MWLU : Chapitre 53 Bonus
MWLU : Chapitre 55 Bonus
〈 54. Le schéma du futur (1) 〉

 

Kim Sae-Jin rentra chez lui pour l’instant. Ses inquiétudes n’avaient pas été apaisées, la forme de l’Orque n’étant toujours pas assez puissante. Mais il y avait trop de choses qu’il avait négligées.

Le Gobelin, souvent considéré comme l’un des Alchimistes les plus prolifiques des temps modernes, n’avait pas produit une seule potion en plus de trois semaines ; la troisième poupée Athany devait encore faire son apparition ; et pour ne rien oublier, la promesse qu’il avait faite en tant que forgeron, deux armes par mois, était sur le point de ne pas être tenue au bout de deux mois à peine.

Bien sûr, il avait déjà remboursé l’intégralité de ses dettes à Hazeline. Même s’il y allait mollo et qu’il travaillait lentement, il se ferait toujours assez de flouze pour vivre le reste de sa vie confortablement… Mais Sae-Jin n’avait pas prévu de stagner.

La vie qu’il vivait, cette précieuse vie, était une chose pour laquelle il avait travaillé dur alors qu’il vivait encore dans ce trou paumé et humide, cette grotte, et pendant plus de cinq mois – quatre mois auparavant, et un mois de plus tout récemment.

Il n’allait pas louper les opportunités qui se présentaient à lui, celles qui pouvaient lui permettre de réaliser tout ce dont il avait toujours rêvé.

« Oui. Veuillez envoyer quelqu’un pour récupérer les potions. Non, pas de souci. Il n’y avait rien de grave. Ah, c’est un… secret. »

Bien sûr, ça faisait un moment qu’ils ne s’étaient pas parlés, mais il appela Hazeline pour lui demander de venir chercher les breuvages. Etant évidemment extatique, elle s’empressa de lui parler des inquiétudes exprimées par les médias, les Chevaliers et le public après que le Gobelin eut disparu sans prévenir.

« Bien. On se parle plus tard. »

Il discuta avec elle pendant près de cinq minutes et une fois l’appel terminé, il se connecta, directement au site internet de sa Société, Le Monstre.

Peut-être parce qu’il avait été créé par des spécialistes engagés par Yu Sae-Jung, mais il fonctionnait aussi bien que les sites portails les plus fréquentés, et y ressemblait d’ailleurs beaucoup. Cela dit, probablement parce qu’il n’était pas connu, il n’y avait eu que deux visiteurs ce jour-là, en comptant sa propre connexion.

Afin de revigorer le site, il décida d’écrire et de mettre en ligne un petit texte de son cru.

L’artisan, ORK, est à la recherche de nouveaux propriétaires pour ses armes, la Série de l’Orque.

– Pour une semaine, à partir de 9 h du matin ce dimanche, des interviews vont démarrer à la forge de l’Orque. Elles seront conduites par le leader de la Société, Kim Sae-Jin.

– Veuillez préparer des formulaires de demande au même format que précédemment, en écrivant bien tout de façon honnête et transparente.

– Le prix sera discuté avec les différents clients potentiels.

Aussitôt qu’il appuya sur la touche Entrée du clavier pour mettre en ligne la note publique, son téléphone vibra. En gardant les yeux rivés sur l’écran, il répondit.

« Allô ? »

– …

Mais il n’y avait à l’autre bout d’une fil qu’une respiration légère et fluide.

Quand il jeta un œil à l’identité du correspondant, il vit marqué ‘Yu Sae-Jung’. Il gloussa légèrement.

« Pourquoi appelles-tu ? »

– …Oh, alors tu as finalement décidé de répondre au téléphone.

Elle n’avait daigné lui parlé qu’après qu’il eut posé la question deux fois. Sa voix était froide et dure.

« Désolé. Il y avait une chose urgente que j’étais obligé de gérer. »

– Bien, je comprends, vraiment. Et tu n’as pas à t’excuser à ce propos. Hm… C’est moi qui t’appelais à tort et à travers de toute façon, alors ce n’est pas comme si je me sentais vexée. Je pensais que nous étions amis, mais je suppose que grand frère pense différemment, hein… Je me demande pourquoi je me sentais comme ça. Mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter, alors…

L’entendant continuer un monologue sans queue ni tête, il pouvait clairement déduire qu’elle boudait, en réalité. Sae-Jin pouvait tellement imaginer son visage à l’autre bout du fil ; les yeux plissés, les lèvres pincées en avant, et jouant avec ses doigts stressés.

