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Chapitre 114 – La taverne sous le château (1)

 

— Les géants de feu ? s’étonna Grorg, pourquoi désires-tu le revoir ?

Je sortis les restes de ma peau de mon sac, celle qui était tombée lorsque j’avais mué lors de mon combat étrange contre le capitaine de la garde.

— J’ai là ce qui me semble être un matériau de choix, expliquai-je, j’aimerais qu’il essaye d’en faire une armure.

Le chef des géants leva les sourcils.

— Une armure, insistai-je, et je pense qu’il est le seul à posséder une maîtrise de la forge suffisante pour ça.

Grorg haussa les épaules.

— Je l’appellerai mais il faut que tu saches qu’il va mettre plusieurs jours, peut-être plusieurs semaines à venir. Il y a, dans ces contrées lointaines où il habite, une réunion ancestrale à laquelle il est obligé de participer. Elle concerne… Oh, ne t’en fais pas pour ça, ce sont les affaires des géants. Je suis sûr que tu ne veux pas être importunée avec ça.

Et il avait raison. Savoir qu’il ne pouvait pas venir dans l’immédiat était suffisant. Je lui demanderais alors lors d’une prochaine rencontre.

D’ailleurs, j’étais toujours étonnée de la vitesse à laquelle ma peau avait retrouvé son aspect d’origine. Il ne lui avait même pas fallu une journée entière pour redevenir aussi douce et soyeuse que celle du bébé que j’étais.

Et je me surprenais également de savoir que j’avais mon ancienne peau, sur laquelle je pouvais encore discerner clairement mon visage et mes courbes, juste là, sous la main et que je n’en étais pas perturbée. Était-ce un effet secondaire de la compétence ?

Quoi qu’il en fût, j’avais désormais décidé de me remettre à la création de donjon. Telle était ma voie, telle était ma vie. J’avais repoussé la chose depuis trop longtemps et uniquement pour finir par échouer lamentablement dans ce que j’avais entrepris. Je me promis alors de ne plus m’éloigner du chemin que j’avais choisi d’emprunter et ce même si je devais le regretter plus tard.

[Niveau 62 / 362.955 crédits.]

Voilà ce qu’avait affiché le miroir lorsque j’étais revenu chez les géants. Je savais que ma Dame du lac avait tué un certain nombre d’explorateurs, surtout depuis que j’avais retiré la fontaine ; ils s’étaient alors aventurés bien plus facilement et nombre d’entre eux avaient même mis la main sur le coffre que j’avais fini par déposer entre les algues, tout au fond du lac.

— Le jeu en valait la chandelle.

Joc en avait profité pour me proposer une mise à jour du magasin, qu’il pouvait à nouveau utiliser. J’eus à peine le temps d’acheter par erreur un type de donjon appelé Taverne avant qu’il ne redevienne le simple Joc que je connaissais. Il m’avait tout de même extorqué plus de 75.000 crédits juste pour ça et je me demandais ce qui le rendait si extraordinaire pour justifier un tel prix.

— Peu importe. Il faut que je crée un autre donjon.

J’étais résolue. Je devais retourner sur Albion tous les jours pour le roi et je n’avais pas confiance en le donjon du lac : Lancelot pouvait finalement décider de m’y tendre un piège pour une raison qui m’échappait peut-être.

— Je me sentirais plus en sécurité avec un nouveau donjon.

Me retournant vers le miroir, je fis un signe de la tête à Friderik, qui avait décidé de rester chez les géants un moment afin d’y bouffer tout l’équipement qu’il n’avait pas eu le temps de se mettre sous la dent. Avec un peu de chance, il allait gagner quelques statistiques et ça lui plaisait bien.

De l’autre côté, je me retrouvai dans mon donjon sur Albion, près de Camelot. Je levai la tête vers le ciel, que je pouvais voir au-delà de la surface.

— Il est temps d’en finir. Finalement, mon idée n’était pas si bonne que ça. Les explorateurs ont fui ce donjon quand je pensais les arnaquer…

J’allai me placer sur la dalle de sortie et en souhaitant simplement l’anéantissement du donjon, ce dernier s’écroula comme un château de cartes. De mon côté, je me retrouvai une fois de plus téléportée chez les géants et expulsée de force du miroir d’obsidienne.

— Fiou. Je n’avais jamais détruit de donjon avant ça. Il y a bien eu ce moment où le système a… Brr…

M’en rappeler me fit frissonner de peur. Je ne voulais pas me retrouver à nouveau coincée dans un donjon en train de se refermer sur lui-même, à la vue de tous et incapable de sortir.

Secouant la tête, je fis immédiatement demi-tour et plongeai à nouveau dans le miroir. Je savais exactement ce que je voulais et où j’allais atterrir.

— Sous le château de Camelot. Dans un endroit inconnu de Lancelot. Dans un endroit où seuls quelques parias osent aller mais duquel je peux sortir aisément pour aller voir le roi en secret… Une crypte ? Des catacombes ? Des égouts ? Hmmm… Je laisse le soin au miroir de décider pour moi.

