MoL : Chapitre 99

MoL : Chapitre 98
MoL : Chapitre 100

Chapitre 99 — Baril de poudre

 

Arranger un rendez-vous avec Daimen fut facile, cette fois. Non qu’il eût jamais été bien compliqué d’y parvenir, mais après avoir appris les bases du langage local et les coutumes de cette partie de Koth au fil des recommencements, la tâche était devenue triviale. Il lui suffisait d’approcher les Taramatula de la bonne manière, et ils ne se préoccupaient même pas de le renvoyer – ils allaient chercher Daimen après seulement quelques minutes de conversation, et il n’en fut pas différent cette fois. Zorian attendait son frère à l’entrée.

Il feuilletait actuellement les notes de Daimen pour passer le temps, ignorant les regards étranges que lui envoyaient les gardes de la porte principale. Ce calepin était codé, bien entendu, mais ça ne pouvait arrêter Zorian. Avec l’aide de ses améliorations mentales, décoder le texte ne lui prenait qu’un instant, tant qu’il en connaissait la clé. Il n’y avait rien de vraiment intéressant dans ce fatras de texte, que Daimen avait écrit en collaboration avec Zorian, et il s’agissait plus de se souvenir ce qu’il l’avait aidé à écrire là que de réellement déchiffrer un texte inconnu et secret. Il s’imagina lancer une conversation avec les gardes qui l’observaient, mais il savait d’expérience qu’ils n’étaient pas du genre bavard. Et sa maîtrise plutôt limitée du langage local n’aidait en rien.

Après un moment, Zorian termina le dernier calepin et le referma. Il se mit à faire les cent pas avec impatience, observant les environs grâce à ses différents sens. Pour son esprit et son âme, les abeilles qui allaient et venaient de la propriété Taramatula ressemblaient à des torrents d’étoiles scintillantes.

Mignon.

Il tourna le dos à l’entrée et observa le mur de plantes qui entourait la propriété. Il était venu tant de fois par le passé, mais n’avait jamais prêté vraiment attention à ce qui se trouvait autour du domaine. Il ignora les gardes et leurs avertissements alarmés à propos de l’endroit où il se dirigeait, et s’empressa de s’aventurer dans la nature sauvage afin de l’explorer un peu.

La jungle autour du domaine Taramatula était vraiment belle, réalisa-t-il. Sans nul doute, une vaste part de celle-ci avait été organisée par les Taramatula, mais quand même. Des chemins tracés dans la dense végétation rendaient l’accès praticable pour les humains, et il y avait de fleurs partout. Zorian suivi les sentiers sans but particulier, repoussant mentalement serpents venimeux et insectes un peu trop affamés à chaque fois que l’un ou l’autre s’approchait de lui d’un peu trop près. Par contre, aucun prédateur plus large ne le dérangea. Les Taramatula les avaient probablement tous éliminés, si près de leur demeure.

Il finit par s’arrêter de marcher, le regard attiré par une fleur blanche particulièrement grande, autour de laquelle orbitaient de nombreuses abeilles. Une voix résonna dans son dos peu après.

— C’est vraiment toi. Merde, Zorian, n’aurais-tu pas pu attendre à l’entrée un tout petit peu plus longtemps ? Si tu voulais observer les abeilles, il y en a au moins un million dans le domaine…

C’était Daimen, bien sûr. Zorian se tourna lentement, observa son grand frère d’un regard complexe. Interagir avec les gens qui l’avaient accompagné jusqu’à la toute fin de la boucle temporelle était plutôt gênant, et n’avait jamais été aussi vrai qu’à ce moment précis. La dernière fois qu’il avait vu Daimen, celui-ci s’était sacrifié pour s’assurer que Zorian pût sortir du système temporel en vie.

Xvim s’était sacrifié également, bien sûr. Ainsi que tant d’autres marqués. Cependant, le choix de Daimen, qui avait brûlé sa force vitale volontairement, qui s’était suicidé et qui n’était pas mort en se battant, avait laissé une impression particulière sur Zorian. Après tout, se battre laissait peut-être une chance sur un million d’en sortir en vie. Ce que Daimen avait fait… l’avait marqué. Particulièrement parce que c’était Daimen. Zorian ne se serait jamais attendu à ce que son grand frère pût donner sa vie pour lui.

Il n’avait pas totalement pardonné à son frère tout ce qui était arrivé durant leur jeunesse, c’était un fait. Interagir avec son grand frère dans la boucle temporelle l’avait mené à graduellement accepter qu’il était lui-même plutôt mesquin et qu’il avait besoin de cette aide, mais une part de lui verrait toujours Daimen comme un ennemi. Maintenant, cette partie-là était en colère et remontée, parce qu’il réalisait qu’il devait à Daimen rien de plus que sa vie. Même si le Daimen en face de lui n’en savait rien, Zorian ne pouvait pas faire comme si ce n’était pas une réalité.

— Quoi ? demanda Daimen, l’air plutôt ennuyé. Pourquoi me fixes-tu ainsi ?

— Nous ne nous sommes pas vus depuis un moment, mais j’ai l’impression que c’était il y a quelques jours à peine… lui dit Zorian après une seconde de pause.

