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Chapitre 116 – La taverne sous le château (3)

 

— Si je passe par là, puis par ici… Oui, murmurai-je tout en me glissant d’ombre en ombre, je reconnais les lieux. Je sais où je suis.

Arriver à la chambre d’Arthur n’allait pas s’avérer si compliqué que ça, finalement. Les gardes effectuaient des rondes régulières et prévisibles et en moins de ce qui me sembla être une bonne demi-heure, j’arrivai déjà en vue de la porte dérobée d’une tour du château. À l’intérieur, il y avait des escaliers en colimaçon qui allaient me mener directement à l’étage où j’allais trouver la chambre du roi.

— C’était du gâteau, mdr.

Je me surpris même à utiliser un terme qui n’avait pas quitté mes lèvres depuis ma vie précédente… Mdr ? Je me rendais maintenant compte que sur Terre, les jeunes du XXIème siècle avaient vraiment une façon de parler ridicule, finalement.

— Allez, cesse de t’égarer, ce n’est pas le moment, idiote.

Je perdais encore une fois le fil de mes pensées. Si je me laissais aller, je risquais de me faire découvrir par un g…

— Hé ! Qui va là ? Qui est là ?! Sortez de derrière ces tonneaux ! Vous croyez que je ne vous ai pas vu ?!

Et merde. Pourquoi fallait-il que ça se passe comme ça ?

Un putain de garde m’avait chopée alors même que j’étais à quelques mètres de la porte de la tour, dans laquelle je savais qu’il n’y avait aucune ronde. La porte était verrouillée et je devais faire sauter la vieille serrure grâce à ma puissance d’Architecte. Ou d’Exploratrice. Je ne savais pas trop. En frappant fort dessus, en somme.

Attends… Architecte ? Je baissai les yeux vers mes mains pour m’ôter un doute de l’esprit. Grands dieux, j’étais sous ma forme d’exploratrice, un petit réconfort dans cette situation de merde.

— Pour la dernière fois, sortez de là ! s’exclama le garde.

Ce dernier se tourna comme pour appeler du renfort et je savais que je ne pouvais pas le laisser faire. Il en allait de trop de choses, je ne pouvais sincèrement pas. Mais je n’avais pas non plus la capacité de le tuer. Ni même peut-être de simplement l’assommer. Après tout, il était garde au château de Camelot et j’avais eu l’occasion de constater que tout le monde là-bas était de haute facture.

Je levai les mains en m’écriant, juste avant qu’il n’appelle.

— Stop ! Je sors ! Je…

Je… ? Je quoi ? Qu’est-ce que j’étais censée dire, maintenant ? Ma gorge me parut plus sèche qu’elle ne pouvait l’être et fort heureusement, une fois debout, mon visage était totalement perdu dans la pénombre. Il faisait nuit et la torche qu’il tenait à bout de bras ne lui permettait pas de me reconnaître.

Je devais tenter le tout pour le tout.

— Je suis une simple servante, et je…

Est-ce que ça allait passer ? Il le fallait.

— …j’étais dans la grande, juste là-bas, tout là-bas… Nous flirtions, avec un des garçons d’écurie et…

J’eus l’impression de rougir. Je n’avais jamais touché un homme de la sorte et pourtant, j’étais en train d’en parler comme si je venais de coucher avec ce mec, là-bas.

— …et ? enchaîna le garde suspicieux et intéressé.

— …et après que nous avons terminé notre affaire, j’ai malencontreusement enfilé une vieille robe qui trainait là au lieu de remettre mon vêtement de servante. Maintenant… Maintenant, je me cache, j’avais peur qu’on me punisse.

J’essayai de me donner l’air coupable et honteuse, apeurée même. Visiblement, ça fonctionnait. Je portais ma toge d’architecte et le garde sembla tomber dans le panneau, sans rien perdre de son regard acéré toutefois.

— Je vois. Ce n’est effectivement pas un habit règlementaire pour une servante. Je comprends que tu te caches mais… Pourquoi ici ? Tu es assez loin de cette grange ! Tu aurais dû remarque ça avant !

Je ne savais pas si je devais répondre ou non à cette remarque et je choisis ultimement de l’ignorer. Au lieu de ça, je lui posai une autre question, timidement.

— Est-ce… Est-ce que je peux jeter ce vieux vêtement ici et retourner chercher mon uniforme ? Je… J’irai en sous-vêtements ! Je ne veux pas être vue avec cette horreur sur moi ! On dirait que je suis vêtue d’un rideau…

Le garde leva les sourcils et se détendit finalement. J’avais réussi à l’appâter. Son épée à moitié sortie du fourreau y retourna définitivement et il s’avança d’un pas.

