MoL : Chapitre 57

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Chapitre 57 – Indésirable

 

Zorian observa attentivement les deux feuilles de papier devant lui, analysant méthodiquement chaque ligne de texte et relevant absolument toutes les différences existantes. Zach était assis à ses côtés et le regardait travailler en silence, une inquiétude quelconque lisible entre ses sourcils.

Malgré le mutisme oppressant et l’atmosphère sérieuse, les deux objets n’étaient que de simples listes de noms. Des camarades de classe, des professeurs, en passant par des employés officiels du service public… Zach et Zorian avait couché sur papier tous les noms de ceux qu’ils pouvaient considérer comme potentiellement importants, sans savoir ce que l’autre allait écrire. Zorian espérait qu’en comparant les deux, ils pourraient définir quels étaient les manques évidents dans la mémoire de Zach. Ou dans la sienne propre, pour ce que ça important — ce n’était pas probable, mais Zorian ne rejetait pas totalement l’idée que son propre esprit pût avoir été manipulé également.

— Est-ce vraiment nécessaire ? finit par demander Zach. Peut-être que j’ai juste oublié ce type ?

Le regard de Zorian se détacha des feuilles pour se fixer d’une manière incrédule sur son camarade.

— Eh, je dis juste ça comme ça ! protesta Zach, main levées. Je veux dire, ça fait quand même un sacré bout de temps que je suis coincé dans cette boucle temporelle, et il a été expulsé avant même qu’elle ne commence. J’aurais dû le chercher spécialement, et pour quelle raison aurais-je fait ça ? Nous ne nous apprécions même pas l’un l’autre, il semble ?

— S’il te plaît, grimaça Zorian. Il ne fait aucun doute que ton incapacité à te souvenir de lui n’a rien de naturel. Je peux comprendre que tu aies volontairement cessé de penser à lui. Merde, j’aurais sans doute même fait pareil moi-même. Mais de là à totalement oublier son existence lorsqu’on te la rappelle ? Tout avoir zappé à son sujet ?

Pourtant, c’était exactement ce qui s’était produit, si l’on en croyait Zach. Zorian pouvait simplement en conclure que quelqu’un avait proprement nettoyé l’esprit du pauvre voyageur temporel de toute information concernant Veyers Boranova.

Il n’était pas certain de la raison pour laquelle Zach ne voulait pas accepter cette réalité, bien qu’il eût ses propres suppositions…

Zorian reprit son travail et se remit à comparer les listes, jusqu’à finir par tomber sur un nom de la liste de Zach qui était parfaitement étranger à ses souvenirs. Ce n’était pas très surprenant en soi — La liste de Zach était bien plus longue que la sienne, l’héritier Nova étant d’un caractère bien plus social que tout ce que Zorian pourrait jamais devenir.

— Qui est ce Ilinim Kam ? demanda-t-il, comme pour chaque nouveau nom.

— Il était étudiant dans l’un des autres groupes pendant nos deux premières années à l’Académie, expliqua Zach. Nous traînions ensemble, parfois. Tu n’étais pas très amical à cette époque, c’est peut-être pour ça que tu ne te souviens pas de lui. Je ne pense pas que tu aies jamais fréquenté d’autres groupes, n’est-ce pas ?

— Non, admit Zorian. J’étais très occupé à cette époque. J’interagissais à peine avec mes propres camarades de classe, alors ne parlons même pas de ceux avec qui je n’avais aucune raison de parler. Pourtant, j’ai observé ces groupes lorsque je cherchais qui pouvait bien être Robe Rouge. Je ne me souviens pas avoir jamais vu ce nom, Ilinim Kam.

— Eh bien, j’ai dit qu’il avait été étudiant, pas qu’il l’était toujours, fit remarquer Zach. Il a échoué son examen de certification et abandonné ses études à l’Académie.

Voilà qui expliquait bien des choses. Zorian avait totalement ignoré tous les élèves qui avaient échoué et n’étaient pas passés en troisième année, les considérant totalement vides de pertinence. C’est pour ça qu’il avait loupé Veyers également, d’ailleurs.

— Nous allons devoir établir une liste des personnes comme lui et découvrir s’ils nous réservent d’autres surprises, nota Zorian.

Parcourant une fois de plus la liste de noms du regard sous Ilinim, il y repéra quelques autres identités similaires.

— Ceci dit, je ne peux pas m’empêcher de remarquer que tu connais pas mal d’élèves en-dehors de notre classe…

— Je sais où tu veux en venir, l’interrompit Zach. Tu vas me faire remarquer que je peux te lister des noms d’élèves qui étaient avec nous en seconde années, voilà au moins trente ans pour moi, et me demander comment je peux avoir totalement oublié un seul mec ?

— Et ? acquiesça Zorian. Ta réponse à cette question ?

— Tu as raison. Il y a définitivement quelque chose d’anormal dans cet oubli ciblé. T’es content, maintenant ? se résigna Zach en soupirant.

— Oui, lui répondit Zorian avec un sourire. Maintenant dis-moi, qui est cette Anixa Pravoski…

Pendant l’heure qui suivit, ils égrenèrent lentement les deux listes de noms en y cherchant toutes les particularités possibles. Pour bonne nouvelle, Zach ne possédait aucun autre trou de mémoire évident, pour autant que Zorian pouvait l’affirmer. Seul Veyers semblait être le grand absent.

— Alors… Penses-tu que Veyers est Robe Rouge ? tenta prudemment Zach.

