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Chapitre 45 – La Neuvième Vie (5)

 

— Quoi ? Mais…

[Appropriation]
[L’utilisation de cette compétence permet à l’hypnotiseur vicieux de s’approprier la compétence d’un autre. La compétence copiée remplacera définitivement cette compétence.]

Je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Ou plutôt, je comprenais, mais quelque chose clochait. C’était clairement une compétence de monstre – un monstre dénommé « hypnotiseur vicieux ». Par contre, je me souvenais clairement que les compétences issues de monstres n’avaient pas de nom, le système m’avait affublé d’une fusion de monstres buguée jusque dans son nom.

Pourquoi avais-je la sensation que les choses auraient dû être identiques pour l’Appropriation, mais que quelque chose ne tournait pas rond ? La compétence entière était étrange, comme si le système ne parvenait pas à l’afficher correctement, tout en lui ayant attribué un nom malgré tout.

— Le système essaye de corriger l’erreur… marmonnai-je. Il cherche à rendre la compétence accessible et logique ?

Était-il possible que le système qui gérait les niveaux, les compétences et les donjons essayait d’apprendre de ses erreurs afin de ne pas les reproduire ? J’avais l’impression que ce n’était pas parfait, mais qu’il était parvenu à faire un progrès en ce sens.

— Il va falloir que je fasse attention si je ne veux pas me faire avoir par le système… réalisai-je alors, imaginant une potentielle intelligence artificielle derrière tout ça ; il arriverait un jour où il pourrait parfaitement me considérer comme une erreur à corriger, moi aussi.

Teacup, qui m’attendait près de l’entrée de la salle, m’interrompit :

— De quoi parles-tu tout bas, toute seule ? C’est bon, tu as fini ? Tu as eu ce que tu voulais ?

Je fus tirée de mes pensées d’un seul coup, rappelée par le son de sa voix. Je m’empressai de le rejoindre en ignorant totalement le marchand.

— Voilà, voilà. J’arrive.

— Bien. Alors, si ce n’est pas indiscret, tu as obtenu quoi au niveau 7 ? me demanda-t-il d’un ton involontairement moqueur.

— C’est indiscret, lui répliquai-je aussitôt.

— …Bien.

Il fit une espèce de moue étrange tout en me guidant à travers des couloirs et des escaliers.

— Et maintenant, tu m’emmènes où ? l’interrogeai-je.

Mais il ne répondit rien, me faisant simplement signe de la tête pour s’assurer que je le suivais.

J’eus le temps de réfléchir un peu à ma nouvelle compétence. Outre le fait qu’elle était buguée – ou peut-être à moitié seulement, je compris assez facilement qu’il s’agissait là d’une compétence à usage unique possédée par un monstre « voleur de compétences. »

Avec cette compétence, je n’ai qu’une seule chance. Je ne dois pas l’utiliser à tort et à travers. Quand je rencontrerai un monstre ou un explorateur avec une capacité surpuissante, ce sera le bon moment pour en profiter. Ou alors… peut-être que je peux copier une compétence de Friderik ? Et si je m’arrange pour que l’on me montre un sort ultra-puissant, je pourrai aussi… Hmm… C’est compliqué.

Me trouvant face à un dilemme assez tortueux, je ne savais pas que choisir. J’avais enfin, même s’il s’agissait là d’un moyen interposé, la possibilité d’acquérir une compétence extravagante. J’étais aux anges.

Oui. Il faut que je trouve la compétence parfaite. Une compétence de super haut niveau ! Quitte à mourir pour l’acquérir, ça vaut définitivement le coup. Il faut que je me renseigne.

— Eh… interpelai-je Teacup.

Il se tourna à nouveau vers moi en silence, le regard froid. L’avais-je vraiment vexé ? Il était trop sensible, lui ! Déjà quand je m’étais moquée de son nom, il m’avait fait la même chose, et maintenant que j’avais coupé court à sa curiosité, il recommençait. Je me surpris à me souvenir du caractère qu’il avait montré lors de notre toute première rencontre et fis un peu la grimace à mon tour.

Décidément, je lui ai pardonné un peu vite… Non ? Mais il a permis mon adhésion à son club de magie plutôt facilement, je dois dire. Je peux bien être un peu plus cool avec lui.