— Mais je t’en prie. Je vais t’accompagner. Ainsi, personne n’osera te poser de question. Et tu vas me montrer où, dans cette grange, tu flirtais avec ce bouseux.

Hein ? Il voulait m’accompagner ? Moi qui comptais juste le faire fuir et repartir dans l’autre sens ! Merde, merde, merde ! Je ne pouvais plus refuser sous peine de tout casser !

— A… Avec plaisir… balbutiai-je.

— Allez, pas la peine d’être minorée ainsi. Si tu as couché avec ce bouseux, tu pourras bien m’apprendre deux ou trois choses, non ? Ha ha ha ! Ou alors, peut-être est-ce moi qui vais t’enseigner ce que ce gamin ne sait pas faire ? Ha ha ha !

Il voulait vraiment… ? Il me le disait ouvertement, comme ça ? Je savais qu’à cette époque, on était assez franc, y compris pour ce genre de choses mais là… C’était trop direct ! Cela dit, je n’avais plus vraiment le choix.

Allais-je devoir me taper ce type bien plus puissant que moi ?

Il s’avança encore d’un pas. Bien sûr, il voulait me voir de plus près et moi, comme une conne, j’avais dit que j’allais me foutre à poil juste là ! J’avais encore une fois sous-estimé les hommes, putain de bordel de merde de tous les dieux !

Je me mis à jurer intérieurement, maudissant la déesse de la chance que j’avais plus que probablement tué dans une autre vie ; mais comme d’habitude, elle ne répondit pas. Un peu forcée et sans trop réfléchir, je fis la seule et unique chose qu’il me restait à faire.

Je portai ma main à la ceinture de tissu qui entourait ma taille et la tirai doucement afin de la dénouer. Le garde me regardait d’un air avide. J’aurais presque juré voir de la bave couler de sa bouche entrouverte et légèrement souriante. Quel porc…

Prise par les évènements, je fis tomber la toge pour me retrouver devant lui, totalement nue. Rouge de honte malgré le fait qu’il ne pouvait toujours pas voir mon visage, je n’arrivai plus à articuler, pas plus qu’à bouger. Pourquoi donc ? Après tout, ce n’était pas la première fois que je me retrouvai ainsi… Il y avait eu cette fois, dans les sous-sols de cette secte… Friderik était venu me sauver et il m’avait vue, totalement offerte et entièrement nue. J’étais certainement habituée, désormais, non ? Pourquoi alors ressentais-je encore cette honte et cette colère ?

Mais colère ou pas, un garde plus puissant que moi était un fait capable de me forcer la main. Je me retournai – non pour lui exposer mon magnifique arrière-train mais pour aller vers la grange où il devait m’escorter. Quel autre choix avais-je maintenant que je m’étais fourré là-dedans ?

Je marchai lentement mais pas trop ; faisant semblant de chercher à éviter d’être vu par les autres gardes sous prétexte de la honte, ce qui faisait mon affaire finalement. Et celle du garde aussi, très sûrement : s’il était le seul à avoir eu vent de ma présence en ces lieux, il n’aurait pas à me partager avec d’autres.

Aussi me laissa-t-il prendre mon temps et observer les environs. Bien entendu, nous finîmes par arriver à destination et si j’étais persuadée que le couple que j’avais surpris à l’intérieur devait déjà avoir foutu le camp, je ne savais plus trop que faire.

Bien sûr, bien sûr. J’entrai. Je n’avais pas le choix. Je sentais le regard de ce pervers posé sur mon cul, il n’arrivait décidément pas à s’en détacher. Avait-il des envies encore plus perverses que lui-même semblait l’être ?!

Un frisson me parcourut l’échine. Rien que d’imaginer que je pourrais peut-être perdre ma virginité de cette façon-là me fit regretter d’être même venue à Camelot cette nuit-là. Tant pis pour Arthur, tant pis pour le donjon, pour les Orcs, pour…

Le donjon ?

Le donjon était évidemment une zone interdite aux êtres humains normaux. Je ne pouvais pas l’y faire entrer mais moi, je pouvais m’y réfugier avec aisance ! Ne me souciant pas des conséquences, je décidai sur-le-champ qu’il fallait que je fasse tout mon possible pour pouvoir descendre là en-bas.

C’était ma dernière porte de sortie. La seule solution que j’entrevoyais.

Je tournais donc vers la droite.

— C’est par là.

Mon ton était plus sûr, plus serein. Je savais que j’avais peut-être une chance d’échapper à ce mec… mais il fallait que je fasse vite et que j’agisse intelligemment. Bien sûr, j’avais défoncé le mur de la grange et s’il le voyait, il ne pourrait pas donner priorité à cette pauvre servante et à ses désirs charnels.

