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Chapitre 85 – Départ pour Camelot (1)

 

Cela faisait plusieurs minutes que je me trouvais dans mon donjon et je n’avais toujours pas vu la moindre menace du système. Il n’était pas en train de le refermer sur moi, pas plus qu’il n’avait envoyé de message ou m’avait convoqué quelque part en me téléportant.

Il n’avait sans doute pas fait le rapprochement entre l’apparition de mon donjon dans ce trou perdu et ma présence sur Albion.

Me détendant quelque peu, je regardais le varan que je venais de faire apparaître. Il avait pourri, son corps était tombé au sol et il n’était désormais plus qu’une âme ; j’avais créé un spectre. Me souvenant des fantômes de l’autre forêt hantée, et grimaçant à l’idée qu’au bout d’un certain temps, les explorateurs n’allaient plus s’y frotter, je me dis immédiatement que ce n’était pas un type de monstre qui m’attirait fortement.

— Peut-être sont-ils obligés d’avoir un Prêtre ou un Paladin dans leur équipe, pour les exorciser ? supposai-je.

Si c’était le cas, alors le donjon nécessitait un groupe, et ce n’était pas évident, avec les restrictions de niveau ; il fallait calculer au plus juste. Et si un Paladin pouvait peut-être s’en sortir, un Prêtre seul n’avait sans doute aucune chance.

— C’est sûrement pour ça que la forêt hantée n’a pas eu de succès…

Les hauts et les bas d’un architecte. Haussant les épaules, je ne pris pas la peine de vérifier le statut du boss que je venais de faire apparaître et reposai immédiatement la dalle de sortie au milieu de tous ces arbres morts qui étaient apparus lorsque j’avais défini le type de donjon. C’était une forêt souterraine, décrépie et grinçante.

Enfin, plutôt un bosquet, vu la taille du donjon.

— Qu’importe.

Le pied sur la dalle de sortie, une idée étrange me vint à l’esprit. Moi qui adorais tester des choses et découvrir le fonctionnement caché derrière les automatismes… Sans trop y penser, je murmurai :

— Retour.

Ma vision s’effaça et je réapparus hors du donjon.

— Oups, haha…

Bien entendu, mes pieds ne touchaient pas le sol, je me trouvais pile au-dessus de la fissure qui servait d’entrée au donjon et sans crier gare, mon corps chuta, …pour percuter la barrière à l’entrée, qui ne s’était toujours pas ouverte !

Je fis un bond de côté, juste au moment où celle-ci disparut.

— Alors on peut tout de même en sortir en faisant attention… réalisai-je.

C’était bon à savoir, au cas où.

J’esquissai un léger sourire et sautai à nouveau dans le trou.

 

*

 

Je sortis de mon miroir personnel, dans la hutte de Joc et Pythagore. Rassurée, je me permis un long soupir de soulagement ; maintenant que j’étais là, le risque était devenu bien moindre dans ma vie. Avec l’histoire du donjon qui s’était refermé sur moi, je revenais de loin…

Mes deux amis, un perdu dans ses pensées et l’autre perdu dans le vin, m’accueillirent avec le sourire. Deux sourires aux implications bien différentes – l’un deux racontait qu’il était rassuré de me voir là et l’autre qu’il était heureux de boire – mais qui m’étaient destinés.

Le jour ne s’était pas encore levé sur le plan des architectes. Pourtant, ils ne dormaient pas.

— Vous faites une nuit blanche ? m’enquis-je sans trop y penser.

Joc haussa les épaules – son corps avait été perverti par le système et pour des raisons professionnelles, il n’avait plus besoin de dormir. Son esprit avait dix mille ans d’expérience et la force nécessaire pour supporter une vie sans sommeil. Pythagore dormait à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et ne possédait plus d’horaires bien spécifiques pour ça ; il lui suffisait de cuver son vin, art dans lequel il excellait : il y parvenait de plus en plus rapidement.

— Wujiiing ! Quel plaiiiijir, hips.

Mais là, il était bourré.

Je leur racontai ce qui m’était arrivé et ce que j’avais appris. Joc fronça les sourcils du début à la fin, Pythagore avait l’air du type qui n’allait pas s’en souvenir dix minutes plus tard.

Mais l’important, c’était de donner les informations à Joc. Il pouvait éclaircir bien des points et me donner des idées d’une façon plus pertinente que mon vieil ami Grec.

Lorsque j’eus fini de lui raconter mon histoire, il hocha la tête deux ou trois fois tout en murmurant entre ses doigts. Il était perdu dans une réflexion intense depuis un moment et semblait avoir une idée derrière la tête. Je m’empressai de lui demander à quoi il pensait.