— Hah ! Oui, ton grand frère est aussi beau et fonceur qu’il l’a toujours été, répondit Daimen en gonflant le torse d’une manière exagérée, avant de lancer un regard scrutateur au petit frère. Tu as certainement changé, par contre.

Comme toujours, Daimen doutait de son identité lors de leur première rencontre. Plutôt raisonnable, considérant les distances qu’il avait à parcourir pour arriver là.

— Ouais, bon, les gens changent rapidement pendant leur adolescence, commenta calmement Zorian.

— Non, c’est… plus que ça, insista Daimen en secouant la tête. Même ta posture est différente. Tu es plus calme. Plus sûr de toi.

— Sûr de moi ? reprit Zorian, incrédule parce qu’il se sentait tout sauf sûr de lui à ce moment précis, tant le stress était écrasant.

— Oui, confirma Daimen. L’Académie a l’air d’avoir vraiment eu une bonne influence sur toi.

Il regarda autour de lui jusqu’à remarquer un arbre tombé non loin de là, vers lequel il agita la main d’un geste nonchalant. Une brise souffla immédiatement poussière et feuilles mortes qui le couvraient, après quoi il s’y assit en soupirant. Finalement, il lança à Zorian un regard perçant.

— Pourquoi es-tu là, Zorian ? demanda-t-il. Non, en fait, on s’en fout. Comment es-tu là ?

— Téléportation, répondit Zorian, qui avait en réalité ouvert un portail dimensionnel jusqu’à Koth, vérité qu’il valait mieux taire pour l’heure. J’ai engagé quelqu’un pour me transporter directement à toi.

— Te transporter directement… Zorian, as-tu une idée de la dangerosité de ce que tu as fait ?! lui cracha à moitié Daimen.

— Bien sûr que je le sais, répliqua Zorian, plus posé. Je n’avais simplement pas d’autre choix. Il fallait que je te parle le plus rapidement possible.

Daimen leva les sourcils et attendit la suite pendant quelques secondes, lançant discrètement quelques sorts de divination en direction de son petit frère pour vérifier son identité. Zorian attendit patiemment qu’il finît et prétendit ne pas avoir remarqué ces sorts directement dirigés sur lui.

— Tu as des ennuis, n’est-ce pas ? demanda finalement le grand frère en laissant échapper un long et douloureux soupir.

— Oui, admit Zorian. De gros ennuis.

— J’en étais sûr, répondit Daimen sans autre sentiment. Merde, Zorian… C’est le genre de choses que j’attends de Fortov, pas de toi. Très bien… Dis-moi juste… dans quelle misère tu t’es fourrée, et je verrai comment je peux t’aider. Mais tu vas m’en devoir une belle ! Comment as-tu trouvé assez d’argent pour te téléporter jusqu’ici, déjà ? Tu n’as pas volé aux parents, j’espère ?

— Non, fit Zorian en secouant la tête. J’ai bien assez d’argent.

Daimen jura tout bas. Il semblait encore plus contrarié par cette idée que par l’éventualité qu’il pût avoir volé de l’argent à la famille. Selon toute probabilité, il estimait probablement que Zorian avait obtenu de l’argent illégalement.

Ce qui, maintenant qu’il y pensait, était plus ou moins correct. Il avait volé la plupart de ses fonds actuels dans les caches des envahisseurs, après tout.

— Bref. Mon problème, tu dis ? Des envahisseurs d’Ulquaan Ibasa et des cultistes du dragon vont conjointement envahir Cyoria la nuit du festival d’été afin de libérer Panaxeth, le Primordial emprisonné dans le Gouffre sous la ville, puis capturer les âmes de tous les morts, en réalité, toute la population de la ville si on les laisse faire, résuma Zorian.

Daimen ne lui offrit qu’une expression étrange en retour.

— Quoi ? finit-il par lâcher, avant de se mettre à rire, parfaitement incrédule.

— Ulquaan Ibasa, l’île des exilés, envahit Cyoria à l’aide d’un portail dimensionnel permanent caché dans les profondeurs du Donjon, sous la ville, clarifia Zorian.

— Hm, hm, souffla Daimen.

— La majeure partie des dirigeants de la ville se sont fait subvertir par le Culte Ésotérique du Dragon Céleste, mieux connu sous le nom de Culte du Dragon du Dessous. Ils travaillent avec les Ibasiens pour que les préparatifs de cette attaque restent secrets et les aideront directement lorsqu’ils entreront réellement dans la ville, continua Zorian.

— Je vois, dit daimen, l’air grave. Tu es définitivement Zorian. Nul autre ne viendrait inventer une histoire aussi ridicule. Un imposteur aurait sans doute tenté de ficeler une histoire bien plus vraisemblable.

— Je suis heureux que tu ne doutes pas de mon identité, au moins, lui renvoya Zorian calmement. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose à propos de l’invasion elle-même. Cette situation est bien au-delà de ta portée. Malheureusement, les envahisseurs savent que je suis l’un des dirigeants du groupe qui s’oppose à eux, et ils vont essayer de s’en prendre à toi et aux Taramatula afin d’obtenir de quoi me menacer. C’est la raison pour laquelle je me suis hâté de la sorte. Il fallait que je te prévienne avant qu’il ne soit trop tard.