— C’est la question, n’est-ce pas ? rétorqua Zorian en retirant ses lunettes avant d’y chercher la présence de saletés, simple moyen de gagner du temps tandis qu’il cherchait un moyen de formuler ce qu’il avait à l’esprit.

— Oui, en effet, finit pas annoncer Zach tout doucement, l’air faussement idiot. Alors pourquoi ne tentes-tu pas d’y répondre ?

Ugh. Si impatient…

— C’est possible, trancha Zorian. Mais je ne sais pas. Certaines choses me dérangent dans toute cette histoire.

— Comme quoi ? s’étonna visiblement Zach.

— Comme le fait qu’il n’ait effacé de ta mémoire que sa seule existence. C’est si… amateur ? Je m’attendrais à plus que ça de la part de Robe Rouge. Je veux dire, si je faisais un truc comme ça, j’aurais au minimum effacé de ta mémoire la présence de plusieurs autres étudiants, afin de brouiller les pistes, au cas où.

Zach l’observa, l’air pas amusé du tout.

— Tu sais, Zorian, parfois je ne peux m’empêcher de me demander si tu n’es pas réellement Robe Rouge.

— Tu nous as pourtant tous deux vus dans la même pièce, fit remarquer l’accusé, totalement au-dessus des mots de Zach.

— Mais Robe Rouge peut créer des simulacres, alors ça ne prouve rien, se surprit à sourire Zach, croisant ses mains devant son torse.

Zorian se laissa une note mentale stipulant qu’il devrait, plus tard, demander à Zach de lui enseigner comment lancer ce genre de sort. Il n’y avait pas moyen que Zach n’eût jamais appris à faire ça pendant les dizaines d’années qu’il avait passées dans la boucle, et… Zorian désirait vraiment ce sort. Ils avaient plus important sur les bras à ce moment précis, cela dit, et il relégua cette idée à plus tard, bien contre son gré.

— Deuxièmement, il est difficile de croire que quelqu’un comme Veyers pourrait se montrer assez discret et patient pour être Robe Rouge, continua donc Zorian, retrouvant le sujet avec aisance. Je veux dire, il a perdu ses nerfs lors d’une consultation disciplinaire, par tous les dieux ! Il est encore plus impulsif que toi !

— Eh… commença Zach.

— Mais aucun de nous n’est semblable aujourd’hui aux personnes que nous étions lorsque nous sommes entrés dans la boucle, n’est-ce pas ? concéda Zorian.

— Il y a beaucoup de similarités, dit Zach en secouant la tête. Mais je pense que son manque de patience avant tout ça ne prouve rien de catégorique. Tu n’étais pas non plus très agréable à côtoyer, et regarde-toi maintenant…

Il s’agissait probablement là d’un juste retour de bâton. Zorian avala sa salive et accepta le coup sans rien dire. Sans doute le méritiait-il…

— J’avais des raisons d’agir comme je le faisais, nota Zorian.

— Et qui te dit que Veyers n’en avait pas ? demanda Zach. Je suis certain qu’il jugeait son comportement parfaitement légitime, lui aussi.

C’était pourtant vrai, Zorian devait bien l’admettre. En fait, la nature même de la boucle avait très bien pu régler la majorité des problèmes de Veyers et le calmer de façon notable, un peu comme elle l’avait fait avec Zorian.

— Je suppose que tu as raison, concéda-t-il après une courte pause, secouant la tête pour se remettre les idées en place. Je pense qu’au bout du compte, ça n’importe que très peu, qu’il soit Robe Rouge ou non. Le fait que tu ne te souviennes plus de lui prouve que Robe Rouge ne voulais pas que tu interagisses avec lui, ce qui le rend automatiquement important. Nous avons besoin de vérifier ça.

— Oh, pas de dispute à propos de ce que j’ai dit, se surprit Zach. Bien que cela me fasse tergiverser… Si Veyers est vraiment Robe Rouge, qu’allons-nous trouver en enquêtant sur lui ?

— Selon la méthode qu’il a utilisée pour sortir de la boucle temporelle, on peut s’attendre à ce que la contrepartie soit un corps sans âme dans ce monde, un peu comme les Aranea… ou une personne vivante, totalement inconsciente de tout ça, identique à toutes les autres autour de nous.

— Pourquoi un corps sans âme ? s’étonna Zach.

— Eh bien… J’ai réfléchi à quelques méthodes qu’aurait pu trouver Robe Rouge pour arnaquer le Gardien, et j’ai réalisé qu’il aurait très bien pu demander à ce que son âme soit éjectée et placée dans son vrai corps, dans le vrai monde, expliqua Zorian. Pour un nécromancien tel que lui, il doit être aisé de simplement expulser l’autre âme pour prendre sa place, et continuer à vivre sa vie à partir de là.

— Le Gardien accepterait ça ? demanda Zach. Peut-il seulement faire ça ? Il a prétendu qu’il devrait échanger les âmes si le corps du monde réel en possédait déjà une.

— Je ne peux donner aucune réponse concrète à cette question, fit Zorian en haussant les épaules. Je n’en sais pas suffisamment à propos de la nécromancie et des capacités du Gardien pour oser prétendre quoi que ce soit. C’est juste une possibilité que j’ai considérée.

Pendant un moment, ils continuèrent à se balancer l’un l’autre possibilités et théories. Simples spéculations, au bout du compte, et ils finirent par abandonner l’idée, la qualifiant d’inutile. Ils allaient devoir attendre de trouver Veyers avant de reprendre cette conversation sur une base plus solide.