« Bon, ok. Mais à part ça, comment te sens-tu à présent ? »

– …Eh ? Oh, ça va. Au fait… C’est vrai que tu m’as sauvée ?

« Ouais. Par pure coïncidence, je chassais à côté. »

– Quoi ?! Un Chasseur de ton niveau qui se déplaçait seul dans la zone de niveau moyen ?!

Il comprit sa gaffe à ce moment. À ce moment, sa conscience devint trouble pour une seconde, mais il soupira profondément et lui répondit sur un ton accusateur. Dans ce genre de cas, il valait mieux avoir la peau dure et la dent longue, après tout.

« Hoy. Mais dis-moi, est-ce que tu considères que les Chasseurs sont des grosses merdes, ou quoi ? »

– Huh ? Ah, c’est, ce n’est pas…

« Qu’est-ce que tu veux dire, ce n’est pas ? Maintenant que j’y pense, quand on s’est rencontrés la première fois, tu m’as traité comme un vulgaire insecte quand je t’ai dit que j’étais un Chasseur, hein ? »

– Eh ? Eh ? Non, non, ce n’est pas ça !! Q… Qu’est-ce que tu racontes ?! Un insecte ?! Je n’ai jamais traité grand frère comme ça, tu sais ?! Jamais, jamais… C’est un malentendu, un malentendu !!

On raconte que la personne la mieux placée pour connaitre ses fautes, c’est soi-même. Se souvenant de l’évènement en question, Yu Sae-Jung commença à bafouiller et à raconter n’importe quoi, sous l’effet de la panique.

« Ne refais jamais ça. Juger les gens de cette façon est mal, ce n’est clairement pas une chose à faire, tu comprends ? »

Il disait la vérité. Il avait rencontré de nombreuses personnes après avoir sauté à pieds joints sur la ligne de front de la vie lorsqu’il était gamin. Et parmi elles, les connards qu’il haïssait le plus étaient ceux qui jugeaient les gens en fonction de leur statut social et de leur talent, et une fois qu’ils avaient décidé que quelqu’un leur était inférieur, il le traitait comme un moins-que-rien.

– … Je comprends.

Elle avait l’air de bouder un peu, mais puisque c’était sa faute à la base, elle ne tenta pas de discuter plus avant.

« Ah, au fait. Je peux te demander une faveur ? »

Elle l’avait appelé la première. Alors il avait décidé qu’il pouvait aussi bien lui demander un coup de main.

– Mm ? Une faveur ? Quoi donc ?

« Tu connais ces trucs de médias sociaux, non ? »

– Pardon ? Oh… Ouais, je me débrouille. Tu veux que je t’envoie une requête d’amis ? Quel est ton pseudo ?

« Non, ce n’est pas ça… »

Il était quelque peu surpris. Il ne pensait absolument pas qu’elle était dans ce genre de réseaux sociaux.

« Actuellement, sur la page principale de notre Société, le Forgeron Orque a laissé une note, tu l’as vue ? Je voudrais que tu passes le mot. »

– Vraiment ?

« Tu verras quand tu te connecteras. Je compte sur toi. »

Il raccrocha presque inconsciemment, mais put s’arrêter juste à temps.

– Bien… Compris.

« Ok, merci. »

Et ce fut les vrais mots finaux de la conversation. Cependant, aucun des deux protagonistes ne raccrocha le premier.

– Tu ne raccroches pas ?

« Ouais. Tu devrais raccrocher la première. S’il y a d’autres trucs desquels tu veux parles, c’est cool aussi. »

– Comme si tu avais déjà écouté à ce que j’avais à dire auparavant…

Sae-Jin lui dit pourtant qu’il l’écouterait, cette fois, et regarda à nouveau l’écran de son ordinateur. Parce qu’il venait de se souvenir du cas Athany. Et il se remit à taper.

À la recherche du nouveau propriétaire d’Athany.

– Tous les détails seront décidés après la fin d’une interview, qui aura lieu dans les quartiers généraux de la Société, la Tour Elron, située dans la banlieur de Wonju dans la Province de Gangwon.

– Si vous posez une question sur le tableau libre de ce site, nous vous recontacterons, l’un après l’autre.

– Ben, ok. Je n’ai rien d’autre à dire de toute façon. Je vais raccrocher. Je peux voir ce qu’il se passe sur la page du site, hein ?

« Ouais. Il devrait y avoir deux notes, maintenant. »

– Parfait. À plus tard, bye.

Cela dit, il ne raccrocha pas et attendit. Et Yu Sae-Jung fit de même.

– Oohhhhhh~~ ?!

