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Chapitre 137 – Camelot en danger (6)

 

 

— Tu as fini ta ronde ? demanda un jeune garde anonyme à celui qui venait de rentrer d’un tour de surveillance sur les remparts du château. Si tu prends ma place, je pourrai aller manger quelque chose.

— Hm, grogna le nouvel arrivant en hochant la tête. Va.

Le jeune garde, une vingtaine d’années tout au plus, arbora un large sourire et se détendit enfin. Cela faisait des heures qu’il était debout là, devant l’une des granges du château de Camelot, celle-là même au fond de laquelle se situait l’entrée d’une immense caverne souterraine située loin sous la ville. Depuis que l’existence d’un donjon sous le château était avérée, les autorités du château faisaient garder les lieux afin que n’importe qui ne put pas s’aventurer dans un donjon sans autorisation – surtout celui-ci, qui était bien plus qu’étrange et impossible à conquérir.

— Alors je vais manger un peu. Je suis debout là depuis toute la journée et je n’en peux plus. Il fait nuit, maintenant. J’ai faim.

— Arrête de bavasser et va donc, lâcha l’autre sans un sourire.

Plus vieux et plus dur, ce dernier n’en était pas moins aux petits soins avec la nouvelle recrue qui lui servait de partenaire de garde depuis plusieurs jours. Emerick McCornal, garde depuis plus de 35 ans, en avait vues des vertes et des pas mûres : des tentatives de rébellion étouffées dans l’œuf jusqu’aux campagnes contre les monstres de la forêt pour les plus inoffensifs et dans les montagnes pour les plus dangereux, sa carrière était aussi pleine qu’elle pouvait l’être. Cela dit, il savait que l’âge de la retraite approchait et qu’il ne pourrait plus faire ça bien longtemps ; il fallait qu’il forme un nouvel élément afin de lui transmettre tout ce qu’il savait.

Et ne pas parler pour ne rien dire en faisait partie.

— Oui, je… oui. Je file, dit le jeune homme en baissant la tête, avant de prendre ses jambes à son cou en direction de la caserne.

— Et sois toujours fier de ce que tu fais, même quand tu as fini ton poste ! cria Emerick, en espérant que sa voix serait suffisamment portée par le vent frais pour atteindre les oreilles de son jeune poulain.

Décidément, la vie était de plus en plus facile pour la jeunesse. Lorsque ce gamin était arrivé pour s’engager au château, il sortait à peine du cocon familial, il n’avait rien vécu de la vie et ne possédait aucune expérience notable des combats réels. Au même âge, Emerick avait déjà tué huit ou neuf fois pour se défendre… Le royaume n’était pas encore sorti d’une période mouvementée dont il ne se souvenait pas avoir jamais entendue la raison.

— Si ça continue comme ça, la prochaine génération ne sera même pas capable de soulever une épée, maugréa encore le vieux garde. Encore un peu, et notre travail n’aura plus aucun sens. Si les paysans se révoltent aujourd’hui, ce n’est pas ce gamin qui va leur tenir tête, ça non…

Emerick soupira profondément. Mais la vie était ainsi faite, les choses changeaient et les gens évoluaient. Si le pire devait arriver alors le pire arriverait.

— Je pense que mes jours dans cette armure sont révolus… comprit soudain Emerick. J’ai l’impression de ne plus avoir ma place dans ce monde. Je… suis de l’ancienne école, après tout.

Un soupir plus tard, il réalisa qu’en son cœur, il avait déjà sa décision. Il déposerait sa demande dès le lendemain matin – le bureau de l’intendance était fermé à cette heure tardive et personne n’y serait pour recevoir une lettre de sa part.

Il posa sa main sur le mur de la grange.

— Tant d’années à arpenter ce château, à participer à tout ce qu’il représentait… Gloire, réussite, renommée… N’était-ce pas un tout petit peu grâce à mon travail ?

La nostalgie faisait surface. Ce n’était pas un sentiment acceptable pour un militaire, Emerick le savait bien. Un soldat se devait de toujours rester froid et distant. Toujours fidèle aux ordres, dussent-ils être sans cœur.

Emerick soupira une fois de plus.

— À quoi bon tenter de conserver encore une façade si impénétrable ? Ma carrière est terminée, désormais et je… hmm ?

Le fil de ses pensées fut coupé par un tremblement, sous ses pieds. Léger, sans importance mais inhabituel.

