IATM Chapitre 69
IATM Chapitre 71

Chapitre 70 : Un danger peut en cacher un autre 1/7

 

Roan se souvenait parfaitement de la raison pour laquelle le conflit avait explosé entre Istel et Rins. Pour cause, son royaume avait analysé au peigne fin toutes les raisons qui avaient pu mener à une situation si grave.

Nous allions tout perdre, même les terres du Comte Lancephil…

Ainsi, de nombreuses vérités furent révélées.

Depuis l’année dernière, leurs récoltes sont de plus en plus faibles.

Le royaume d’Istel abritait pourtant nombre de plaines qui en avaient fait une formidable force agraire, leur permettant de développer le commerce et ainsi d’importer ce qui pouvait leur manquer. Sans l’agriculture, Istel tomberait tout simplement en désuétude.

Ils sont à peine rentrés dans leurs frais, l’année dernière.

Au cours de cette année, ils ne purent même pas commercer et on commençait à s’inquiéter de pouvoir seulement nourrir le peuple. La raison de cette avarie était inconnue, d’autant plus que leurs plus proches voisins, les royaumes de Rins et de Byron, ne souffraient d’aucun problème du genre. Istel s’était finalement retrouvée dans une impasse, et plutôt que de quérir un soutien…

Ils ont opté pour une campagne contre nous.

Les terres de l’est de Rins étaient ponctuées de montagnes, qui abritaient quantité de minéraux et d’autres ressources naturelles. Sans directement endiguer la famine qui les menaçait, en prendre possession permettrait tout au moins aux gens d’Istel de rétablir le commerce.

« J’ai peur de mal comprendre. On peut mettre fin à la guerre ? » s’étonna Aaron Tate après le mystérieux propos du jeune prodige.

« Tout à fait. » répondit Roan avec assurance.

« Hmm. Je serais curieux d’entendre ça, allons dans la tente. »

À leur suite, les Majors et les Commandants rattachés à son régiment entrèrent à leur tour.

« Bien, puisque tout le monde est là, nous pouvons commencer, déclara Aaron Tate. Commandant en second Roan, vous m’affirmez que nous sommes en capacité de mettre un terme à cette guerre ? »

Roan opina du chef, à la surprise des Commandants.

« Déjà ? »

« Nous n’avons même pas osé les affronter directement, je vois mal comment on pourrait y arriver… »

D’autres se plaignirent encore sous les soupirs approbateurs de quelques Majors. Roan les regarda, et une fois silencieux, s’exprima.

« Tout d’abord, il vous faut connaître les raisons qui ont motivé ce combat. »

Il leur expliqua longuement les problèmes qu’Istel traversait sur le plan de l’agriculture, ainsi que ses conséquences directes.

« Si Istel ne fait que de maigres récoltes… Oui, votre hypothèse me semble tenir la route. » observa un Commandant.

« C’est vrai que les prix de la nourriture ont flambé, ces derniers temps. Je comprends mieux pourquoi ! » assentit un autre.

Le Colonel Tate, quant à lui, exprimait encore quelques doutes.

« Et ils auraient eu des difficultés comme ça, sans raison apparente ? »

Roan ne lui répondit pas directement. C’était trop risqué.

Nous n’apprendrons la cause exacte de ce fait que dans deux ans…

« Le fait est que, comme je vous l’ai dit, ils manquent de nourriture au point de n’avoir pu prévoir de réserves suffisantes pour cette guerre. » insista-t-il.

Si on en croyait les propos qu’il avançait, son raisonnement suivait une voie tout à fait logique.

Ils ont dû réquisitionner jusqu’aux maigres réserves de leur peuple, mais ça n’a pas suffit. Somme toute, ils n’avaient plus d’autre choix que de nous attaquer.

Même si on en venait à le croire, ceci n’expliquait toujours pas comment Roan espérait mettre fin à la guerre. C’est seulement à cet instant qu’il commença à s’expliquer.

« Dès lors, le royaume d’Istel n’est pas en mesure de souffrir les exigences d’une longue campagne. Pour ne rien arranger, le haut commandement d’Istel a exigé que les paysans se replient plus à l’ouest, laissant les champs totalement vides. »

Le Commandant Gale lui fit une discrète tape sur l’épaule.

« Colonel Tate, nous en avons fait autant avec la nourriture. Il n’est sans doute pas nécessaire de vous rappeler que le bétail, les outils et même le fer ont suivi la même voie. » affirma-t-il.

« Les ordures d’Istel ne vont pas être en mesure d’acquérir le moindre repas ! » lança à son tour Mendel.

Tous semblant tomber d’accord, Roan n’étant plus le seul à argumenter en ce sens, il afficha un sourire.