Daimen fronça les sourcils, devenant plus sérieux.

— Zorian, ce n’est pas drôle, protesta-t-il sévèrement.

— Je sais, soupira Zorian. Pour ce que ça vaut, je suis désolé de t’avoir mis dans cette merde. Tout ce que je peux faire, c’est t’offrir l’information, et peut-être un abri, si tu en as besoin. Bien que convaincre les Taramatula d’évacuer leur domaine ancestral et le laisser à la merci de l’envahisseur pourrait s’avérer très compliqué, alors…

— Tu sais quoi ? Je n’ai pas le temps pour tes conneries, lui dit franchement Daimen, la colère et l’ennui suintant clairement dans sa voix et dans sa posture, avant de se lever et se dépoussiérer légèrement. Maintenant, si tu veux bien m’excuser, je vais retourner travailler. Quand tu seras prêt à entretenir une vraie conversation sérieuse, tu —

Zorian sortit l’orbe impérial de sa poche et le présenta à Daimen, juste sous ses yeux.

— C’est… ? commença-t-il.

— C’est l’orbe impérial, oui, acquiesça Zorian. Désolé pour ça. Je sais que tu es à sa recherche depuis longtemps, mais j’en ai vraiment besoin.

— Quoi ? Pourquoi… balbutia Daimen, cherchant ses mots, incapable d’accepter ce qu’il voyait.

— À la lumière de mon histoire précédente, je pense que je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi, nota Zorian.

— Pas ça ! Je veux dire… aargh ! grogna Daimen, les mains sur les tempes. Comment as-tu eu ce truc ? Pourquoi l’as-tu en ta possession ?! Ça n’a aucun sens !

— Tiens, murmura Zorian, attrapant les notes de Daimen dans une autre poche, avant de les lui donner. Lis ça, et les choses vont sans doute devenir plus logiques à tes yeux.

Daimen lui arracha rapidement les calepins des mains tout en fixant l’orbe impérial intensément. Il attrapa celui-ci également et se reposa sur son tronc pour étudier les deux. Zorian le laissa prendre l’orbe, peu inquiet. Daimen était un grand mage, mais il n’était pas Quatach-Ichl. Si Zorian désirait récupérer l’orbe, il récupèrerait l’orbe à la seconde où il déciderait d’agir, peu importait Daimen.

Ce dernier parcourut ses notes les unes après les autres d’une main, tout en triturant l’orbe de l’autre main, marmonnant de temps à autre pour lui-même.

— Quoi ? Ça ne peut pas être correct… Oh, je me souviens de ça. Je vais vérifier tout ça dans les mois à venir… Comment peut-il seulement savoir ça ? grommelait-il. Attends une minute…

Il ferma soudain la bouche et se mit à marcher en rond, comme un tigre en cage, lisant et relisant le même passage en boucle. Il finit par tourner sur lui-même, et revenir vers Zorian d’un pas agressif.

— C’est quoi, ça ?! demanda-t-il. Ai-je… Ai-je écrit tout ça ?

— Oui, confirma Zorian.

— C’est impossible… Je ne me souviens pas avoir un jour écrit ça, grimaça Daimen.

— Oui, confirma encore Zorian.

— Arrête avec tes oui ! éclata Daimen. Donne-moi une explication !

— Je ne peux pas, avoua Zorian en secouant la tête.

— Oh, allez, tu penses sérieusement que je vais croire que tu n’as aucune idée de la manière dont ces notes ont été écrites ? râla Daimen en agitant l’objet sous ses yeux.

— Je sais d’où elles viennent, bien entendu, expliqua Zorian. Je t’ai même aidé à les écrire. C’est juste que je ne peux pas te donner une explication.

— Tu m’as… aidé à les écrire ? répéta Daimen, perdu, avant de secouer la tête pour reprendre ses esprits. Non, en fait, ignore cette question. Pourquoi ne peux-tu pas l’expliquer ?

— Parce que des vies dépendent du fait que je le dise ou non, lui avoua clairement Zorian. Je sais que je demande beaucoup, là, mais s’il te plaît, fais-moi confiance. Les conséquences de cette révélation seraient vraiment terribles. Mon ami pourrait mourir. Je pourrais mourir. Cyoria toute entière pourrait mourir.

— Encore ça… répondit Daimen en serrant les dents. Cette… soi-disant invasion.

— Au bout du compte, tout reviendra toujours à ça, confirma Zorian en hochant la tête. Oh, et rends-moi l’orbe, je te prie.

Il tendit la main en direction de Daimen, et observa sa réaction. Daimen jeta un œil sur l’artefact, et sur Zorian, déchiré l’espace de quelques secondes.

Puis, il plaça l’orbe dans la main tendue et retourna sur le tronc, à nouveau plongé dans ses notes du temps futur.

