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Chapitre 67 – Les Devoirs d’un Paladin (5)

 

Il y avait dans le village tant d’habitants… Et dire qu’aucun d’entre eux n’était un explorateur… J’étais maintenant habituée à ma vie d’architecte, où tout était fait pour nous ; il n’y avait pas de civils à surveiller, pas plus que de vie normale. Tout tournait autour des Architectes et des donjons. Un peu comme si nous étions du côté « Maître de Jeu » d’un jeu à très grande échelle, à proposer des donjons à des joueurs en quête d’aventures.

Tout en marchant sur le sol poussiéreux, je repensais à ce que m’avait dit la vieille femme.

Lancelot, hein ? Quelque chose ne va pas. Quelque chose cloche dans toute cette histoire, mais je n’arrive pas à mettre la main dessus.

Friderik m’avait déjà parlé d’Albion et avait mentionné le roi Arthur. Si j’en croyais ce qu’il me disait alors, ce roi n’était pas un explorateur, mais un autochtone. Enfin, autant qu’un civil pouvait être roi et un roi civil. Mais il n’avait rien à voir avec les donjons et notre monde et se contentait de régner sur Albion.

— Est-ce qu’il cherche aussi le Graal, ici ? ha ha, il ne risque pas de le trouver…

Jusque-là, rien ne me choquait. J’étais prête à croire qu’un monde représentant à 100% un des mythes de la Terre existait quelque part. Après tout, qui pouvait me dire que l’histoire que je connaissais n’était pas tirée d’une façon ou d’une autre de ce monde-là ? Ou que le roi Arthur, ayant réellement existé, n’avait pas réussi à se retrouver par magie sur une planète étrangère ? Il ne fallait pas oublier Merlin et ses pouvoirs…

Oui, j’étais prête à le croire, après ce que j’avais moi-même vécu.

Mais le roi était un civil. C’était un habitant local. Ce n’était pas un explorateur. Je mettais le doigt sur ce qui me chagrinait. Je le sentais.

— Si le roi Arthur gouverne Albion depuis Camelot, alors il y a de grandes chances que toute l’histoire soit la même. Les personnages également…

Un éclair me traversa l’esprit.

— Mais bien sûr ! Si le roi n’est pas un explorateur, son entourage probablement non plus ! Pourquoi Lancelot en serait-il un, lui seul ? De plus, je ne sais pas quand a été créé ce royaume, mais… n’est-il pas étrange que Lancelot soit arrivé bien plus tard ? Qu’il n’ait pas été là dès le départ ?

Il y avait quelque chose à déterrer, et ma curiosité aussi légendaire que ma malchance n’allait pas me laisser tranquille si je ne fouillais pas un peu dans tout ça lorsque l’occasion se présenterait.

En attendant, j’étais arrivée à la Guilde des Aventuriers. Le bâtiment en lui-même était grandiose, presque neuf. Ses murs blancs et ses dorures exsudaient un air de richesse contrasté par la pauvreté du village. Cela ne m’arrêtant en rien, je poussai la porte et découvris à l’intérieur un monde vivant et vibrant ; des explorateurs sans doute, des dizaines.

Les uns s’affairaient près d’un panneau où étaient cloués des morceaux de papier, d’autres parlaient entre eux, lorsqu’ils ne faisaient pas des allers-retours incessants pour une raison qui m’échappait.

En tout premier lieu, je devais me rendre à la boutique. Il fallait que je sache si je pouvais acquérir des objets et de l’équipement grâce à mes crédits. Si c’était le cas, je pourrais alors porter autre chose que cette toge blanche que tout le monde regardait de travers et que personne n’osait approcher.

— Merde, ils détestent vraiment les architectes, hein, du fond de leurs tripes ?

Si j’avais eu la peau rouge, ils m’auraient définitivement sautée dessus, tous autant qu’ils étaient, je sentais des regards mauvais rien que pour mon choix vestimentaire. Mais ne me laissant pas décontenancer, je m’avançai rapidement vers l’endroit où je distinguais un comptoir dans un coin de la pièce, derrière lequel se tenait un vendeur. Plus je m’approchais, plus mes yeux s’ouvraient en grand.

— …

Devant moi se trouvait la réplique exacte des boutiques pour Architectes. Le même type au regard vide et absent se tenait devant des étagères vides – bon sang, tout était parfaitement identique !

— Erm… toussai-je légèrement pour attirer son attention.

Il leva les yeux vers moi, comme sorti d’un rêve :

—  Oh ! Un client ! Et pour un client, c’est une cliente ! Bienvenue, mademoiselle !

