérêt à le lui expliquer. Mais puisque nous en sommes à l’étape des questions privées, j’en ai une, moi aussi. Comment exactement avez-vous fait pour convaincre quatre rats-crâne de travailler pour vous ? Que diable leur avez-vous offert pour les pousser à coopérer ? Je ne peux même pas établir un contact verbal avec l’un d’eux, ne parlons même pas de les faire travailler pour moi !

— Heh. Incluons-nous cette information dans le marché ? demanda Quatach-Ichl avec un sourire.

— Non, renifla Zorian. Je ne faisais que donner voix à ma curiosité.

— Ainsi que changer le sujet, nota la liche. Mais j’ai compris. Si vous souhaitez que votre identité reste secrète, je n’en demanderai pas plus. Mais vous savez, si vous êtes réellement aussi jeunes que vous semblez l’être, alors nous avons un autre problème sur les bras. Je ne suis pas sûr que vous soyez seulement capables d’apprendre comment pratiquer la magie dimensionnelle au niveau que vous réclamez. En quoi pensez-vous être qualifiés pour apprendre de moi ?

— Ce n’est pas un problème, insista Zorian. Nous savons que nous pouvons pratiquer à ce niveau parce que nous sommes déjà capables de créer des dimensions miniatures.

— Oh ? rétorqua Quatach-Ichl, sincèrement étonné.

— Oui, confirma Zorian.

Ils allaient devoir faire en sorte de ne pas paraître trop incroyables, ou la liche pourrait à nouveau remarquer que quelque chose clochait et il s’ensuivrait une nouvelle attaque de sa part. Mais ce petit point d’informations était impossible à cacher, considérant ce qu’ils demandaient.

— Nous demandons pour une instruction avancée, pas les bases du domaine.

Zorian retira alors un bracelet de son poignet et le tendit à la liche, qui l’attrapa gracieusement pour l’étudier.

Le bracelet était un objet que Zorian avait personnellement créé avant de venir. Il servait d’ancre à une dimension miniature ; l’espace interne était plutôt étriqué, à peine suffisant pour contenir un ou deux livres, mais ce n’était pas important. Ce qui l’était, c’était qu’il représentait la preuve qu’ils n’étaient pas que capables de créer des dimensions miniatures, mais qu’ils pouvaient créer des dimensions miniatures avancées.

La plupart des produits relatifs aux dimensions miniatures arboraient la forme de boîtes, coffres ou autres conteneurs rigides, dont le volume interne était augmenté au-delà de ce que leur apparence suggérait. Ces objets étaient plutôt faciles à créer, ancrer une dimension dans un volume fermé étant une chose aisée. Bon, aussi aisée que pouvait l’être la création de dimensions pour débutants.

Une procédure plus avancée voulait utiliser la magie dimensionnelle pour étendre l’intérieur d’objets plus flexibles, comme des sacs, des sacs à dos ou des poches. Bien que cela semblait pratique, le tissu étant une chose relativement fragile, il était compliqué à affecter avec une magie dimensionnelle, cassant parfois, ou au pire explosant en faisant ressortir son contenu comme une pluie de shrapnels géants lorsqu’on s’y attendait le moins.

Finalement, il y avait des objets comme l’orbe et le bracelet que tenait Quatach-Ichl. Ces objets n’étaient pas des conteneurs, ne possédaient pas d’intérieur au volume augmenté. Ils étaient en eux-mêmes des mondes auto-contenus ancrés à un objet. Accéder au contenu d’un tel espace était très compliqué sans magie dimensionnelle, ce qui réduisait drastiquement le nombre de personnes capables de les utiliser. Cela dit, ils étaient incroyablement stables. Ils pouvaient être gonflés jusqu’à des proportions ridicules, tant que l’ancre était suffisamment stable elle-même… comme le prouvait le palais de l’orbe. Le bracelet que Zorian avait fabriqué les jours précédents était plutôt bas de gamme sur ce point, mais il était sûr que Quatach-Ichl saurait en reconnaître la signification.

Après une petite minute d’étude silencieuse, Quatach-Ichl lui rendit son bien et amena tous les artefacts divins et matériaux exotiques vers lui d’un mouvement du bras. Après quelques mouvements rapides, le tout disparut dans ses poches.

Zach et Zorian ne tentèrent pas de l’arrêter.

— Très bien, dit-il avec un léger hochement de la tête. Vous gagnez. J’accepte. Puisque vous avez déclaré être pressés et qu’en réalité, je vais moi-même me retrouver très occupé bientôt, nous pouvons commencer demain.

Occupé… Quelle manière amusante de cacher le fait qu’il prévoyait une invasion de la ville et la libération d’un Primordial enfermé dans le Gouffre. Pourtant, Zach et Zorian prétendirent ne rien en savoir, et n’en dirent plus. Après avoir décidé de leur prochain lieu de rendez-vous et configuré quelques détails mineurs, ils se tournèrent pour quitter les lieux.

— Une dernière chose, les arrêta la liche. Qui a endommagé vos âmes à ce point ?

Zorian ne put s’empêcher de sursauter légèrement à la question.

— Q… Quoi ? demanda-t-il.

— Vos âmes sont balafrées, annonça Quatach-Ichl en énonçant un fait. Les dégâts sont légers maintenant, et seront de l’histoire ancienne d’ici quelques années, mais il y a moins d’un an, vous étiez dans une condition plutôt misérable. Une personne normale mettrait des années à récupérer de quelque chose comme ça. La plupart passée dans un coma, d’ailleurs. Je suppose qu’il faut que j’ajoute la magie de l’âme à vos incroyablement improbables talents ?

Et merde. Alors il pouvait le détecter… Bien qu’il n’eût pas l’air de reconnaître les dégâts comme les siens en particulier, ce qui était déjà une bonne chose.

— Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? le défia Zorian.

— Non, je pense que non, grimaça Quatach-Ichl. Mais cela me convainc encore plus que vous n’êtes pas ceux que vous prétendez. Vous êtes chanceux, une autre affaire occupe mes pensées et mon quotidien en ce moment, ou je ne laisserais pas passer de tels secrets. Ne faites pas d’erreur, cela dit… Une fois que j’en aurais fini avec ce qui emplit mon agenda, je reviendrai vers vous afin de mettre certaines choses au clair…

Zorian ne réagit pas plus à cette déclaration, mais soupira de soulagement, loin au fond de son cœur. Sans aucun doute, la liche voulait ces mots une menace à peine voilée, mais tant que rien n’arrivait avant la fin du mois, Zorian s’en fichait un peu. À condition qu’ils ne missent pas les pieds là où ils ne le devaient pas, bien entendu.