« …Pour de vrai. Ne me teste pas. »

Elle laissa échapper une légère exclamation sur un ton espiègle, elle avait dit qu’elle raccrocherait pour de bon et ne l’avait pas fait. Mais après cette énième fois, Sae-Jin entendit finalement la tonalité de fin d’appel.

Quand Sae-Jung va faire de la pub sur les réseaux sociaux, alors… Attends voir.

Une idée venait de naître dans sa tête.

Peut-être que je devrais aussi m’inscrire sur ce truc ?

Il avait le doux âge de 23 ans. C’était à cet âge que le désir de sauter à pieds joints dans la société devenait le plus alarmant. Mais suite à des évènements qu’il avait coutume d’appeler « faire des efforts pour survivre, merde », il n’avait jamais vraiment eu le temps de se payer le luxe de tous ces machins sociaux sur internet.

« …Keum. »

Il laissa échapper une quinte de toux bidon et composa le numéro de Yu Sae-Jung. Il l’appela le premier, cette fois.

 

*

 

21 mars.

L’Ordre de Chevaliers des Nations Unies proclama la menace de première classe, « l’Annihilation », dans le sud de l’Afrique.

Quand la menace de première classe fut établie, cela signifia que la zone devait être abandonnée à cause du grand nombre de monstres puissants et parce que l’équipement ainsi que le personnel amenés pour la sécuriser s’étaient avérés simplement insuffisants.

Au moins, ils refermèrent la Fissure non sans mal, ce qui signifiait que 80% du continent était protégé. Mais les 20% qui restaient étaient devenus inhospitaliers, un enfer empli de monstres si puissants qu’ils défiaient toute classification.

Le monde entier, Corée comprise, avait les yeux braqués sur cet évènement tragique qui avait coûté tant de vies. Quelques milliards d’habitants ont pleuré les vies perdues ce jour.

Puis, en utilisant cette catastrophe en tant que point d’accroche, de nombreuses organisations commencèrent à vouloir pousser les autres à arrêter de considérer les Fissures et les monstres comme des sources de revenus mais comme des menaces réelles et immédiates qui étaient à même de prendre la vie d’innombrables humains. Ces gens voulaient que le monde devienne plus vigilant et moins nonchalant.

Cependant… Peut-être que la catastrophe ayant eu lieu à l’autre bout du monde n’avait pas réussi à affecter le cœur des gens autant qu’elle aurait dû. Les flammes du chagrin s’éteignirent en une semaine à peine, comme si ce n’était qu’un évènement quotidien vite oublié, et l’attention changeante du public se porta rapidement sur tout autre chose.

Au départ de tout, il y avait la publication de Yu Sae-Jung. Une semaine plus tôt, elle avait parlé de sa Société, Le Monstre, à plus de deux millions d’abonnés. Et ce qu’elle racontait était suffisamment énorme pour éclipser l’histoire de la Fissure Africaine – la troisième poupée Athany ainsi que les armes de la série de l’Orque.

Au moment exact où elle valida sa publication et la mit en ligne, elle provoqua un intérêt record de la part des Chevaliers et du public ; le serveur de la page de la Société ne pouvait pas supporter un tel afflux et planta à de nombreuses reprises.

…Combien de temps est-ce que je devrais attendre ?

Et l’endroit devenu le centre du chaos provoqué par tout ça était le bâtiment personnel de la Société. Et au dernier étage, le cinquième, Kim Yu-Rin soupirait face au passage implacable du temps.

Elle avait évidemment un tas de paperasse à gérer, mais… Ce n’était pas comme si elle pouvait simplement s’enfuir en prétextant devoir effectuer son travail personnel. Elle avait l’impression que ses tripes flambaient tant elle était nerveuse.

Mais il y a un de ces mondes… Bon, c’est un objet extrêmement bon, donc on peut comprendre…

La réception était emplie à ras bord de Chevaliers obligés de patienter. Non seulement les membres d’Ordres locaux, mais même des Chevaliers étrangers, et plusieurs Sorciers étaient présents. Sans aucun doute, ils étaient tous là pour la mascotte devenue l’un des objets les plus en vue du monde entier, Athany.

Les Ordres de Chevaliers et les Tours de Sorciers avaient envoyé des demandes comme s’ils étaient tous en compétition, après avoir vu la note sur la page principale du site du Monstre. Et en réalité, il y avait une seule et unique poupée à la clé, donc compétition il y avait bel et bien.

Il y avait tellement de requêtes, Yu-Rin avait entendu que seulement dix interviews allaient être données chaque jour… Et à en juger par le nombre de personnes présentes, les grosses pontes de chaque Ordre avait visiblement décidé de venir en personne, accompagnés de leur entourage.