— Bordel de dieu, chuchotai-je, un PNJ.

Ça ne pouvait pas être plus évident. Il arborait le même sourire, la même dégaine et même si son visage était différent, il m’avait abordée de la même façon ! La boutique pour explorateurs faisait donc bien partie du système. C’était parfaitement logique à bien y penser, mais… ça soulevait tant de questions. Questions auxquelles j’allais forcément répondre tôt ou tard. Pour le coup, si confirmation il fallait encore, j’allais vite la recevoir :

— Dépêche-toi, équipement, niveau 11. Et que ça saute, fainéant.

S’il fallait être plus malpoli que ça pour le faire réagir, alors il était décidément un PNJ. Et effectivement, il m’adressa un sourire chaleureux sans prendre offense de ce que je venais de lui dire, tout ça pour me répondre :

— Désolé, mademoiselle ! Il semble qu’il y ait un problème… Il n’y a aucun article disponible pour vous !

— Aucun ? Rien ? insistai-je, pas le moindre petit bouclier, un casque, une armure ? Une dague de merde, qui m’a l’air d’être l’arme fétiche de tout un chacun ?

— Rien de rien, mademoiselle. Je ne sais pas pourquoi et j’en suis navré, ce n’est pas moi qui fait les règles, mais… Pour vous, je n’ai rien. Essayez peut-être plus tard !

Encore un coup bas de ce système de merde qui ne me laissait pas l’abuser même avec des bugs en me possession. Tournant les talons sans autre forme de procès, je m’approchai de ce tableau recouvert de papiers. S’agissait-il du célèbre panneau des quêtes comme on le voyait dans les jeux vidéo ?!

— Voyons voir, marmonnai-je en me frayant un chemin entre trois mecs un peu trop collés les uns aux autres.

[Les Phoenix Ardents recrutent ! Rendez-vous à la maison de guilde pour de plus amples informations !]

[Venez rejoindre le Cercle Vertueux !]

[Les Chevaliers d’Albion pour une vie meilleure et sans danger ! Direction Camelot pour nous rencontrer !]

Le panneau, de haut en bas, n’était empli que de propagandes pour diverses guildes. Pas une seule quête… Déçue et totalement convaincue de l’inutilité de rejoindre une guilde sur Albion, je me mis à regarder autour de moi. Pourquoi étais-je là, maintenant ? Je n’avais pas accès à la boutique. Il n’y avait pas de quêtes à remplir…

Les mains sur les hanches, je soupirai légèrement, incapable de me décider quant à la suite des évènements.

— Bon, finis-je par conclure, posons-nous deux minutes. J’ai toujours des choses à faire, hein ? Par exemple… Ou encore… Ah… non… je ne vois pas.

Soudain me vint une illumination.

— J’ai besoin de payer les nuits suivantes, hein ?!

Même si j’allais rentrer à Imperos avant la tombée de la nuit, il restait vrai que si je revenais sur Albion pour une raison ou une autre, j’allais devoir payer pour dormir, et je ne voulais pas me retrouver le nez devant une situation que je ne pourrais pas gérer par manque de moyen. Et il était naturellement hors de question que je vende mon corps à des Albionais.

J’avais donc la journée pour faire ce que m’avait dit la vieille : chasser pour gagner ma vie. Bon sang, les explorateurs avaient vraiment une vie que je n’enviais pas.

Mais pour pouvoir sortir tuer des monstres, aussi faibles fussent-ils, il me fallait une arme, et je n’en avais plus. Friderik avait mangé ma collection d’armes de merde, après tout.

Je me mis à réfléchir quelques minutes avant d’en venir à une conclusion.

— Il faut que j’emprunte une arme ! m’écriai-je.

Il me fallait maintenant trouver quelqu’un à qui soutirer de quoi tuer des monstres, dehors. Et ma cible était toute trouvée. Il existait bien une personne de qui je pourrais obtenir quelque chose en faisant quelques yeux doux. Au moins une personne qui craquait pour la gente féminine et qui me l’avait prouvé la veille.

— Où puis-je trouver Wayne, de bon matin ? m’interrogeai-je.

S’il s’était levé, il était sans doute de bonne augure de se rendre chez son instructeur de classe, n’est-ce pas ? Je ne savais pas trop pourquoi, mais ça me semblait logique ; comme un rituel du matin. Il fallait dire que je ne savais pas vraiment comment fonctionnait tout ça, mais de toute façon, je n’avais pas d’autre piste. Je n’allais pas faire le pied de grue devant mon donjon dans l’espoir de le voir arriver.

