LDO : Chapitre 2
LDO : Chapitre 4

003.     Dans de beaux draps

 

 

Alors que j’étais déjà assis sur une pierre et prêt à méditer, je me relevai d’un seul coup.

Que fais-tu, mon garçon ?

– Je vais voir ce qu’il se passe. Si une femme est en danger, je ne peux pas rester là et ne rien faire ! J’ai déjà offensé les dieux une fois, qui sait à quel point ils seront en colère si j’ignore cette situation ?

Les dieux ? Oh, mais tu apprendras tôt ou tard que les dieux ne sont pas ce que tu crois. Reste ici, Osumba, et raffine ces pierres, veux-tu ?

Sans dire un mot, j’attrapai la lance et sortis de la grotte en courant, avant de me diriger dans la direction que Zhou XueFang m’avait précédemment indiquée sans le vouloir. Je sortis rapidement de la zone protégée par le sceau magique, et au bout de quelques dizaines de pas à peine, je surgis des buissons et me retrouvai sur une route de terre. Regardant à droite et à gauche, je me mis à chercher celle qui avait causé ce cri.

Je te l’ai dit, tu risques ta vie. Une personne ne voyage jamais seule mais toujours accompagnée de gardes. Si des bandits ont attaqué un tel convoi, alors ils sont très forts, et tu ne pourras rien faire, à part mourir en vain.

J’entendis d’autres cris – masculins cette fois, venant de plus loin sur la droite, derrière un virage qui contournait un coin de forêt. Je me précipitai dans cette direction et me cachai derrière un arbre pour observer ce qu’il se passait.

Je te le répète encore, Osumba. N’y va pas. Tu vas nous mettre tous les deux en grand danger. Ne fais-tu pas confiance à ce vieux fou qui a tant d’expérience ?

Je ne lui répondis pas et sortis ma tête de ma cachette pour observer ce qu’il se passait. Sur la route, un convoi de plusieurs véhicules en bois et en tissu était arrêté, certaines des bêtes supposées les tirer étaient mortes. Ce qui avait dû être des chariots de luxe, parés de tissus rouges, blancs et dorés, n’étaient pas loin de devenir des épaves.

Des gardes armés d’épées et de boucliers étaient en train de se battre contre des hommes habillés en noir montés sur des gorilles plus grands qu’eux. Cette bataille avait des airs surréalistes. Ils bougeaient trop vite, des lumières colorées clignotaient à chacun de leurs mouvements, des membres volaient dans tous les sens. C’était un carnage, mais un carnage incroyablement saisissant.

Je compris rapidement que les hommes et leurs gorilles avaient lancé un assaut contre ces voyageurs. Cependant, ils étaient en train de se faire repousser, inconscients qu’ils étaient de la puissance défensive des gardes. Je restais là à observer, totalement fasciné par cette scène épique que j’aurais pu croire directement tirée d’un livre. Ils se battaient réellement tels des dieux descendus des cieux, et ce fut encore plus flagrant lorsqu’apparut un homme en noir plus imposant que les autres, chevauchant une espèce de rhinocéros laineux dont chaque pas faisait faner l’herbe et noircir la terre.

L’animal marchait lentement sans se soucier du combat qui l’entourait, et d’un geste ample de la main, l’homme sur son dos envoya voler plusieurs gardes dans les airs. Ils retombèrent lourdement au sol et se mirent à gémir. Un nouveau cri retentit lorsqu’il approcha du plus grand véhicule du convoi.

– Kyaaaaaaaaaaa, non ! Laissez-moi !

C’était un cri de jeune fille, qui provenait de l’intérieur du véhicule. Elle avait sans doute vu arriver l’homme à travers des fentes dans la porte, et avait paniqué. Mais loin de s’en faire, celui-ci descendit de sa monture et d’un mouvement rapide, il arracha la porte, qui explosa en des centaines d’échardes projetées dans toutes les directions, même jusqu’à ma cachette ! Je reçus une écharde près de l’œil, ce qui me surprit et je poussai un petit cri.

– Ah !