Il fallait espérer que la sorcière prît ses avertissements au sérieux, cette fois, et ne cherchât pas à enquêter sur Quatach-Ichl.

 

___

 

Soit parce que Quatach-Ichl ne savait pas qu’ils étaient au courant de l’invasion cette fois-ci, ou parce qu’il n’avait jamais découvert l’étendue des activités de Zach et Zorian dans la région, mais il ne semblait pas les considérer comme une menace. Ils étaient impressionnants, oui, mais il avait une invasion à organiser et il n’avait aucune idée de la limite de temps dont il disposait pour tenter de découvrir leurs secrets.

Au regard de ses obligations, il les remplit à la lettre. Le marché lui demandait de leur fournir un enseignement pour deux heures par jour, et il n’était jamais en retard, pas plus qu’il ne restait une minute de plus à la fin des sessions. S’il retenait une partie de son expertise, il le faisait d’une manière que Zorian ne pouvait comprendre – la quantité d’informations qu’il leur offrait était suffisante pour les tenir occupés pour un certain temps. Il parlait de façon claire et compréhensible. Il clarifiait ses leçons dès qu’il voyait que quelque chose n’était pas compris. Il pointait du doigt la moindre erreur évidente que les deux adolescents commettaient sous sa supervision et leur expliquait la logique derrière chaque théorie sans les laisser la déterminer par eux-mêmes. Il ne perdit pas une seule fois patience, ni ne les insulta. Il était, étrangement, probablement le meilleur professeur qu’eût jamais eu Zorian.

Réaliser qu’un liche millénaire, voleuse et violeuse d’âmes, encline à faire la guerre et massacrer sans retenue représentait l’instructeur académique idéal était quelque peu irritant pour Zorian.

Ceci mis à part, bénéficier de l’aide dédiée de Quatach-Ichl dans l’enseignement des dimensions miniatures poussa Zorian à soudain réaliser que ce qui les retenait d’une avance rapide n’était pas le manque d’instructeurs qualifiés ou de bons manuels théoriques. De façon assez embarrassante, il s’avéra que parfois, Quatach-Ichl pousse les leçons plus loin que Zorian et Zach ne l’entendissent, et qu’ils luttaient pour suivre. Pour être plus franc, la vraie limitation ne se situait pas dans les leçons, mais dans leur manque inné de talent. De son côté, Quatach-Ichl les instruisait au mieux de ses capacités. Zorian entretenait le sentiment qu’intérieurement, la liche se moquait d’eux à ce sujet.

Zorian savait que ce genre de résultats était prévisible.

Ils n’étaient pas stupides, non, leur assiduité n’était pas non plus à revoir… Simplement, ils ne possédaient aucun avantage particulier lorsqu’il était question d’apprendre les secrets de la magie dimensionnelle. Ils ne possédaient pas de lignée spéciale, pas de talent de naissance, et n’étaient pas le genre de génie capable de tout comprendre d’un seul coup d’œil. Ils ne pouvaient rien faire de plus pour accélérer leur apprentissage, en tout cas pas par le biais des méthodes d’instruction traditionnelles.

Aussi Zorian se tourna-t-il vers des méthodes plus marginales. Depuis un moment, il hésitait à s’intéresser plus avant au domaine des améliorations mentales et avait déjà abordé le sujet, mais sans pousser le vice de peur de handicaper son propre esprit de façon permanente dans le processus. Désormais, il avait décidé de risquer le tout pour le tout et ordonna à ses simulacres d’accélérer les recherches. Conscients que le temps à disposition était de plus en plus court, ils ne se plaignirent pas et sautèrent les pieds joints dans le travail à effectuer, ce qui le surprit vraiment. Il supposa que comme il avait lui-même mis ses peurs de côté et s’était résolu à s’en prendre à ce domaine d’étude, ils avaient hérité de sa détermination, contrairement au passé.

Pour le moment, son idée était de créer une sorte de calculatrice mentale, ainsi qu’une horloge interne, car bon nombre de problème concernant les dimensions avait à voir avec le timing inhumain qu’il fallait avoir durant certaines étapes. Normalement, le souci était réglé par le biais d’un puissant système de magies de divination, ce qui ajoutait une couche supplémentaire de difficulté à une tâche déjà complexe. S’il pouvait juste retirer l’échafaudage divination et effectuer les mathématiques lui-même, la magie serait alors bien plus facile à mettre en œuvre.

Bien sûr, ce n’était pas si facile. Zorian le savait, créer une calculatrice mentale était possible, puisque c’était l’une des modifications majeures que les Aranea adoraient travailler, mais c’était autre chose à mettre en pratique. Plusieurs simulacres durent être volontairement retirés des expériences après avoir fini affectés d’étranges afflictions mentales, comptant sans cesse le nombre de graviers les entourant et d’autres joyeusetés du même genre. Heureusement, aucun d’eux ne fut assez dément pour devenir dangereux, et Zorian parvint à les réparer afin qu’ils pussent continuer les expériences en sachant où ils avaient fait une erreur.

De plus, il expérimentait également les hyper-états mentaux et tentait de reproduire l’unité de l’hydre avec ses simulacres. Il avait la sensation que s’il pouvait se synchroniser avec quelques-unes de ses copies comme le faisaient les têtes de l’hydre, de nombreux problèmes magiques deviendraient alors bien plus faciles à résoudre.

Évidemment, ce genre d’améliorations mentales n’était vraiment utile qu’à Zorian, et n’aidait Zach d’aucune façon. Pour cette raison, et parce qu’il voulait augmenter ses chances, Zorian s’intéressa également à la magie du sang et les rituels d’amélioration. Après tout, certaines créatures étaient naturellement expertes en magie dimensionnelle sous diverses formes. Les araignées phasiques, par exemple, étaient capable de créer instinctivement des dimensions miniatures pour s’y dissimuler. Les grenouilles clignotantes pouvaient se téléporter sur de courtes distances, les cerfs à l’âme vide étaient capables de plier l’espace les entourant afin de dévier sorts et projectiles lancés dans leur direction, et la taupe striée d’argent était supposée pouvoir percevoir les fissures dimensionnelles et autres frontières d’une manière bien étrange. Il était peut-être rentable de tenter de dérober ces compétences, juste pour voir si elles pouvaient offrir à Zorian quelques illuminations importantes.

