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Chapitre 27 – Une nouvelle façon de voir les choses (4)

 

Le sud de la ville était vraiment différent du centre. Un tout nouveau monde avait l’air de s’ouvrir à peine l’arche du quartier dépassée. On se serait cru dans une nouvelle ville, mélange parfait et harmonieux d’un monde de fées celtique et de ruines grecques dédiées aux dieux. Même si les dieux en question étaient représentés par des statues de différents monstres maniant des éclairs, du feu et d’autres choses que je n’arrivais pas à définir.

Dans cette partie de la ville, il y avait également des Architectes. Mais comme s’ils étaient totalement différents de ceux que j’avais croisés jusqu’à présent, leurs toges étaient bariolées, bleues, rouges, vertes, jaunes, …La mienne était toujours d’un blanc immaculé.

Les voyant flotter à quelques centimètres du sol et filer comme le vent vers des destinations inconnues, occupés comme des courtiers en bourse lors d’un jeudi noir, je ne me sentais pas à ma place. Comme si… Comme si tout ce quartier n’était vraiment pas fait pour moi. Ou peut-être comme si je ne connaissais simplement rien de tout ça.

J’arrêtai un type volant, sa toge claquant derrière lui alors qu’il fonçait vers moi et qu’il s’apprêtait à me dépasser.

 Eh. Eh, oh, s’il te plait ! 

Il se retourna, surpris, et ses pieds touchèrent le sol tout naturellement.

 Oui ? C’est moi que tu appelles ? 

Il était plus grand que moi, et bien que sa peau et ses deux cornes définissaient bien sa nature, il avait l’air vraiment gentil. Son regard était profond et je pouvais presque y lire la générosité de toute une lignée. À croire que j’avais arrêté la bonne personne et qu’il allait même proposer de me faire visiter le quartier.

 Oui ! C’est à toi que je parle ! Merci de t’être arrêté ! Est-ce que… 

Son visage se durcit.

 Tu te fous de moi, ou quoi ? Tu ne vois pas que j’étais pressé ?! Je n’ai pas que ça à faire de discuter avec une toge blanche qui s’est perdue loin de chez elle ! Retourne donc au centre de la ville et continue à vivre ta petite vie ! Idiote ! 

Il se retourna sans un autre regard et repartit de plus belle vers une destination qui l’attendait visiblement avec impatience. Merde ! J’étais là, complètement incapable d’articuler. Je m’attendais à tout sauf à ça.

Une voix dans mon dos me sortit de ma transe.

 Ha ha ha. Tu t’es perdue ? Je t’ai vue te faire rembarrer par ce type. C’est normal, ne t’en fais pas. 

Je me retournai aussitôt que je compris qu’on s’adressait à moi, tout ça pour voir un autre mec, rouge et cornu, drapé d’une toge jaune et rouge. Il était mignon, pour un diablotin, les traits de son visage respiraient la candeur et la grandeur en même temps.

 Euh, bonjour ? 

Il m’adressa un sourire satisfait.

 Et en plus, une fille. Ma journée est parfaite. Mais dis-moi, qu’est-ce qui t’amène dans le quartier des Savants ? C’est rare de voir une toge blanche se perdre ici. 

 Eh bien, je… 

Friderik était caché dans un pli de ma toge. Evidemment, il ne s’en plaignait pas – loin de là – et sa présence donnait l’impression que je possédais un bonnet F, au moins. Le nouvel arrivant sembla s’y intéresser de près, et me coupa la parole.

 …Ouah ! En plus, tu es vraiment bien roulée ! 

 … 

Ben voyons. Moi qui pensais qu’il allait être gentil et poli, deuxième déception du jour. Les types de ce quartier étaient vraiment tous des abrutis imbus d’eux-mêmes, ou quoi ? Mais c’était lui qui m’avait adressé la parole, et je voulais juste savoir où me rendre. Aussi décidai-je de ne pas relever son affront.

 …Où puis-je acheter des magies ? 

Ma question était directe et simple. J’espérais simplement qu’il me réponde et s’en aille. Décidément, je ne voulais rien avoir à faire avec les gens d’ici. FeiLong me manquait, d’un seul coup. Et l’autre idiot de Krahn aussi, d’ailleurs. Je préférais mille fois avoir affaire à lui qu’à ces types qui se prenaient pour le centre du monde – même si c’était un point qu’ils avaient en commun, eux le faisaient de façon plus que dédaigneuse.

 Des magies ? Acheter des magies ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? 

 …Le type de la boutique de donjon m’a dit qu’il fallait que je me rende dans ce quartier pour acquérir de la magie. Voilà tout. Je suis là alors dis-moi où puis-je aller pour ce faire ? 