Après qu’un bref silence fût descendu sur la scène, tous deux se retrouvèrent perdus dans leurs pensées respectives.

— Tu es sûr que tu ne veux pas que je jette un œil à ton esprit ? finit par demander Zorian.

— Quoi ? balbutia Zach, une certaine incompréhension dans la voix, tiré de ses réflexions par la question abrupte de Zorian.

Une seconde plus tard, lorsque son cerveau parvint finalement à traiter la question, son visage se déforma.

— Non. Absolument pas. Je suis désolé, mais mon cerveau a déjà été trituré par un mage, je ne veux pas me retrouver à la merci d’un autre. D’ailleurs, quel serait l’intérêt ? Je ne suis peut-être pas un expert en magie mentale tel que toi, mais même moi, je sais qu’il n’y a aucun moyen de réécrire des souvenirs effacés. Je te laisserais farfouiller dans ma tête pour rien.

— Eh bien, il est vrai qu’une mémoire parfaitement effacée ne peut être récupérée, concéda facilement Zorian. Mais pourquoi considères-tu que Robe Rouge a effectué la chose de façon parfaite ? J’ai assisté à sa pratique de la magie mentale en personne, lorsqu’il a tenté de l’utiliser contre moi, et il n’était pas bon du tout. Il y a de fortes chances qu’il ait manqué quelque chose.

— Tu as une image très biaisée de ce qui est bon et mauvais en magie mentale, lui assena Zach. Ce n’est pas qu’il est mauvais, c’est toi qui est trop bon. Et c’est toujours non.

— Et si je te disais que tu pourrais tout à fait toujours être sous l’influence de la magie ? tenta Zorian en levant un sourcil.

Zach ne lui cacha pas son étonnement.

— Qu’est-ce que tu racontes, bordel ?! s’exclama-t-il en levant la voix.

— Il est difficile de croire que tu n’aies jamais croisé personne ayant mentionné l’existence ou le simple nom de Veyers pendant toutes ces années, pointa Zorian en soupirant. Il n’est pas souvent un sujet de discussion, mais les gens parlent de lui de temps en temps. Au fil des décennies, tu aurais dû remarquer un type que les autres camarades de classes connaissaient et dont tu ignores l’existence.

— Eh bien… J’étais rarement en cours, passé un certain point… essaya Zach.

— Zach, je te trouve vraiment et étrangement évasif à propos de Veyers, depuis le début, lui annonça brusquement Zorian. Merde, il n’y a pas si longtemps, tu as même caressé la simple idée que tu aurais pu simplement avoir oublié ce mec. Comme s’il n’était pas déjà suffisamment évident qu’il s’était volontairement effacé de ta mémoire. Je me serais attendu à ce que tu sois plus excité à l’idée de découvrir une chose si importante, mais au lieu de ça, tu sembles vraiment enclin à vouloir foutre tout ça de côté comme une chose sans importance ou peu probable.

— Zorian, tu compliques à nouveau la situation un peu plus que nécessaire, se plaignit Zach. S’il te plaît, parles clairement.

— Bien. Tu es probablement sous l’effet d’un quelconque sort de compulsion qui te force à ne pas te concentrer sur le sujet Veyers. Et il est fort possible qu’il te fasse également oublier tout ça après un moment, s’il devait jamais t’être imposé de force. Nous allons devoir reprendre ceci demain, et voir si tu as oublié cette conversation.

— Ne plaisante même pas à propos de ça, Zorian, le prévint Zach.

— C’est ce que j’aurais fait à sa place, fit Zorian sans se démonter et en haussant les épaules. Mais j’ai le sentiment que tu n’as pas à t’inquiéter à propos de ça. Si Robe Rouge ne s’est pas inquiété de masquer son altération de mémoire mieux que ça, il ne s’est sans doute pas préoccupé non plus de quelque chose de si sophistiqué. La compulsion pour te faire éviter le sujet aurait été suffisante, de toutes façons. Je veux dire, si je n’avais pas été si poussif et insistant à son sujet, tu aurais probablement laissé tomber et tu aurais fini par oublier ça.

Zach siffla tout bas, pris d’une pulsion de rage. Zorian n’en saisit pas le contenu, mais il était presque sûr qu’il y avait des insultes et jurons directement dirigés vers Robe Rouge. Quelque chose à propos de ses ancêtres et leur attirance pour les parties génitales masculines. Quoi qu’il en fût, Zach passa les quelques minutes qui s’ensuivirent à faire les cent pas tout en murmurant un charabia incompréhensible.

Il avait alors l’air dangereusement instable, pour autant que Zorian pouvait en juger. Et ce n’était pas non plus la première fois que Zach agissait de la sorte. Une bien triste supposition frappa Zorian de plein fouet. Toutes ces décennies passées en isolement temporel, sans avoir un quelconque comparse avec qui discuter et une capacité limitée concernant ses interactions avec le monde qui l’entourait avaient dû être plus difficiles pour Zach que Zorian l’avait supposé.

À quel point cela aurait-il pu empirer, alors, si la boucle avait fonctionné comme prévu et qu’il y était resté des centaines d’années, ou qui savait combien de temps il était supposé y être enfermé ? Peut-être que le Serpent Fantôme n’avait pas complètement tort…

Finalement, Zach s’arrêta, passa ses doigts dans ses cheveux en soupirant de manière sèche et frustrée, avant de se tourner vers Zorian.

