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Chapitre 115 – La taverne sous le château (2)

 

— C’est quoi, cet Orc ? murmurai-je tout bas, pourquoi s’énerve-t-il ainsi ? Et pourquoi est-il différent des autres ?

[Orc’Geist le Croisé – niveau 80★]

[Créature – Orc]

[Force – 170]
[Constitution – 120]
[Dextérité – 80]
[Vivacité – 45]
[Piété – 85]
[Intelligence – 25]
[Charisme – 40]

[Compétences]

[Écrasement][Ralliement][Foi]

Son nom n’était pas écrit en doré comme celui du boss du donjon mais en violet, contrairement à tous les autres clients du bar à l’aspect normal. Se pouvait-il que par mégarde, ma création nonchalante eût donné naissance à un monstre épique ? Une espèce de mini-boss ? Mais alors, qu’avait-il à voir avec le donjon ? Ce n’était pas un tavernier, ni même un serveur… Un simple client un peu agité, voilà ce qu’il était.

Et c’était quoi, cette histoire d’Orcsalem ? Reprendre Orcsalem ?

Sans me laisser le temps de hausser les épaules et de quitter le donjon, il quitta sa table. Au travers des fentes de son bassinet argenté, je pus voir deux éclairs jaunes et comprenant qu’il me jetait un regard direct, je sentis mon corps se figer.

Je fus parcourue d’un léger spasme, tel un frisson incontrôlable et désagréable en le voyant approcher. Bien sûr, tout ça ne dura que l’espace d’une ou deux secondes et quand je me souvins que j’étais la créatrice de ce donjon et que j’avais tous les pouvoirs – y compris sur lui – je me détendis.

Et j’avais raison. Sans crier gare, ce monstre de plus d’un mètre quatre-vingt et bardé d’une armure bosselée, d’un bouclier accroché dans le dos et d’une masse à pointes à la hanche s’agenouilla dans un cliquetis.

— Ma Reine.

Reine ? Je ne…

— Je vais partir en croisade pour reprendre notre bien-aimée Orcsalem au lever du jour. Je profiter de cette nuit de délice pour boire jusqu’à n’en plus finir afin de ne rien regretter.

— Quoi ? balbutiai-je.

Je ne comprenais rien à ce qu’il racontait mais visiblement, il tenait à m’inclure dans son histoire. Et curieuse, je décidai de le laisser continuer. Après tout, ce n’était que la première fois que j’avais donné naissance à un monstre épique, doté d’une personnalité et – apparemment – d’une histoire propres.

Pendant que j’entendais les autres clients rire et renifler comme les Orcs qu’ils étaient, le tavernier distribuait des choppes en éclatant de rire comme s’il ne pouvait jamais être à court. Bien entendu, c’était sans doute le cas, merci la magie de création de donjon : il était coincé dans une boucle sans fin, attendant impatiemment – ou pas – l’arrivée d’un explorateur imprudent et nouveau compagnon de boisson.

— Ma Reine, reprit l’Orc à mes pieds sans relever la tête, est-il présomptueux de ma part de demander la bénédiction que vous pourriez m’accorder dans ma quête ?

Alors c’était ça. Il voulait que je bénisse sa croisade ? Je pouvais bien le faire, oui.

— Mon brave Orc’Geist, tu as mon soutien entier et indéfectible. Pars, et reprends Orcsalem… même si j’ignore toujours de quoi il s’agit.

L’Orc en armure bondit sur ses pieds d’un seul coup dans un fracas métallique,

— MERCI !

À ma stupeur la plus totale, il attrapa sa masse à pointes et se rua vers la sortie, derrière moi. Je m’attendais évidemment à ce que ça ne fonctionne pas, mais…

Il disparut.

— Qu… Quoi ? bafouillai-je.

J’étais toujours un peu perdue et ne comprenais pas où il était passé. Était-il sorti du donjon ?!

— Non, ce n’est pas possible… Il ne peut pas, fis-je en secouant la tête, Sans doute… un script ? Je ne comprends plus rien.

Mais je le suivis en courant pour être sûre de ce qu’il se passait dehors. Arrivé dans la grotte, je me rendis compte qu’il n’était nulle part en vue.

— C’est bien ce que je me disais. Il ne peut pas sortir.

Je fis demi-tour et pénétrai à nouveau dans le donjon, qui avait déjà dû se réinitialiser. Le tavernier était en train de servir ses clients en riant, la bière volait des choppes qui s’entrechoquaient chaotiquement tandis que les Orcs trinquaient et… juste là était assis Orc’Geist, à la même table.

— Je vois.

Lorsque je mis à nouveau le pied hors du bar, j’entendis sa voix maintenant familière crier qu’il allait reprendre Orcsalem et je pressai le pas pour ne pas lui laisser le temps de venir me demander une quelconque bénédiction.