Est-ce que j’aurais dû emmener mes propres Chevaliers, moi aussi ? Je me demande.

Kim Yu-Rin regrettait un peu, une sensation née de la solitude d’une jeune femme patientant calmement, mais elle secoua la tête pour se reprendre.

Chae Young-Oh aurait tenté de se frayer un chemin en personne si elle n’avait pas déclaré son intention d’y aller seule. Alors c’était sans doute pour le mieux.

« Uh ?! N’êtes-vous pas le Chevalier Kim Yu-Rin ? »

Assise là à patienter irrésistiblement, un type s’approcha tout à coup et tenta d’engager la conversation. Et à ce moment, tous les regards se tournèrent vers eux.

« Ah… Oui, bonjour. »

Elle portait un chapeau et un masque afin d’éviter d’attirer ce genre de situation, mais…

Elle se sentait mal à l’aise maintenant, mais par pure politesse, retira son déguisement et salua celui qui venait de foutre ses plans en l’air.

Il était absolument évident que les Ordre présents avaient envoyés des grosses pointures, elle se devait de maintenir une certaine apparence. Et les mots de Chae Young-Oh résonnaient toujours dans sa tête. Après tout, il l’avait accusée d’ignorer totalement les autres et de regarder tout le monde de haut.

« Le Corbeau est là aussi ? »

« Hu-uh, merde. Ils sont si cupides… keu-mm. »

Cependant, l’ambiance tourna rapidement au vinaigre. À l’intérieur du hall de réception, les yeux de tous les Chevaliers présents se rétrécirent et fixèrent Kim Yu-Rin comme si elle était devenue une ennemie mortelle.

Elle paniqua légèrement et son regard tomba sur celui qui l’avait reconnue en premier.

Malheureusement, ce mec affichait une expression de satisfaction exacerbée face à la façon dont les choses tournaient ; souriant largement, il dit ensuite d’une voix forte.

« Au fait, je pensais que le Corbeau possédait déjà une poupée Athany… Mais bon, je peux sympathiser. En avoir deux serait forcément mieux, après tout. Le titre du plus puissant Ordre de Chevaliers de Corée serait plus en sécurité de cette façon, hein ? Pour être honnête, il est même plus rentable que le Corbeau obtienne cette poupée, plutôt qu’un autre Ordre, hein ? »

Tout le monde pouvait entendre au ton de sa voix qu’il était là pour causer des ennuis.

Sentant la colère qui commençait à naître au fond de son cœur, elle fut sur le point de lui dire ce qu’elle pensait face à tout ce tas de conneries inventées uniquement pour la mettre mal à l’aise avant de s’en aller.

« Hé, excusez-m… »

Des geysers de colère s’échappant de sa tête, elle se leva d’un seul coup, mais ses pensées se figèrent quand les murmures de la foule arrivèrent à ses oreilles.

« Uh-Huuu. Regardez comme elle est là, toute seule… Comme s’il elle était effrayée de partager le succès. Vraiment, elle n’est pas le plus jeune Chevalier de très haut niveau de l’histoire pour rien. »

« Elle est vraiment insensible, elle. »

Ni noms, ni visages – elle pouvait juste entendre des voix dans la foule.

Ce fut à ce moment seulement qu’elle réalisa. Cet endroit s’était transformé en une arène politique en si peu de temps. Tous ces gens avaient même oublié comment rester poli et faire bonne apparence, rien que parce qu’il y avait une poupée Athany à la clé…

Ayant pris un coup au moral face à toutes ces attaques anonymes emplies d’hostilité, Yu-Rin s’effondra sur son siège.

Elle venait de réaliser à quel point les gens présents n’étaient pas ses alliés.

Ainsi, Kim Yu-Rin dut silencieusement supporter les regards glacials et pleins de haine, de sarcasme et de reproches de tous les autres Chevaliers sur les lieux.

 

*

 

« Bien. Nous vous laissons vous occuper de tout, monsieur le président ! »

« Prenez soin de nous ! »

Le Vice-Maître de l’Ordre Daebaek, Oh Jung-Hyunk et son fils Oh Dae-Soo étaient courbés à 90 degrés. Ils avaient en poche des documents et des tas de papiers enroulés, de la paperasse concernant les relations publiques, qu’ils avaient préparée pour ce rendez-vous.

Père et fils avaient répété une présentation intensive en prévision de leur entrevue avec Kim Sae-Jin ; par exemple, comment Daebaek allait épauler Le Monstre s’ils pouvaient acquérir une poupée, des projections des bénéfices incluant les deux parties ainsi que des stratégies pour faire appel à son côté humain, etc.