Je n’aurais sans doute pas dû, finalement… Mais ce qui était fait était fait, et de toute façon, l’homme qui remontait sur son rhinocéros en tenant la demoiselle inconsciente sous le bras se tournait déjà vers moi, tout en lançant à l’attention de ses amis :

– Nettoyez le reste. Je vais m’occuper d’un petit curieux.

Il parlait évidemment de moi ! Je ne savais plus que faire, devais-je tenter de courir dans l’autre sens, retourner dans la forêt ? Si j’arrivais à l’intérieur du sceau magique, il ne pourrait sans doute pas me suivre ! Mais en même temps, j’avais vu comme il avait fait voler les gardes d’un simple mouvement de la main, aurais-je seulement le temps de m’enfuir ?

Evidemment, le temps que je me pose ces questions, il avait déjà agi, sans même prendre la peine de s’approcher plus que ça. Il avait tendu la main et avait attrapé l’air devant lui. Comme si une main invisible gigantesque m’avait saisi moi-même, je fus soulevé dans les airs, incapable de bouger, et traîné à la vue de tous à deux mètres du sol.

– Alors, comme ça, on espio… Hein ?

Le type imposant n’avait pas fini sa phrase, et alors que j’étais suspendu dans les airs à quelques mètres de lui, je pus voir ses yeux s’ouvrir aussi grands que la pleine lune. Sa bouche essayait de balbutier quelque chose, mais je crois qu’il ne savait que dire.

Finalement, je vis une lumière émaner de son front.

Il a ouvert la porte Céleste, qui apparait après la huitième porte Terrestre. Il est entré dans le domaine Martial ou dans celui de l’Âme, il est infiniment plus fort que toi, Osumba. Il vient de te sonder, de sonder ta puissance jusqu’au fond de ton dantian. Il sait maintenant que tu es un humain, et un faible parmi les faibles.

– Hein ?

La lumière disparut au bout d’une seconde, et son visage se fit plus rassuré.

– Quelle est cette… Comment… Qui es-tu ?  demanda-t-il.

Je pensais qu’il voudrait me tuer immédiatement, moi qui l’observait depuis une cachette. J’avais vu à quel point la bataille précédente avait été violente, et je ne doutais pas une seule seconde qu’ils puissent tuer quelqu’un juste parce qu’ils en avaient envie. Mais étrangement, il m’avait posé une question à la place. Il voulait savoir… Qui j’étais ?!

– Je suis Osumba.

Evidemment, s’il voulait savoir qui j’étais, j’allais lui dire ! Je ne voulais pas le mettre en colère. J’étais totalement paralysé, à presque deux mètres du sol, et je soupçonnais fortement qu’il était à l’origine de ma situation actuelle. Il était un dieu, peut-être, et il voulait savoir si j’étais bien celui contre qui il était en colère. Mais je devais faire face fièrement, pour ne pas rendre mes ancêtres honteux.

– Osumba ? Donc tu arrives à parler. Et je sens que tu es si faible… Première porte Terrestre ? Vraiment ? Tu n’es donc pas un contrôlé.

– Un contrôlé ?

Les mots m’échappèrent. Je ne savais pas de quoi il parlait, alors j’avais demandé, mais c’était adressé au vieux dans mon dantian plus qu’à celui qui me tenait en l’air à sa merci. Cela dit, je sentis qu’il était aussi perplexe que moi. Les choses avaient dû bien changer depuis sa mort.

L’homme en face de moi descendit du dos de sa monture et tenant toujours la fille inconsciente sous le bras, vint m’examiner sous toutes les coutures.

– Incroyable. On dirait vraiment un contrôlé ! Même le visage est gonflé comme s’il avait été piqué par des dizaines de mouches véneuses. Et pourtant, il est conscient et pas agressif…

Il marmonnait des choses incompréhensibles dans sa barbe noire et j’avais peur de me faire écraser par cette force invisible qui me serrait tout de même assez fort. J’avais même du mal à respirer. Au bout de quelques instants cependant, il sourit, et alors que plus loin, je pouvais voir que tous les gardes du convoi avaient été tués, l’homme devant moi retourna sur sa monture et je sentis un poids immense sur mes épaules. J’avais l’impression qu’un arbre pesait sur moi ! Evidemment, je perdis conscience.

