DMS : Chapitre 95
DMS : Chapitre 97

Chapitre 96 – Le pire donjon du monde ? (6)

 

Friderik était resté près du lac afin d’apprendre à y manier Excalibur. Pour ma part, j’étais retournée sur le plan des Architectes afin d’y récupérer du bon vin bien de chez nous. De fait, j’avais imaginé que ma demande allait les perturber mais ils ne furent pas plus surpris que ça et Grorg fit même livrer cinquante amphores de son précieux vin qui rend fou. Je mis le tout dans la sacoche de stockage spatial que m’avait confectionné Pythagore et après leur avoir adressé mes remerciements à tous, je retournai sur Albion, non sans avoir au passage récupéré l’équipement qui trainait devant le miroir.

D’ailleurs, je pus constater qu’il y avait là plus que ce qu’avait perdu l’Élémentaliste. Il y avait deux autres équipements complets, par terre devant le miroir.

— Alors c’est bien ce que je pensais. L’équipement arrive ici, chez les géants, murmurai-je.

J’empochai le tout et filai droit vers mon donjon sous la surface du lac. En ressortant, je pus constater que Friderik était toujours là-bas, près du rocher où n’était plus plantée Excalibur, désormais. Je m’empressai de le rejoindre.

En quelques dizaines de minutes à peine, il avait l’air d’avoir appris à manier sa nouvelle compétence. Après tout, il possédait la capacité Maîtrise de l’Épée et devait trouver ça relativement facile : j’avais lu à plusieurs reprises qu’un bon épéiste considérait son arme comme une extension de son propre corps. Friderik n’avait pas à se soucier de ça car c’était vraiment le cas.

— Friderik ? Je suis de retour, lui annonçai-je.

Il se tourna vers moi et fit disparaître Excalibur. Le voir faire ainsi me fit réaliser une chose : désormais, il était le seul être de l’univers à pouvoir faire apparaître l’épée de légende. S’il désirait la cacher jusqu’à la fin des temps, personne ne pourrait rien y faire. Il avait le pouvoir absolu sur Excalibur.

— Wuying ? Tu es déjà là ? s’étonna-t-il ensuite, et je vois que… oh ?

Je venais de déballer l’équipement que j’avais récupéré chez les géants. Tout gisait là, à même le sol, devant ses yeux affamés. Sans poser plus de question, il sut de quoi il s’agissait et se jeta dessus. En moins d’une minute, il avait tout croqué et digéré. Comme d’habitude, il me présenta ses statistiques.

[Friderik Ulfrson – niveau 6]

[Créature – Elémental]
[Force – 145]
[Constitution – 190] [Points de vie – 1 140]
[Dextérité – 150]
[Vivacité – 120]
[Piété – 180]
[Intelligence – 120] [Mana – 480]
[Charisme – 85]

[Compétences]

[Peau de pierre] [Camouflage partiel] [Régénération] [Maîtrise de l’épée] [Pillage] [Morphose] [Excalibur]

— Incroyable… Tu ne cesses de m’épater. Alors tu n’as pas gagné de nouvelle compétence ?

— Non, fit-il en secouant la tête. Rien que des statistiques brutes. C’est déjà bien. Je deviens de plus en plus puissant. Ce mec de l’ombre n’a qu’à bien se tenir ! Je vais dégommer son arène et bouffer mes adversaires.

Bien entendu, il n’attendait que ça. D’une certaine façon, moi aussi. Il fallait que je me fasse ce paquet de richesse que m’avait promis le Seigneur Ombre afin d’avoir de quoi rencontrer le Roi Arthur, ou au moins Lancelot, son chevalier le plus fidèle.

— Viens, allons passer la journée en ville. Un peu de repos ne nous…

Ma phrase fut coupée par un bruit venant de la forêt. D’abord, ce fut comme un léger frémissement dans l’air mais qui devint rapidement un brouhaha de moins en moins ténu. On aurait dit des dizaines et des dizaines de soldats marchant au pas et faisant vibrer le sol.

— Quelque chose me dit que ça n’augure rien de bon. Ils viennent pour le donjon ? On a été trop loin en connectant l’eau du lac à celle de la fontaine et en volant l’équipement de ce pauvre aventurier ?

— Si c’est le cas, je ne peux plus rien y faire. C’est déjà digéré.

Je haussai les épaules.

— Je ne t’aurais pas demandé de le rendre, de toute façon. Mais viens, allons nous cacher et observons ce qu’il se passe. Avec un peu de chance, il s’agit d’une troupe d’aventuriers tous désireux de s’essayer au donjon.

Friderik se hissa sur mon épaule et je courus jusqu’à la forêt pour me cacher derrière un gros arbre. De là, dans l’ombre, je pourrais voir ce qu’il se passait à l’entrée du donjon sans prendre le risque de me faire apercevoir par les nouveaux venus.