Par le passé, l’attaque d’Istel fut une telle surprise qu’ils ne trouvèrent aucune résistance et raflèrent la quasi-totalité des terres de l’est. C’est ainsi qu’ils ont réussi à tenir sur la longueur. Combien de défaites avons-nous souffert avant l’intervention des troupes d’élite du centre et du sud de Rins ?

Mais aujourd’hui, tout était différent. Rins était certes forcée de reculer, mais les deux défaites cuisantes qu’avait essuyées Istel avaient affaibli leur armée et ralenti leur progression.

Même s’ils parviennent à prendre possession de certains territoires, ils n’y trouveront que des mauvaises herbes.

Une voix le sortit soudainement de ses pensées. Celle du Commandant Richard, à la tête du bataillon des forces spéciales.

« Si les soldats d’Istel manquent de vivres et ne peuvent être ravitaillés, ne devrait-on pas organiser le front de sorte à faire un siège imprenable ? Ça les épuiserait… » proposa-t-il.

« Non, pas dans ces circonstances. Nous avons un autre ennemi qui nous guette. » expliqua Roan.

« Le royaume de Byron… » fit, pensif, Aaron Tate.

« En effet, mon Colonel. Leurs troupes se mobilisent actuellement vers le sud pour faire front commun à l’est. » abonda-t-il en son sens.

Les visages des hommes se teintèrent de gravité.

« Si Byron parvient à s’avancer si loin… Non, on ne peut pas tenir un siège. »

« Ils ravitailleront Istel sans le moindre doute possible, et nous perdrons notre avantage. Que suggérez-vous, Commandant en second Roan ? »

« Et surtout, demanda un autre Commandant, comment comptez-vous mettre fin à cette guerre ? »

Dans la tente, la tension était palpable. Roan prit pourtant tout son temps avant de répondre, afin d’augmenter l’impact qu’aurait sa déclaration.

« C’est simple. Il faut couper leurs ravitaillements et incendier leurs vivres. » lança-t-il.

« Certes, mais… » commença un Commandant.

« Pour ça, il faudra qu’on arrive à s’infiltrer au sein d’une armée de 80000 hommes. Est-ce seulement envisageable ? » le coupa Aaron Tate.

Tous émirent de nombreux doutes quant à la faisabilité du projet, et par dessus tout, comment allaient-ils trouver l’endroit où ils stockaient nourriture, armes et outils ? Loin de s’en offusquer, Roan s’amusa en secret de leurs réactions, escomptant ces dernières. Il sortit un papier de son armure et le remit à Aaron Tate, avant de lui octroyer le luxe d’une explication.

« Afin de trouver leur stock et la route par laquelle il leur parvient, j’ai eu recours aux services d’une agence de renseignements. Il aura fallu un certain temps, mais j’ai fini par obtenir un rapport détaillé qui… Mais lisez plutôt, mon Colonel. » répondit Roan.

S’exécutant, Aaron Tate écarquilla tout à coup les yeux et cria : « Vous l’avez trouvée ! »

Les Commandants, jusqu’alors mesurés, eurent un rire mauvais. Ces maudits soldats d’Istel ne payaient rien pour attendre… Ils vinrent à leur tour inspecter le papier, indiquant l’endroit précis de la ligne de d’approvisionnement.

« Nous ne devons pas attaquer leur armée, mais leurs réserves. » déclara Aaron Tate.

« Exactement. C’est ainsi que nous arrêterons la guerre. » opina Roan.

Quelques exclamations de surprise et de rire se firent entendre, de façon si vocale que les soldats hors de la tente commencèrent à se poser de sérieuses questions.

Il ne lui avait pas suffit de se montrer un adversaire féroce à tout un royaume, Roan avait maintenant la capacité de les repousser de façon définitive. Une question demeurait toutefois…

« Ces informations sont véritablement fiables ? » demanda le Colonel Tate.

« Je m’en porte garant. » répondit Roan avec détermination.

Pour cause, en plus du travail de Chris, il se souvenait lui-même de cet endroit.

Il me fallait malgré tout m’en assurer tout à fait. C’est ainsi que j’ai pu l’identifier avec précision. En gardant à l’esprit les lignes de ravitaillement, on devrait parvenir à estimer l’endroit où ils ont amassé leurs réserves. C’est ainsi que nous mettrons fin à la guerre.

« Je me dois toutefois de vous avertir que comme il est indiqué sur le rapport, c’est en territoire ennemi. Il faut qu’on file en ligne droite jusqu’à atteindre leur dépôt logistique. Pour ça, nous ne pouvons pas envoyer 10000 soldats. » ajouta-t-il après un moment.

« Il va falloir nous diviser. » comprit aussitôt Aaron Tate.