 

***

 

En ouvrant les yeux, je me rendis compte que j’étais dans une pièce très sombre. La seule source de lumière qui éclairait ce qui semblait être une cellule venait d’une torche, un peu plus loin à l’extérieur, de l’autre côté des barreaux. Me relevant, je sentis une présence à proximité, dans la même cellule. Il s’agissait de la jeune fille qui avait été emmenée en même temps que moi.

– Ah, bonjour,  commençai-je.

Elle sursauta et hurla.

– Ouaaaaaaah !

Ce qui me fit sursauter et hurler aussi, évidemment.

– Aaaaaah !

Et là, je me souvins que la dernière fois que ça m’étais arrivé, la situation fut suivie par les derniers instants du chaman Ulumbaki. Elle n’allait pas aussi faire les cent pas, hein ? De manière involontaire, je jetai un œil aux cailloux jonchant le sol.

Néanmoins, contrairement à mes attentes, elle reprit la parole.

– Je ne t’avais pas vu, dans le noir !

Evidemment. J’aurais pu m’y attendre. Je ne savais pas combien de temps j’étais resté inconscient dans cette cellule sombre, mais elle avait réussi à ne pas me voir du tout ? Je me demandais alors si je devais être fier ou choqué. Il faut savoir que parvenir à se dissimuler et masquer sa présence était une qualité chez les chasseurs de mon peuple. Comme je ne savais pas trop quoi répondre, je me rabattit sur un simple :

– Désolé.

Elle me regarda de ses grands yeux ronds. Elle n’osait pas approcher plus près mais je sentais qu’elle était curieuse. Elle finit par prendre la parole.

– Tu… Tu n’es vraiment pas un contrôlé ?

– Un quoi ?

Encore ce mot. Le type sur son rhinocéros avait dit la même chose.

– Je ne sais pas. C’est quoi, un contrôlé ?

– Pardon ? Tu ne sais pas ce que c’est ?

Elle était idiote ou quoi ? Je venais de lui demander ce qu’était un contrôlé, alors sans doute ne savais-je pas ce que c’était. Le type imposant m’avait déjà confondu avec un contrôlé, et maintenant elle. Etait-ce comme ça qu’ils appelaient les noirs, ici ?

– Un contrôlé, c’est… Comment dire… Il existe dans la région un insecte possédant une affinité de l’esprit, la mouche véneuse. Elle est faible mais attaque toujours en nombre. Elles piquent leurs victimes au visage la plupart du temps, ce qui fait gonfler les lèvres et le nez, les joues… En peu de temps, le corps entier devient noir et finit par être sous le contrôle d’un poison psychique. Alors, la personne devient agressive, incapable de parler, et le moindre contact avec sa salive ou son sang peut te contaminer à ton tour. Même les experts les plus puissants y font très attention, parce que mis à part la mise à mort, il n’y a pas de remède connu.

Oh. Au moins, ça expliquerait le discours étrange du type surpuissant. Il croyait que j’étais contrôlé par une espèce de poison. Mais attends, un poison qui transforme les gens en noirs ? J’avais l’impression que les dieux se moquaient quand même un peu de moi, là.

– Eh bien, je ne suis pas un contrôlé, je suis un humain. Ma peau a toujours été comme ça, et mes narines aussi. Désolé.

Elle me regardait d’un air intrigué et amusé à la fois. Si un jour on lui avait dit qu’elle allait rencontrer un type tout noir qui n’essayerait pas de la tuer, je pense qu’elle aurait ri aux larmes.

D’un seul coup, elle me lança :

– Je m’appelle Chen Xiulan (陈休篮).

Je venais de me rendre compte qu’en effet, on ne s’était pas présentés.

– Je suis Osumba.

– Osumba ? Quel nom étrange,  répondit-elle en ricanant.

– C’est vous tous qui avez des noms étranges !  répliquai-je, irrité.

Après tout, mon nom m’avait été donné par mon père, et je le respectais vraiment. Qui était-elle pour me dire qu’il était étrange, alors qu’il fallait avoir un manioc brûlant dans la bouche pour prononcer le sien correctement ?