Bien sûr, Zorian n’était pas très versé dans la magie du sang et ses rituels d’amélioration, et il devrait tout d’abord pratiquer avec des éléments simples avant de lentement progresser vers son but ultime…

Ou il pourrait simplement payer un alchimiste pour lui créer une potion d’amélioration durant un laps de temps donné, mais ces potions n’offraient pas cette compréhension instinctive des compétences voulues comme le faisait un rituel proprement exécuté.

De toute façon, la route des améliorations mentales et celle de la magie du sang étaient tous deux des projets à long terme. Il lui faudrait quelques mois avant de pouvoir les utiliser avec efficacité, peut-être plus. Aussi, Zorian finit par se tourner vers quelque chose de plus immédiatement utile afin de tirer un maximum des enseignements de la liche : son expertise en formulation de sorts.

Il savait déjà depuis longtemps que la plupart des vieux devins expérimentés possédaient des boussoles et autres compas de divinations spécialisés, qu’ils utilisaient pour travailler. Zorian lui-même ne se préoccupait que rarement de tout ça, préférant souvent tirer les informations directement des esprits et les trier de son côté, mais il avait déjà suffisamment joué avec de tels ustensiles par le passé. Maintenant, il était embarqué dans un projet visant à créer un de ces outils, un spécifiquement dédié à lancer des sorts de divination relatifs à la magie dimensionnelle et aux dimensions miniatures.

Dans ce domaine, au moins, il eut du succès. La formulation était l’une des matières sur laquelle il s’était le plus concentrées par le passé, et il avait atteint un niveau phénoménal. Produire une version fonctionnelle d’une boussole de divination spécialisée dans les dimensions ne lui prit que deux jours, après quoi il en améliora rapidement l’architecture, en produisit de nouvelles versions plus efficaces, et ce, tous les quelques jours. Le temps que le mois arrivât à sa fin, ils étaient devenus si bons que Quatach-Ichl le remarqua et lui en commanda une paire pour son propre usage. En échange, il lui fournit le nom et l’adresse de deux puissants mages qui étaient eux aussi très doués en magie dimensionnelle – une information presque aussi précieuse que les leçons de Quatach-Ichl lui-même, pour autant que Zach et Zorian fussent concernés.

Et peu à peu, la fin du mois approchait…

 

___

 

Tandis que tenter d’approfondir leurs connaissances en magie dimensionnelle leur demandait la majeure partie de leur énergie, c’était loin d’être le seul sujet sur lequel ils travaillaient. Une tâche tout aussi critique mais bien plus ennuyeuse s’avérait s’assurer que la Perle d’Aranhal atteignît Blantyrre en parfait état. Une mission qui était fort heureusement bien plus simple que ce dont ils avaient initialement eu peur. Pas de monstre marin, et tandis que trois dragons les remarquèrent tandis qu’ils volaient près de leur île, ils furent étonnamment faciles à tenir à distance à l’aide de deux ou trois sorts impressionnants et un canon expérimental unique que Zorian avait installé sur le navire. Ni les sorts ni le canon ne firent en réalité le moindre dégât aux dragons, mais les empêchaient de simplement les voir se jeter sur eux avant de réduire la coque en charpie. Peut-être parce qu’ils n’avaient jamais vu de navire pareil et ne savaient pas à quelles compétences de combat s’attendre, mais tous trois se limitèrent à tâter le terrain de loin, tout en volant autour d’eux pendant quelques heures avant de se rendre compte que ces humains les ignoraient.

Il fut de bon ton que chaque dragon attaquât seul. Uniquement après l’abandon de l’un, le suivant tentait sa chance. Si tous trois s’étaient unis contre eux, la Perle d’Aranhal n’aurait pas eu la moindre chance. Heureusement, les dragons étaient des chasseurs tristement célèbres pour leur tendance à agir en solitaire, qui ne voyaient leurs congénères que comme autant de rivaux. Ils vivaient et chassaient seuls, ne formant des sociétés que lorsqu’il s’agissait de répondre à une agression externe. Zoiran avait entendu que certaines campagnes avaient été menées par le passé dans le but d’éradiquer les dragons dans la région, pour ne voir ces créatures que se rassembler en des nuées géantes qui avaient tout dévasté dans leur sillage, avant de retourner à leur vie solitaire une fois les menaces écartées. Mis à part ça, les dragons n’étaient pas une menace de groupe et les dragons de l’île des dragons ne faisaient pas exception.

Malheureusement, tandis que leur voyage n’avait pas été retardé par les dragons et les monstres marins, leur propre manque de connaissance en navigation avait rallongé le temps nécessaire. De plus, bien que les gens qui avaient bâti le navire en eussent fait une merveille mondiale, il s’agissait toujours d’un prototype qui n’avait jamais été testé ou vraiment fignolé, pas du tout prévu pour entreprendre un trajet aussi long… Il faillit se briser à plusieurs reprises durant le voyage, forçant Zach et Zorian à ralentir drastiquement à chaque fois afin de ne pas s’écraser dans la mer.

Mais au bout du compte, ils y parvinrent. Cinq jours avant la fin du mois, la Perle d’Aranhal arriva en vue des côtes de Blantyrre.

Cinq jours ne suffisaient pas pour faire réellement quoi que ce fût, en revanche. S’ils devaient effectuer un tel voyage lors de chaque mois, pour ne se retrouver qu’avec cinq jours pour localiser le bâton impériale, l’échec était garanti. Aussi, leur première et plus urgente priorité fut de localiser un Portail Bakora, quelque part sur le continent. N’importe laquelle, vraiment. De la sorte, ils pourraient s’y rendre en quelque jours à peine avec l’aide des Aranea.

Malheureusement, ce n’était pas chose facile. Les Portails Bakora étaient dispersés par tout le continent, et celui-ci était vaste et les structures étaient petites. Les chercher à l’aveugle leur prendrait une vie, et ils n’eurent d’autre choix que de partir à la recherche des autochtones en quête d’informations.