— Il faut que je mette tout ça à plat avant d’en parler, expliqua-t-il, je ne veux pas être trop pressé et faire une erreur de calcul.

— Oh, fis-je, un peu déçue. Tu me raconteras quand il sera temps.

Finalement, ça n’avait pas beaucoup d’importance.

Je voulais me diriger vers Camelot. Au début, il ne s’agissait que de simple curiosité, il fallait l’avouer. Mais plus j’y pensais, moins je pouvais me détacher du fait que quelque chose clochait chez ce Lancelot, et dans tout le royaume. Au départ, je me demandais comment Lancelot pouvait-il être un explorateur alors que le Roi et tous les autres étaient des habitants locaux. Mais maintenant que je savais pour les corrompus, la situation était encore plus loufoque.

Je ne parvenais pas à mettre un semblant de logique sur la situation.

Lancelot était arrivé sur Albion après la création du royaume du Roi Arthur. J’aurais pu trouver une explication valable sur le fait de remplacer un autochtone, éventuellement. Mais maintenant que je savais que les PNJ étaient d’anciens explorateurs et architectes, comment pouvais-je m’imaginer la réalité de la situation ? Qu’en était-il des habitants ?

Albion avait été créé avant l’avènement du système, c’était évident. J’en avais appris suffisamment sur place pour comprendre que les donjons étaient arrivés un beau jour, comme ça. Alors il était clair que mis à part Lancelot, Arthur et toute sa clique n’étaient pas des explorateurs. Je ne comprenais pas.

Comme je me l’étais déjà dit plus tôt, je pouvais accepter le fait qu’une planète, quelque part, retrace l’histoire exacte d’une légende de la Terre. D’accord. Mais alors, il y avait trop de pièces de puzzle que je n’arrivais pas à emboîter.

Ma tête fumait, les implications de chaque point important étaient trop nombreuses. Quand je parvenais à trouver une explication raisonnable à un problème, d’autres devenaient totalement improbables.

— Aaah ! Stop ! criai-je tout à coup en faisant sursauter Joc et hoqueter Pythagore.

— Que se passe-t-il, Wuying ? m’interrogea Joc.

Je soufflai un grand coup avant de lui répondre.

— Il y a quelque chose de pourri au royaume de Camelot. 1)NdA : Un énième point qui est en réalité un clin d’œil à une œuvre de plus, mais le premier que je pointe du doigt. Saurez-vous retrouver tous les autres au fil de l’histoire ?

Je savais que même si ça ne me concernait pas, je n’en dormirais plus la nuit. Il fallait que je sache, il en allait de ma santé et de mon bien-être mental.

Ceci dit, je ne pouvais pas créer un deuxième donjon sur Albion. J’avais déjà essayé, à l’époque. Il fallait que je supprime celui-ci et pour ça, je devais faire en sorte qu’un explorateur en vienne à bout. Je ne pouvais pas le faire moi-même, j’en était absolument certaine : il s’agissait là d’une contrainte qui avait trait au fonctionnement intime du donjon et pour ce genre de choses, le donjon me reconnaissait comme sa créatrice. Mais alors, Joc avait levé les restrictions concernant la création de donjons. Pouvais-je désormais créer plus d’un donjon sur Albion ? J’allais tester ça bien rapidement.

— D’abord, il faut que je mette une chose à plat. Pythagore. Il faut qu’on parle.

Le principal intéressé leva un œil brillant vers moi en levant les sourcils, comme si je venais d’annoncer la fin des stocks de vin et qu’il ne réalisait pas vraiment comment réagir. Il finit par se redresser, faire un geste d’une main tremblante en murmurant quelque chose dans sa barbe et une vive lumière jaillit de tout son corps.

En quelques secondes, il avait retrouvé sa stature, possédait à nouveau cet air noble des Grecs antiques que je connaissais à ces vieilles gravures et me regardait en attendant que je continue.

Forcément, il avait utilisé ce fameux sort pour dessaouler à vitesse grand V. Ce type, c’était vraiment n’importe quoi. Il fallait dire que plus le temps passait et plus je l’adorais. Il était comme un rayon de soleil comique dans un monde qui s’effondrait.

— Mon sort d’humanisation, repris-je, ne fonctionne pas bien.

Il leva les sourcils à nouveau.

— Comment ?

— Eh bien, c’est peut-être dû à un effet secondaire mais…

— Le seul effet secondaire, me coupa-t-il vivement, se trouva dans l’obligation de de l’utiliser pour un jour entier. Je n’en ai pas découvert d’autre.

— Es-tu vraiment sûr de toi ? insistai-je un peu irritée, parce que la dernière fois que j’ai voulu l’utiliser lorsqu’il est arrivé à son terme, ça n’a pas fonctionné.