Je m’approchai donc de l’endroit que j’avais explosé et comme prévu, il hoqueta de surprise.

— Qu… ?! C’est quoi, ça ?

Il venait de voir le trou dans le mur, les planches au sol, les débris de bois dans la paille et il n’y avait aucune chance pour qu’il se fourvoie. Les lieux montraient clairement que quelqu’un – ou quelque chose – s’était introduit dans le château par ce trou en éclatant le mur.

Il se jeta en avant en me poussant sur le côté comme si je n’avais plus la moindre importance et sortit son épée de son fourreau en serrant les dents.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé, ici ?! Toi ! cria-t-il en se tournant vers moi, tu sais quelque chose !

Je mis mes mains devant moi en guise de négation.

— Non, non, je ne sais rien, je… je suis aussi choquée que vous ! affirmai-je rapidement. C… C’est quoi, ça ?!

Il plissa les yeux. Bien sûr, nous étions suffisamment proches l’un de l’autre pour qu’il ne puisse plus jamais oublier mon visage, désormais. C’était stupide mais il fallait que je fasse avec.

— Non… murmura-t-il en se tournant totalement vers moi, toi… Toi, tu sais quelque chose.

Et moi, j’étais là, à poil avec uniquement ma sacoche magique qui pendait à ma hanche. Bien entendu, je n’avais pas pu l’abandonner. Je l’avais gardée et il ne s’en était pas offusqué outre mesure. Je fis lentement descendre ma main vers l’intérieur de la sacoche pour chercher quelque chose qui pourrait me sauver au dernier moment. Le garde me regarda faire, plus curieux que suspicieux. Il s’attendait sans doute à ce que je lui sorte… quoi, une espèce de preuve ? Un schéma explicatif ? Un texte décrivant un plan de conquête du monde, qui commençait par le mur d’une grande du château ?

Dans la sacoche, mes doigts se refermèrent sur…

Oh… Merde. Mais oui.

…une lanière de cuir.

Putain, Duphine. Ai-je le droit de croire au miracle ?

Je sortis l’armure. Le garde ne comprit pas de quoi il s’agissait et pencha légèrement la tête avant de reprendre ses esprits.

— Tu fais quoi, là ? Tu vas venir avec moi immédiatement ! Nous allons discuter de ça avec Sire Lancelot ! Il est le seul à même de gérer une intrusion de ce type. Allez, suis-moi !

Il tenta de m’attraper par le bras mais je fis un rapide mouvement vers l’arrière, presque par réflexe.

— Je vais venir ! le rassurai-je, mais… mais laisse-moi enfiler des sous-vêtement, d’abord ! Je ne veux pas que Sire Lancelot me voit… comme ça !

Le garde hocha la tête.

— En effet. Au moins, pour une servante, tu as un soupçon de décence. Bien entendu, Sire Lancelot ne mérite pas de voir un corps de bas étage présenté ainsi !

De bas ét… Putain, sale con ! C’était ce que tu pensais aussi, quand tu bavais sur mon cul ?

Je ravalai naturellement ces mots qui faillirent jaillir de ma gorge. Je n’allais pas tout casser maintenant.

Je me hâtai d’enfiler l’armure de Duphine et garde ou pas garde, haut niveau ou pas, la magie fit étrangement son œuvre. D’abord dur, son regard se fit presque immédiatement doux, presque hagard.

— Eh, lui lançai-je rapidement tout en faisant un peu bouger ma poitrine de droite à gauche.

— O… Oui ? bégaya-t-il.

Il était clairement sous le charme. Il fallait que je fasse vite ; il pouvait reprendre ses esprits à tout moment et ça ne fonctionnerait pas une deuxième fois.

— Je vais aller voir Arthur et toi, tu vas oublier que tu m’as vu. Ok ?

Il secoua lentement la tête, malgré le charme.

— C… Comment oublier une déesse pareille ?

Il me regardait non plus avec envie et désir mais presque avec vénération. Il vénérait sans doute mes formes mises en avant par l’effet de l’armure mais qu’importait ? Par contre, il disait qu’il ne pouvait pas oublier ? Ça n’allait pas m’arranger, ça, par contre. Dès qu’il allait aller mieux, il irait tout balancer à Lancelot, je le sentais déjà venir.