— Je ne peux pas croire que je suis en train de faire ça, lâcha-t-il. Vraiment, je n’y crois pas, mais il semble que je n’ai pas vraiment le choix. Zorian ?

— Oui ? répondit ce dernier presque par reflexe, avant même de se poser la question : Zach allait-il finalement le laisser entrer dans son esprit ?

Il ne pouvait pas imaginer ce qu’il aurait bien pu voul –

— Je veux que tu m’emmènes chez Xvim une fois de plus, dit-il, l’air amer. Je vais avoir besoin de ces cours sur la magie mentale, après tout.

— Oh, cilla Zorian, surpris, ne s’attendant vraiment pas à ça. Ouais. Bien sûr.

Il ne savait pas vraiment s’il devait être amusé ou ennuyé par cette conclusion. Ce n’était pas ce qu’il avait tenté d’achever en abordant le sujet, mais au moins, tout ça allait lui apporter son lot d’amusement dans les jours à venir.

 

___

 

Les quelques jours qui suivirent s’avérèrent en réalité plutôt frustrants. D’un côté positif, Zach n’avait pas oublié Veyers et tout sort de compulsion sous lequel il pouvait être ne s’étendait pas aussi loin. Malheureusement, les bonnes nouvelles s’arrêtaient là. Leur recherche concernant ce mystérieux Veyers n’avait abouti nulle part. Ils connaissaient son nom, son apparence et où il était censé habiter, mais le quidam restait introuvable. Au bout du compte, Zach et Zorian avait semé la ville de sorts de divination et le résultat n’avait pas été plus probant. Soit Veyers se trouvait sous quelques puissantes barrières anti-divination, soit il ne se trouvait nulle part à proximité de Cyoria.

Pour ne rien arranger, personne ne semblait savoir quoi que ce fût à son propos, pas même les autorités de la ville. Zorian savait, après avoir lu les pensées des officiels de l’Académie qu’il avait interrogé, que Veyers n’avait plus jamais interagi avec l’Académie après son expulsion, et ce, même s’il était toujours attendu pour signer quelques documents. L’Académie avait envoyé un message à Veyers pour s’en plaindre et ne reçut jamais la moindre réponse. La police, quant à elle, ne possédait aucun rapport de disparition ou d’enlèvement, de mort ou de départ ; pourtant, Veyers n’avait pas été aperçu depuis des semaines.

Ils avaient même tenté de contacter la Maison Noble Boranova directement, afin de voir s’ils pouvaient arranger un rendez-vous. Malheureusement, les représentants les avaient envoyés paître. Pas de façon injurieuse, bien sûr, mais ils avaient poliment et clairement fait comprendre aux deux garçons qu’ils ne désiraient pas leur parler.

Finalement, enquêter sur Veyers se trouvait être bien plus compliqué que ce que Zorian avait imaginé. À ce moment, cependant, il ne s’en surprit pas vraiment, et n’en était donc pas très déçu. Depuis quand quoi que ce fût à propos de la boucle était simple ?

Même s’il s’agissait sans doute d’une solution désespérée, Zorian décida malgré tout de questionner ses camarades de classe à propos de Veyers, afin de récupérer la moindre information qu’ils pourraient avoir, fût-elle de moindre importance. Au pire, Benisek aurait sans doute sous sa veste quelques rumeurs à son propos, même s’il n’était pas certain qu’elles fussent exactement ce que Zorian cherchait.

— Tu es à l’heure pour une fois, je vois, lui cracha froidement Akoja alors qu’il approchait de la salle de classe, avant de signaler sa présence sur sa feuille de papier. Un signe positif. Une occasion spéciale ?

Zorian s’imagina, l’espace d’une seconde, lui faire remarquer qu’il n’était pas à l’heure, mais incroyablement en avance, et décida finalement de laisser tomber. Si elle voulait avoir raison, soit, pour une fois.

— En réalité, je voulais te parler, dit-il simplement.

— M… À moi ?! tonna-t-elle, coi et les yeux écarquillés. Euh.. Je veux dire… Bien sûr. De quoi désirait-tu me parler ?

— Veyers Boranova.

— Lui ? s’étonna-t-elle – Zorian sentit une pointe aigüe de déception poindre douloureusement dans ce mot. Tu… Tu sais vraiment choisir tes sujets, Zorian.

— Désolé, s’excusa-t-il, et il l’était réellement : il lui avait probablement donné un faux espoir, lui faisant miroiter, l’espace de quelques souffles, la possibilité qu’il voulût sortir avec elle, si les sentiments qu’il captait étaient d’une quelconque indication. Je pensais juste que tu pourrais savoir des choses sur lui, puisque tu es la déléguée, tout ça.

— Pour être franche, j’ai fait de mon mieux pour l’oublier, avoua-t-elle. Je ne peux pas te dire comme j’ai été ravie, lorsqu’il a été expulsé.

— Eh bien, à ce propos… Sais-tu exactement ce qu’il a fait à cet auditoire pour être jeté comme ça ?

— No. Personne ne le sait, répondit-elle en secouant les mains. J’ai entendu des gens dire qu’il avait attaqué l’un des juges, mais c’est sûrement des absurdités. C’est un peu trop gros, même pour Veyers.

Autant Zorian n’aimait pas ce type, autant il devait bien avouer que c’était pourtant vrai. Veyers faisait habituellement preuve de tenue autour des professeurs et de ceux qui avaient un pouvoir hiérarchique sur lui, et il n’aurait sans doute jamais stupidement attaqué un juge apte à décider de son futur.