De retour dans le silence froid de cette grotte souterraine, je me permis de souffler. Un léger nuage blanchâtre sortit de ma bouche et me rappela qu’il ne faisait vraiment pas chaud, dans cette grotte humide et ténébreuse.

— Allez, il est temps de monter livrer le roi…

Je me rendis directement vers l’entrée de ce petit tunnel que je soupçonnais d’arriver directement dans l’enceinte du château de Camelot. Si tout se passait comme je l’entendais, alors j’en aurais rapidement terminé et je pourrais alors faire ce qu’il fallait pour que mon donjon perdu dans cette espèce de cratère soit conquis afin de pouvoir le fermer.

— Après tout, je n’ai plus rien à faire là-bas… Le forgeron pense que je suis partie, sa femme ne veut plus me voir, et je l’ai mérité. Oui, je pourrai bientôt le fermer et ne plus en entendre parler.

Il allait falloir que je rende visite à un entraîneur de ma classe. J’avais pris énormément de niveaux et j’étais persuadé que j’avais accès à de nouvelles compétences de Paladin ; il fallait simplement que j’aille les apprendre auprès de la personne concernée.

— Mais ça attendra. Je le ferai à l’occasion, décidai-je.

Le tunnel était étriqué et raide, comme je m’y attendais. En une vingtaine de minutes, j’avais parcouru plusieurs centaines de mètres à la verticale sans doute. Il faisait de plus en plus chaud et je pus bientôt entendre des murmures incessants, comme une foule, ou…

Devant moi se dressa un mur de larges pierres.

— Un cul-de-sac ?

Ce n’était pas possible, la création de donjon avait été faite de façon à ce que je puisse facilement remonter dans le château. Y étais-je ? J’entendais clairement des discussions, juste là, de l’autre côté du mur.

— Une ronde de plus ? Certainement pas ! Je vais dormir.

— Tu feras ce qu’on te dit. Garret est malade et alité, il ne peut pas faire la tournée de nuit et toi… tu en as déjà manqué plusieurs. Tu vas le remplacer.

— Merde ! Je n’ai pas le choix ?

— Non. C’est un ordre. Allez, mon vieux.

Une ronde ? Des gardes ? J’étais bel et bien arrivé dans le château. Il fallait maintenant que je parvienne à ouvrir ce satané mur. Mais comment ? Et si j’étais arrivé dans la salle des gardes ? Je ne pouvais clairement pas espérer sortir, le sourire aux lèvres après avoir cassé leur mur, et demander comment allait la famille, n’est-ce pas ?

Je regardai autour de moi et vis qu’il y avait un autre passage étroit, juste à côté.

— Pas le choix, soupirai-je, il faut que j’essaye par ici. Peut-être y a-t-il une sortie camouflée.

Je longeai alors le mur et après une centaine de mètres, je finis par arriver devant un autre mur, fait de plus petites pierres cette fois. Il avait l’air plus fin et je pourrais peut-être simplement enlever quelques briques pour m’y faufiler.

De l’autre côté, j’entendis un râle. Comme si…

…quelqu’un se faisait poignarder.

— Aaaaah !

C’était sourd et exprimait quelque chose entre la douleur et la libération. Comme quelqu’un qu’on aurait achevé parce qu’il souffrait trop.

— Non… Ne me dis pas qu’ils ont tué le roi ?! Je… Je peux peut-être encore le sauver ! Merde !

Sans y prêter d’autre attention, j’enfilai mes armilles de frappe et envoyai quatre violents coups de poing sur le mur. Je sentis mes os vibrer et peut-être même se fissurer mais je parvins, sous le coup de la colère et de l’urgence, à exploser le mur dans un fracas de poussière.

Lorsque le nuage retomba quelques secondes plus tard, ce que je découvris devant moi entre deux quintes de toux me laissa pantoise.

— H… Hein ?

J’étais sur le cul.

Je me trouvais dans une espèce de grange, l’endroit où était entreposé la paille. Près du mur étaient posées deux fourches et je vis même une espèce de brouette rudimentaire. J’étais dans un endroit reclus du château de Camelot mais le plus important…

…c’était ce type et cette fille nus, couchés dans le foin, l’un sur l’autre, parfaitement immobiles et me regardant d’yeux de poisson stupide.

Merde ! J’étais arrivé en plein ébat entre deux servants ? J’avais surpris une relation interdite ? C’était quoi, le truc ? Pourquoi ici et pas dans un lit ?

— Merde, merde, merde… ! D… Désolée ! Je n’ai rien vu !

Avant de leur laisser le temps de répondre quoi que ce fût, j’avais déjà bondi hors de la grande pour me retrouver dans une des grandes cours intérieures du château. Il faisait nuit ; je pouvais clairement voir les gardes faire leur boulot et arpenter les chemins, torche à la main et épée au fourreau. Moi, je restai dans l’ombre pour ne pas me faire voir.

— Zut. Il faut que je trouve la chambre du roi, maintenant…

Raka
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