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Chapitre 65 – Les Devoirs d’un Paladin (3)

 

J’étais en train de mourir asphyxiée. C’était la fin, je commençais à ne même plus sentir mes membres. La souffrance était horrible ; mes poumons se déchiraient de l’intérieur tandis que je tentais de lutter en vain.

Il ne me restait de valide que mon esprit. Je ne pouvais même plus espérer me défendre, j’avais moi-même supprimé Izdasa et elle ne risquait pas de réapparaître pour me sauver. D’ailleurs, sans le boss, le donjon ne se réinitialiserait probablement pas.

Attends… J’ai supprimé le boss ? Mais oui… Je suis l’architecte, après tout. Le maître des lieux.

Il ne me restait sans doute que quelques secondes de conscience. Je m’empressai de contrôler la structure même du donjon afin de modifier le mur de la caverne à ma gauche. D’un mouvement rapide, deux énorme excroissances en sortirent et je n’eus pas vraiment le temps de comprendre.

Je m’étais simplement posé la question : « Qu’est-ce qui pourrait me sauver face à Friderik ? » et la réponse s’était imposée d’elle-même, de façon instinctive.

Ma poitrine sortit du mur, en taille magnum, plus de deux mètres de diamètre pour chacun de mes attributs ; ils sortirent du mur comme ça, comme deux gros champignons à croissance instantanée.

Il ne fallut pas deux secondes à Friderik pour me lâcher comme si sa vie en dépendait – ou comme si la mienne n’avait plus la moindre importance – et se jeter sur le mur pour s’y frotter de tout son long.

— Wuying, aaah ♡

Bon sang, je ne savais pas trop ce que je faisais mais je m’attendais à tout sauf à une réaction aussi radicale. Tombant au sol, les membres paralysés et aspirant une bouffée d’air gigantesque avant de me mettre à haleter, je l’entendis lécher le mur et se prélasser de tout son long, debout sur ses pattes arrières.

La sensation revenait tout doucement dans mes extrémités, et mes membres commençaient à picoter vivement tandis que l’oxygène leur était à nouveau transmise. Respirant toujours bruyamment et frénétiquement, je tournai la tête pour observer Friderik, qui semblait être complètement obnubilé par ce qu’il faisait et ne pas avoir compris pourquoi ma poitrine était apparue là par magie.

— Aaaaah… Que ce mur est froid et dur… Que je préfère les vrais…

Le pire dans tout ça, c’est que je me demandais sincèrement si je devais le remercier de les avoir reconnus en une fraction de seconde et de s’être jetés dessus ou si… ou si je devais le trouver encore plus bizarre qu’avant pour la même raison.

Sérieusement, j’aurais pu faire apparaître n’importe quelle autre poitrine, j’étais à ce moment certaine qu’il n’en aurait rien eu à faire ! Il s’était rué sur celle-là parce que son instinct lui avait clairement dit que c’était la mienne…

Je le regardais d’un air perplexe.

Ce qu’il y avait de plus choquant, c’était qu’il avait l’air de m’avoir complètement oubliée. J’étais là, à le regarder jouer au pervers et il m’ignorait complètement. Mais ça ne pouvait pas durer – ça n’allait pas durer.

— Friderik ? lui lançai-je d’une voix encore éraillée.

— Oui, Wuying ? …Hein ? Tu étais là ?!

Il cessa net ce qu’il faisait, comme figé dans le temps. Lentement, il redescendit au sol et se tourna vers moi, comme si je venais d’arriver et de le prendre sur le fait. Mais était-il stupide ? Qui d’autre que moi aurait pu faire ça à ce mur ? J’étais forcément là !

Il regarda à droite, à gauche et un point d’interrogation apparut au-dessus de sa tête. Il me cherchait, le con !

— Non… Mais tu n’as toujours pas remarqué, ma parole ! me mis-je à crier.

Il tourna la tête dans ma direction, d’un air surpris. Putain, il m’avait vraiment oubliée… J’étais une exploratrice si insignifiante à ses yeux, c’était clair.

— Alors comme ça, tu te prélasses comme un pervers sur ma poitrine, hein ?

— …

Il me regardait en gardant le silence, sans trop comprendre. D’un seul coup, il ouvrit les yeux et la bouche aussi grands l’un que l’autre, réalisant quelque chose :

— Le sort d’humanisation ?

Je lui lançai des piques, je lui demandais ce qu’il faisait là avec la représentation de mes seins, et lui, il s’en foutait. Était-ce devenu si naturel pour lui qu’il n’avait plus honte de rien ? Tout ce qui l’avait fait reprendre ses esprits, c’était le sort de transformation ?

— …

Ce fut à mon tour de ne rien dire. J’étais sidérée par le caractère de ce slime. Il n’avait vraiment peur de rien !

