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TheDAB : Chapitre 59

Chapitre 58

 

« Pardon ? De… De quoi parlez-vous, votre splendeur ? » Le doyen ne comprenait pas ce que faisait Shi Kun, dos tourné. N’osant bouger ou même se relever, il ne put simplement que constater le va-et-vient de Shi Kun entre le rayon de lumière et sa sacoche spirituelle.

Au bout du temps qu’il faut à quatre bâtons d’encens pour brûler, le geyser de qi ne faisait toujours pas mine de disparaître. Le doyen commença à froncer les sourcils, apeuré qu’ils ne manquent leur porte de sortie – avant de se souvenir que Shi Kun possédait assurément le moyen de s’échapper lorsqu’il le désirerait.

Aussi baissa-t-il à nouveau la tête et patienta longuement, à genoux et en silence.

Finalement, Shi Kun termina ce qu’il avait à faire et lorsqu’il eût imbibé tous ses fruits spirituels de cette puissance qui lui était offerte, il claqua des mains, satisfait.

« Parfait ! Lorsque je rentrerai, je vais être très occupé. J’en suis déjà tout épuisé. Ou peut-être est-ce parce que je viens de faire des efforts. Peu importe, ça doit être fait, je n’ai pas le choix si je veux m’assurer un avenir serein. Bien. Comment sort-on d’ici ? » Shi Kun se tourna vers le doyen pour lui poser la question, les yeux emplis d’une anticipation à peine dissimulée.

« C… Comment ? » L’homme agenouillé releva enfin la tête, étonné par cette demande soudaine. Pourquoi ? Pourquoi désirait-il entendre la réponse à cette question ? Il la connaissait déjà plus que probablement… « Me met-t-il une fois de plus à l’épreuve ? Je l’ai offensé, il veut voir si je suis digne ou non… »

Le doyen se releva lentement, toujours incliné. Une fois sur ses pieds, il leva les yeux vers le ciel pour fixer le point où le flot blanc et crépitant disparaissait comme par enchantement.

« Ici. Nous pouvons sortir, mais je ne sais pas où nous arriverons. Sans doute pas chez nous. » Il se tourna et observa la mer de qi qui les entourait. « Je pense que nous sommes dans un monde intermédiaire. Lorsque le qi disparaît de notre monde, il passe par ici avant de se rendre… ailleurs. Peut-être se volatilise-t-il simplement pour de bon. Je ne peux pas le savoir, et je ne le désire pas. Mais… »

Shi Kun leva la main par réflexe pour lui couper la parole. Il avait quelque chose à dire et avait peur de l’oublier en laissant le doyen terminer son explication. Naturellement, ce dernier ferma les lèvres respectueusement, comme si ce geste avait été un ordre divin.

« Attends… Un monde intermédiaire ? Mais alors, si nous suivons ce geyser dans l’autre sens, nous pouvons rentrer chez nous ? » Shi Kun esquissa un sourire en coin à l’idée de pouvoir enfin revoir sa terre natale. Puis, il fronça les sourcils en réalisant que le qi disparaissait du monde au sommet de la montagne impériale, s’il avait bien compris l’explication précédente. Dans ce cas, s’il remontait le flot du qi, se retrouverait-il à la montagne impériale ? Encore plus loin de chez lui qu’il ne l’était déjà ?

En voyant Shi Kun sourire légèrement, le doyen hurla de satisfaction intérieurement. Il avait passé le test avec brio ! Ce léger sourire signifiait sans doute qu’il y avait un piège dans lequel il n’était pas tombé. Fier de lui, le doyen bomba le torse avant de constater que Shi Kun fronçait les sourcils.

« J… J’ai oublié de préciser… Eh… Je… » Le doyen ne sut cependant pas que rajouter à ce qu’il venait de dire. Paniqué, il imagina Shi Kun très déçu par ce dont il avait fait montre. Il se vit déjà abandonné dans ce monde étrange et infini tandis que Shi Kun rentrerait chez lui, seul.