Le monde tourbillonna autour de moi dans une palette de couleurs vives avant de s’assombrir pour se reformer peu à peu. En quelques secondes, je me rendis compte que l’ambiance avait totalement changé : j’entendais de l’eau qui ruisselait et la pénombre m’obligea à attendre que mes yeux s’adaptent avant de pouvoir discerner le moindre caillou.

— Une grotte ? Bordel, et ça m’a l’air immense, soupirai-je.

J’étais dans une grotte gigantesque. Si je me fiais aux quelques rais de lumière qui entraient par des fissures dans le plafond, ce dernier devait être à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de ma tête. Un peu plus loin, une petite cascade sortait d’une paroi pour s’enfuir au loin.

— Il y a un truc pareil sous Camelot ?

Je m’aventurai quelques pas plus loin pour me rendre compte qu’il y avait ce que je pris pour une sortie : un petit couloir naturel qui remontait doucement vers la surface.

— C’est par là que je pourrai sortir ? compris-je.

Après tout, j’avais formulé une demande assez précise pour ne pas être déçue du retour.

— Mais avant toute chose, mon donjon. Je me fiche si des explorateurs peuvent y venir ou non. Le jour où je désire le fermer, j’en amènerai un moi-même, même si je dois l’y forcer.

Après tout, je savais qu’en remontant, j’arriverais au château, et je pouvais assurément compter sur Arthur pour me dégoter un volontaire pour être le seul et unique à terminer un donjon spécial, situé sous le château de Camelot. Non, je ne m’inquiétais vraiment pas pour ça.

— Hmmm… Autant tester la taverne, n’est-ce pas ?

Je m’avançai près de la paroi rocheuse. Immédiatement, elle s’ouvrit comme un rideau pour laisser place à une espèce de porte, d’arche naturelle derrière laquelle je savais qu’il existait déjà une grande salle, comme je l’avais imaginé.

Je fis un pas à l’intérieur pour changer le type de donjon en taverne ; à ma grande surprise, je n’eus pas besoin de refaire la décoration : Les murs se lissèrent, les sols se pavèrent et des chandeliers sous forme de lustres firent leur apparition au plafond. Des tables laissèrent place à des chaises, et un long bar côtoyait déjà des tabourets rustiques. Tapis en peau de bête au milieu de la pièce, épées, haches et boucliers accrochés au mur…

— …On se croirait dans la taverne d’un jeu de rôle. C’est génial, admis-je avec des étoiles dans les yeux.

Mais il ne s’agissait là que d’une grande pièce. Qui donc allait être le boss du donjon ? J’avais envie de laisser au donjon libre cours quant à sa création.

Sélectionnant prudemment parmi les créatures que je possédais, je finis par me décider pour l’Orc. Un gros tas de chair et de muscles grisâtre à qui il manquait quelques dents et qui aimait se battre. C’était bien, pour une taverne. Vraiment bien.

La bête de presque deux mètres apparut entre moi et le bar. Il regarda autour de lui une fois, deux fois, avant de commencer à se transformer.

— Oh, ça commence. Que vas-tu devenir, mon gros Orc ? fis-je en souriant légèrement.

Il ne changea pas énormément, à vrai dire. À peine plus grand, plus gros et même ses dents protubérantes, rappelant presque des défenses de phacochère, ne changèrent pas. Son accoutrement par contre…

〈 Orc’Grogar, le Tavernier Irascible – Niveau 199 ★★★ 〉

— J’ai créé un patron de bar ?!

Tablier à la hanche et chope de bière à la main, il m’adressa un sourire ravi.

— Bienvenue, chère cliente ! Oh, oh… Oh ! Mais c’est la patronne ! C’est elle, hein ? Ouais, c’est elle. Bienvenue, patronne ! Je vous sers quelque chose ?!

Il criait plus qu’il ne parlait, il grognait plus qu’il ne bavait et il bavait plus qu’il ne reniflait. Ou l’inverse. En fait, il faisait tout ça à la fois. C’était dégueulasse mais c’était le boss de mon donjon, la Taverne des Orcs.

— Attends, c’est quoi ce niveau ?! m’écriai-je d’un seul coup, réalisant qu’il s’agissait là d’un monstre totalement absurde.

Il ne pouvait en aucun cas être vaincu même par les 10 explorateurs de niveau 15★ autorisés à entrer en même temps dans le donjon ! Comment était-ce seulement possible de créer un machin pareil ?! Je secouai la tête plusieurs fois avant de lui poser la question, tout simplement. Après tout, Orc ou pas, avec un niveau pareil, il était plus puissant que les géants… Sans doute plus intelligent aussi.

— Pourquoi as-tu un niveau si élevé ? demandai-je.

— Gruh ? Un niveau ? Je ne sers ni veau ni aucune viande, ici, c’est un bar !