— Je ne veux pas y croire, mais il y a… tant, là-dedans, finit-il par dire, la voix légèrement adoucie. Ces notes… Elles représentent des années de travail, et je ne m’en souviens pas. Ai-je vraiment perdu des années de ma vie sans m’en rendre compte ? Ce ne pourrait être possible. J’aurais remarqué quelque chose d’aussi gros, il n’y a pas moyen de retirer tant de souvenirs de la mémoire d’une personne sans rendre son passé et son présent… illogiques !

— Comme je te l’ai dit, je ne peux en parler, lui rappela Zorian.

— Je ne peux l’accepter, annonça Daimen, ne prenant même pas la peine de lever les yeux de ce qu’il lisait.

Zorian l’ignora.

— Tu es en danger, reprit-il. Toi, et les Taramatula. Au début, je voulais évacuer mes amis et Kirielle ici, pour les abriter de l’attaque. Malheureusement, mes ennemis ont eu vent de l’information. Maintenant, ils comptent attaquer les lieux pour mettre la main sur des otages et pouvoir me faire plier l’échine. Il faut que tu alertes les Taramatula et que vous vous prépariez pour l’attaque à venir, ok ?

Pour dire vrai, Zorian aurait tout aussi bien pu détruire le simulacre de Robe Rouge aussitôt son pied à Koth, mettant un terme à la possible menace. Cependant, il ne voulait pas le faire. Aussi sournois que ça en avait l’air, il sentait que faire gâcher temps et mana à Robe Rouge était préférable à lui couper l’herbe sous le pied. Une menace prévisible était bien préférable à une menace invisible.

— Alors, cette invasion est si puissante qu’elle atteint même Koth ? lui demanda Daimen en le regardant comme s’il était parfaitement idiot.

— Je t’ai déjà dit qu’ils ont accès à des portails permanents, pourquoi es-tu surpris ? lui renvoya Zorian, accompagné du même regard. Ils n’ont besoin que d’une personne pour construire un portail, et ensuite ? Eh bien ensuite, ils peuvent transférer leurs forces d’un point à l’autre du globe en quelques secondes.

— Et que veux-tu dire, quand tu parles de Kirielle ? N’est-elle pas avec les parents ? continua Daimen, ignorant la remarque de Zorian.

— Non, elle est avec moi, confirma Zorian.

Daimen fit mine de regarder alentour, jetant même un œil dans le tronc creux sur lequel ils étaient assis. Zorian leva les yeux au ciel.

— Je l’ai laissée à Cyoria, évidemment, dit Zorian d’un air des plus exaspérés.

— Tu l’as laissée seule pendant que tu voyages vers Koth ? renchérit Daimen, pas amusé du tout.

— Du calme. Ce n’est que pour quelques heures.

— Quoi ? Comment ça, quelques heures ? s’exclama Daimen. Voyager vers Koth prend des jours, même grâce à la téléportation !

— Nous parlerons de ça plus tard, ok ? tenta Zorian.

— Non, on discute de ça tout de suite ! Tout ça est totalement fou, ridicule et franchement, je commence à me demander si tu es bien Zorian ! lança Daimen, ne lâchant pas l’affaire, une flamme évidente au fond des yeux. Mon frère a quinze ans et il n’y a pas moyen qu’il se laisse entraîner dans un truc pareil. En fait, même s’il voulait participer à tout ça, il n’a pas les compétences pour ! Qui es-tu, et qu’as-tu fait de Zorian ?

Ce dernier resta silencieux l’espace d’un instant. C’était une bonne question, vraiment. En vérité, Zorian était mort au début du mois. Il avait volé son corps et son identité… Il était Zorian, mais il n’était pas ce Zorian. Il était un Zorian plus âgé, qui avait évolué depuis la dernière fois qu’il avait vu Daimen. Celui-ci n’était pas totalement en tort en le considérant comme un imposteur.

Si Daimen savait la vérité, le considèrerait-il comme son vrai frère, ou ferait-il de son mieux pour venger l’original ? Le Daimen marqué, dans la boucle temporelle, avait senti qu’il était juste de sacrifier sa vie pour que Zorian pût remplacer l’original, mais ce Daimen-là ne partagerait peut-être pas son point de vue. Ils n’avaient pas vécu la même chose, et leurs pensées pouvaient grandement différer.

C’était amusant, cependant. Des années auparavant, il n’aurait pas prêté la moindre attention à ce que Daimen pouvait ressentir ou considérer par rapport à lui et à ses choix. Maintenant, il constatait qu’il avait peur de son jugement, s’il devait un jour apprendre la vérité.

— Les notes, entre tes mains, dit Zorian en désignant ces dernières. Elles sont la preuve que des choses sont arrivées. Des choses dont tu ne te souviens pas. Aussi, est-il si surprenant que je sois différent de ce dont tu te souviens ? Je pourrais te faire voir quelques-unes de mes compétences, des compétences que tu m’as enseignées. Des choses mineures, bien sûr, mais qui ne pourraient cacher ton illumination en magie. Est-ce que cela pourrait te convaincre ?

— J’ai besoin d’une explication, insista Daimen en serrant fort le calepin dans ses mains, si fort que ses phalanges blanchirent aux jointures.

— Je t’en donnerai une à la fin du mois, concéda Zorian. Après le festival d’été.