– Qui sont ces types ?  demandai-je pour changer de sujet. Je ne savais même pas pourquoi j’avais été amené ici.

– C’est une branche de la Ligue des Assassins. C’est une puissante organisation qui ne recule devant aucun travail immoral pour se faire de l’argent,  m’expliqua-t-elle.

– Et pourquoi t’ont-ils attaquée ? Je peux comprendre qu’il m’ait enlevé parce que je l’espionnais derrière un arbre, mais…

Elle baissa les yeux, se souvenant apparemment d’une chose qu’elle aurait préféré oublier. Puis elle me regarda et me dit, d’un air grave :

– Je suis la fille du Seigneur Chen Tao (陈讨). C’est lui qui règne sur une cité proche, la ville de la Vouivre Ardente. Je ne m’occupe pas vraiment des affaires politiques, mais je suppose que ceci est lié à cela. Je ne sors jamais de la ville sans une lourde escorte, et même cette fois-ci, de grands experts m’accompagnaient. Je ne sais pas comment la Ligue des Assassins a pu nous trouver, ni comment ils ont fait pour tous les vaincre.

Le temps que je digère le tout dans ma tête, Zhou XueFang avait déjà commencé à m’expliquer les choses un peu plus clairement.

Il existe de nombreuses villes sur le continent d’Irus. Elles sont classées en villes principales, secondaires et mineures. La ville de la Vouivre Ardente est une ville mineure, à moins d’une journée de marche d’ici. Si mon intuition est correcte, quelqu’un a engagé les Assassins non pas pour tuer, mais pour enlever et garder cette fille en otage afin de renverser le pouvoir en place.

– Ah, je vois.

– Tu vois ? Alors tu n’es pas totalement ignorant, finalement,  me répondit-elle, fière de son explication, à laquelle je n’avais rien compris avant que mon locataire ventral n’éclaircisse les choses.

– Eh… Oui ?

Alors comme ça, quelqu’un aurait été engagé pour kidnapper la demoiselle, et faire pression sur le pouvoir en place. Outre le fait que ça ne me regardait pas, outre le fait que je n’avais aucun lien avec ces gens, et que je ne savais pas de quoi il était question, outre le fait que cette fillette avait visiblement un caractère d’enfant gâtée, je ne pouvais pas sortir d’ici. Moi qui avait initialement prévu d’aider une personne en danger, je m’étais mis dans un drôle de situation.

Nous sommes coincés dans cette cellule de toute façon. Il t’a même arraché tes sacoches, et par la même occasion tes deux pierres spirituelles de ténèbres. Il ne reste plus qu’à attendre, maintenant. Essayer de sortir de force serait du suicide.

Je m’assis en tailleur près de la porte et commençai à méditer, en observant l’énergie qui circulait en moi. Evidemment, rien n’avait changé puisque je n’avais pas absorbé les pierres. Je scrutais les sept portes fermées flottant dans l’infini, et me demandais ce qu’il y avait derrière, en réalité.

Tout à coup, un bruit me fit ouvrir les yeux.

Un type peu recommandable venait d’ouvrir la lourde porte de métal à l’aide d’une grosse clé et s’apprêtait à poser un plateau sur lequel étaient répartis quelques fruits et un morceau de pain. Chen Xiulan se précipita et tenta de l’attraper par la manche, en se plaignant.

– S’il vous plait ! Je ne sais pas pourquoi j’ai été enlevée, mais je ne le supporterai pas ! Je ne peux pas rester enfermée !

Mais il ne lui accorda pas le moindre regard. Il la repoussa brusquement, et elle revint à la charge alors qu’il voulait repartir.

– Je vous en prie ! Je peux vous payer plus que ce que vous gagnez pour ça !

Elle commença à pleurer, aussi. Bien sûr, une faible jeune fille n’avait aucune chance d’attendrir un homme qui venait de l’enfermer dans une cellule, mais c’était bien tenté quand même. Le type esquissa un sourire sournois avant de repartir et de nous enfermer à nouveau.