Il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais aucun son n’en sortit. Il attrapa ses mains dans son dos, tel un ancien sage fier et hautain avant de faire les cent pas.

— Donne-moi ce sort, finit-il par ordonner en tendant la main.

— Que… Hein ?

Je ne savais pas quoi lui répondre. Donner un sort ? Mais il était déjà appris…

— Je suis celui qui l’a créé alors je peux le récupérer. Donne-moi l’autorisation, simplement.

— Ah, euh… Oui ? Prends-le… ?

Soudain, je sentis la même chose que lorsque Joc le pion du système m’avait soutiré ce sort d’enregistrement. Ma peau semblait se décoller légèrement et je vis le sort en sortir, sous la forme de cette boule de lumière de la taille d’un poing.

Pythagore l’attrapa et se rua vers son plan de travail pour se mettre à l’observer et… à la découper à l’aide de ses doigts ? Il pelait la boule de lumière comme il aurait pu éplucher une orange, déposant les morceaux à droite et à gauche.

Il se mit à transpirer assez rapidement, je pouvais voir à quel point il était concentré. Je ne savais pas comment il faisait pour créer ou modifier un sort de cette façon, je n’en comprenais même pas les bases. Mais tant qu’il savait ce qu’il faisait, j’allais le laisser tranquille.

Au bout de moins d’une heure, le sort était répandu en une multitude de tous petits morceaux. Pythagore examinait tour à tour chacun d’entre eux et utilisait sans doute un sort spécial afin de les manipuler et changer leur forme. Il finit par se lever et me regarder d’un air grave.

— Je ne trouve absolument rien. Je vais continuer à me pencher dessus, mais il me faudra sans doute un certain temps.

Il avait l’air désolé. Enfin, aussi désolé qu’il pouvait en avoir l’air avec un gobelet de vin à la main.

— Combien de temps ?

Il fit mine de réfléchir mais répondit presque tout de suite.

— Quelques heures, je pense. Ce n’est pas comme si je devais le créer à partir de rien.

— Alors c’est parfait. Je vais faire un tour.

 

*

 

J’avais décidé de prendre un peu de temps pour découvrir un peu plus de ce monde inconnu.

Dehors, je n’eus même pas besoin de jouer de ma flûte d’invocation, je tombai sur Hohol au milieu du camp. Il s’inclina comme à son habitude en me voyant l’approcher.

— Grande déesse.

— Hohol. As-tu le temps de m’emmener promener ? lui demandai-je directement.

Il releva la tête, curieux.

— Où désires-tu te rendre, déesse ?

Je haussai les épaules pour toute réponse.

— Je ne sais pas, n’importe où. Quelque part où je ne suis jamais allé. Tiens, allons tuer des monstres.

Il fut réellement pris par surprise par ma demande. Il ne put s’empêcher de hoqueter :

— Tuer des monstres ? Mais où et lesquels ? Ta demande est bien vague, je ne…

— Peu importe. Après tout, tu vas m’aider. Je veux des monstres puissants, mais pas trop. Voilà.

Je voulais profiter du géant pour me créer une bibliothèque de monstres tous plus puissants et étranges les uns que les autres ; à côté de ça, il ne fallait pas qu’ils soient vraiment trop forts sinon ne j’aurais pas assez d’énergie pour les invoquer dans un donjon.

— Puissants mais pas trop ? me rétorqua-t-il.

Je pouvais voir qu’il était un peu perdu. Ce que je lui demandais n’avait pas vraiment de sens et n’était par ailleurs pas très précis. Je sentais que je devais lui donner d’autres explications.

— …Je veux aller dans des endroits peu, voire pas du tout visités par les architectes, donc loin, très loin d’Imperos. En même temps, il me faut des monstres d’un niveau maximal d’une étoile. Comprends-tu ce que je te demande ?

Il réfléchit pendant quelques secondes et son visage s’illumina. Il avait enfin compris ce que je lui demandais et avait sans doute trouvé l’endroit idéal pour ça.

— Monte, Grande déesse, fit-il en se tapotant l’épaule.

Dix secondes plus tard, nous chevauchions la foudre, par-delà les nuages.

Raka
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1 NdA : Un énième point qui est en réalité un clin d’œil à une œuvre de plus, mais le premier que je pointe du doigt. Saurez-vous retrouver tous les autres au fil de l’histoire ?

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11 thoughts on “DMS : Chapitre 85

  1. Merci pour le chapitre !

    Shakespeare, Hamlet « Il y a quelque chose de pourri dans l’empire du Danemark »

  2. Merci pour le chapitre
    Elle va se retrouvé avec un bestiaire inédit qu’aucun architecte n’a jamais eu j’adore.
    Jaurai bien aimé qu’elle mette feilong dans la confidence sa serai bien marrant

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