— Un tremblement de terre ? Non…

Le château de Camelot était enchanté. Des sorts divers le protégeaient de ce genre de dégâts environnementaux. Il ne pouvait pas, pour commencer, exister le plus petit séisme en son sein.

Pas de manière naturelle, en tout cas.

Et les années de carrière d’Emerick avaient développé son instinct, sa capacité de jugement immédiat, et lui sauvèrent sans aucun doute la vie à ce moment précis.

Ignorant pourquoi, il se jeta en avant, roulant au sol sous le claquement métallique de son armure et les craquements de ses vieilles articulations. Il se releva tant bien que mal et alors qu’il reprenait son équilibre en se demandant bien pourquoi son corps avait bondi d’instinct, le mur de la grange explosa. Si le vieux garde s’était toujours trouvé là où il était trois secondes plus tôt, il ne faisait nul doute qu’il aurait fini sa carrière broyé sous la pierre.

Une pluie de pierres vola dans toutes les directions en autant d’éclats et de projectiles. Si Emerick n’avait pas porté son armure à ce moment, sans doute aurait-il terminé sa vie sous ce torrent capable de briser les os et percer les organes.

Il perdit l’équilibre sous le coup de la surprise et des impacts et roula une fois de plus au sol. La douleur était bien là, et elle était atroce. Il savait à quoi elle était due, cela dit. Il venait sans nul doute de se briser le bras en tombant à la renverse. Il ouvrit les yeux en continuant à serrer les dents et vit un nuage de poussière et de gravats qui masquait totalement la grange.

Il aurait pu croire à une attaque ennemie, une bombe magique ou tout autre dispositif visant à infliger des dégâts à Camelot, mais il n’eut même pas le temps de formuler cette pensée dans sa tête. Au beau milieu de ce nuage de fumée et de poussière, il vit apparaître deux points rouges flamboyants.

Emerick n’était pas idiot, et il en avait vues, des choses, dans sa vie… La hauteur, l’espacement, le mouvement de ces points rouges…

— Des yeux de monstre… ? Ici, au château ? C…Comment… ? bégaya-t-il tout bas.

Il n’y avait que l’immense caverne vide, sous la grange. Des battues avaient été organisées aussitôt son existence confirmée et nul monstre n’y avait été trouvé. D’où venait celui-ci ?

La fumée et la poussière retombèrent peu à peu et dévoilèrent la silhouette haletante et agitée d’un Orc.

Un Orc ?! Bordel ! Un orc DANS le château ! Il faut que je sonne l’alarme !

Un telle créature était dangereuse, dans le meilleur des cas. Dans la plupart des autres situations, elle était catastrophique, ou pire. Un Orc assez puissant pourrait facilement mettre le château à feu et à sang avant d’être finalement maîtrisé, car les défenses étaient toutes dirigées vers l’extérieur. Une telle intrusion était impossible alors l’intérieur même du château n’était absolument pas protégé !

Mais Emerick savait aussi que s’il bougeait, il était mort. Les Orcs étaient, par nature, attirés par toute proie vivante et mouvante. Celui-ci était étrange et ne présentait pas une apparence naturelle, mais il restait un Orc et le risque n’était pas permis.

Aussi Emerick joua-t-il le mort, yeux grands ouverts et fixes, en direction de la grange. Si le monstre pensait qu’il était mort dans l’explosion du mur, il laisserait son corps tranquille. Les Orcs n’étaient pas charognards par défaut et celui-ci semblait bien trop énervé pour avoir envie de pique-niquer, de toute façon. Que cherchait-il ?

L’orc tournait frénétiquement la tête de droit à gauche en humant l’air, comme s’il poursuivait une proie qui se serait échappée quelque part dans les environs et qu’il se savait capable de la retrouver en suivant son odeur.

Le visage déformé par la colère et la fureur, l’orc s’élança en avant après d’un pas lourd qui fit trembler le sol une fois de plus, après avoir décidé d’une direction à suivre. Emerick put le suivre des yeux pendant un moment sur un fond de ciel nocturne, les vapeurs qui s’échappaient de sa bouche dans la fraîcheur de la nuit disparaissant en un sillage éphémère, annonciateur de mauvais augure.

Lorsqu’il fut certain que l’orc était assez loin, il se remit hâtivement debout dans une nouvelle série de craquements – ses vieux os qui lui rappelaient son âge – qu’il s’empressa d’ignorer pour courir en direction de la caserne. La première personne à prévenir était son supérieur, l’officier de caserne qui transmettrait le message à qui de droit au-dessus de lui. Une telle catastrophe… Sans doute Lancelot allait-il être mis au courant. Agirait-il en personne ? Emerick ne voyait personne de mieux placé que lui pour affronter un orc en combat singulier.