C’était également amusant. Zorian avait utilisé cette excuse tant de fois, au sein de la boucle temporelle. La seule différence maintenant était que cette offre avait une valeur qu’elle n’avait jamais eue avant.

— Oui, après cette fameuse invasion, nota Daimen en grinçant.

— Oui. Comme je te l’ai dit, des vies en dépendent, insista Zorian à son tour.

— Tu attends de moi que je t’aide, sous une vulgaire promesse d’explication après que la tâche soit accomplie ? s’étonna Daimen.

— Non, soupira Zorian en secouant la tête. Tout ce que je veux, c’est que tu prennes mon avertissement au sérieux et que tu t’assures que les Taramatula prennent les dispositions nécessaires pour se défendre en cas d’attaque intense. Tant que tu survis à ce mois et que tu protèges la famille de ta fiancée de l’envahisseur, je considérerai ça comme un succès.

Daimen le fixa, colérique. Finalement, il se leva une fois de plus.

— Allons-y, dit-il à son petit frère.

— Où ça ? demanda Zorian, pris par surprise.

— À Cyoria, annonça Daimen comme si la réponse était évidente. Tu vas y retourner, n’est-ce pas ?

— Ouais, admit Zorian. Et tu veux y venir avec moi ?

— Il faut que je confirme certaines choses personnellement, expliqua Daimen. Et voir Kirielle, juste au cas où. Allons-y.

— Juste comme ça ? insista Zorian.

— Un problème ? demanda Daimen en fronçant les sourcils.

— Eh bien, ta fiancée et sa famille ne vont-ils pas s’inquiéter si tu disparais soudain pour plusieurs jours ? lui demanda Zorian en penchant légèrement la tête. Je veux dire, tu veux certainement leur expliquer où tu vas, avant que nous ne nous mettions en route.

Bien sûr, Zorian pouvait l’amener à Koth en quelques heures, mais Daimen ne savait pas qu’il pouvait ouvrir un portail entre ici et là-bas à volonté…

Bien évidemment, les yeux du grand frère s’écarquillèrent. Il se frappa le front à plusieurs reprises.

— Concentre-toi, concentre-toi… marmonna-t-il. Très bien, nous allons mettre ce voyage en suspens pour l’instant. Je… dois parler à certaines personnes d’abord.

 

___

 

 

Dans les profondeurs du Ziggourat du Soleil occupé par les Sulrothums se tenait une réunion étrange. Zach et Zorian se tenaient devant une gigantesque estrade de pierre sur laquelle se trouvait le feu sacré de la tribu. Le haut prêtre et sa garde d’honneur étaient debout devant les flammes, observant les deux nouveaux arrivants. Le feu de joie massif chatoyait et craquait d’une manière étrange et sinistre, envoyant lumière et ombres danser des gigues folles sur les murs.

Les deux camps étaient silencieux, s’observant l’un l’autre, et cela dura plus d’une minute complète. Finalement, le haut prêtre décida de briser la glace.

— Bienvenus, invités, dit-il. Nous vous attendions.

— Oh, vraiment ? demanda Zorian, curieux.

C’était plutôt inhabituel, leur visite étant totalement improvisée.

— Les Anges nous ont informés de votre venue, leur dit le haut prêtre.

Bien sûr. Zorian s’y était attendu, dans une certaine mesure. De façon assez amusant, les Anges n’étaient pas aussi enclins à contacter les organisations humaines. Par exemple, Zach et Zorian avaient entretenus des conversations secrètes avec le Triumvirat – ses représentants, pour être exact – et à aucun moment n’avaient-ils entendu que les Anges avaient contacté qui que ce fût pour que les négociations fussent plus faciles. Mais une tribu aléatoire de guêpes géantes au milieu du désert de Xlotic ? Ben oui, pourquoi ne pas leur envoyer des instructions ? Qu’est-ce qui les rendait donc si spéciaux ?

— Vous ont-ils informés de la raison de notre venue ? demanda Zach.

— Vous êtes là pour nous demander de l’aide, bien sûr, admit aisément le Sulrothum. Une grande bataille est sur le point d’être déclarée, forçant les alliés des Cieux à affronter un ancien mal.

— Heh… Ouais, c’est pour ça qu’on est là, confirma Zach.

— Nous acceptons, répondit immédiatement le haut prêtre.

— Aussi facilement ? se surprit Zach en levant les sourcils.

— Qu’y a-t-il de plus à dire ? demanda le prêtre sur un ton rhétorique. Seuls les lâches se désavoueraient d’une telle bataille. Combattre et mourir au nom des Cieux est glorieux. Vous comprenez sûrement ? Je peux sentir la marque des Anges briller et brûler chaudement en vous.

— La marque des Cieux… soupira Zach, amèrement. Hourra. Quel honneur.

Les yeux multifacettes du prêtre l’observèrent pendant deux secondes. Ses antennes vibrèrent, tentant d’interpréter le ton de ses mots.

— Les enfants ne comprennent souvent pas l’importance de ce que leurs parents tentent de leur enseigner, finit-il par faire remarquer.