Le souci, c’était que Blantyrre n’était pas habitée par des humains. La jungle équatoriale dense qui couvrait le contient était l’habitat de nombreuses espèces intelligentes, mais la plus puissante de toutes se trouvait être les hommes-lézards. Ils vivaient dans de grandes villes de pierre le long de la côte et des rivières, et bien qu’ils fussent ridiculement primitifs selon les standards humains, ils étaient plus ou moins les seuls capables de les aider à localiser l’objet de leur venue. Non seulement étaient-ils les seuls à conserver des écrits dans tout Blantyrre, mais ils commerçaient également sporadiquement avec les humains de Xlotic et Altazia, et certains d’entre eux étaient voués à parler un langage que Zach et Zorian pourraient comprendre.

Malheureusement, alors que les hommes-lézards traitaient de temps à autre avec les humains, leur arracher la localisation d’un Portail Bakora proche restait une tâche colossale. D’une part, cette race était découpée en une multitudes de cités-états qui n’échangeaient que rarement des informations les unes avec les autres, alors à moins qu’un Portail Bakora se trouvât à proximité de leur territoire, il n’y avait littéralement aucune chance pour qu’ils en eussent connaissance. D’une autre part, seuls les prêtres en savaient long sur les endroits obscurs, en particulier ceux abritant des anciens artefacts inutiles, et ceux-là n’étaient pas vraiment amicaux avec les étrangers. Finalement, bien que les hommes-lézards fissent parfois du commerce avec les humains, ils le faisaient avec un maximum de précautions et d’une manière strictement régulée. Si Zorian et Zach désiraient des informations, ils ne pouvaient pas simplement entrer dans une ville et poser des questions – ils devraient employer les canaux officiels et effectuer une requête formelle.

Pressés par le temps comme ils l’étaient, ils firent le pari du choc et de la vénération pour obtenir ce qu’ils voulaient. Plutôt que de les approcher calmement afin d’envoyer une requête diplomatique, ils se téléportèrent au beau milieu de la ville et se mirent à semer de l’or, des gemmes et quelques épices dont les hommes-lézards étaient particulièrement friands, et le firent jusqu’à ce que quelqu’un vint leur parler. À ce moment, ils promirent de grandes récompenses pour toute information relative aux Portails Bakora. Puis, ils recommencèrent dans une autre ville, et firent de même dans chaque cité qu’ils croisèrent durant leur vol le long de la côte.

La réaction fut à la hauteur exacte de ce qu’ils avaient espéré. Les hommes-lézards étaient certes primitifs, mais ils avaient leurs propres moyens, et la nouvelle parlant de deux humains visitant les villes et dilapidant des richesses se propagea plus rapidement qu’ils ne volaient. Bientôt, toutes les cités de la région savaient que deux mages humains très puissants et généreux volaient de ville en ville en promettant monts et merveilles à qui saurait leur donner l’information voulue. Bien sûr, nombre d’entre eux vinrent les voir, porteurs de fausses informations à propos de Portails Bakora qui n’existaient pas, mais Zorian eut tôt fait de les trier sur le volet. Les émotions de ces créatures-là n’étaient pas bien différentes de celles des humains, et ne lui donnèrent pas beaucoup de mal.

Trois jours plus tard, ils furent convoqués par l’un des rois locaux, dans une ville construite le long d’une rivière, plus profondément dans le continent. L’émissaire avait amené avec lui un dessin très représentatif du Portail dont il allait être question, comme preuve de sa bonne foi, ce qui était suffisant pour Zach et Zorian ; ils le suivirent immédiatement.

Pour cette raison, tous deux se tenaient actuellement dans une salle du trône, à observer avec curiosité leur environnement tout en patientant l’arrivée du roi. Les dirigeants des hommes-lézards semblaient être particulièrement attirés par les mosaïques de gemmes et de pierres colorées, et celui-là ne faisait pas exception – les murs étaient dominés par quelques scènes d’une batailles épique opposant deux armées d’hommes-lézards. L’une des deux, représentant probablement les habitants de la ville, dominait clairement l’autre en avançant courageusement, tandis que l’autre se faisait percer par des lances et des flèches, frapper à la tête par des masses ou encore forcer à supplier à genoux. Un homme-lézard absolument géant flottait au-dessus de la scène, observant la bataille avec curiosité. Probablement la représentation de l’un ou l’autre dieu des hommes-lézards…

Les suppositions silencieuses de Zorian furent coupées court par l’entrée en fanfare du roi local. Une procession de musiciens jouant des espèces de flûtes étranges entra en premier, suivie par des hommes-lézards juvéniles éparpillant des pétales de fleurs alentour, afin de précéder l’arrivée du roi. Les gardes du trône qui, précédemment, se reposaient sur leurs lances en discutant nonchalamment dans leur langue incompréhensible, reprirent aussitôt une posture adéquate, prétendant qu’ils avaient toujours étaient prêts ainsi. Ils frappèrent également leurs lances contre le sol et posèrent un genou au sol dans un gémissement, probablement supposé être une sorte de salut à leur roi.

Quant à Zach et Zorian, ils se contentèrent de rester témoins du spectacle, peu sûr de la façon dont ils devaient réagir. Peut-être parce qu’ils étaient arrivés un peu à l’improviste ou parce que ce roi-là était plus riche que les autres, mais ce n’était pas la même réception ici qu’ailleurs…

— Uh… Quelle est la procédure officielle pour saluer un roi homme-lézard, encore ? Sommes-nous censés courber l’échine, ou nous serrer la main, ou… ? Zach chuchota d’un air hésitant.

— Pourquoi me demandes-tu ? protesta Zorian. C’est toi, le noble, pas moi. Tu devrais être celui qui connais ce genre de trucs.

— Oh, allez, pouffa Zach. Depuis quand la noblesse est supposée connaître les coutumes de Blantyrre ? C’est toi qui parles sans arrêt avec des monstres intelligents, pas moi. C’est totalement ton domaine d’expertise !