Bon, peut-être pas intelligent. Il restait un putain d’Orc. Mais qu’est-ce que j’avais fait ?! Comment avais-je pu ? Étais-je vraiment totalement libérée des contraintes de création, comme Joc et Pythagore me l’avaient affirmé ?

— Est-ce que les explorateurs qui vont entrer ici ont une seule chance de te vaincre ? soupirai-je tout bas comme pour me lamenter sur ma connerie.

Depuis que tout avait été chamboulé, je m’étais rendu compte que je ne pouvais plus supprimer mes donjons si ces derniers n’étaient pas conquis. Et il en allait de même pour les boss. Il était loin, le temps où je pouvais encore tuer un Tomte pour faire apparaître un Gobelin !

Je soupirai une fois de plus. Le tavernier me prit au mot.

— Me vaincre ?! Ha ha ha ha !

Il éclata d’un rire si puissant que les murs de la taverne vibrèrent. Mais le tout résista bien et mis à part quelques retombée de poussière qui se détachèrent du plafond, rien ne bougea.

Je me laissais choir sur une chaise tandis qu’il me répondait, après avoir fini de rire et essuyé une larme.

— Moi, pour me vaincre, il faut être meilleur buveur que moi ! Connais-tu quelqu’un qui en est capable ?! J’attends ça avec impatience ! D’ailleurs, celui qui y parviendra… Oui ! Il aura accès à la réserve d’alc… Oh… Patronne… Il n’y a pas d’arrière-boutique ?

* Facepalm *

Entre mes doigts, je parvins à lui adresser un regard et lui répondre.

— Non. Tu en veux une ?

Il hocha vigoureusement la tête.

— Ha ha ! Bien entendu ! Je pourrai y ranger des trésors pour récompenser ceux qui me vaincront ! Je garderai la clé sur moi, il faut verrouiller la pièce, hein, patronne ?

Et il n’était pas idiot, décidément. Allais-je oser lui dire que personne ne viendrait ?

— …

Il sourcilla une fois de plus.

— Il n’y a pas beaucoup de clients, aujourd’hui, lâcha-t-il l’air maussade et pensif.

Non, décidément, cet Orc était trop enjoué pour que je puisse lui dire qu’il allait rester seul jusqu’à nouvel ordre. Des explorateurs ne viendraient pas mais je pouvais toujours créer des clients. Ah, ça oui, je le pouvais.

Je levai la main pour créer la pièce dont il m’avait fait la demande. Un simple cellier situé derrière le bar et fermé d’une lourde porte de métal donc il récupéra immédiatement la clé. Dans cette pièce, naturellement, trois coffres. L’Orc désirait donner le choix à celui qui le vaincrait. Une histoire de plaisir, je n’avais pas tout compris.

Ensuite, en me concentrant bien sur ma tâche, je créai huit Orcs de plus. Tous de niveau raisonnable, cette fois ; situés entre les niveaux 90 et 99 et ne possédant aucune étoile, ils s’assirent immédiatement aux différentes tables et se mirent à rire ensemble. La bave volait dans tous les sens, c’était… dégueulasse. Encore.

Mais voilà.

— Tu as des clients. Tu vois ? Il fallait leur laisser le temps d’arriver.

Orc’Grogar éclata une nouvelle fois de rire en frappant son énorme ventre.

— Ha ha ha ! Bien vu, patronne ! Il fallait les attendre, voilà tout ! Maintenant, j’espère que l’un d’eux me lancera un défi ! Je n’attends que ça, vous savez !

Un des clients Orcs leva sa choppe en reniflant et en grognant et le patron s’empressa d’aller la remplir, me laissant là, totalement coite devant ce qui ne ressemblait sincèrement pas du tout à un donjon.

Pourtant… il allait bien falloir que je fasse avec. Et le jour où je voudrais le supprimer, j’allais alors devoir trouver un explorateur à la descente divine, au moins. Battre Orc’Grogar dans un concours de boisson ? Je n’osais imaginer son talent.

— Ce sera pour plus tard, dis-je en secouant la tête pour en balayer ces idées inutiles.

Pour l’heure, il fallait que je retourne voir Arthur. J’avais une livraison pour lui.

Juste avant que je ne ressorte de la taverne, j’entendis malgré tout un Orc, un des clients uniquement vêtu d’un sous-vêtement clouté et d’un casque ressemblant fortement à celui d’un croisé. Il s’était mis à hurler sur les compagnons à sa table après s’être levé.

— Groik ! Je reprendrai Orcsalem !

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 114

  1. Enfin le retour des donjons j’ai moins aimé les parties en tant qu’aventurière donc savoir qu’elle va repartir dessus je suis ravi !! Et bonne chance pour tes soucis Raka esperont que tu ailles mieux 😉

  2. Merci pour ce chapitre. Un croisé Orc ??? Mais c’est magnifique comme idée tout comme le coup du donjon qui fait office de bar x) ! Rien que pour ça, je redemande ce genre d’idées originales ^^.

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