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Chapitre 166 : Alphène 1/2

 

Aux alentours de l’un de ces nombreux temples en ruine se trouvaient encore quelques piliers capables de tenir debout, encore que la végétation grimpante s’affairait activement à les en empêcher. C’est à cet endroit, le temple de Raht, qu’apparut Kang Woojin et ses compagnons.

« Ça faisait longtemps… » observa-t-il, satisfait de son acquisition.

Localisé au sommet d’une montagne, il offrait un très large panorama, assez intéressant sur un aspect tactique. Ce fut d’ailleurs bien le seul intéressant…

« C’est donc ça, Alphène ! » lança Sunggoo.

« Tout est si… désolé. » fit, plus sombre, Jaemin.

L’odeur, chargée de souffre, était affreuse, et tous les arbres avaient depuis bien longtemps été brûlés. Pour seule faune, il n’y avait que des ossements et des charognes, pour l’essentiel de monstres.

« Ils ont dû se battre quand j’ai acheté le donjon. » comprit aussitôt Woojin.

En effet, une réinitialisation avait eu lieu et deux forces s’étaient à l’évidence affrontées. Melody, la dernière à sortir du portail, eut un soupir attristé en voyant cette scène si dévastée que l’entrée du donjon ne semblait même pas visible.

« On est où, d’après toi ? » lui demanda Woojin.

« Je dirais que nous sommes à l’ouest du plateau de Raht. » répondit-elle après un moment d’hésitation, avant de regretter aussitôt sa réponse face à l’air que prit Woojin.

« C’est supposé me dire quelque chose ? Et ils sont où, les membres de la coalition ? »

« Pardonnez-moi… Au nord-est de cette position se trouve Alandal, et plus à l’est les terres de nos alliés. Je ne sais pas trop où ils en sont, mais… »

« Alors allons voir ça tout de suite. Jaemin, Sunggoo, vous pouvez voler, non ? »

Les deux répondant par l’affirmative, Woojin invoqua Shingshi avant de regarder Melody.

« T’attends la pluie ? Monte. » lui dit-il d’un air étonné.

« Euh… Bien. »

Elle lui prit la main et se mit à sa suite. Shingshi eut une réaction agacée, ronflant et s’agitant, mais Woojin le calma d’un simple geste.

« J’aimerais d’abord voir ce qu’il est advenu d’Alandal, nous irons voir les autres ensuite. » l’informa-t-il.

L’endroit idéal pour construire sa colonie restait encore sur Alandal, à condition toutefois que sa cité ait survécu.

« Mais avant qu’on parte… »

On lui avait délivré de nombreux présents pour fêter son retour. Autant en profiter ! Zombies pour les corps encore intacts, guerriers squelettes pour les autres. Ils partirent en courant à la suite de Woojin, peinant à rattraper Shingshi qui fonçait comme un météore. Effrayée par la vitesse, Melody se blottit contre Woojin en le serrant aussi fort que possible.

 


 

Sur Alphène, l’une des créatures les plus fréquemment rencontrées étaient les vates, d’énormes mantidés qui pourchassaient leurs cibles, un liquide empoisonné écumant des hachoirs qui leur servaient de gueules.

« Tenez bon ! » cria un homme à la constitution robuste, probablement le chef des fuyards.

Placé en arrière du groupe, il combattait avec la force d’un lion ces insectes, parvenant à en tuer trois d’un seul coup de masse d’armes.

« Attention, Tauric ! » lui cria une jeune femme.

Le héros propulsa par réflexe son arme vers le haut. Réflexe tout à fait approprié, à en voir le corps qui s’effondra sur lui. La ravisseuse du monstre dessina une entaille profonde de son crâne chauve à sa mâchoire.

« Ça pue, on se tire ! » décida Tauric.

Se tenant au front, il se mit lui aussi à courir à vive allure, avant de s’arrêter pour rattraper celle qui, soucieuse de sa sécurité, n’avait pas pu éviter une entrave dans le sol.

« On va tous mourir, Tauric ! »

« Ne pleure pas, mon enfant… »

Une puissante lueur se mit à émaner tout autour de lui, entourant les 20 membres du groupe.

« Et maintenant, tenez la ligne ! » leur ordonna-t-il, bien loin du ton si rassurant qu’il venait à l’instant d’employer.

Ils devaient à tout prix résister. La vie de leurs enfants en dépendait, aussi de nouvelles forces vinrent-elles renforcer leurs muscles.

« Est-ce qu’on va mourir ? » lui dit un petit garçon.

« Oh mais non, pas du tout ! Il faut juste… espérer un miracle. Prie avec moi, mon grand. » répondit Tauric, se targuant même d’un sourire.