Zorian accorda à nouveau son attention au roi en approche. Il était étonnamment petit comparé aux divers guerriers éparpillés dans le palais, bien que le truc qu’il portait sur la tête, couvert de pierres précieuses, ainsi que tous ces bijoux qui lui pendaient d’un peu partout le donnaient immédiatement dirigeant d’un peuple, on ne pouvait pas s’y méprendre. Dans l’une de ses mains se trouvait un bâton noir surmonté d’un ambre massif et brillant. Quatre guerriers l’entouraient de près, créant un contraste amusant entre eux et leur roi. Ce qui n’était pas si amusant, en revanche, c’était l’expression dans leurs yeux et les émotions qu’ils ne retenaient pas. Contrairement aux gardes normaux du palais, ces quatre-là prenaient leur travail très au sérieux et leurs yeux jaunes et fendus faisaient suivre un sentiment de menace non-négligeable. Si un invité n’esquissait que l’ombre d’un mouvement agressif, ils étaient prêts à lui fourrer une lance au travers de la gorge sans le moindre avertissement.

Accompagnant le roi, tout aussi orné quoi que moins impressionnant, un autre homme-lézard se pavanait. Zorian supposait qu’il s’agissait d’une femelle, et grande prêtresse de la ville de surcroît.

Et bien qu’elle ne se montrait pas aussi ouvertement hostile que la garde rapprochée du roi, il était clair qu’elle ne les appréciait pas. Pas du tout.

Zorian soupira intérieurement. Bien sûr, rien ne pouvait jamais être facile…

 

___

 

Zach et Zorian avait déjà réussi à s’empare de l’anneau impérial par le passé. Comme ils savaient désormais qu’il était en possession du haut-prêtre Sulrothum, se l’accaparer une nouvelle fois n’allait pas être si laborieux, puisqu’ils savaient déjà plus ou moins où chercher. Cependant, moins difficile était différent de facile, et leur cible résidait dans la partie la plus profonde et la mieux défendue du bâtiment. L’atteindre allait malgré tout demander une attaque de grande envergure, ce qui n’était… pas idéal.

Plutôt que d’organiser un nouvel assaut sur le ziggourat du soleil, Zorian avait accepté de tenter autre chose cette fois-là. Après avoir établi une base près du ziggourat à l’aide des Portails Bakora, ils y amenèrent une dizaine de mercenaires Aranea et leur ordonnèrent d’espionner les gardes et patrouilles Sulrothums. Bien que les esprits de ces derniers fussent compliqués à traiter pour Zorian, les Aranea étaient tellement plus expérimentées que lui dans le domaine des esprits différents que cela ne posait plus le même problème.

Ils se mirent à leur tendre des embuscades et les tuer dès lors qu’ils quittaient le ziggourat, dans l’espoir que cela forcerait le prêtre à les confronter directement, ou au minimum le pousser à tenter de négocier une paix fragile. Après tout, la colonie crierait vite famine si de tous ceux qu’ils envoyaient à l’extérieur, aucun ne revenait, n’est-ce pas ?

Malheureusement, ils ne réagirent pas de la sorte. Plutôt que d’enquêter sur le problème, ils se barricadèrent simplement et ne tentèrent plus de quitter les lieux. C’était surprenant, sidérant même. Soit la colonie possédait des réserves gigantesques de nourriture et sentait pouvoir tenir un bail en état de siège, soit il y avait une entrée souterraine vers le Donjon quelque part dans le bâtiment, et ils avaient décidé de braver les tunnels pour se nourrir.

D’une façon ou d’une autre, c’était ennuyeux. Heureusement, les Aranea furent plus ou moins victorieuses dans leur collecte d’information.

— Alors, demanda Zorian à l’araignée en face de lui. Je ne pense pas que ces satanées guêpes prévoient de sortir la tête de cette forteresse dans un futur proche. As-tu quelque chose d’utile à me dire ?

— Je pense, en effet, répondit Rêve de Tempêtes, l’Aranea en question, par le biais d’un sort de vocalisation afin que Zach pût l’entendre également. Tout d’abord, l’anneau, le prêtre ne le porte pas par accident. Il sait ce qu’il fait et s’en sert activement.

Oh.

— Maintenant que j’y pense, c’est logique, murmura Zorian. J’ai remarqué, la dernière fois, qu’il était un mage de l’âme. C’était inhabituel, puisque les Sulrothums ne sont pas connus pour leurs compétences magiques, mais je n’y ai pas prêté plus attention à ce moment. Puisqu’il porte l’anneau, il est capable d’employer la perception de l’âme, et je suppose qu’il s’est alors intéressé à ce type de magie. Nous sommes chanceux qu’il n’ait pas peuplé son maudit temple de guêpes mortes-vivantes.

— Et ça n’arrivera probablement pas, même s’il apprend un jour comment faire, répondit l’Aranea. Ils sont très religieux et semblent accorder une grande importance à la crémation post-mortem.  Des sbsurdités à propos de retourner à la Mère Soleil et qu’en sais-je.

— Ouais, ils doivent être contents que ces patrouilles que nous avons cramées à mort récemment, alors, ironisa Zach joyeusement. Ils se sont fait tuer et incinérer directement. D’une pierre deux coups.

— Oui, bon, finit par lâcher Rêve de Tempêtes après un silence embarrassant. Si vous voulez attirer le prêtre hors du ziggourat, je n’ai que deux idées. Premièrement, vous attendez qu’il sorte de lui-même comme il le fait de temps en temps pour effectuer ses bénédictions des terres, et lecture des signes. La prochaine fois sera dans à peu près deux mois et —

— Trop long, la coupa Zach en secouant la tête. Impossible.

— Je ne comprends pas pourquoi vous êtes si pressés… L’anneau est entre ses mains depuis des années maintenant. Il ne va pas filer, annonça l’Aranea, sans cacher son exaspération. Mais admettons. L’autre option consiste à juste tenter de vous allier à une tribu Sulrothum voisine avec laquelle celle-ci est en conflit. Je n’en suis pas totalement sûre, mais je pense qu’il sortirait du bâtiment et offrirait son aide à ses guerriers s’il pensait qu’une autre tribu les attaquait, alors qu’il ne le ferait pas pour affronter des humains maniant leurs mystérieux et injustes bâtons lanceurs de foudre et de feu.

— Ah, acquiesça Zorian, qui réalisa que l’idée de voir si une tribu rivale s’allierait avec eux ne lui avait jamais traversé l’esprit.

Zach et lui discutèrent les mérites de cette idée, et Zorian finit par remarquer que Rêve de Tempêtes se tortillait sur place impatiemment, comme si elle attendait pour dire autre chose.

— Qu’y a-t-il ? lui demanda-t-il.

— C’est… peut-être juste une coïncidence stupide, mais le haut-prêtre Sulrothum possède le même genre de couteau que toi, dit-elle.