« En effet. Il faut envoyer le moins de monde possible. Car il nous faut non seulement bloquer cette ligne d’approvisionnement, mais aussi s’avancer sur leurs terres et essayer d’en apprendre davantage sur les autres. Il n’y a que comme ça que nous pourrons identifier l’endroit où ils cachent leurs réserves. »

« C’est un très bon plan. Je vais réorganiser le régiment. »

Aaron Tate s’arrêta un moment et se mit à réfléchir, dans un silence religieux.

« Le bataillon de la Rose s’occupera de la première partie. Les autres, vous savez ce que vous avez à faire. Commandants, préparez-vous ! » trancha-t-il finalement.

« Oui, mon Colonel ! » répondirent plusieurs voix de concert.

Ils le saluèrent et sortirent progressivement. Roan s’apprêtait à suivre le Commandant Gale, quand Aaron l’appela.

« Attends, Roan. »

« Mon Colonel ? »

« Encore une fois, nous te devons une fière chandelle. Sache que j’en tiendrai aussi compte quand sera venu le temps de te récompenser. »

« Merci, mon Colonel… »

Roan finit par sortir, la tête chargée d’un certain nombre de pensées. L’automne touchait à sa fin, et l’hiver marquerait pour lui le début d’un nouveau périple.

C’est pour ça que je suis revenu ici. Mais pour ça, il faut que tout se passe selon mes plans. Il est temps de mettre fin à la guerre.

 


 

« Ugh ! » cria un soldat avant de s’effondrer, transpercé en plein cœur par la pointe d’une lance.

Son propriétaire soupira et jeta un regard autour de lui. Au sol jonchaient, éparpillés, des centaines de corps.

Une autre victoire. C’est déjà la treizième.

La situation avait évolué à leur avantage, s’attaquant au moindre chemin d’approvisionnement. Treize d’entre ces passages étaient tombés.

« Encore une victoire de Roan ! » lui cria soudain une voix familière.

C’était celle du Major Mendel, le Commandant Gale et le Colonel Tate à ses côtés. Tous souriaient aux éclats.

« Si on en croit les bruits qui courent, le royaume d’Istel est à deux doigts de la panique ! » s’amusa Gale.

« Ha ha ! C’est bien normal, leurs provisions ne nourriront que nos soldats ! » assentit Mendel.

Roan avait vu juste. Grâce à lui, chaque bataillon avait pu acquérir quantité de vivres, et dérouter l’ennemi en s’attaquant à ses caravanes.

« Les pauvres, j’aurais presque pitié d’eux ! » s’excita encore Gale.

Si le Colonel Tate était plus réservé pour des questions de bienséance, il partageait pleinement leur joie. Seul Roan restait grave.

C’est bien qu’ils se réjouissent, mais nous n’avons toujours pas trouvé leur stock…

Il n’y avait que comme ça qu’ils pourraient durablement les déconcerter. Aaron Tate laissa les deux hommes continuer à plaisanter et chuchota discrètement à Roan.

« Tu as une tête à faire peur. C’est au sujet de l’armée de l’est ? »

Roan secoua la tête en expliquant que le problème résidait ailleurs. Il y avait pourtant fort à dire sur le sujet. L’armée menée au combat par Benjamin Doyle essuyait les défaites les unes après les autres, augmentant chaque fois un peu plus l’influence qu’avait le commandement d’Istel sur les terres de l’est.

« Alors, de quoi s’agit-il ? C’est au sujet du stockage ? » lui demanda Aaron Tate.

Le Commandant Gale et le Major Mendel cessèrent de rire et prêtèrent l’oreille.

« Roan, cesse de t’en faire. Nous avons déjà accompli bien plus que cet incapable de Benjamin Doyle. Leur avancée se fait bien plus lente. » insista-t-il.

Les deux hochèrent de la tête, mais Roan ne semblait toujours pas trouver là matière à se réjouir.

À ce rythme, Byron va finir par arriver et faire front commun…

Il fallait à tout prix empêcher ça. La question restait de savoir comment… C’est alors qu’un soldat vint les rejoindre.

« Mon Colonel ! » cria-t-il, après avoir lancé un regard à Roan.

Il fait partie des forces spéciales, je crois… Oui. Je l’ai vu dans le bataillon du Commandant Richard.

« Qu’y a-t-il, soldat ? » lui demanda sur un ton formel l’intéressé.

« Mon Colonel, j’ai une lettre du Commandant Richard à vous transmettre. »

Aaron en lut rapidement le contenu, et toute trace d’inquiétude qu’il avait exprimé à l’égard de Roan disparut aussitôt.

« Bon, vous allez nous dire ce que c’est ? » lui lança d’un ton léger le Commandant Gale.

Le Colonel prit une grande inspiration et s’exclama : « Ils l’ont trouvé ! »

« Qu’ont-ils trouvé ? » s’interrogea le Major Mendel.

Roan récupéra enfin son sourire. Il avait compris.

« Ils ont trouvé leur dépôt. »

Nostra
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