Bien entendu, Sae-Jin était parfaitement au fait que les Ordres voulaient acheter Athany troisième du nom à des prix complètement farfelus, mais une telle ferveur ne manquait pas de lui filer la migraine malgré tout.

Et son ‘temps’ arrivait bientôt à échéance…

« Ah, oui, bon… Il n’y avait pas besoin d’aller si loin… Mais merci tout de même d’être venus. Les résultats seront annoncés d’ici deux semaines. »

Sae-Jin se sentait un peu mal à l’aise face à ces deux personnes clairement plus âgées que lui et pourtant si à cheval sur leurs manières.

« S’il vous plait, nous serions vraiment profondément reconnaissants si vous pouviez penser à nous d’une façon favorable. Comme nous en avons parlé un peu plus tôt, notre Ordre peut… »

Oh Jung-Hyuk fit du mieux qu’il put pour que Sae-Jin garde en mémoire les bénéfices que son Ordre pouvait lui accorder, jusqu’à la dernière seconde.

« …Pfiou. »

Après avoir terminé cette interview, Sae-Jin prit une petite pause. Il inscrivit tout ce que ce mec venait de lui dire sur une feuille de papier et sortit son téléphone.

« …Ouaouh. Cinquante mille, déjà ? »

Ça faisait à peine trois jours, et il avait déjà 50.000 abonnés. Comme il s’y attendait un peu, le poids de la parole de Sae-Jung était considérable. Bon, son aide ici avait juste consisté à s’abonner à la page, mais tout de même, dans la mesure où elle ne suivait qu’une seule personne – lui – évidemment, le public, qui se devait de prêter attention aux derniers changements dans son profil, avait suivi le pas.

– Dois-je faire entrer le prochain rendez-vous ?

La voix de l’employé intérimaire de la Maison de l’Aube résonna dans son oreille.

« Oui, s’il vous plait. »

La porte s’ouvrit et une femme seule entra, d’un pas lourd mais assuré. C’était quelqu’un que Sae-Jin connaissait particulièrement bien – Kim Yu-Rin.

Mais elle semblait être préoccupée. Le visage rouge et les cheveux, habituellement parfaitement soignés, en désordre… Et il y avait même des traces de sang au coin de sa lèvre, comme si elle l’avait mordue un peu trop longtemps.

Elle marchait en serrant les dents, et s’assit face à Sae-Jin.

 

*

 

« …Est-ce que ça va marcher, papa ? »

« Bien sûr. Tu as aussi vu que tout s’est bien passé là-dedans, non ? Et combien est-ce qu’on a dépensé pour soudoyer les collaborateurs de Kim Sae-Jin ? Et puis, j’ai même offert un petit cadeau à l’Elfe qui gère l’armurerie… Keuheum. Ne parlons pas de ça maintenant. »

« La manager ? »

Devant la question confuse de Oh Dae-Soo, son père le regarda d’un air déçu. Un regard qui contenait toute la tristesse et la pitié d’un père qui voyait que son fils était étranger à la façon dont le monde tournait.

« Cette Elfe qui gère l’armurerie. Cette femme suspectée d’être la conquête principale de Kim Sae-Jin. Comment est-ce que tu n’as… Hoo. Bref. Je n’aurais même pas dû en parler. »

Oh Jung-Hyuk secoua la tête et entra dans l’ascenseur le premier. Dae-Soo regarda son père avec des yeux envieux avant de le suivre, un rictus sur les lèvres.

« Comme toujours, je savais que tu pouvais le faire, papa. Tu es devenu ami avec la petite-amie du leader de la Société en un rien de temps… »

« Du calme, fils. Je te l’ai dit, ce n’est qu’une supposition, et pas une source sûre. Bon, comme Kim Sae-Jin est un homme, il doit sûrement nourrir une ou deux pensées indécentes envers cette Elfe… D’ailleurs, pourquoi est-ce que tu souris comme ça, maintenant ? »

Le père ronchonna et frappa son fils à la tête. Mais sans fléchir, le fils continua à le regarder avec des yeux ronds et emplis d’adoration.

Même si son fils n’était pas complètement fini dans sa tête, en tant que père, il ne pouvait simplement pas en venir à le détester.

« Eiii, enfoiré. Je ne t’ai pas dit de perdre du poids assez souvent ? »

Il trouva juste de quoi apaiser son mécontentement en pinçant le ventre de son fils en gloussant.

Raka
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