— Mon couteau ? répéta Zorian, incrédule – depuis quand portait-il un cou – Oh. Oh ! Tu veux dire, ça ?

Il tapota sur le couteau qui pendait de son sac à dos. Il s’agissait de l’artefact divin qu’ils avaient récupéré de l’orbe impérial, celui dont il ne connaissait pas l’étendue des pouvoirs et qu’il inspectait de temps à autre, l’observant intensément dans l’espoir de découvrir par magie la façon de décrypter ses mystères.

— Oui, comme celui-là, confirma l’Aranea. Je sais que vous autres humains aimez créer des milliers d’objets identiques, mais je trouvais singulier qu’un haut-prêtre Sulrothum vivant au milieu d’un désert sur un autre continent puisse avoir le même genre de couteau que toi. Spécialement parce qu’il possède une immense importance religieuse et une capacité magique impressionnante.

— Oh ? Dis-nous, la poussa aussitôt Zach. Quelle capacité magique ?

— Le haut-prêtre peut l’utiliser pour commander un ver des sables d’une taille immense, enfoui sous le temple. Il pourrait s’agir d’une superstition absurde de plus, je suppose, mais mon instinct me dit le contraire. Peut-être que les Sulrothum surestiment la taille réelle du ver, mais ils semblent certain qu’il est capable de repousser n’importe quel intrus, alors il doit être plutôt massif. Si ton couteau est du même genre, alors… peut-être peux-tu le contrôler également ?

Zach et Zorian restèrent silencieux, l’espace d’un instant.

— Je savais que c’était stupide, soupira Rêve de Tempêtes. Juste… Oubliez ça.

Zorian réfléchit. Le gigantesque ver volant qu’ils avaient dû affronter lors de leur tentative précédente… Cette créature était une menace immense, uniquement tenue en respect par la puissance de combat exagérée de Zach, couplée à leurs préparatifs. Et la façon dont son esprit avait été totalement fermé, contrairement à toute autre créature qu’il eût croisée jusque-là…

— Tu penses à ce que je pense ? lui demanda calmement Zach.

— Je doute que notre dague puisse réellement contrôler le ver Sulrothum, contra Zorian. Mais c’est vraiment dommage que nous ayons déjà tué l’hydre du palais dans l’orbe. Je dis ça, je ne dis rien…

C’était juste un doute, mais Zorian sentait qu’il était fort probable que chaque dague fût liée à une créature différente. Si l’on estimait que le ver géant était le gardien divinement chargé de protéger l’anneau impérial, il était parfaitement logique qu’un couteau que les Sulrothum eussent trouvé près de l’artefact y soit attaché. Suivant la même logique, l’arme de Zorian, celle qu’il tenait actuellement dans sa main, était très certainement destinée à contrôler l’hydre, qui vivait pour protéger l’orbe.

— La prochaine fois, alors, rêva Zach. J’aime l’idée d’avoir ma propre hydre, tu sais ? On pourrait la faire affronter ce stupide ver tandis que nous abattons les guêpes. Ou alors, on pourrait la balancer sur Quatach-Ichl, juste pour voir la gueule de ce stupide sac d’os quand une hydre massive apparaît pour lui gueuler dessus… ou on pourrait juste l’emmener promener dans les rues de Cyoria comme on promènerait un chien… de grande taille. Pour observer les gens. Il y a tellement de potentiel, là…

Zorian observa la dague, et la serra, juste un peu plus fort.

La prochaine fois, en effet…

 

___

 

Comme la fin du mois approchait, Zach et Zorian se tournèrent vers un plan qu’il avait monté tout au long des semaines précédentes – attaquer le trésor royal une fois de plus. Ils quémandèrent une fois de plus l’aide de la liche, en partie parce qu’ils n’avaient toujours pas totalement cerné les détails de la barrière interne et que son aide était toujours critique, et en partie parce qu’ils avaient toujours des vues sur sa couronne.

Zorian devait admettre qu’il était bien plus déchiré quant au fait de trahir Quatach-Ichl, cette fois. Après tout, il ne s’était que montré d’une grande aide, pendant toute l’itération. Ça avait un goût amer, déshonorable, de simplement lui planter un couteau dans le dos, à la toute fin…

Mais bon, n’avait-il pas lui-même indiqué, ce même mois, qu’il reviendrait les interroger une fois sa petite invasion terminée ? Peut-être que Zorian cherchait simplement des excuses pour paraître moins lâche, mais vu sous cet angle, cette attaque pouvait bien être vue comme un acte de défense préemptif de leur part. En plus, la liche trouvait clairement normal d’envahir Cyoria, chose qu’il avait de temps en temps laisser entendre durant ses leçons, bien qu’à demi-mot et sans savoir que Zach et Zorian savaient de quoi il parlait. Pour dire vrai, il s’agissait d’une trahison à grande échelle de sa part également.

Mais au bout du compte, Zorian supposa que ça n’avait pas d’importance. Quatach-Ichl accepta une fois encore de les aider à dérober la dague. Ils y parvinrent une fois encore, s’évadèrent une nouvelle fois et réussirent à fuir Eldemar jusqu’à ce que la liche comprît la nature du marqueur divin qui les traquait. Ils ouvrirent un portail vers Xlotic, et s’y engouffrèrent…

Au moment où Quatach-Ichl les suivit, le portail se referma et ils l’attaquèrent sans préavis.

Aucune discussion. Pas d’avertissement, ni le moindre regard de travers. Ils l’attaquèrent silencieusement et sans hésiter, embuscade que Quatach-Ichl prit de plein fouet comme un débutant. Tandis qu’un barrage incessant de rayons incinérateurs, de lames dimensionnelles incroyablement acérées et autres salves de désintégration lui pleuvait dessus, il bloqua calmement, esquiva, se téléporta et y répondit. Il ne ragea pas face à leur trahison, pas plus qu’il ne tenta de leur parler pour découvrir leurs raisons. Peut-être s’y était-il attendu. Peut-être aussi était-il un habitué de ce genre d’attaques surprise. Peu importait, il accepta leur duel en silence et fit face à leurs attaques.