Au bout d’une minute à peine, je vis arriver une troupe mais ce n’étaient pas des aventuriers ! Il s’agissait de soldats et apparemment de haute facture. Vêtus d’armures blanches et argentées qui brillaient sous les rayons épars du soleil, c’était une petite armée privée immaculée. Il devait y avoir une cinquantaine d’hommes armés ; et à leur tête, un autre type, au charisme et à l’allure exceptionnels, habillé dans une armure blanche, argentée et rouge sang. À son flanc pendait un fourreau vide et sur sa tête…

— Une couronne ? Le roi Arthur ? réalisai-je tout bas.

Il ne pouvait s’agir que du roi et d’une troupe d’escorte. Mais que faisait-il là ? Venait-il pour tenter de prendre mon donjon en personne ? C’était un immense honneur, mais… je pouvais déjà voir Friderik bouffer armure et couronne dans pas très longtemps.

Je tournai instinctivement les yeux vers lui et je le vis effectivement baver. Il n’y avait pas que ça. Mais plus de cinquante armures complètes, rutilantes et de haut niveau ! Je savais qu’il en rêvait déjà. Mais nous ne pouvions pas demander la lune ; il était parfaitement improbable que toute l’armée entre dans le donjon, un soldat après l’autre, pour se faire détrousser par magie.

— Juste le roi… Ça suffira. Qui sait, peut-être pourras-tu invoquer une couronne sur ta tête, hahaha…

Plaisantant sans rire, je tentais simplement d’apaiser mes tensions. Je voyais la petite armée avancer au pas en direction du donjon, mais à mon grand étonnement, ils firent halte à mi-chemin et établirent une espèce de camp temporaire.

— Pourquoi est-ce que ça m’étonne ? Ils vont laisser le roi y aller seul.

Mais le roi, qui s’avança effectivement, ne se dirigea pas vers le donjon. Il fit route dans ma direction.

— Il m’a vue ?! paniquai-je en m’énervant un peu.

Je ne savais pas s’il fallait que je bouge immédiatement et que je m’enfuie dans la forêt sous couvert des arbres ou si je pouvais rester là et que ce n’était qu’un hasard. Finalement, incapable de me décider, je me contentai de me baisser, comme si ça allait changer quelque chose.

Le roi – un sacrément bel homme, cheveux châtains, la trentaine bien conservée et rasé de près – fit route vers le rocher où n’était plus plantée Excalibur. Ses pas se firent de plus en plus hésitant, et tout à coup, il se mit à courir, comme s’il venait de remarquer que l’épée n’était plus là.

Et pour me donner raison, il arriva en catastrophe devant le rocher encore légèrement recouvert d’une substance grisâtre et gélatineuse et s’agenouilla.

— Mon… Mon épée… ?

Ce fut la première phrase, les tout premiers mots que j’entendis le célèbre roi Arthur prononcer. Il venait de se laisser surprendre par la disparition de son épée. Comme je l’avais fait auparavant, il caressa doucement les quelques lettres gravées dans la roche, comme pour bien s’assurer qu’il ne se trompait pas de rocher. Mais ces mots et la fente dans laquelle était insérée Excalibur étaient témoins de l’endroit.

— Il n’était pas là pour le donjon ? réalisai-je soudain, mais pour l’épée ?

Il continua à marmonner tout seul, incrédule.

— Personne ne peut la retirer à part moi… La Dame du Lac me l’a certifié jadis. Pourquoi n’est-elle plus là ? Où est-elle ?

Il continua à se plaindre comme un gosse qui ne comprend pas une punition qui lui est infligée. Dans ses baragouinages incomplets, je pus comprendre la situation en devinant la moitié et en imaginant le reste.

Il avait reçu l’épée il y avait fort longtemps, de la Dame du Lac. Pas la mienne, la vraie. Elle l’avait placée dans le rocher en certifiant qu’un seul homme au monde serait capable de la retirer et que celui-ci serait sacré roi des Hommes sur Albion. Arthur y était naturellement parvenu et était devenu roi mais contrairement à la légende, Excalibur n’était pas toute-puissante. Elle possédait un potentiel magique terrifiant mais qui avait besoin d’être rechargé de temps en temps. Et pour ça, Arthur était obligé de la planter dans le rocher pendant plusieurs jours, tous les mois.

— Et toi, con de slime, tu l’as bouffée pendant qu’elle rechargeait ? Non, attends, elle avait fini de recharger puisqu’il était là pour la récupérer ? Hmm… Je comprends aussi pourquoi le nom du roi était gravé dans la pierre. Il voulait dire par là C’est à moi, n’y touchez pas, je reviens la récupérer bientôt. »

Seulement, il ne la récupèrerait plus jamais, son épée chérie. Elle faisait partie intégrante de Friderik désormais et je doutais qu’il fût capable de – et qu’il veuille – faire machine arrière. Et même s’il l’avait désiré, je ne pensais pas être capable de le laisser faire sans rien dire.

De son côté, le roi était toujours béat, agenouillé devant le rocher. Je n’osais pas bouger de peur qu’il ne m’entende ou ne me voie du coin de l’œil, et il ne faisait nul doute qu’il m’aurait considérée comme suspecte. Me trouver juste là où son épée avait disparu et cachée derrière un arbre, rendez-vous compte.