« Bon ! Alors c’est d’accord, je cours tout seul maintenant ! Je suis un grand ! » répondit le petit.

Il rattrapa à une vitesse étonnante le groupe des adultes, de nouveau occupé à courir. Plus d’une vingtaine de ces vates les pourchassaient, aussi l’idée de tenir une ligne de défense fut-elle rapidement abandonnée au profit d’une fuite, tout en essayant d’en tuer autant que possible. La vie des enfants était trop importante pour procéder autrement.

« Mais ils en ont jamais marre ! » cria-t-il, se soignant d’un sort d’une main, frappant un monstre de l’autre.

Ayant réussi à augmenter l’écart qui séparait le groupe des insectes, il se remit à courir, quand il vit que son groupe s’était arrêté.

« Qu’est-ce que vous… Oh. »

Il n’eut même pas besoin de terminer ses paroles. Face au groupe se tenaient une douzaine de monstres arachnoïdes, qui en lieu et place de leurs crochets possédaient des tentacules capables de propulser de puissantes piques. Les vates en profitèrent pour les cerner.

« Drôle de conception du miracle ! » lui dit la mère de l’enfant, à mi-chemin entre la réprobation et la complainte de ce coup du sort.

Les enfants eux-mêmes prirent des mines inquiètes. En dépit de leur jeunesse, ils comprirent parfaitement ce qui se jouait là. Mais… Il fallait combattre. Le puissant moine Tauric, champion de la déesse Skia, n’aurait rien accepté d’autre de leur part. Et c’est ainsi qu’il fut le premier à se lancer dans la mêlée, formulant du même temps une prière à la patronne des aventuriers. Ce n’était pas en désespoir de cause que lui combattait. Il en avait trop vu, trop traversé, pour accepter d’abdiquer ainsi.

〈Rage activée.〉

« RAAAAAAAAAAAAH !!! » rugit-il.

Les yeux injectés de sang et une épaisse veine battant au niveau de l’arcade sourcilière, il s’élança avec une colère digne de celle d’un père face au meurtrier de ses propres enfants.

« Tauric, là-bas ! » lui cria la jeune femme plus tôt sauvée.

Il vit alors au loin une boule de feu se diriger droit vers eux ou, plus exactement, sur les araignées. Puis une, deux, et trois flèches. Il se tourna vers la direction des tirs.

« Oh, bon dieu, il était temps… » se soulagea-t-il.

Même sur Alphène, il restait encore quelques héros. Tous membres de la coalition, ils étaient le dernier espoir de ce monde en perdition, avec pour ultime mission de récupérer l’intégralité des fragments dimensionnels servant à la conception des bases de leurs ennemis. Ceux-ci se nommaient Graham, le maître mage, et l’elfe Dame Latasha.

« Nous sommes sauvés ! » cria de joie le petit garçon.

« C’est Graham ! » fit un autre.

« Et la Flèche d’Argent ! » reprit une fille.

Certains des adultes avaient déjà combattu à leurs côtés et l’angoisse commença à disparaître. Ils savaient parfaitement de quoi ils étaient capables. À juste titre, d’ailleurs. Les insectes furent tous vaincus en une fraction de seconde.

« Vous arrivez vraiment au bon moment ! » les congratula Tauric.

« Tu t’en es bien sorti, répondit Graham. Le village ? »

« Hmpf… Il est tombé, fut forcé d’admettre Tauric, la mine déconfite. Le groupe que tu vois sont les seuls survivants. »

« Ces foutus vates sont vraiment partout ! » pesta Dame Latasha.

Jurant avec son langage fleuri, elle avait un visage doux et très beau. Mais on avait détruit sa forêt, et une grimace furieuse vint en troubler le charme.

« Où sont les autres ? Vous avez réussi à prendre la colonie de Goshou ? » demanda Tauric.

« Non… Nous avons échoué. Les autres essaient de sauver autant de gens que possible. » admit à son tour Graham.

Pas une seule bonne nouvelle n’allait donc venir éclairer ce jour maudit… Goshou, le seigneur dimensionnel qui s’était établi dans la région, y trônait encore. Quantité de monstres pleuvaient de son domaine, transformant en ruines fumantes absolument tout sur leur passage. Cet échec allait se payer cher. Ils devaient trouver un nouvel endroit où vivre. Soudain, un cri terrifiant vint déchirer l’horizon.

« Putain, c’est un féris ! » observa Graham.