— Bon. Ok. Pardon, lâchai-je d’un seul coup. Mais je ne peux pas te parler des choses qui me concernent, il faut que tu comprennes…

Il s’arrêta et se tourna vers moi, fronçant légèrement les sourcils mais souriant étrangement en coin également.

— Ah, quand même. J’attendais juste des excuses pour le ton que tu as pris, c’est tout. Je ne veux pas spécialement savoir ce dont tu ne peux pas me parler, tu sais.

Alors, c’était simplement ça. Monsieur trouvait que j’avais été trop sèche avec lui ? Mais s’il ne se montrait pas si indiscret, aussi… Enfin, la crise semblait être passée et je ne comptais pas en rajouter une couche.

— Dis-moi… Tu connais bien les monstres, dehors ? lui demandai-je alors pour recentrer mes idées.

— Hm ? Oui, plutôt, pourquoi cette question ?

— Quel est celui que tu crains le plus ? Le plus puissant, celui qui possède des compétences complètement craquées, fumées, hors-normes ? l’interrogeai-je sans m’arrêter.

Il fit une pause à nouveau et se mit à réfléchir, avant de me demander en retour :

— Mais pourquoi cette question ? À quoi t’intéresses-tu, exactement ?

— Je pensais que tu ne voulais pas savoir ?! m’offusquai-je aussitôt.

— Ah ! Mais il faut que je sache ce que tu cherches en particulier ! Ce que tu me décris, tu en trouves partout, là-dehors ! renchérit-il sans s’énerver.

— Et d’abord, où allons-nous, là ? lui redemandai-je en insistant sur un point qu’il avait omis.

Il m’adressa un grand sourire et me répondit simplement :

— On va directement demander si l’un des érudits acceptera de créer le sort que tu voulais, évidemment !

Il faisait donc vraiment ça pour moi. Alors même qu’il me faisait la gueule deux minutes plus tôt, il avait quand même prévu de m’accorder cette faveur sans que j’eusse besoin de lui rappeler ce pourquoi j’avais facilement accepté son offre.

Au moins, il a une parole. C’est appréciable.

La façon dont il m’avait abordée la première fois me revint encore à l’esprit. C’était clairement un pervers. Pas le même genre de pervers que Friderik, mais un pervers quand même ! Et s’il faisait tout ça pour me faire baisser ma garde, pour me mettre en confiance ? Le moment venu, il frapperait alors, lorsque je serais la plus vulnérable, la moins alerte. Espérait-il vraiment me mettre dans son lit de cette façon ?

Réalisant d’un seul coup, j’ouvris les yeux à une réalité évidente.

C’était ça. C’était forcément ça. Mais je n’allais pas me laisser avoir ; il était hors de question que je m’abaisse à ça avec lui.

— Non. Pas avec un pervers pareil.

— Pardon ? réagit Teacup, l’air étonné. Ah, il était bon acteur, le bougre. On aurait vraiment dit que mes paroles l’avaient surpris, alors que tout ça n’était qu’un moyen de m’avoir.

— Oh. Rien, je pensais tout haut, lui avouai-je simplement, balayant l’importance de ce qui me trottait dans la tête comme un fétu de paille dans le vent. Il serait temps le moment venu, si je voulais lui faire comprendre que son plan n’avait pas fonctionné.

— Là. Nous y sommes, m’annonça-t-il sans me laisser le temps de réagir plus que ça.

— Ah ?

— Bienvenue au cercle des Érudits.

 

**

 

Les érudits étaient des architectes que l’on trouvait exclusivement dans les institutions de magie et ayant plus moins laissé de côté la construction et la gestion de donjon pour se mettre, à un certain moment, à étudier le monde qui les entourait. Dans toutes les civilisations humaines avaient toujours existé ces personnes, que seul le savoir et la connaissance poussaient à avancer dans la vie. Et lorsque ces savants se retrouvaient d’un seul coup propulsés sur le plan des architectes, il ne leur fallait pas beaucoup de temps pour se poser d’autres questions, pour ouvrir d’autres voies.