Mais il ne considéra pas un tel comportement totalement impossible, cela dit. La boucle temporelle lui avait appris à ne jamais se fier à ce à quoi les gens ressemblaient.

— Alors tu ne l’as pas vu récemment ? demanda-t-il. Tu n’as aucune idée de ce qu’il a fait, après ?

— Non, et non, secoua-t-elle la tête en le regardant d’un air suspicieux. Pourquoi t’intéresses-tu soudain à lui ?

— Zach veut lui parler d’un truc, mais je ne le trouve pas, mentit Zorian. J’ai accepté de l’aider à le chercher, alors je demande aux gens s’ils savent où le trouver.

Il sentit une vague d’ennui irrité surgir d’Akoja au moment où Zach entra dans la conversation. Que Zorian fût d’un seul coup si amical avec lui ne convenait pas à mademoiselle, s’il en jugeait par sa réaction, mais elle n’en dit rien. Un de ces jours, il allait vraiment devoir lui demander pourquoi elle le détestait tant.

— Peut-être que sa Maison l’a placé en état d’arrestation privé lorsqu’il a été expulsé ? proposa Akoja. Il s’est agi d’un scandale pour sa famille, et elle ne veut probablement pas qu’il soit vu en public pendant un moment. Au moins jusqu’à ce que les choses se calment un peu. Connaissant Veyers, il ne pourrait sans doute pas supporter que les gens se moquent de lui dans son dos, il perdrait son sang-froid et ne ferait qu’empirer les choses.

— Peut-être, accepta Zorian.

Il était également possible que Veyers fût un corps sans âme et que sa Maison ne voulût pas que cela se sache, pour une raison quelconque. Zach et lui allaient définitivement devoir s’introduire dans le domaine Boranova dans un futur proche s’ils échouaient à trouver le moindre indice quant à Veyers.

— Oui, ça semble logique, continua Zorian, mais sa Maison ne semblait pas avoir grand-chose à faire de ses éclats publics, auparavant, alors…

— Oui, concéda Akoja en hochant la tête. C’est honteux, la façon dont ils le laissent s’en sortir après le comportement qu’il avait en public. Je ne peux même pas imaginer ce que mes parents me feraient si je tentais d’agir comme il le faisait. Me faire expulser, par-dessus tout ça ? Je serais probablement envoyée au loin, dans une branche rurale de la famille, en tant que punition. Qui sait pour combien de temps ? Je parie que Veyers aurait appris à se contrôler rapidement s’il devait partir travailler à la ferme à chaque fois qu’il agit stupidement.

Wow. Les parents d’Akoja étaient plutôt stricts, apparemment. Pas étonnant qu’elle eût tourné ainsi.

— Comment penses-tu que tes parents réagiraient si tu te faisais exclure ? osa-t-elle, curieuse.

— Je… Je ne sais pas, honnêtement, admit Zorian. Pour dire la vérité, je pense que je serais trop effrayé pour vouloir le découvrir. Ils ne m’apprécient déjà pas tant, et ma réussite académique est la seule chose qui compte à leurs yeux, me concernant. Si ça devait arriver… Je pense que je rassemblerais mes affaires, mes économies et que je quitterais le pays ? Je ne me préoccuperais même pas de vouloir rentrer à la maison.

Akoja l’observa, incrédule, pendant quelques secondes, ne sachant que répondre.

— Ah… finit-elle par souffler, un peu gênée. Je vois…

— Ne t’en fais pas pour ça, la rassura-t-il. C’est très hautement théorique, puisqu’il n’y a aucune chance que je me fasse expulser. Une dernière question, si tu veux bien. Peut-être cela te paraîtra-t-il étrange, mais… sais-tu de quoi Veyers était capable ?

Akoja lui jeta un regard une fois de plus empli de ce je-ne-sais-quoi. Il fut tenté de jeter un rapide coup d’œil à ses pensées pour comprendre ce à quoi elle réfléchissait, mais parvint à se retenir. S’il commençait à faire ça à la moindre occasion, où cela allait-il finir ? D’ailleurs, entrer dans les pensées d’une demoiselle sans son consentement, encore plus si elle avait le béguin pour lui, n’était probablement pas la meilleure des idées pour commencer.

— Je suppose que tu parles de magie, dit-elle finalement, ce à quoi Zorian acquiesça. Eh bien, son comportement atroce mis à part, je sais qu’il avait du talent. Je suppose que sa Maison avait engagé une flopée d’instructeurs privés, ou peut-être même un de ses membres lui enseignait-il en personne. Je crois savoir qu’il pouvait créer du feu sans incantation ou gestuelle, assez facilement, mais c’est peut-être commun pour un Boranova.

Zorian hocha la tête une fois de plus. La Maison Boranova était célèbre pour sa maîtrise de la magie du feu. Les yeux orange et fendus que possédaient tous ses membres laissaient devenir qu’il s’agissait là des restes d’une amélioration de la lignée par un rituel quelconque dans le passé plutôt qu’un méthode d’entraînement secrète, mais il n’existait aucune publication officielle qui en parlait. Les Maisons Nobles étaient extrêmement cachotières sur ce point.

Remerciant Akoja pour son temps et sa patience, Zorian entra dans la classe. Il y avait encore quelques personnes avec qui il voulait discuter.