– Aaaah ! Je n’en peux plus ! Je veux sortir…

– Et tu ne peux pas, alors fais comme moi, et patiente. S’ils ne nous ont pas tués, c’est qu’ils ont besoin de nous vivants.

Ce que je disais transpirait l’intelligence, et je me sentais fier d’avoir répété ce que le vieux venait de me dire comme si j’en étais l’auteur.

– Et après ? Quand nous serons devenus inutiles, tu crois qu’ils vont nous relâcher ? Tu es idiot si c’est le cas.

– Ah, non, mais…

Au moment où j’allais rétorquer, le type qui m’avait capturé apparut de l’autre côté des barreaux et me dévisagea. Je ne pouvais pas me cacher dans cette petite pièce et j’étais soumis à son regard scrutateur. Il me regarda encore et encore, des pieds à la tête, un sourire étrange aux lèvres. L’espace d’une seconde, un frisson me parcourut l’échine. Il… Il ne pensait quand même pas à ce que je croyais qu’il pensait, si ?!

L’autre mec, le geôlier, arriva et ouvrit la porte. Une énergie invisible s’empara de moi à nouveau sous les yeux ébahis de ma codétenue et m’attira vers le couloir sans me demander mon avis. Bon sang, ce type allait vraiment me… !

– Non ! Non ! Je veux honorer mes ancêtres, trouver une femme et lui faire des enfants ! Je n’aime pas les hommes ! Nooon !

J’avais beau m’époumoner, je ne pouvais de toute façon pas bouger un pouce. La pression invisible me tenait fermement comme une énorme main et je ne pouvais même pas me gratter le nez. Si jamais mon nez m’avait démangé à ce moment, ça aurait été l’une des pires tortures de ma vie.

Cela dit, j’étais bien trop paniqué pour y penser. Ce type était en train de monter des escaliers, me trainant en l’air derrière lui de façon improbable comme un ballon de baudruche.

Arrivé en haut, je découvris une immense pièce luxueuse, avec des fauteuils, des tables et des chaises, des parures de tissu accrochées aux murs, un chandelier de bougies pendu au plafond, et des fruits dans un panier posé sur un tapis en peau de bête. Dans un canapé, un vieil homme était assis, et sur un fauteuil, une femme aux cheveux noirs et brillants.

Ils me dévisageaient comme si j’étais une curiosité vivante. Ce que j’étais probablement, si j’en croyais cette histoire d’insectes et de poison qui rendait les gens noirs et idiots.

Le vieux prit la parole, des étoiles pleins les yeux.

– Oh, incroyable ! Tu avais raison ! Il est noir, il est enflé, et il ne présente pas les signes d’agressivité des contrôlés ! Est-ce qu’il parle ?

La pression autour de moi se relâcha un petit peu, uniquement pour m’enserrer à nouveau comme un coup de fouet auquel on ne s’attend pas.

– Ouffff !

Le type imposant m’ordonna d’un ton sec.

– Parle.

Parler ? Mais il voulait que je dise quoi ? Il ne m’avait rien demandé. Cependant, je ne me sentais pas capable de lui désobéir ; j’étais sûr qu’il pourrait m’écraser comme une banane s’il en avait envie. Je me mis à imaginer mes organes sortir par ma tête après qu’il ait pressé un peu trop fort avec sa grande main invisible, et je répondis aussi vite :

– Je ne suis pas une banane !

Merde ! Pourquoi j’avais dit ça ? Ils le voyaient bien, que je n’étais pas une banane ! Et si ça se trouve, je venais de leur donner envie de vérifier comment j’exploserais s’ils me pressaient comme un fruit trop mûr… J’espérais de tout cœur qu’ils n’y pensent pas.

Mais la femme prit la parole, émerveillée.

– Ouaaah, mais il parle ! Ce n’est vraiment pas un contrôlé ! Pourquoi est-il si noir, dans ce cas ? Et son visage ! Comme il est étrange… Ne me dis pas que c’est naturel ? Ou alors… Est-il possible qu’il ait résisté au poison psychique des abeilles véneuses ?!

De peur de m’attirer leurs foudres et de me faire presser vivant, je répondis très vite :

– Je suis né comme ça ! Désolé.