Il mit les mains sur ses hanches, pour m’observer pendant quelques secondes de plus. Evidemment, il ne me regardait pas dans les yeux, mais bien plus bas.

 Tu ne peux pas acheter de magie. Qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? La magie est un luxe, une récompense. Il faut que tu te la procures par toi-même. Personne ne va te l’enseigner comme ça. Tu ne sais donc pas comment fonctionne le monde, ma pauvre ? 

Ma pauvre ? Mais pour qui est-ce qu’il se prenait, lui ?

Tandis que je cherchais quelque chose de bien senti à lui répondre, un duo d’aventurier entra dans mon donjon. Il s’agissait de deux visages inconnus. Aussitôt, je ressentis le besoin de me dégager de ce type face à moi, encore un peu et il allait baver à force de regarder vers mon décolleté.

 Bon, tant pis. Tu ne veux pas me répondre alors salut. Tu peux aller vivre ta vie. 

 Vivre ma vie ? Ha ha, mais crois-tu que j’ai envie de vivre ma vie quand je tombe sur une fille aussi sexy ? Sais-tu seulement depuis combien d’années je n’en avais pas croisée ? 

 Je m’en fous, dégage ? 

Il fronça les sourcils, décidément tout aussi incapable de comprendre quand je voulais qu’on me foute la paix.

 Pour commencer, tu ne parles pas comme ça. Tu te crois où, là ? Tu penses que tu es chez toi, dans le quartier des Savants ? Petite Architecte débutante, tu apprendras que tu nous dois le respect. 

 Respect mon cul. Tu sais ce que veut dire ‘dégage’ ? 

Il roula des yeux vers le ciel, comme si j’étais une imbécile et que je ne pouvais pas comprendre des mots simples. Il tentait de me ridiculiser en me renvoyant mes insultes. Tant pis pour lui, je n’allais pas m’arrêter à ça.

Je fis demi-tour et entrepris simplement de lui fausser compagnie. Tant pis, je reviendrai dans ce quartier un autre jour. Pour l’heure, j’allais simplement rentrer chez moi.

Et il comprit bien assez vite que je ne voulais pas qu’il me suive, je suppose, parce qu’il ne me suivit pas. En jetant un œil par-dessus mon épaule, je vis qu’il me regardait partir, le sourire aux lèvres et les yeux fixés sur mon arrière-train.

Il cria à mon attention.

 Allez, droite, gauche, droite, gauche ! Tu me plais, on se reverra, ne t’en fais pas ! Avec un corps pareil, tu ne passes pas inaperçue ! 

 … 

Ce type était un pervers fini. Il m’avait abordée sans savoir que j’étais une fille, est-ce que son instinct de pervers lui avait permis de s’en rendre compte inconsciemment ? J’en eux froid dans le dos. Comment pouvait-on développer un pouvoir pareil ? J’espérais de tout cœur que ce ne fut pas le cas.

 

*

 

Arrivé chez moi, je poussai Friderik hors de mon giron, où il avait passé les dernières heures sans se plaindre à une simple couche de tissu d’écart de ma peau.

 Eh ! Non ! J’étais bien, là. Pourquoi dois-je sortir ? 

 Tu rêves. Tu croyais que tu allais rester là à tout jamais ? 

 Si seulement… 

 … 

Je lui lançai un regard noir. Mais j’étais contente. Les deux explorateurs qui étaient entrés dans mon donjon lorsque je visitais le quartier sud s’étaient fait tuer à deux reprises, et avaient apparemment abandonné l’idée de conquérir ce donjon.

Friderik avait éclairé ma lanterne, le donjon était réellement proche d’une zone de départ pour explorateurs, et ceux qui y entraient n’avaient souvent pas les capacités de finir un donjon rempli de gobelins. Sans parler des varans, qui possédaient toujours cette morsure infectieuse. Ils ne faisaient pas beaucoup de dégâts car ils ne possédaient pas une puissance extraordinaire, mais cette débilitation du corps créée par les innombrables bactéries présentes dans leur gueule n’était pas à prendre à la légère. Sans potion de soin des maladies, à moins de connaître un sort identique, une morsure était fatale en quelques minutes à peine.

 Bon. Tu as entendu ce que ce type a dit, dans le quartier des Savants ? 

Friderik se prélassait déjà tranquillement sur mon lit, comme s’il était définitivement chez lui.

 Hm ? Oh. Qu’est-ce que tu as dit ? Je n’écoutais pas. 

 Comm… Hein ? Non mais je rêve ? Tu étais en train de renifler mes draps ? 

 …Tu disais ? 

 Ce mec dans le quartier sud, il a dit qu’on devait acquérir de la magie. Qu’on ne pouvait pas nous l’enseigner. Tu sais ce que ça veut dire ? 