Le désert trembla. Le sable fondit et se changea en verre sur des kilomètres, çà et là, par morceaux. Plusieurs pièges et formations cachées que Zach et Zorian avaient installées là au préalable s’activèrent, pour se faire détruire ou neutraliser par leur ennemi. L’ancienne liche invoqua quelques géants squelettiques depuis une poche dimensionnelle quelconque, et Zorian y répondit en leur envoyant ses propres golems pour les tenir occupés. Zach parvint à déchiqueter une des jambes de Quatach-Ichl grâce à une attaque puissante bien placée – ou chanceuse, peut-être – mais Quatach-Ichl la rattacha quelques secondes plus tard, dans le plus grand calme. Trois des simulacres de Zorian se sacrifièrent afin de lui sauver la vie face aux contrattaques de la liche, leurs corps métalliques inhumainement résistants incapables de soutenir la puissance des attaques.

Ce fut à ce moment. Pile au milieu de la bataille effrénée. Plusieurs systèmes camouflés firent leur apparition à quelque distance de là, couvrant la zone entière de petits disques argentés volants et très rapides.

La plupart d’entre eux étaient parfaitement normaux, ne servant qu’à masquer les menaces réelles. Quelques-uns étaient infusés de sorts destinés à oppresser et distordre, surcharger la plupart des champs de force typiques qui protégeaient les mages contre les projectiles classiques.

Et finalement, un petit nombre d’entre eux étaient vraiment spéciaux. Ils contenaient la même magie trancheuse d’âme que Zorian avait un jour utilisée contre Quatach-Ichl avec succès.

Afin de s’assurer que leur ennemi mortel ne repoussât pas simplement les disques d’un mouvement de la main, Zach et Zorian intensifièrent immédiatement leurs attaques. Malgré ça, Quatach-Ichl prit les petits disques volants comme une menace des plus sérieuses, ne laissant jamais le moindre projectile le toucher, levant le sol en autant de murs et de piliers pour les tenir à distance lorsque que les destructeurs de boucliers atténuaient les siens petit à petit.

Mais les disques argentés remplirent leur rôle, et le tinrent occupé. Si occupé, en réalité, à les esquiver tout en devant gérer les attaques incessantes de Zach et Zorian, qu’il manqua un des disques, bien plus massif, caché dans le sable non loin. Celui-ci était également porteur de cette magie capable de bannir l’âme de Quatach-Ichl vers son phylactère. Une version bien plus puissante de cette même magie.

Tout en évitant l’une de leurs attaques, Quatach-Ichl posa le pied sur l’emplacement où ce disque était enfoui. Celui-ci réagit immédiatement et déchargea une immense vague de lumière blanche qui enveloppa la liche de part en part.

Pendant un moment, la bataille stoppa, et tout ne fut plus que silence et immobilité, dans un décor apocalyptique. Quatach-Ichl était figé, une expression des plus étonnées sur le crâne. Oui, oui, Zach et Zorian ne pouvaient pas s’y méprendre. Les vieux os avaient réellement l’air sidérés. Ils attendirent, le souffle court, de voir la liche s’effondrer en une pile d’ossements sans vie.

Et puis, Quatach-Ichl… bougea.

— Heh, dit-il, parlant pour la première fois depuis le début du combat. Vous m’avez eu. Mais pensez-vous sincèrement qu’une astuce aussi stupide peut avoir raison de moi ?

Eh bien, non. En réalité, Zorian ne le pensait pas. Mais en tant que diversion, cette astuce stupide avait fonctionné du feu de dieu.

Au moment où Quatach-Ichl eût fini de parler, une vague massive de désenchantement s’abattit sur lui, sortie de Zach dans toute sa puissance, alimentée par tout ce qui lui restait de mana. Cette onde de force balaya totalement tout ce qui se trouvait dans le voisinage, prenant Quatach-Ichl totalement au dépourvu. L’espace d’une seconde, toutes ses défenses furent abattues.

Incluant son Esprit Vide.

Zorian ne se fit pas attendre, il établit immédiatement le contact avec l’esprit de la liche, et débuta un autre combat, sur un autre genre de champ de bataille. Un champ de bataille où Zorian régnait en dieu et maître.

Les défenses mentales de Quatach-Ichl étaient impeccables. Épaisses et ne possédant aucune faille visible, il était capable de les reconstruire en un instant, tout comme Xvim. En prenant compte de ses réserves absurdes de mana, même Zorian se verrait incapable de les briser s’il tentait de les éroder progressivement. Il ne pouvait espérer gagner une telle bataille d’attrition contre ce monstre de mana et d’expertise, sans même parler que chaque seconde durant laquelle il échouait à pénétrer cet esprit était une seconde durant laquelle Quatach-Ichl pouvait détruire son corps mortel afin d’abattre la menace mentale qu’il représentait. Aussi, Zorian ne se retint pas le moins du monde, et l’agressa de tout son fiel. Il investit tout son mana dans une succession rapide d’attaques télépathiques féroces et implacables.

Après trois attaques de ce genre, il fut comblé de constater que des fissures exploitables étaient apparues sur le mur mental de Quatach-Ichl. Il était suffisamment doué pour les réparer après une attaque unique de cette intensité, mais en subir plusieurs d’affilée ne laissait pas chance à une telle possibilité. Il était effectivement surmené.

Zorian surmenait la liche mentalement.

Aussi puissant qu’il fût, le vieux monstre n’avait sans doute jamais rencontré un mage mental qui pouvait réellement le menacer de la sorte, et ses défenses, qui avaient sans doute un jour passé été sans faille, étaient désormais rouillées.

Trop rouillées pour espérer arrêter Zorian, en tout cas.

Dans une dernière poussée violente, la barrière mentale céda et explosa en une myriade de morceaux, telle une vitre frappée de plein fouet par une salve de shrapnels. Son esprit, laissé sans défenses face à un Zorian et une puissance télépathique qu’il n’avait sans doute jamais goûtée à cru, était désormais vulnérable. Quatach-Ichl laissa échapper un cri strident, de rage, de désespoir et d’impuissance, et balança ses mains en direction du corps physique de Zorian, tirant un rayon rouge dévastateur dans sa direction.

Zorian ne s’arrêta pas. Alors même que l’attaque le touchât, tranchant net son bras juste sous l’épaule et envoyant des vagues et des vagues d’une douleur incroyable dans son corps, il ne s’arrêta pas. Cette douleur n’était rien, à côté de ce que son âme avait subi, et il avait tenu bon. Il tiendrait, ici aussi. Plongeant de plus en plus loin dans l’esprit de la liche, il paralysa purement et simplement sa structure squelettique et se mit à dévorer sa mémoire à long terme…

Sans avertissement, l’esprit que Zorian attaquait disparut, soudainement et en un éclair. Les os préalablement animés tombèrent au sol, sans vie.