J’attendis donc qu’il se décide à réagir. Au bout de quelques minutes, il se retourna d’un air perplexe mais résolu et se dirigea vers le lac.

— Ne me dis pas qu’il va tenter le donjon ? Mais pourquoi ? Il n’a même pas d’arme !

Le roi voulait entrer dans le donjon ? C’était quelque chose que je ne comprenais plus. Est-ce que ça avait un sens ? Il avait des tas de soldats cent mètres plus loin, à disposition. Il pouvait en envoyer un ou deux dans le donjon plutôt que de risquer sa vie de mortel… Lui, il n’en avait qu’une.

Cela dit, contrairement à mes estimations, il ne s’aventura pas dans le lac. Il resta sur la berge et tendit les mains vers l’avant. Je pus l’entendre crier.

— Dame du Lac ! Viviane !!

Il appelait la Dame du Lac ? La vraie ? Mais son lac n’était-il pas désormais mon donjon ? Si elle apparaissait, existerait-il deux Dames du Lac ? Une vraie plus le boss de mon donjon ? J’attendis de voir ça avec impatience.

— La vraie Dame du Lac… Je vais être témoin de… ? murmurai-je.

Et j’attendis, avec une anticipation évidente au fond des yeux. Arthur l’appela encore deux fois… mais elle ne daigna pas le bénir de sa présence. La surface du lac resta claire et paisible, opaque et bleue, reflétant un ciel sans nuages.

— Viviane ! Pourquoi… Suis-je devenu indigne ? As-tu repris Excalibur ?

Arthur continuait à crier en direction du lac. Alors comme ça, il pensait qu’elle avait récupéré l’épée ? Qu’Arthur était devenu indigne d’être le roi d’Albion ? Ha ha… Il ne pourrait plus la retirer de la pierre, et dans ce cas, son titre n’avait plus aucune base. Cela me fit d’ailleurs penser à autre chose. Même si Friderik avait fait fondre l’épée et l’avait digérée, on pouvait dire que désormais, elle n’était plus dans la pierre. Il l’en avait donc retirée, même si le moyen était peu conventionnel.

Possédait-il désormais les qualifications pour devenir le roi ?

L’idée d’un slime gris vêtu d’un manteau rouge et d’une couronne, assis sur un trône et tirant la gueule me fit rire tout bas. Mais l’heure n’était pas à la plaisanterie. Le roi retournait penaud vers son armée et je me demandais s’il allait devoir abandonner son titre de roi ou s’il allait le conserver sans son arme magique, symbole du pouvoir sur Albion.

Friderik comprit également ce qui venait de se tramer là et je le surpris à sourire d’un air sarcastique. Il s’imaginait la même chose que moi ?

— Wuying… Tu crois que si je bouffe la couronne, je pourrai faire comme avec l’épée ? murmura-t-il.

— Alors c’était ça que tu avais dans la tête ! N’importe quoi. Je n’en sais rien.

Il leva les yeux vers moi et je pus y lire une indifférence la plus totale. Il semblait me dire qu’il essayerait, peu importe la situation.

— Si tu en as l’occasion un jour, promis, je te laisserai l’avaler. Mais pas maintenant. On ne doit pas se laisser repérer.

Je mis une main sur sa tête, comme si j’étais capable de le retenir. Je savais bien qu’il n’en était rien mais c’était un réflexe. Je le sentais prêt à bondir pour aller attaquer le roi.

— Attends. Sous peu, tu vas pouvoir tuer et dévorer des monstres. N’oublie pas. Nous avons rendez-vous chez le Seigneur Ombre demain soir.

Il sembla se calmer. Visiblement, la possibilité de se voir offrir des victimes qui lui permettraient peut-être d’obtenir de nouvelles formes était plus alléchante que la couronne d’Arthur.

— Et puis, je te garantis qu’on va revoir ce roi un jour ou l’autre. Après tout… tu lui as volé son épée.

Raka
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10 thoughts on “DMS : Chapitre 96

  1. Merci pour ce chapitre.

    Pauvre roi Arthur ! Lui qui pensait pouvoir récupérer son épée après que celle-ci soit rechargé à fond, c’est ballot. Quel dommage qu’un certain slime soit passer par là pour la lui bouffer et ainsi devenir sienne. Que la vie est cruelle :p ! Je sens que ça ne sera certainement pas une bonne idée que Friderik et le roi Arthur se rencontrent surtout si le premier montre au dernier que c’est lui qui a l’épée. Il y en a un qui va faire un massacre je vous dis ^^ »…

  2. Raka !
    Je vous aime, toi et ton cerveau fécond (en un mot…) pour tes créations très… Trop… Enfin super, quoi !
    Continue à nous apporter de la joie avec ton originalité et ton style d’ecriture. Merci

  3. Le slime peut juste faire apparraitre excalibur par une tentacule ou devenir completement lepée ? Si cest le cas wuyin peut bluffer si la situation lexige en disant quelle a lepée lorsque frederik est entierement transformé.

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