— Tu as réussi à te transformer ? me demanda-t-il en m’approchant. C’est vraiment toi ? C’est ta voix, mais… ce corps…

— Un problème avec mon corps ? lui répondis-je froidement.

Après tout, il s’agissait là de mon corps d’humaine, tout de même sensiblement différent de celui que j’avais en tant qu’architecte. Sans y regarder de plus près, il pouvait être facile de ne pas me reconnaitre. Mais s’il avait un problème avec ce corps, alors il avait un problème avec moi. Je restais fière de mon corps d’humaine.

— Huh… Tu es encore plus parfaite… marmonna-t-il pour toute explication.

Face à des yeux qui me regardaient ainsi, que pouvais-je faire ? Je n’arrivais même plus à lui en vouloir d’être un pervers ou d’avoir tenté de m’étouffer – même s’il l’avait fait en ignorant que c’était moi et qu’il ne faisait que son travail au sein du donjon.

— Eh bien, comme tu vois… repris-je, j’ai finalement mis la main sur ce sort, en effet. Et je m’apprête à partir explorer Albion.

— Tu n’es même pas revenue me voir avant ? s’indigna-t-il en réalisant mon but, pourtant je… je t’avais donné cette idée dans un but précis.

— Et tu n’as pas voulu m’en parler, lui fis-je en haussant les épaules, alors je me débrouille seule.

— …Je ne voulais pas te donner de faux espoirs. Même maintenant, je ne suis sûr de rien, mais…

Il fit une pause, ne désirant sans doute réellement pas m’en dire plus.

— Mais ? le poussai-je un peu. Il allait avouer, et s’il ne le faisait pas, je partirais de toute façon.

Après quelques secondes de réflexion, il finit par me répondre :

— Je me demandais simplement si tu pouvais être capable de dépenser tes crédits à la Guilde des Aventuriers afin de t’équiper. Ils vendent parfois de sacrés objets magiques, après tout.

— Oh ?

Ce qu’il venait de dire me fit réaliser que puisque le système me voyait plus ou moins comme une exploratrice, suffisamment en tout cas pour me soumettre aux règles d’entrée du donjon, alors ce serait en effet une possibilité ! D’ailleurs, en parlant de règle du donjon, une autre idée me vint…

— Ne bouge pas.

— … ?

Je me rendis vers le coffre et l’ouvrit. Si j’étais une exploratrice, je pourrais alors obtenir un objet dans ce coffre ! Et je pourrais même le répéter à l’infini. Ce serait sans doute la pire façon que j’aurais trouvée d’exploiter le système. Je prévoyais déjà d’y passer la journée, mais…

— Vide ?

Il n’y avait rien dans le coffre. De la même manière qu’Izdasa m’avait reconnue, étais-je liée aux objets à l’intérieur de mon donjon ? Les règles me concernant se limitaient-elle à l’entrée ? J’étais clairement déçue. Pourquoi à chaque fois que j’essayais de contourner le système, ce dernier parvenait-il toujours à trouver un moyen de m’en empêcher ? Ce n’était pas comme s’il pouvait avoir prévu les bugs à l’avance !

Retournant auprès de Friderik les bras pendants, je réalisais que je n’avais plus que ça à essayer. Il fallait que j’aille voir à Roram ! Si je pouvais acheter des objets à la Guilde des Aventuriers, alors l’avenir promettait d’être glorieux.

— Allez. J’y vais…

— Hm ? Mais… C’est tout ? s’étonna-t-il.

— À quoi t’attends-tu d’autre ? Tu as encore quelque chose à dire ?

— …Non. Reviens me voir bien vite. Je reste dans le donjon en attendant ta visite, m’assura-t-il.

— Ok. Je reviendrai plus tard.

Tournant les talons, je me rendis sur la dalle de sortie et quittai les lieux pour me rendre sur Albion.

 

**

 

— Wayne ? Khetsun ? m’étonnai-je.

Le monde était à peine réapparu autour de moi et mes pieds foulaient l’herbe depuis quelques secondes lorsque j’aperçus le duo qui patientait nerveusement. Il faisait presque nuit désormais.

— Wuying ? s’écria le paladin, tu… tu es sortie vivante ?

— Ah ? Euh… Quoi ?

Sa question me prit de court. Évidemment, je réalisai aussitôt : il s’était fait tuer et j’étais forcément la suivante sur la liste, malgré ce qu’il m’avait vu faire au boss ; le slime était d’un tout autre niveau de dangerosité. Lui et Khetsun devaient sans doute attendre l’ouverture de la barrière du donjon après sa réinitialisation et au lieu de ça, j’étais apparue devant eux comme une fleur.

— Eh bien, je… commençai-je à balbutier.