Ou alors… allait-il tenter de lui tendre une embuscade ? Les orcs n’étaient jamais très intelligents par nature et même le plus malin d’entre eux tombait dans n’importe quel piège évident si l’on y glissait un morceau de viande fraîche.

Emerick secoua la tête tout en courant. Non. Son expérience, son instinct, ses tripes, tout lui disait que cet orc-là était spécial. Il n’était pas accoutré du pagne de peau qu’on connaissait aux orcs, il ne brandissait pas cette énorme massue qui n’était qu’un morceau de tronc noueux et surtout… surtout, il dégageait une aura terrifiante, bien plus alarmante que celle de tous les orcs qu’il avait été amenés à chasser lors des missions organisées par le château.

Non, celui-là ne tomberait pas dans un piège. Il était là pour une raison précise ; il n’était pas perdu, voilà ce dont Emerick était persuadé, désormais.

Il entra dans la caserne comme une furie en enfonçant la porte sans même prendre le temps d’en abaisser la poignée. Cette dernière s’arracha sous la force de l’impact et plusieurs gardes, dont l’officier de caserne et le jeune poulain d’Emerick en train de mâcher une miche de pain, le regardèrent d’un air étonné.

— O… Officier, haleta Emerick, hors d’haleine, un orc… Un putain d’orc…

Il ne parvenait à aligner les mots qu’avec grand mal et l’officier de caserne, un grand type musclé et plus jeune que lui qui avait obtenu ce poste le jour où Emerick l’avait refusé, se leva pour aider son vieil ami et collègue à reprendre ses esprits.

— Qu’y a-t-il, Emerick ? demanda-t-il après quelques secondes. Je ne t’ai jamais vu si pani…

— Il y a un orc dans le château ! s’écria le vieux garde. Un orc !!

— Un orc ? répéta l’officier, incrédule, rapidement imité par des chuchotements entre gardes. Mais… Explique-toi vite. As-tu trop bu ? Je croyais que tu n’aimais pas l’alcool.

— Je n’ai rien bu, officier. Rien ! Je montais la garde devant la grange, et le mur a explosé, m’envoyant presque retrouver mes vieux parents de l’autre côté… et un immense orc en est sorti ! Juste comme ça, comme je suis arrivé dans la caserne, il est sorti de la grange par un trou dans le mur !

L’officier n’eut pas besoin d’y réfléchir plus de quelques secondes.

— À quoi ressemblait ton orc ? demanda-t-il avec l’air de quelqu’un qui n’osait croire lui-même la réponse qu’il s’attendait à recevoir.

Emerick secoua la tête comme pour tenter de se convaincre qu’il n’avait pas rêvé.

— Il est grand, très grand. Il ne porte pas le pagne usuel des orcs… Il est habillé comme… Je ne sais pas, comme un cuisinier, ou un serveur… Ne me dis pas que… réalisa soudain Emerick en écoutant sa propre description.

— …le patron de la taverne souterraine… ?

— Mais comment ?

— Peu importe, coupa l’officier. Nous ne pouvons pas nous demander quelle magie est à l’œuvre. Si c’est bien lui, alors l’heure est extrêmement grave. Par où est-il parti ? Vite !

— …vers la ville, soupira Emerick en regardant déjà filer ses rêves de retraite.

Raka
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13 thoughts on “DMS : Chapitre 137

  1. Salut tu a fais deux fautes je crois tu a mis le mot grande au début du chapitre pour grange et par la suite tu as du plusieurs fois ogres alors que une fois tu as mis Orc alors il faut choisir c’est un Orc ou un ogre ^^ comme toujours merci pour le chapitre ^^

      1. Ah ducoup c’est un ogre ou un orc ?? Je croyais que c’était un ogre. Ah oui à la fin ils disent que c’est un orc

  2. Yes, merci pour le chapitre !
    Je me demande s’il y a beaucoup de sorts dans la rubrique.. heu, disons « Sorts Divin », style celui du Contrôle mental, celui des abysses ou Justice.
    Hum, vivement d’en savoir plus sur l’origine de tous ces mécanismes ma foi bien sympathiques.

      1. Ah Merci pour la précision.
        En effet, mon erreur d’interprétation est surement due au côté salvateur démesuré qu’avait eu la compétence à ce moment là. Mais en regardant de plus près en effet, la différence se ressent.

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