On les trouvait là, dans le quartier de la magie ; d’une part parce qu’elle leur permettait plus de choses, l’étude du monde s’en trouvait facilitée, et d’autre part parce que la magie a toujours été plus ou moins proche de la connaissance et du savoir – ils étaient attirés presque instinctivement vers le sud, qu’ils rejoignaient alors de façon naturelle.

— Et tu dis qu’ils pourraient créer mon sort si on le leur demande ? m’assurai-je une dernière fois.

— Oui, oui, évidemment, me confirma une énième fois Teacup. Trouver des nouvelles choses, relever de nouveaux défis dans lesquels ils pourront mettre leurs connaissances et leur talent à l’épreuve, ça va les motiver, crois-moi.

— Tu m’avais dit que rien n’était certain, pourtant… lui rappelai-je.

— Ah ! Je n’ai pas dit qu’ils accepteront facilement, rétorqua-t-il. Ils adoreraient le faire et ils le pourraient, mais le temps et les ressources nécessaires ne sont pas pondus par un chupacabra, tu sais ! Il faut encore qu’ils trouvent une bonne raison de t’aider toi, et pas un autre.

— Je vois. Ils reçoivent beaucoup de demandes, c’est ça ? compris-je alors.

— Tu n’imagines même pas. Certaines demandes ne seront même jamais traitées tant il y en a.

Il haussa les épaules en me guidant vers le bureau.

— C’est pour ça que je suis là. Je te l’ai dit, j’occupe une position plus ou moins importante dans la secte, et même si je ne suis pas le mieux placé, ils m’écouteront peut-être.

— Alors merci, finis-je par abandonner.

Nous voyant approcher, un vieillard vint nous tendre une main aimable en souriant.

— Teacup ! Allons, mon ami ! Il est bien rare de te voir ici. Puis-je savoir ce que tu viens faire dans ce repaire de vieux brigands comme nous ?

Il portait une toge du même gris que la mienne – quand donc m’étais-je d’ailleurs changée ?

Il possède une forte affinité avec la magie du corps, je suppose ?

Ce qui me choquait le plus était son allure de statue grecque. Une barbe blanche longue et anguleuse soutenait un visage presque aussi carré ; je pouvais voir au fond de ses yeux qu’il avait été témoin de choses que je ne pouvais même pas commencer à imaginer. Il avait le même genre de regard que FeiLong, mais le sien était encore plus… marqué. Pourtant, il était là, à nous tendre une main amicale sans rien réclamer en retour.

— Pythagore ! s’exclama Teacup, c’est vrai que ça fait un bail. Mais que tu viennes en pers…

— Pythagore ? le coupai-je d’un seul coup, les yeux écarquillés. Pythagore comme dans Pythagore, le théorème ?! Les mathématiques ?

Le vieillard tourna légèrement la tête vers moi, un air tout aussi amusé qu’étonné.

— Oh ? Me connaissez-vous donc, mademoiselle ?

— Mais… évidemment !! À l’école, on étudie encore votre théorème, qui date de plus de deux millénaires ! Le calcul du triangle, là… l’hypoténuse… C’est vous. Hein, c’est vous ?

J’étais en extase. Si c’était bien lui, c’était quelque chose de… de… de gargantuesque.

Il me regarda, l’air un peu surpris, semblant ne pas comprendre. Me trompai-je ? Ce n’était pas lui ?

— Le… L’hypoténuse ? Hmm… Ça me dit vaguement quelque chose, mais c’est si lointain, marmonna-t-il en se grattant la barbe.

Soudain, ses yeux s’illuminèrent.

— Attendez… Vous parlez du petit calcul a² suivi de je ne sais plus quoi ? C’est ça ?

— C’est ça ! m’écriai-je en réalisant que j’avais bel et bien trouvé un monstre en puissance, un des pères des mathématiques modernes.

— Oh… fit-il en se frottant toujours la barbe, je ne m’en souviens plus vraiment… Vous savez, j’ai écrit ce truc lors d’un petit concours entre amis… Nous étions tous ivres morts après avoir rendu hommage à Dyonisos, et… je ne sais même plus en quoi ce petit jeu consistait, ha ha ! Comment est-il possible que ce calcul sans queue ni tête existe toujours après deux mille ans ?

Je reculai d’un pas, choquée.