La liche avait déclaré forfait et fui.

La liche.

Avait.

Fui.

— Ha ! On… On l’a fait ! hurla Zach, dont le souffle était rauque et brûlant comme le soleil du désert. Oh, mec ! Je ne peux pas croire qu’on ait réussi à lui faire admettre sa défaite ! Putain, ça fait un bien f – Oh, merde, Zorian, ton bras !

— O… Ouais, je sais, lâcha Zorian, lui aussi à bout de souffle, le regard posé sur le lambeau qui pendait sous son épaule. Je… ne me sens pas très bien. Je pense que je vais… tourner de l’œil, juste un peu. Ok ?

Zach lui répondit quelque chose, mais il ne pouvait plus l’entendre. Tout était flou, tournoyait et il finit par fermer les yeux, incapable de faire autrement, pour s’effondrer dans le sable.

 

___

 

 

Deux heures plus tard, Zorian s’éveilla pour trouver Zach près de lui, sa blessure professionnellement enveloppe de bandages. Un petit truc qu’il avait appris pendant son étude de la magie médicale, expliqua Zach. Apparemment, ses professeurs avaient insisté pour lui enseigner quelques méthodes classiques, n’ayant totalement rien à voir avec la magie. La perte d’un membre était incluse dans le lot.

Zorian allait maintenant devoir expérimenter ce que signifiait vivre avec un bras en moins. Adorable. La boucle temporelle était un cadeau des cieux qui ne faisait que donner et donner encore. De toute façon, ils devaient agir vite, ils n’avaient que quelques jours devant eux avant la fin du mois, et Quatach-Ichl allait forcément revenir se frotter à eux, furieux. Ils n’étaient pas certains du temps qu’il allait lui falloir pour posséder un nouveau corps et les retrouver. Ils avaient appris que ce temps variait d’une liche à l’autre en effectuant leurs recherches sur le sujet, et cela pouvait aller de quelques heures à quelques jours. Sachant que leur ennemi était celui qu’il était… Il était de bon ton de s’attendre à ce qu’il lui fallût un minimum de temps.

Après avoir rapidement pénétré dans le centre de recherche sous Cyoria, ils demandèrent au Gardien du Seuil de leur parler de la dague et de la couronne, les deux artefacts qu’ils venaient d’acquérir. Ils découvrirent qu’ils avaient deviné juste – la couronne donnait au Contrôleur la possibilité de placer un marqueur temporaire sur certaines personnes, leur donnant la capacité effective de rester dans la boucle temporelle pour un temps limité, tandis que la dague lui donnait l’option très pratique de placer un autre type de marqueur sur une âme, pour faire savoir à la boucle temporelle qu’elle ne devait pas recréer ladite âme à l’avenir. Destruction de l’âme, comme Robe Rouge l’avait appelé.

Et comme l’orbe et l’anneau, les deux objets possédaient une fonction spécifique que mêmes les personnes normales pouvaient utiliser. Ils connaissaient déjà celle de la couronne grâce à Quatach-Ichl, mais la confirmation était toujours bonne à prendre. Il s’agissait d’une batterie à mana dont la taille était fixe ; pour Quatach-Ichl, elle lui permettait de posséder dix fois plus de mana que ce qu’il devait normalement avoir, alors que pour Zorian, ce serait beaucoup plus important, ses réserves initiales étant bien plus petites pour commencer.

Quant à la dague, elle possédait la capacité de trancher ce qui ne pouvait l’être. Pour le dire simplement, elle pouvait blesser les esprits immatériels. Une compétence probablement bien plus impressionnante dans un lointain passé, lorsque les esprits se trouvaient à chaque coin de rue et qu’un dieu échaudé pouvait envoyer ses servants vous chercher des noises pour un oui ou pour un non. Ces jours-ci, c’était plutôt… inutile.

En quittant le centre de recherche, ils mirent temporairement la dague de côté, et se mirent à expérimenter les possibilités de la couronne avec fougue, tentant de comprendre comment activer un marqueur temporaire, tout en envoyant des messages urgents à tous les membres de leur petite équipe. Heureusement, ils possédaient désormais l’expérience nécessaire avec les artefacts impériaux, et il ne leur fallut que quelques petites heures pour maîtriser l’objet.

Et ils devaient se mettre au travail. Un paquet de gens les entouraient désormais. Ce n’était pas qu’Alanic, Xvim, Lac d’Argent et Daimen. Il y avait là également quelques professeurs de l’Académie, avec qui Zorian était familier, comme Ilsa, Nora et Kyron, ainsi que d’autres avec qui il l’était moins, mais que Xvim avait amenés. Oresa, la fiancée de Daimen, était également présente, accompagnée de quelques membres de sa Maison. De nombreuses Aranea étaient dispersées alentour, descendant des Adeptes de la Porte Silencieuse, des Avocats Lumineux, des Sages Filigranes, et d’autres que Zorian pensait utiles et qui n’allaient pas péter les plombs. Lukav était également présent, ainsi que quelques gens qui avaient la totale confiance d’Alanic.

Pendant que Zach et Zorian s’étaient promenés à Blantyrre en planifiant la façon d’abattre Quatach-Ichl et de confronter les Sulrothums, leurs co-conspirateurs avaient été chargés de rassembler toutes ces personnes et de les informer à propos de la boucle temporelle. Aussi, tous savaient à quoi ils avaient affaire. Ils ne croyaient pas forcément à ces élucubrations, mais il importait peu, car comme on disait, Voir, c’est Croire.

L’itération allait prendre fin, et ils allaient expérimenter la réalité de leurs yeux.

Zorian prit une profonde inspiration, et s’avança pour faire face à la foule.

— Putain, Zorian. Où est passé ton bras ?! s’écria immédiatement Taiven, une expression horrifiée sur le visage.

— Aucune importance, lui répondit-il avec un sourire joyeux, en faisant un signe de rejet avec son bras valide. Il sera de retour comme neuf dans pas longtemps.

— Bon ! se lança Zach avec le même sourire heureux. Qui veut être le premier ?

Raka
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