— Et c’est censé vouloir dire que… ? demanda Zach, ennuyé par les métaphores.

— C’était une simple remarque. J’ai simplement réalisé que vous êtes plutôt jeunes en standards humains.

Le prêtre agita la main comme pour se débarrasser de la dernière remarque. Un geste très humain, au final. Zorian se demanda si les Sulrothums faisaient ça aussi, ou s’il était simplement assez connaisseur dans les coutumes humaines pour agir de la sorte.

— Nous vous remercions pour cette aide du fond du cœur, ajouta rapidement Zorian, coupant Zach alors qu’il comptait continuer à argumenter sur cette métaphore inutile. Si cela vous convient, nous aimerions discuter des plans de bataille.

— Avec plaisir, accepta le prêtre.

 

___

 

 

Dans une petite allée reculée de la périphérie de Cyoria, simulacre numéro deux était en train de peindre une image sur un mur. Une petite image abstraite de la taille d’une tête, ressemblant vaguement à un globe oculaire si on l’observait sous le bon angle.

Pour un observateur banal, il s’agissait d’un simple graffiti, nombreux et communs à Cyoria. La ville pullulait de jeunes mages, après tout, et ils utilisaient bien souvent leurs nouvelles compétences pour vandaliser les murs des bâtiments. Les sorts de peinture étaient d’un niveau basique, et littéralement chaque mage était capable d’en lancer.

Mais celui-ci était plus qu’un amusement coupable. Tellement plus. Après une demi-heure, le simulacre connecta avec prudence et soin les deux dernières lignes le composant, provoquant l’apparition d’une légère lueur bleutée, qui disparut presque aussi vite.

Après avoir observé son travail encore quelques secondes, simulacre numéro deux plaça sa main sur la surface du dessin, activa le sort qui y était inséré, et y plongea à l’aide de son esprit.

Presque immédiatement, une mer de soleils brillants naquit dans ce même esprit, tous connectés par une très dense toile de lumière. Son esprit accéléra d’un soleil à l’autre, ses sens et sa télépathie se manifestant au travers du réseau entier. Il y avait des sigles comme celui-ci un peu partout dans la ville désormais, et à travers eux, les pouvoirs mentaux de Zorian pouvaient englober presque tout Cyoria. Chaque bâtiment, chaque rue, tout était à sa portée. Il pouvait voir et envahir l’esprit de quiconque, du plus banal pigeon au mage le plus puissant…

Il retira rapidement son esprit, effrayé qu’il pût être repéré par quelqu’un. Tout ceci devait rester un secret absolu. Personne, pas même ses alliés les plus proches, ne devaient être autorisés à avoir connaissance de ce réseau.

Regardant la peinture une dernière fois, numéro deux acquiesça et s’en alla afin de placer d’autres répliques du même dessin, ailleurs. Quelques-uns allaient fatidiquement être trouvés et effacés par les autorités de la ville et les propriétaires des bâtiments, et en avoir créé plus que nécessaire allait s’avérer vraiment… nécessaire.

— Quatre-vingt-dix-neuf nœuds de télépathie sur les murs… L’un se fait effacer, nettoyer, annihiler… Quatre-vingt-dix-huit nœuds de télépathie sur les murs… chantonnait le simulacre.

Il avait un paquet de travail à finir avant la fin de la journée.

 

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Dans l’une des salles vides de l’Académie, Zorian et Tinami se faisaient face, assis sur des chaises en silence.

Enfin, au début.

— Tu es sérieux ? demanda-t-elle, incrédule. Tu peux me faire entrer en contact avec les légendaires Aranea ?

— Je ne suis pas sûr que je les appellerais légendaires, remarqua Zorian. Elles sont plus communes que tu l’imagines, et un peu banales une fois qu’on les connait mieux. Mais oui, je peux faire ça.

Il avait contacté Tinami de la même manière que par le passé, en répondant à sa demande d’instruction en magie mentale, afin qu’elle pût pratiquer ses talents de télépathie. Naturellement, au moment où elle avait fait l’expérience de ses compétences innées, elle avait voulu savoir où Zorian les avait acquises, et la conversation déboucha rapidement sur les Aranea.

L’intérêt de tout ça, bien sûr, était sa Maison Aope. Zorian voulait les inclure dans les préparatifs de l’invasion. Ils avaient eux-mêmes montré qu’ils pouvaient être pleins de ressources et très capables, la fois où lui et Lance de Résolution les avaient fait entrer dans le combat. La conclusion catastrophique de cette itération mise à part, les Aope avaient joué leur rôle à la perfection.

Il fallait espérer que les rumeurs de leur malchance n’étaient rien de plus que ça. Des rumeurs. Une superstition infondée. Que l’histoire n’allait pas se répéter. Après tout, la Maison Aope n’aurait pas atteint les sommets où elles se trouvait tout en étant réellement maudits par le sort…

Toute paranoïa exceptée, il prenait un risque en contactant Tinami ainsi. Pas parce qu’il pensait que la Maison Aope allait faire échouer leurs plans anti-invasion ou quoi que ce fût du genre, mais parce que l’attention sur sa personne allait s’intensifier. Officiellement, Zorian ne faisait que connecter la Maison Aope et les Aranea, et tout ce dont ils avaient parlé à côté n’avait rien à voir avec lui. Mais en réalité, les dirigeants de la Maison Aope ne pouvaient être naïfs à ce point, et avaler cette histoire. C’était un peu comme se poser un phare géant sur la tête et dire aux Aope qu’il fallait s’y intéresser de plus près. Pas exactement ce qui allait de concert avec ses plans, qui consistaient à faire profil bas une fois tout ceci résolu.