Mais Wayne ne me laissa pas le temps de m’expliquer et m’attrapa par les épaules, les yeux brillants, presque humides.

— Ah ! C’est bien, tu as réussi à fuir ce monstre immonde ! Je suis… Je suis si heureux ! Tu ne sais pas ce que c’est, je ne te souhaite pas de finir étouffée, pour rien au monde !

— Mais en réalité, je sais ce que… tentai-je d’exprimer.

Ce fut Khetsun qui m’interrompit, cette fois.

— Wayne, tu es satisfait, maintenant ? On peut reprendre notre raid habituel ? Izdasa nous attend, et une fois morte, ce slime…

Soudain, ses mots me firent réaliser que j’avais supprimé Izdasa ! Je n’avais pas invoqué de nouveau boss dans le donjon ! J’en vins à me dire que la barrière n’allait pas disparaître ; sans boss, est-ce que le donjon serait capable de se rouvrir ? Sans doute que non. Qu’allais-je leur dire ? Le mieux était encore de feindre l’ignorance.

— Ah… Merci, leur adressai-je simplement, un sourire aux lèvres, merci de t’être inquiété pour moi.

Wayne me rendit mon sourire et me lâcha enfin les épaules, hochant la tête vers son acolyte.

— Bien. Il est temps. Ha ha ha, allons mourir comme des hommes !

Khetsun mit sa main sur son front, l’air désespéré avant de pénétrer dans le donjon.

— …Hein ?

Il était entré ? La barrière… Où était la barrière ? Le donjon ne possédait pas de boss, alors comment…

Friderik ? Le système le considère comme un boss ?

Si c’était le cas, c’était très bien. Mais il fallait que je voie ça par moi-même. Une fois Wayne entré à la suite de Khetsun, la barrière se reforma, empêchant tout autre invité inopportun de les suivre.

De mon côté, je me contentai de fermer les yeux pour me plonger dans mon donjon.

 

**

 

Après avoir vu entrer les deux comiques de service, je pouvais les entendre discuter. Ils parlaient de tout et de rien, et absolument pas de moi ; j’en étais d’ailleurs relativement satisfaite. Après tout, moins je me faisais remarquer, mieux se passerait mon séjour en ces lieux.

Ils pénétrèrent rapidement dans la salle des varans qui ne contenait plus aucun monstre.

– Tu comprends ce qu’il se passe ? se lança Wayne.

– Pas du tout, répondit fermement Khetsun, les salamandres d’eau ne sont pas là. Je n’entends pas non plus le grattement des varans qui courent sur les murs.

– Tu as raison… admit le paladin, c’est comme si… le donjon ne s’était pas réinitialisé.

– Hm… Je ne sais pas. Quelque chose cloche. Reste sur tes gardes. Peut-être que l’architecte est revenu et a modifié son donjon sans qu’on fasse attention.

– Oui, répondit fermement Wayne en hochant la tête avant de lever son bouclier.

Tous deux s’avancèrent en direction du nid d’Izdasa à pas de loups, observant avec précaution le moindre caillou et les oreilles tendues pour ne pas se faire surprendre par un monstre camouflé. De mon côté, je riais tout bas, les voir ainsi avoir peur d’un donjon vide était des plus comiques ; mais ce n’était rien à côté de ce que j’allais voir.

Ils arrivèrent, collés l’un à l’autre et dos à dos, devant un mur sur lequel était sculptée une gigantesque poitrine de femme. Tandis que Wayne baissait son bouclier et que son visage se décomposait, je me vis obligée de m’appliquer un facepalm des plus mérités en secouant la tête.

— …J’ai oublié d’enlever ça…

Bon sang de brouette, j’avais complètement omis d’aplatir le mur !

Le pire, dans tout ça, ce n’était même pas la sculpture géante représentant ma poitrine que Khetsun et Wayne venaient de voir dans toute sa splendeur et qui me donnait l’impression de m’être moi-même dévoilée à eux.

Non, non. Ce qui était le plus honteux, c’était ce slime, cette petite boule grise accrochée à un téton géant.

— …Je vais le tuer. Il va mourir pour de bon, cette fois. Désolé, Friderik, mais ta vie de slime arrive bientôt à sa fin.

N’en supportant pas plus, je fermai mon esprit au donjon et tournai les talons, regardant déjà au-dessus de l’horizon en direction de cette lueur faiblarde dans le ciel qui ne pouvait venir d’autre chose que du village des débutants, Roram.

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 65

  1. Merci pour le chapitre ^^.
    Mdr elle vient de foirer son dj.
    Je me demande comment ça va se passer pour les lvl si ça va etre le meme pour aventurier et archtecte ou si ça va etre autrement.

  2. Whoa je plains l’incompréhension des aventuriers qui se retrouvent dans un donjon buggé et en plus redécoré.

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