Les féris étaient des raies géantes, qui par opposition à leurs homologues terriennes, étaient capables de voler. Elles étaient si grandes qu’elles pouvaient parfaitement éclipser jusqu’aux rayons du soleil. Cependant, ce n’était pas leur taille ni le monstre en lui-même qui avait de quoi faire peur. Les féris étaient un moyen de transport. Or donc, des nuées de vates partirent en planant vers le sol. En même temps qu’elles, des tudons, sortes de grosses taupes carnivores, sautèrent de la bête avant de s’élancer dans le sol. Il y en avait absolument partout.

« Goshou a des forces bien plus élevées que nous ne l’avions soupçonné… » remarqua Tauric, comprenant alors la raison de l’échec de ses amis.

Ces trois héros auraient tout à fait pu s’échapper, mais pas sans y laisser la vie de ceux qu’ils s’étaient affairés à sauver.

« Tauric, il faut qu’on file. » trancha Dame Latasha.

Si Graham assentit immédiatement, tel ne fut pas le cas du moine. Ce n’était pas seulement la peine de les voir mourir qui le saisissait aux tripes, ces enfants pouvaient eux aussi devenir de puissants héros. Tout ce combat avait-il donc été vain ? Tauric, en proie à l’horreur, sentit soudain une main délicate se réfugier dans la sienne.

« On va mourir ? C’est fini ? Pourquoi tu dis rien, monsieur ? »

L’enfant se mit à pleurer. Alors Tauric, le cœur lourd, se tourna vers ses compagnons d’armes.

« On va les combattre. » leur dit-il, d’un ton ne laissant aucune place à l’argumentation.

« C’est du suicide ! » s’opposa malgré tout l’elfe.

« Alors partez. Partez, je combattrai seul s’il le faut. J’ai promis à ces gens de les sauver. »

« Tu es le champion de Skia. Tu ne peux pas te jeter comme ça dans des causes perdues, tu as encore quantité de choses à accomplir. Il est hors de question de te laisser mourir ainsi. Allons nous-en, sans quoi tout sera véritablement perdu. » insista Graham.

« Tu ne comprends rien, mage. Ma mission, c’est justement de sauver ces enfants. Il n’y a rien de plus important au monde. » répondit Tauric.

« Hmpf… »

Graham haussa des épaules. Quand ce monolithe avait décidé de quelque chose, il était impossible de le faire bouger et il le savait. Malgré tout, deux nouveaux féris venaient d’apparaître au loin. Il hoqueta.

« Peu importe, lui dit Tauric, comprenant l’objet de son inquiétude. Si Skia a décidé que mon temps dans ce monde devait s’arrêter ici, alors qu’il en soit ainsi. »

« T’es vraiment une tête de lard. Vous là, en arrière ! » cria Graham aux réfugiés, avant de se saisir de son bâton.

Dame Latasha elle-même, pourtant si prompte à décamper, banda la corde de son arc. Au final, ils le savaient, ils avaient besoin de Tauric. Personne sur Alphène n’était aussi versé que lui dans les arts du soin, la sainte vierge ayant disparu. Alors ils prirent la décision d’aider le moine, en espérant tenir, défaire cette vague de monstres et enfin prendre la poudre d’escampette avant que Goshou ne décide de s’en mêler en personne. À mi-chemin entre la crainte et l’excitation du combat, le groupe fut d’autant plus surpris par ce qui vint à survenir. Une explosion monstrueuse retentit soudain, tuant un féris en plein vol, laissant s’effondrer son équipage sous la forme de cendres. Au loin, une armée de morts fit son apparition.

« J’avais dit qu’on aurait dû partir… » geignit Latasha.

« L’I… L’Im… L’Immortel ! » bégaya Graham, aussi pâle que les cavaliers de la mort dont la silhouette se dessinait de plus en plus précisément.

Il lâcha son bâton à même le sol, et les bras ballants, réalisa que tout espoir venait irrémédiablement de s’envoler. Même Tauric n’y crut plus.

« Il n’y aura donc pas de miracle. Je suis désolé, petit. J’ai fait tout ce que… »

« Eh ! Regardez, Melody est sur le cheval ! » hurla soudain Latasha.

« Que… Quoi ?! »

Il plongea un peu la tête en avant, comme pour mieux voir. Il vit tout d’abord l’Immortel, fièrement installé sur son destrier, puis la sainte vierge. Elle était bien avec lui.

« C’était donc l’Immortel qui l’avait capturée ! » comprit-il tout à coup.

Leur symbole d’espoir, qui de par son absence leur avait fait endurer tant de tourments, était donc avec lui tout ce temps. Aucun d’entre les membres du groupe n’aurait jamais pu soupçonner pareil évènement. Devait-il se rassurer au son des étranges cris prononcés par les squelettes, qui s’attaquaient par milliers à leurs traqueurs ?

Nostra
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