Pourtant, il ne pouvait rien y faire. La situation était précaire, et il avait besoin de toute l’aide qu’il pouvait se voir offrir.

— Tu sais, tu es plus intéressant que je le pensais, fit remarquer Tinami, l’air étrange.

— Euh… merci, répondit Zorian, l’expression également mal à l’aise.

— Pas de cette façon, clarifia-t-elle rapidement. Je veux dire que… tu descends dans les tunnels sous la ville, tu prends des leçons d’araignées intelligentes qui y vivent… Je n’aurais jamais imaginé que tu étais si… aventureux.

— Je vais prendre ça comme un compliment, décida Zorian après une petite pause.

— Ça l’est, confirma-t-elle. Au fait, comment se fait-il que tu manques tant de cours ? Tu sais que ça ne rend vraiment pas bien sur ton dossier, hein ? Même si tu es plus doué que tu n’en as l’air, tu devrais prêter attention à ta réputation.

— Ne me sermonne pas. On dirait ma mère, dit Zorian – ce qui n’amusa pas Tinami. Enfin, bref. Je suis vraiment occupé avec une affaire spécifique et je ne peux pas venir en classe. J’ai déjà prévenu mon mentor et il a confirmé qu’il n’y avait aucun problème. Je devrais être capable de reprendre les cours après le festival d’été.

À condition qu’il soit toujours en vie et que la ville ne soit pas un champ de ruine, bien évidemment.

— C’est ta vie, je suppose, accepta Tinami en haussant les épaules. Ces rendez-vous… Nous allons continuer, n’est-ce pas ?

— Bien sûr, dit Zorian. Autant que tu le souhaites.

— J’ai l’impression que j’en tire un bénéfice bien plus grand que toi, nota-t-elle.

— C’est un peu le cas, confirma Zorian. Mais j’apprends des choses également, alors c’est bon. Ce n’est pas un bénéfice nul.

Et il ne mentait même pas. Pratiquer avec elle lui donnerait peut-être une meilleure notion de ce qui était considéré normal chez un mage mental normal. Il avait l’impression que ça allait être une information cruciale dans un avenir proche.

Tinami répondit à cette affirmation par une expression étrange, cela dit.

— Quoi ?

— Rien. Rien du tout.

 

___

 

 

Dans les cieux surplombant la Maison Iasku, un bec-de-fer solitaire décrivait des cercles au-dessus de la forêt. Les hordes de ses congénères qui gardaient les lieux le remarquèrent bien vite et se mirent à le surveiller avec attention, mais pour le sentiment d’appartenance à la même espèce que cet étranger, ne l’attaquèrent pas.

Cet oiseau solitaire se trouvait être Zorian, transformé à l’aide d’une potion. Ce qu’il faisait était insensé, mais si ça pouvait fonctionner…

Il approcha lentement de la masse de becs-de-fer, la tâta à l’aide de son esprit et de son âme, chercha son dominant et ses maillons faibles. Sudomir et les envahisseurs les contrôlaient par chantage, ayant capturé leurs nids et capturés leurs congénères, mais ils ne les avaient jamais totalement convertis à leur cause. Les becs-de-fer étaient assez intelligents pour reconnaître ce qu’était une menace, et également pour se souvenir d’une rancune passée, surtout de cette envergure-là.

Pendant des heures, Zorian vola en cercles autour d’eux, leur parlant d’esprit à esprit, pervertissant subtilement et lentement la magie mentale utilisée par les Ibasiens pour contrôler ces oiseaux. Si n’importe qui d’autre aurait tenté le coup, une erreur aurait été impossible à éviter, et les mages ayant le contrôle des becs-de-fer dominants auraient fatalement été alertés. Mais Zorian était… doué. Trop doué pour passer aperçu aux yeux de ces mages.

Comme le temps passait, les becs-de-fer prêtèrent de plus en plus attention aux pensées et aux images dont leurs esprits se faisaient nourrir. Ils étaient immobiles et silencieux, mais leurs yeux brillaient d’une lueur malicieuse qui n’allait qu’en s’intensifiant.

Bientôt…

 

___

 

 

Le jour du festival d’été approchait rapidement. La plupart des préparatifs étaient terminés, mais il y avait toujours une petite chose de plus qui pouvait être finalisée, juste au cas où, et leurs actions devenaient de plus en plus frénétiques et désespérées tandis que la fin approchait. Peut-être était-ce simplement l’esprit de Zorian qui lui jouait des tours, mais il commençait à lui sembler que des gens qui n’étaient pas du tout concernés, comme Kirielle et Imaya, pouvaient sentir l’atmosphère lourde et s’en trouvaient plus sérieuses qu’à leur habitude.