« Non, je… »

« Si on rentre dans notre monde… »

Tous deux ouvrirent la bouche en même temps et se coupèrent mutuellement la parole. Le doyen fut plus prompt à réagir cela dit. À l’instant même où il entendit parler de la possibilité de rentrer ensemble, ses lèvres se resserrèrent et il se tut. Shi Kun en profita pour continuer sur sa lancée sans même avoir remarqué que le doyen avait commencé à parler, lui aussi.

« …es-tu capable de me faire voyager jusque dans ma province de Jiaoju ? » Fier de son idée, Shi Kun bomba légèrement le torse à son tour, arborant un sourire qui racontait à quel point il était content de lui.

« Bien sûr ! Où que nous nous retrouverons, j’en fais le serment devant la terre et les cieux réunis ! » Le doyen sauta sur l’occasion. Elle était trop belle et il était hors de question de rester dans ce royaume spirituel intermédiaire et probablement infini. À ce moment précis, Shi Kun aurait pu demander ce qu’il voulait, la réponse aurait sans doute été la même, spontanée et irréfléchie.

« Ah ? Parfait, alors ! Je pensais qu’il allait être plus compliqué de te convaincre. Il faut croire que ma bonne fortune me sourit. » Shi Kun arbora un rictus qui ouvrait son visage presque d’une oreille à l’autre. Ainsi, il était désormais assuré de pouvoir rentrer chez lui sans avoir à se fatiguer !

C’’était sans doute la meilleure idée qu’il avait eue depuis fort longtemps. Depuis le début de son aventure loin de chez lui, tout du moins.

« Je pense que nous devons remonter le flot du qi pour sortir. » Shi Kun exhiba une évidence comme s’il venait de révéler l’avancée scientifique du millénaire. Le doyen le toisa d’un œil incertain, peu sûr de la façon dont il devait entendre et comprendre ces mots. Finalement, il secoua la tête et acquiesça.

« Bien entendu. Mais pas celui-ci, n’est-ce pas ? C’est ce que vous attendiez que je dise ? »

« Pas cel… Eh ? Pourquoi pas ? » Shi Kun ne comprit pas pourquoi ce geyser surpuissant ne pouvait pas être le bon. Le doyen, quant à lui, prit cette dernière interrogation comme un test de plus, destiné à lui permettre de révéler son utilité et il répondit avec empressement.

« Parce que comme vous avez dû le constater également, celui-ci n’a pas l’aura dégagée par notre monde. Il… Il vient d’ailleurs, sans doute. Si nous le remontons, nous ne rentrerons pas chez nous. »

« Pas chez nous ? Hmm… Nous ne prendrons pas ce geyser-là, dans ce cas. Mais alors, lequel ? »

Le doyen observa Shi Kun avant de se tourner lentement.

« Le flux de qi qui me rappelait notre monde sortait là-bas. Nous devrions aller attendre qu’il surgisse à nouveau. »

Mais bien sûr, le doyen lut dans les yeux de Shi Kun que ce dernier savait déjà tout ça et il n’attendit pas sa réponse pour se mettre en route, conscient qu’il avait raison et persuadé que Shi Kun suivrait. Bien entendu, Shi Kun suivit ; il n’allait pas non plus rester planté là à observer un geyser sans fin, coincé dans un monde duquel il avait enfin une chance de sortir. Il se mit à sourire en imaginant enfin rentrer chez lui. Il jeta un regard si empli de gratitude au doyen, qui allait faire en sorte de le faire voyager rapidement que celui-ci le sentit, dans son dos.

« Il me suit. C’est parfait. Il admet que j’ai raison. Et vu comme il semble satisfait en me regardant, je pense que j’ai passé le test avec brio ! » Le doyen explosa de rire intérieurement, totalement extasié par sa réussite. Il avait réussi à satisfaire les exigences d’un mystérieux disciple de la montagne impériale ! Et pas n’importe lequel… Le fils d’un puissant patriarche, rien de moins. « Lorsque je l’aurai amené là où il le désire… il parlera sans doute de moi à son père. Je pense que je peux attendre de grandes récompenses dans un avenir proche. »

Tous deux arrivèrent rapidement à l’endroit où le qi familier surgirait lorsque l’heure serait venue. Ils observèrent la mer blanche sous leurs pieds d’un air perplexe. Shi Kun fut le premier à lever les yeux.