Non, je devais m’occuper de lui. J’avais besoin de Friderik pour ça, il était le seul capable de venir à bout de ce garde. Et moi, je n’avais pas d’autre choix si je voulais pouvoir accéder incognito à la chambre d’Arthur. Bordel, pourquoi devais-je encore prendre une vie ? Peut-être que Friderik pourrait simplement le neutraliser, le temps que tout ça soit terminé. C’était ce que je devais espérer. Oui, ça allait se passer ainsi.

— Viens avec moi. Ne pose pas de question, lui intimai-je. On descend et tu vas m’attendre en bas.

Il hocha la tête, des étoiles pleins les yeux. Mais déjà, derrière cette lueur, un soupçon de raison perçait déjà dans ma direction. Il secoua la tête mais je le rappelai à l’ordre en lui attrapant le menton.

— Allez, murmurai-je à quelques centimètres de son visage.

Il hocha la tête une fois de plus et me suivit dans le trou du mur.

J’espère qu’une fois ce type hors d’état de me faire chier, je ne vais pas devoir recommencer avec un autre… Même si je suis certaine que c’est possible, ils finiront par remarquer leur absence. Et puis, je n’ai pas toute la nuit.

Quelques dizaines de mètres plus loin, il me héla.

— Eh ? Eh, toi ! Que… Qu’est-ce que tu m’as fait ?!

Il était déjà réveillé ? Merde.

Je me mis à courir, sans réfléchir, sans me retourner, sur le sol rocailleux, sans même me demander si j’allais tomber et me tuer. Je l’entendis aussitôt me prendre en chasse ; il ne voulait pas me laisser filer, ne sachant pas où ce tunnel menait. N’est-ce pas ?

Fort heureusement, son barda de garde le ralentissait et dans cette obscurité, j’étais plus agile que lui et au moins aussi rapide.

Il courut derrière moi, contrairement à ce à quoi je m’attendais initialement, jusqu’à la grande grotte sous le château, devant le donjon. Bien sûr, il ne se rendit sans doute compte de rien, la Taverne de l’Orc étant réellement bâtie comme la devanture d’une vraie maison à boire.

Je me jetai dedans sans même regarder par-dessus mon épaule. Au diable les risques, il pouvait bien aller raconter ce qu’il avait vu… Il fallait que je file. Allais-je devoir abandonner Arthur ?

Ma vie était plus importante que tout le reste, voilà ce qui me faisait avancer à ce moment précis. Je ne pouvais pas me laisser attraper par ce garde. Je ne pouvais pas être livrée à Lancelot. Ç’aurait été la fin de tout, assurément.

Dans le donjon, je vis ces visages familiers, le patron du bar, les clients, même l’Orc croisé qui se levait déjà en criant qu’il allait reprendre Orcsalem, avant de se jeter vers la sortie.

Je savais qu’il allait disparaitre dans l’encadrement de la porte, attendant le prochain reset du donjon – il serait à nouveau là lorsque tout se réinitialiserait.

Cependant et contrairement à ce que j’attendais, j’entendis un énorme bruit étouffé. Il avait percuté quelque chose dans un bruit sourd et venait de tomber dans un bruit métallique, roulant au sol dans son armure.

— Hein ? m’étonnai-je en me retournant.

Ce n’était pas normal. Qu’avait-il percuté ?

Je faillis tomber à la renverse pour me retrouver par terre à ses côtés, à rouler sans comprendre ce qui se passait.

Devant moi, juste en face de ce pauvre Orc’Geist le Croisé, se tenait ce garde qui me poursuivait quelques secondes auparavant. Il se frottait la tête et il…

…était dans le donjon.

— Qu… Quoi ? J’ai pourri le système à ce point… ? Putain de merde, Joc… T’es un génie.

Je m’avançai vers ce pauvre garde qui se relevait déjà en me regardant d’un air menaçant.

— Alors, tu ne peux plus fuir, hein ?! Tu vas venir avec moi, que tu le veuilles ou non !

Mais sous mes ordres silencieux de patronne des lieux, une dizaine de clients, des Orcs plus grands que moi et avec des carrures d’armoires, se levaient déjà, l’œil mauvais.

Orc’Geist également était déjà débout, casque sur la tête, les yeux luisant dans la fente sombre ; il se mit à grogner tout bas en direction du pauvre intrus malvenu dans la taverne.

— Qui va suivre qui ? Toi, tu sais qui a pris Orcsalem ? Oui, toi, tu sais…

Raka
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10 thoughts on “DMS : Chapitre 116

  1. Je pensait qu’il y avait un accord tacite entre Lancelot et le MC. qu’elle fournirait le vin pour qu’Arthur ne devienne pas fou et donc En échange Lancelot la laisse faire. C’était pas sa ? Je comprends pas pk elle a si peur de Lancelot avec cette atouts dans sa manche.

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