Et comme la fin du mois était au coin de la rue, Zach et Zorian évacuèrent la plupart de leurs proches hors de la ville. Ayant déjà compris ce qui pouvait mal tourner dans leur plan initial incluant Koth, ils ne les rassemblèrent pas tous au même endroit comme ils l’avaient imaginé de prime abord. Au lieu de ça, ils choisirent cinq sanctuaires différents et les y répartirent. En plus de Xvim, Daimen fut également concerné, car il possédait suffisamment de relations et d’expérience pour faciliter le mouvement.

Son frère n’était toujours pas ravi de l’opacité dont Zorian faisait preuve, mais il sembla réaliser, vers la fin, le sérieux de la situation. Aussi avait-il accepté de coopérer jusqu’à ce que la situation fût résolue.

Après le festival, cependant, il allait définitivement venir voir Zorian et lui demander cette fameuse explication promise. Et il le fit entendre à plusieurs reprises, pour bien l’ancrer dans l’esprit du petit frère.

Malheureusement, l’évacuation ne fut pas totalement sans heurts.  Tandis que la plupart des personnes acceptèrent d’aller se mettre à l’abri lorsqu’on leur dit qu’il y allait y avoir une guerre à Cyoria, Taiven et Rea refusèrent d’y aller.

Dans le cas de Taiven, la raison était exactement celle que Zorian avait supputée. Elle voyait ça comme une opportunité majeure de prouver sa valeur plutôt qu’une situation trop dangereuse pour son niveau. Elle était un mage de combat totalement qualifié, après tout. Tout ce dont elle avait besoin désormais, c’était de l’expérience sur le terrain. Zorian le comprenait parfaitement, mais il savait également qu’elle était une amie proche, et que ses ennemis la connaissaient également, ce qui signifiait qu’elle allait se trouver être la cible de bien plus d’attaques que ce que ses compétences et sa réputation devaient le promettre. Ses capacités de combat, aussi impressionnantes fussent-elles, n’étaient pas suffisantes.

Était-il égoïste de ne pas le lui expliquer ? Probablement. S’il lui disait que les envahisseurs allaient la bombarder à cause de lui, cela ne manquerait pas de soulever tout un tas de questions, et certainement mener à des découvertes à son propos, ou pire, faire naître un sentiment de trahison et de haine à son égard.

Mais peut-être que l’éventualité de se faire détester à jamais valait le coup, si ça signifiait qu’elle survivrait à la fin du mois…

Quant à Rea, elle était sereine de voir sa fille et son mari hors de danger, mais elle refusait de s’y rendre elle-même. Elle expliquait son choix par sa confiance en ses compétences de combat, et le fait qu’elle devait protéger sa maison des pillards opportunistes. Ils étaient une famille très pauvre, qu’ils disaient, et leur déménagement vers Cyoria avait dilapidé toutes leurs économies. Si leur maison finissait détruite ou vidée, ils finiraient simplement ruinés.

Zorian se creusait la tête pour trouver un moyen de lui faire abandonner sa maison, lorsque Rea l’invita chez elle, de son propre chef. Il s’en trouva surpris, parce que ce n’était pas dans ses habitudes. Est-ce qu’elle avait découvert à quel point Zorian était impliqué dans tout ça ?

Lorsqu’il arriva finalement chez elle, cependant, il fut accueilli par une autre surprise : deux autres personnes étaient déjà présentes.

L’une d’elle se trouvait être Haslush, le détective qui lui avait enseigné les bases de la divination et qu’il avait déjà recruté dans ses efforts anti-invasion. Il lança un regard curieux vers Zorian, mais il n’y avait aucune trace de déjà-vu dans ses yeux. Il ne le suspectait visiblement pas.

L’autre, aussi choquant fût-ce, était Raynie. Sa camarade de classe tenait une tasse de thé, chaud et fumant, que Rea lui avait apporté. Ses doigts étaient aussi pales que son visage – elle avait l’air au bout de sa vie.

— Zorian ? Que fais-tu là ? demanda-t-elle.

— Je l’ai invité, répondit Rea à sa place.

— Lui ? C’est lui, le type qui pourrait m’aider ? lança Raynie, sans y croire. Mais c’est juste un étudiant ! Et il a déjà manqué tant de cours ! Que pourrait-il possiblement faire ?

— J’ai l’impression que monsieur Kazinski ci-présent est plus qu’un simple étudiant, nota Rea innocemment, en le regardant d’un air entendu. Dans tous les cas, pourquoi ne pas lui dire ce qu’il s’est passé ? Il saurait à quoi s’en tenir.

Haslush observa la situation calmement, scrutant la moindre réaction de Zorian en silence, en bon détective qu’il était. Zorian commençait à se sentir mal à l’aise au vu de la situation qui se profilait.

Raynie le fixa encore avec confusion pendant quelques secondes, avant de baisser la tête pour observer l’univers infini de sa tasse de thé fumante, d’un air abattu, comme si la réponse à tous ses problèmes s’y trouvait peut-être.

— Mon frère a été enlevé, dit-elle calmement.

Raka
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