 

___

 

— Salut, Benisek, entama Zorian en s’asseyant à côté de celui-là. Ça te dérange, si je te demande quelque chose ?

— Ah ! Alors le grand Zorian daigne finalement venir parler à son vieux pote ! s’esclaffa magistralement Benisek. Et dire que je croyais que tu m’avais remplacé par Zach !

Si Benisek n’avait pas souri de toutes ses dents en disant ça, Zorian aurait pu réellement penser qu’il se sentit lésé. Mais les choses étant ce qu’elles étaient, Benisek était une personne très posée et qui ne prenait jamais rien personnellement.

Et qu’ils ne fussent pas extrêmement proches aidait sûrement aussi, pour tout dire. Bon, c’était sans doute la faute de Zorian plus que celle de Benisek.

— Ne sois pas si mélodramatique, le sermonna Zorian en souriant lui aussi. On peut avoir plus d’un ami, tu sais ?

— C’est vrai, c’est vrai, confirma aussitôt Benisek. Et tu as l’air bien plus heureux cette année que l’an passé. Tu as une petite amie, peut-être ?

Bien sûr, la dernière question fut accompagnée d’un mouvement de sourcils évocateur, tandis que les yeux de Zorian se levèrent vers le plafond.

— Bon, ok, ne me dis pas, concéda Benisek. Tu sais que je vais le découvrir tout seul, quoi qu’il en soit, hein ?

— Que sais-tu sur Veyers ? le coupa Zorian, ignorant la remarque autant que la question.

— Veyers ? s’étonna Benisek. Ah, je suppose que tu viens à peine de découvrir qu’il n’est plus avec nous cette année ? J’ai tendance à oublier que tu vis au milieu de nulle part et que tu ne parles pas vraiment aux gens. Peu importe, eh. Ouais, il a perdu son sang-froid lors de son auditoire disciplinaire et s’est fait jeter. Je suppose que même les Maisons Nobles n’ont pas plus de capital politique à cramer pour des types comme lui.

— Tu sais ce qu’il a vraiment fait ?

Et Benisek ne le savait pas. Il avait toutes sortes de spéculations à offrir à ce sujet, l’une d’entre elle voulant qu’il eût mis le feu à l’un des témoignages écrits, une autre qu’il eût couché avec la fille d’un membre haut placé de l’Académie et qu’il s’en était vanté pendant l’auditoire. Toutes étaient entendues de la bouche d’un ami mais impossibles à vérifier, selon Benisek. Zorian savait bien qu’il ne devait pas y prêter énormément de considération.

De façon peu surprenante, Benisek n’avais aucune idée du lieu où pouvait se trouver Veyers. Ce qui ne voulait pas dire qu’il n’avait rien d’intéressant à offrir à ce sujet, cela dit.

— Tu sais, tu n’es pas la seule personne à avoir posé des questions sur lui, annonça Benisek tout bas. J’ai entendu que certaines personnes s’intéressent à lui et questionnent également les gens, depuis un moment, maintenant. Ils offrent de l’argent à quiconque peut prouver l’avoir vu.

Huh… ?

— Tu sais qui sont ces personnes ? s’enquit Zorian.

— Je te l’aurais déjà dit, si ç’avait été le cas, fit Benisek en haussant les épaules. Mais en toute logique, je pense que sa Maison les a embauchés. Sinon, je doute qu’ils laisseraient quelqu’un offrir une récompense pour retrouver l’un des leurs.

— Peut-être qu’ils ne savent pas ? tenta Zorian.

— Si je sais, ils savent, pas moyen qu’ils aient loupé l’info, trancha Benisek. Je suis juste un amateur curieux, les Maisons Nobles ont tout un tas de professionnels à leur botte.

Alors la Maison Veyers le recherchait également ? Curieux… Etrange, mais pas improbable. Ce qu’il l’était, c’était qu’ils ne l’eussent pas encore trouvé. La Maison Boranovo, comme les autres, possédait son propre réseau d’informations et Veyers aurait déjà dû être localisé. Encore plus parce qu’il était de leur sang, et le connaissaient bien plus que Zorian.

Il remercia Benisek et s’en alla.

 

___

 

— Non, je ne sais pas pourquoi il s’est fait expulser, répondit Tinami. Ce ne devait sans doute pas être particulièrement grave, cela dit. Si l’Académie lui faisait déjà passer un auditoire disciplinaire, c’est qu’elle était déjà à bout, le concernant. Il a probablement crié sur le juge, ou quelque chose dans ce genre, et ils ont décidé que c’était une excuse aussi bonne qu’une autre. C’est vraiment une honte de ne pouvoir se contrôler plus que ça, il fait honte à sa Maison, vraiment. Ils n’ont pas besoin de ça.

— Pourquoi ? s’étonna Zorian. Qu’y a-t-il au sujet de sa Maison ?

— La Maison Noble Boranova est d’aspiration militaire, expliqua Tinami. Ils ont beaucoup souffert durant les guerres.

— Oh, alors cette Maison également ? La même chose que pour la maison Noveda ? demanda Zorian. Ont-ils également été dépouillés de leurs biens ?

— Ah, tu sais à ce propos… dit-elle timidement. Non, ce n’est pas pareil. Ils ont traversé le Grand Nettoyage sans perdre trop de monde, contrairement aux Noveda. Mais ils ont malgré tout souffert de lourdes pertes lors de la dissolution de l’Ancienne Alliance, et ils sont toujours à des lieues d’une complète restauration. Que l’héritier désigné se comporte ainsi… ne va pas aider les autres Maisons à les prendre au sérieux.