 …Pas du tout. 

 Vous autres explorateurs, vous possédiez de la magie aussi, non ? N’est-ce pas pareil ? 

Il vibra en haussant ce qui lui servait d’épaules.

 Je ne pense pas ; pour acquérir de nouvelles magies ou compétences, il nous suffit d’aller rendre visite à un instructeur de classe lorsque le niveau est adéquat. 

 Merde. Pourquoi est-ce que je ne suis pas devenue exploratrice… Tout a l’air tellement plus simple de l’autre côté. 

Mais Friderik ne m’écoutait déjà plus. Son visage était à nouveau enfoui dans les draps. J’abandonnai définitivement de le remettre dans le rang et décidai de le laisser là pour me rendre vers le Palais des Miroirs afin d’y chercher FeiLong.

 

**

 

Et ma chance ne fut pas meilleure ce soir-là qu’elle ne l’avait été au cours de l’après-midi. Incapable de croiser celui que je cherchais, je tombai sur une toute autre personne qui sortait justement d’un miroir.

 Oh, mais qui voilà ! Tu m’attendais ? Tu as enfin des crédits à m’offrir ? Ha ha ha ! 

 Oh, merde. Pauvre con. Alors, tu as réussi à tuer des explorateurs, aujourd’hui ? Ou es-tu aussi talentueux dans la construction de donjon que tu l’es quand tu essayes de voler les jeunes filles ? 

Krahn le Sympathique.

À peine sorti depuis dix secondes, nous nous lancions déjà des éclairs rien qu’en nous observant. Il aimait bien me rabaisser – comme il le faisait avec beaucoup de monde sans doute – mais il appréciait moins la répartie. Et comme il venait de sortir de son miroir, sa bande habituelle n’était pas là pour rire à ses blagues.

 Tu as l’air bien seul sans tes toutous. Tu es sûr, tu ne veux pas appeler maman pour qu’elle t’aide à affronter une architecte débutante ? Après tout, tu as même eu besoin de ce mec super grand pour m’emmener. Tu es vraiment incapable de faire quoi que ce soit à part parler, n’est-ce pas ? 

 Toi ! Encore un mot et je te fais pourchasser jusqu’à ce que tu perdes le compte du nombre de tes morts ! 

 Evidemment, comme c’est étrange. On menace une faible femme de ne pas faire les choses soi-même. Je suis morte de peur, si tu savais. Et tu comptes faire ça comment, au nez et à la barbe des gardes de la ville ? 

 …Ils trouveront un moyen. Maintenant, plus un mot ou je vais vraiment m’énerver. 

Je me penchai vers lui de manière dédaigneuse.

 Alors énerve-toi ! Je t’en prie ! Après tout, je t’ai fait tellement de mal ! 

Je m’attendais vraiment à ce qu’il s’énerve tout rouge encore une fois. Après tout, c’était le cas à chaque fois qu’une de nos conversations se terminait. Mais contre mes attentes, il renifla et grogna en sortant d’un seul coup un long poignard argenté de dessous sa toge et me la planta dans la poitrine d’un coup sec.

J’en fus ébahie. Il était capable d’agir lui-même ? Et il avait osé ? Le sang gicla le long de son arme et il leva les yeux vers moi en bégayant.

 Ah… Je… Euh… C’est… Tu l’as cherchée, hein… Tu ne pourras pas me le reprocher… 

Ce fut la dernière chose que j’entendis avant de sombrer dans le néant.

Raka
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17 thoughts on “DMS : Chapitre 27

  1. hmmm un meurtre gratuit, le sympathique le devient enfin ! Bon vivement le wk prochain pour voir la réplique de notre héroïne !!

    Au cas où , Bonne année à toi Ô illustre auteur et merci pour le chapitre

  2. Merci pour ce chapitre 

    Ce coup de poignard va sûrement bénéficier au MC plus tard.

    PS : j’ai bien aimé l’introduction d’un pervers affirmé et du système de toge de couleur en mode « je ne parle pas aux t-shirt oranges ». (Les vrais comprendront)

          1. Ah bah jamais entendu parler.

            Je viens d’aller voir sur google vite fait et du synopsis pour ma part ça a l’air pas intéressant donc je ne me pencherai pas dessus. 

  3. Merci pour le chapitre.
    Ps : Quelque chose me dit que « le sympathique » va sympathiquement regretter ses actions !

    1. Ca change des MC pétés au chapitre 2 qui tuent tous ceux qui sont pas d’accord avec eux.

      Hein, Chu Feng ?

  4. Si Frédérick avait été là pour lui faire des faux seins elle ne serait pas morte, dommage pour elle et merci pour le chapitre

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