— Ivre m… Hein ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Il haussa les épaules, impuissant à ma réaction et le regard perdu dans ses souvenirs.

— Comme je vous le dis, jeune demoiselle, nous étions tous ivres et nous avions… Ah ! Je me souviens, maintenant ! Nous devions deviner la distance séparant un coin de la cour et le bar à vin ! Moi, je voulais absolument gagner cette amphore pleine de bon vin, et… et… j’ai fait de mon mieux pour trouver une formule qui pourrait donner le bon résultat !

Si je comprenais bien, ce type avait inventé un théorème plusieurs fois millénaire dans le seul but de gagner une amphore de vin ? Le monde sous-estimait clairement le pur génie de cet ancêtre. Lui qui n’avait toujours été qu’un nom parmi d’autres en cours de mathématiques, je le voyais désormais sous un jour nouveau.

— Je… Vous avez tout mon respect, monsieur Pythagore. Vraiment tout mon respect, lui avouai-je d’un seul coup en m’inclinant face à lui.

Il s’en étonna :

— Oh ? Mademoiselle ? Redressez-vous donc. Je vois que vous faites partie de notre belle secte, il n’y a pas de raison d’agir ainsi avec un vieillard comme moi, vous savez.

Il était tellement humble… Humble et gentil.

— Pythagore ? Tu ne m’avais jamais avoué aimer le vin à ce point-là ! se mit à rire Teacup en réalisant la faiblesse de son ami.

— Aaah, soupira le maître Grec, si la saveur et la robe des dames peuvent être sujet à litige, on ne peut pas lutter face à la celles d’un bon vin qui s’abandonne à toi, tu sais ?

Une idée me vint, d’un seul coup. Je relevai la tête et lui posai la question sans plus attendre :

— Existerait-il, par le plus grand des hasards, un vin légendaire ? Par exemple, un que vous avez toujours rêvé de boire sans jamais le pouvoir ?!

Je m’étais exclamée si puissamment que nous avions attiré l’attention de plusieurs autres vieux bougres occupés çà et là dans la salle.

Pythagore réfléchit pendant deux secondes à peine avant de répondre :

— Ah, mais, bien entendu… Il existe bien la célèbre « Cuvée du Géant Vigneron », qui doit peut-être être le vin le plus exquis de tout l’univers, mais… pourquoi cette question ? Les géants vignerons sont des créatures si puissantes, je doute que quiconque en ville ose s’opposer à eux à moins de lever une armée et d’être prêts à subir de lourdes pertes…

Je souris en coin. Je venais de trouver le moyen de marchander le sort qui me tenait désormais à cœur. Et je n’allais pas uniquement partir à la chasse au vin ; je possédais une compétence qui n’attendait que d’être utilisée sur une « créature si puissante que personne n’osait l’affronter ».

J’allais mourir dans le processus, cela ne faisait absolument aucun doute. Mais de la même façon que j’avais réussi à conserver la bague de ce type dans la caverne, j’allais pouvoir emporter avec moi un échantillon de ce fameux vin…

Raka
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21 thoughts on “DMS : Chapitre 45

  1. Merci pour ce chapitre 

    Raka qui détruit le mythe de Pythagore. Juste superbe.
    Au fait, je ne comprends pas pourquoi tout le monde à part l’héroïne à peu de mourir.

    1. Aha enfin quelqun qui se pose la question

      La réponse viendra plus tard…
      Bien plus tard.

      Bon mis à part que ça fait mal évidemment, il y a une raison particulière… 

  2. Ah bah tiens, je la voyais plutôt utiliser la compétence sur un explorateur moi. . genre celui qui a validé sa quête cachée de roi (j’me souviens plus du titre exact >.<)

    1. Bah de toutes façons avec sa chance, elle va copie un truc du style « lancer de caillou » d’un vieux monstre claqué x)

    1. L’essentiel, c’est d’oser xD

      Je viens de finir d’écrire le chapitre 55, et maintenant que je peux souffler un peu après avoir repris mon avance, je peux te dire que t’as encore rien vu de son génie mdr

  3. Raka tu devrais penser à vendre ton histoire dans une maison d’édition. c’est vraiment bien comme histoire et ça change des héros qui doivent affronter le mal ext ext

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