« Combien de temps devons-nous attendre ? » La main sur le menton, il réfléchissait à la façon dont il allait découper le temps qu’il leur faudrait patienter. Sieste, puis un petit repas composé de fruits spirituels, ou de ce qu’il avait acheté au marchand en lui vidant son magasin ? Ou peut-être le repas d’abord, pour dormir paisiblement ensuite…

« C’est compliqué… » Il finit par laisser échapper à voix haute son incapacité à choisir. Le doyen se tourna vers lui, légèrement pris de court face à Shi Kun qui ne l’avait pas laissé répondre à sa question.

« En effet ! Je… J’allais le dire ! C’est compliqué ! Le… Le qi disparaît de notre monde approximativement tous les ans… Et nous pouvons supposer qu’il passe par ici à ce moment. Et nous venons de le croiser, il y a très peu de temps. Mais le temps coule-t-il à la même vitesse dans ce royaume spirituel ? Nous pourrions bien devoir attendre un jour comme nous pourrions rester coincés ici pendant cent ans. »

Shi Kun écouta l’explication et hocha la tête, compréhensif.

« Oui, on ne peut pas le savoir, en effet. Et je n’ai pas cent ans de victuailles sur moi. C’est un problème. Je n’aime pas vraiment avoir faim. »

Le doyen sentit une goutte de sueur perler le long de sa nuque face à la grimace de Shi Kun. Un test de plus ? Non, sans doute pas. Shi Kun semblait réellement dérangé par cette situation et peut-être… probablement essayait-il de mettre le talent du doyen à l’épreuve. Insinuait-il par là qu’il désirait le voir ouvrir le passage par la force ?

Le doyen n’attendit pas un souffle de plus et fit un geste incantatoire des deux mains avant de les plaquer sur la surface de la mer limpide et lumineuse.

« Ouvre-toi ! » Il cria et Shi Kun, qui ne s’y attendait pas, faillit en tomber à la renverse. Fort heureusement, il était habitué au déséquilibre provoqué, entre autre, par une consommation excessive d’alcool et parvint à retomber sur ses pieds, tout naturellement.

Sous ses pieds, la mer ondula, comme si un énorme poisson était sur le point d’en surgir d’un seul coup pour les gober tous les deux. Cependant, elle se calma aussitôt et reprit son apparence initiale.

« Hm… » Le doyen croisa les bras en transpirant légèrement. « Je ne suis pas assez puissant pour ouvrir le passage. »

Shi Kun haussa les épaules.

« Peu importe. Nous allons attendre. Et s’il faut attendre cent ans… » Shi Kun imagina le patriarche furieux de le voir rentrer après cent ans. Serait-il toujours patriarche, d’ailleurs ? « On peut même en attendre deux cent ! Ça me va ! »

Peut-être même qu’en revenant, Shi Kun n’aurait plus à effectuer ces missions obligatoires, cette règle stupide ayant été supprimée depuis longtemps.

« Oui. On va attendre. »

Au moment où Shi Kun s’installa jambes croisées sous le regard médusé du doyen, un crépitement résonna sous leurs pieds. Le doyen s’agita immédiatement.

« Là ! Le qi ! Il arrive ! »

Raka
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5 thoughts on “TheDAB : Chapitre 58

  1. Merci pour le chapitre!! De retour après 15 jours d’absence et je découvre un paquet de bonne histoire à lire. Merci et bon retour Raka.

    Je sais que tu as demandé les droits sur deux LN et j’espère que tu les auras. Au cas ou et même par pure curiosité je suis tombé sur Henkyou no Roukishi – Bard Loen. Le pitch « c’est un vieux chevalier connu et aimé de tous qui décide de prendre sa retraite et part en voyage trouvé un lieux ou mourir paisiblement…sauf bien sur que son histoire est loin d’être fini. »
    Je lis des Manga et novel depuis 20 ans et je dois dire que m’identifier à des héros entre 12 et 18 ans je commence à avoir du mal niveau imagination et expérience de vie. Et puis « Quand même, c’est classe les vieux. Ils arrivent, c’est hyper mystérieux. » ^^
    Si tu as du temps essai le. 

    Encore une fois et bon retour à toi et Shi Kun ! Merci encore

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