Hmm… Alors la Maison Boranova était affaiblie, mais pas suffisamment pour permettre aux étrangers de les mettre à sac comme pour les Noveda. Il n’était probablement pas dans leur intérêt de voir Cyoria détruite, alors pourquoi Veyers avait-il offert son soutien à l’invasion ?

— Peut-être qu’il se fiche simplement de sa Maison ? se surprit Zorian à penser tout haut.

— Je rirais probablement, habituellement, à l’idée d’une Maison Noble ayant passé toute une vie à élever et former un héritier qui finirait par se moquer de ceux à qui il doit tout, mais quelque chose de spécial se trame clairement avec Veyers, alors je ne sais pas. C’est possible.

Ses explications étaient intéressantes, mais Tinami ne put finalement pas dire à Zorian où trouver Veyers. Et comme elle était la dernière des camarades qu’il avait prévu d’interroger au sujet de ce type de plus en plus compliqué à cerner, ceci marquait la fin de son enquête. Enquête qui s’était révélée étonnamment… utile.

Il quitta la classe et s’en alla trouver Zach pour lui faire part de ses découvertes. L’autre voyageur temporel avait décidé de discuter avec Xvim à propos de cours particuliers sur la magie mentale au lieu d’accompagner Zorian en cours, et il devait probablement en avoir fini depuis longtemps.

 

___

 

À la grande surprise de Zorian, lorsqu’il arriva au bureau de Xvim, il découvrit que Zach était toujours à l’intérieur. Ce qui pouvait s’avérer très bon, ou très mauvais.

Il n’eut pas à attendre fort longtemps, heureusement : une quinzaine de minutes après son arrivée, la porte s’ouvrit et Zach surgit du bureau.

— Alors ? Comment ça s’est passé ? questionna Zorian.

— Étonnamment supportable, avoua Zach. Il était toujours quelque peu insultant, mais il ne m’a pas directement provoqué, cette fois.

— Ouais, pour autant que je puisse en juger, il s’agit là de sa vraie personnalité. Alors, il a accepté de t’enseigner ce dont tu as besoin ?

— Oui, confirma Zach avec un sourire. C’était facile. Nous avons trouvé un accord dans les quinze premières minutes.

— Mais alors, qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ? s’étonna Zorian. Il a décidé de te donner sa première leçon directement ?

— Non. Oui, bafouilla Zach, faisant grimacer Zorian. Je veux dire, il m’a offert une courte leçon, là, à la fin, mais ce n’est pas ce qui a pris le plus de temps. Nous avons passé le plus clair de notre entretien à disputer ta théorie selon laquelle je pourrais être sous l’effet d’un sort de compulsion. Il pense que je suis stupide parce que je n’ai pas aussitôt fait vérifier ça par un mage compétent.

— Eh bien, il a raison, lui dit franchement Zorian. Même si tu ne me fais pas confiance à ce sujet, tu devrais au moins payer l’un des mages mentaux certifiés de la Guilde des Mages, et te faire examiner. Ils sont plutôt compétents, j’ai utilisé leurs services moi-même, à un certain moment…

— En réalité, je te fais plus confiance à toi qu’à ces soi-disant experts, trancha Zach. C’est juste que… je ne veux pas que quiconque utilise de la magie mentale sur moi. Savoir que quelqu’un fouille dans mes pensées est une solution d’ultime recours, en ce qui me concerne. Cette compulsion, même si elle existe, n’est clairement pas un souci urgent. C’est presque sans importance, à ce point. Je prendrais plutôt le temps qu’il faut pour apprendre à m’en occuper moi-même, s’il le fallait.

— Si tu le dis, concéda Zorian.

Ils avaient déjà eu cette discussion auparavant. Il n’y avait pas besoin d’une autre prise de bec à ce sujet.

— Autre chose, continua-t-il. J’ai parlé à nos camarades à propos de Veyers…

Il partagea avec Zach les quelques risibles informations qu’il avait pu obtenir. Le fait le plus important, bien sûr, était que la Maison Boranova était activement à la recherche de Veyers, elle aussi.

— Merde, jura Zach. Je suppose qu’il n’y a aucune raison de s’introduire chez eux, maintenant.

— Si nous ne pouvons pas trouver Veyers avant la fin de ce mois, nous devrions malgré tout. Juste pour être sûr, tu sais ? Mais s’ils sont à sa recherche, alors évidemment, il n’y est probablement pas.

— Je ne comprends pas, continua Zach. Une personne comme lui est trop distincte pour juste disparaître comme ça. Rien que ses yeux lui assurent de ne pas passer inaperçu, où qu’il aille. Pourtant, c’est comme si la terre elle-même l’avait avalé tout cru sans laisser de trace. Peut-être qu’il a physiquement échappé à la boucle ?

Zorian fronça les sourcils. Théoriquement ? Oui, ça pourrait être le cas. Les copies de gens à l’intérieur de la boucle temporelle étaient tout aussi réels que leurs contreparties dans le monde réel. Avec l’accord du Gardien, il devait être parfaitement faisable pour une copie de simplement sortir de la boucle pour s’aventurer dans le monde réel.

— Je suppose que c’est possible, mais nous ne devrions pas sauter sur les conclusions ainsi, l’avertit Zorian. Tentons d’abord de le localiser et voyons ce qu’on en déduit.