Je me mis en route et en demandant mon chemin à quelques bonnes âmes, je finis par arriver près d’un grand type, debout devant ce qui ressemblait à une petite chapelle. Il avait le comportement typique des PNJ et je le soupçonnais d’être lui aussi un membre à part entière du système. Je jugeai d’ailleurs que tous les personnages ayant un rapport de près ou de loin avec le donjon devaient en être.

— D’ailleurs, sont-ils arrivés là avant les donjons ? Après ? Comment était la vie, s’ils n’étaient pas là lorsque les donjons sont apparus ?

Un type colossal portant une poutre sur son épaule m’entendit parler toute seule et se tourna vers moi – en me tuant presque au passage avec son madrier – pour me répondre en souriant :

— Ah, tu es nouvelle, hein ? C’est vrai que certains se posent la question. Et on leur répond, quand on peut… Non, tous ces personnages étranges liés au donjon n’étaient pas là avant. Ils sont apparus d’un seul coup, au milieu de la nuit, en même temps que la Guilde. POUF, comme ça. Et c’était la nuit exacte où le premier donjon a fait son apparition.

— Hmm… murmurai-je, je vois. Alors le premier Architecte à avoir créé un donjon sur Albion a fait apparaître la Guilde, les PNJ et a permis aux explorateurs d’atteindre Albion ?

Le type me sourit en répondant :

— C’est exactement ça, mon amie. Avant, nous vivions bien et même si les monstres ont toujours été dangereux, on se débrouillait. Maintenant, c’est devenu le boulot des explorateurs.

— Bien. Très bien. Merci…

Il reprenait déjà sa route, souriant, fier sans doute d’avoir aidé une nouvelle exploratrice à trouver ses marques. De mon côté, je n’en avais pas grand-chose à faire. Je voulais juste aller chasser des monstres à l’extérieur pour gagner un peu d’argent.

Je m’approchai donc de l’instructeur pour paladins afin de lui demander si Wayne était déjà passé et s’il comptait le voir bientôt de toute façon.

— Euh… Bonjour ? Je…

— Oh, bonjour ! Ah, pour une surprise, une damoiselle ! me coupa-t-il directement.

— Ah, euh, oui, je commence à l’entendre un peu trop souvent, celle-là…

— Eh bien, ma petite demoiselle, que puis-je pour toi ?! Es-tu là pour l’entraînement ?

— L’entraînement ? répondis-je en ne comprenant pas tout à fait ce qu’il voulait.

Un PNJ qui me parlait d’un entraînement ? Avais-je trouvé une quête ?! Si c’était le cas, j’avais décroché un gros lot en arrivant sur Albion. Je n’avais eu qu’une seule et unique quête à Imperos, et elle s’était déroulée un peu étrangement. Peut-être venais-je d’en trouver une nouvelle ici, sur Albion, à Roram !

— Oui ! m’empressai-je de répondre sans même lui demander d’explications. Je suis là pour la quête, bien évidemment. Donne-moi une quête. Allez, ma quête.

La chance était trop belle. J’avais peur de laisser passer l’occasion si je commençais à discuter avec lui et à lui demander des précisions sur la nature de la quête qu’il avait à proposer. Aussi ne perdis-je pas de temps en palabres inutiles et acceptai-je immédiatement. Dans le pire des cas, si je devais vraiment ne pas la faire, je pourrais toujours laisser tomber.

— Ah, parfait ! me répondit-il en claquant des mains, alors nous allons commencer !

— Oui, oui ! m’écriai-je, toute excitée, que dois-je faire ?! Vite, dis-moi !

— Tout d’abord, il faut que tu récupères une épée et un bouclier ! Ramène-les-moi dès que tu les as ! Tu pourras en trouver à la forge, mais il te faudra pour ça les acheter… ou les gagner par un autre moyen !

— Oh… réalisai-je un peu déçue, il faut que j’aille t’acheter une épée et un bouclier… ? Merde.

Je perdis d’un seul coup tout mon engouement pour sa quête de merde. C’était pourtant vrai. Quelle quête promettait d’être extraordinaire au niveau 11 ? Il s’agissait toujours d’une quête pour débutant dans un village de débutants. Cela dit, si j’en croyais ma maigre expérience dans les jeux vidéo, une fois terminée, je pourrais obtenir une récompense. De l’or ? Un équipement ? Une faveur ? Il allait certainement m’apprécier. Dans tous les cas, ce ne serait pas perdu.

Je me retournai donc pour partir en quête de ce qu’il me demandait. Une épée, un bouclier, à la forge du village…

Raka
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