— Je ne vois pas ce que nous pourrions faire et que nous n’avons pas déjà fait, le contra Zach. Mis à part pénétrer le domaine Boranova, bien sûr, et nous savons que c’est déjà probablement une impasse.

— Le mois est à peine entamé, le calma Zorian, qui était malgré tout d’accord avec lui. Nous allons attendre et voir ce qui sort de la suite des évènements, peut-être que les choses vont prendre une tournure spécifique à un moment. Peut-être que sa Maison, grâce à ses pouvoirs et ressources, parviendra à le traquer pour nous.

Ce n’était pas comme s’ils n’avaient rien à faire pendant ce temps.

 

___

 

La semaine qui suivit, Zorian et Zach progressèrent lentement au sein de leurs leçons avec Xvim et Alanic, tout en gardant un œil ouvert en direction de Veyers. Ils visitèrent même de nombreux campements à proximité de Cyoria dans ce but, revenant à chaque fois les mains vides.

Zach caressa l’idée que Veyers pût être allé se terrer loin, très loin, au lieu de rester cantonné aux environs de Cyoria. Dans ce cas, ils pourraient avoir plus de chance s’ils le traquaient au tout début de la boucle, avant qu’il n’ait eu le temps de s’éloigner. C’était une idée tout aussi bonne que n’importe quelle autre qu’ils avaient pu avoir, mais elle ne leur était d’aucune aide immédiate. Et ça n’expliquait pas non plus pourquoi Veyers voudrait faire quelque chose comme ça.

Malgré leur incapacité à le retrouver, Zorian était content. Ils avaient finalement un vrai indice quant à l’identité de Robe Rouge, Alanic avait accepté de leur enseigner un peu plus au sujet de la magie de l’âme et ses projets personnels progressaient également. Il avait même réussi à convaincre Taiven que Zach et lui étaient de vrais voyageurs temporels, malgré sa réticence initiale.

Au début, l’intérêt de faire accepter à Taiven l’histoire du voyage temporel était simple : il pourraot continuer à s’entraîner avec elle, à un niveau toujours plus élevé. Mais une fois qu’elle fut convaincue, elle alla plus loin, et proposa de l’aider à trouver une personne de son niveau afin de l’aider à s’entraîner – elle prétendait qu’il s’agissait là de la meilleure façon de progresser en magie de combat, et qu’il allait stagner pendant des années s’il ne pratiquait pas de la sorte. Et à cette fin, elle le fit d’abord combattre deux de ses camarades de classe et équipiers, puis des anciens étudiants qu’elle connaissait.

Il gagna une bonne moitié des combats. Il aurait pu les remporter tous, bien sûr, mais utiliser ses pouvoirs mentaux ou des objets magiques était contre l’esprit même de l’entraînement à la magie de combat.

— Je suis tentée de te demander un combat moi-même, lui dit Taiven un beau jour. Mais un vrai, pas l’un de ceux où tu te limites à l’évocation. Un où tu donnerais tout ce que tu as. Mais j’ai le sentiment que je me ferais défoncer, et je crois que ma fierté ne pourrait pas accepter ça.

— Ouais, si je t’affrontais sans aucune retenue, je me contenterais d’abattre tes barrières mentales et te faire sombrer dans l’inconscience, avoua Zorian, un peu pour la décourager de tenter l’expérience. Tu n’as pas la capacité pour me contraindre avant que ça n’arrive. Tu l’avais, un jour, mais plus maintenant.

— Ouais, j’imaginais bien un truc du genre, acquiesça-t-elle. Et ne me fais même pas parler de toutes ces bombes que tu portes. J’ai assisté aux tests que tu effectuais avec Kael au sujet de toutes ces potions explosives expérimentales. Tu pourrais probablement me battre en te contentant de bombarder la zone avec tout ça, si j’en crois le nombre que tu as créé. Sont-elles aussi coûteuses que je l’imagine ?

— Pire, grimaça Zorian. Les grenades elles-mêmes ne sont pas vraiment coûteuses, mais les expériences nécessaires pour raffiner ces objets en potions est littéralement un meurtre avec préméditation de ma bourse. Je commence à arriver à court de fonds, ces jours-ci. Il semble que je vais devoir piller les envahisseurs, après tout.

Taiven secoua la tête, choquée.

— Tu dis ça si nonchalamment, soupira-t-elle. Je pense que cette histoire de boucle temporelle a une mauvaise influence sur toi.

— Marrant, la plupart des gens pensent qu’elle a amélioré mon comportement, au contraire, rétorqua Zorian avec un sourire. Mais oui, je suppose que d’une certaine façon, je deviens pire chaque jour.

Après une brève discussion à propos de la moralité de la boucle et du comportement que les voyageurs devraient avoir, tous deux se firent leurs adieux et se rendirent à leurs domiciles respectifs.

Le lendemain, Zach et Zorian se rendirent au bureau de Xvim, s’imaginant qu’ils allaient avoir droit à une énième leçon routinière. Mais à leur grand dam, une fois arrivés, ils découvrirent l’homme affairé avec quelqu’un.

Et ce quelqu’un se trouvait être Alanic. Lui et Xvim discutaient joyeusement l’un avec l’autre, sirotant leur thé et agissant comme deux gosses qui se retrouvaient après trente ans.

— Ah, monsieur Kazinski et monsieur Noveda. Exactement les personnes que nous désirions voir. Allez-y, asseyez-vous. Monsieur Zosk et moi-même étions justement en train d’échanger quelques histoires très intéressantes…

Raka
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