Le vieux qui avait pris la parole précédemment se tourna vers elle et lui lança un regard incendiaire.

– Yu Lin ! Respectez les anciens ! Je dois avoir la priorité, cette fois-ci ! Donnez-moi un peu de face ! Je veux acheter ce spécimen et l’étudier moi-même. Il faut que je comprenne pourquoi il est… ce qu’il est.

Mais elle ne lui laissa pas le loisir d’argumenter plus que ça.

– Vénérable Fu Wuhan, je vous ai déjà accordé de la face lors de la dernière vente aux enchères en n’enchérissant pas sur la Plume des Mille Vents, et vous voudriez que je cède également aujourd’hui ? Votre honte devrait couvrir l’Arbre Immortel, des racines jusqu’aux pointes ! C’est vous, en tant qu’ancien, qui devriez laisser la place aux plus jeunes.

Un éclair de colère parcourut les yeux du vieux Fu Wuhan, alors qu’il répondit en se levant :

– Moi, Fu Wuhan, suis quelqu’un de patient, aussi je ne prendrai pas ombrage de votre comportement. Mais n’oubliez pas qui je suis !

Le vieux dans mon ventre se manifesta.

Fu Wuhan… Il y a un homme qui s’appelait comme ça, de mon temps. Sa famille doit être toujours la même. Si c’est le cas, il porte le nom de son illustre ancêtre et c’est une famille puissante. Quant à Yu Lin, j’ignore qui elle peut être. Mais si j’appréhende bien ce qui est en train de se passer, ce type qui t’a capturé est en train d’essayer de te vendre au plus offrant. Le statut de cette Yu Lin ne doit pas être insignifiant non plus.

– Hé !  m’écriai-je alors qu’ils étaient toujours en train de se disputer.

Le silence s’abattit dans la pièce et ils se tournèrent vers moi, d’un air ébahi.

– Je ne suis pas à vendre ! Vous essayez de m’acheter ou quoi ?

Yu Lin éclata de rire, et cria immédiatement :

– Exceptionnel ! Vraiment exceptionnel ! Je t’en offre trois fois la somme que tu en voulais !

– Yu Lin, vous… !

Le vieux Fu Wuhan devint écarlate et de la fumée aurait pu s’échapper par ses narines. Il n’avait sans doute pas emmené suffisamment d’argent, parce qu’il fit demi-tour en reniflant bruyamment et il quitte la pièce en maugréant des insultes à voix basse.

Celui qui me tenait fermement et dont je ne connaissais toujours pas le nom sourit et répondit :

– Parfait, Yu Lin. Affaire conclue.

Elle lui tendit une espèce de sac, et après avoir regardé à l’intérieur, il me jeta au sol avant de repartir au sous-sol en lançant :

– Il est à toi, maintenant. Débrouille-toi pour l’emmener.

– Pour ce prix, tu aurais pu livrer !  cria-t-elle, mais il était déjà parti.

Elle se tourna vers moi en souriant, visiblement très fière de son acquisition. J’allais devenir un esclave ? C’était hors de question ! Je me souvins d’une chose importante, et en fermant les yeux, je plongeai dans la source de mon dantian. J’y demandais à Zhou XueFang :

– Hé, n’étais-je pas censé être fort, maintenant que j’ai ouvert une porte ? Je dois me défendre ! Je vais finir esclave !

Sa voix résonna partout autour de moi.

Crois-tu être à la hauteur avec une seule porte ouverte ? Tu vas te faire tuer avant de comprendre ce qu’il se passe. Redescend sur terre, gamin. Elle peut probablement t’écraser comme un vulgaire insecte.

– Je suis obligé ! Tu as vu de quelle façon j’ai été traité ?! Ils me prennent pour un objet !

Je te le dis : même si tu tentais ta chance avec l’arme que je t’ai offerte, tu n’arriverais à rien. Oublie ça.

– L’arm… Hein ? Mais je l’ai perdue sur la route, là-bas…

Me remémorer la perte de ma lance, mon tout premier cadeau en ce monde, me remplissait de peine.

Parce que tu crois que j’ai créé une arme banale ? Elle fait partie de moi, donc elle fait partie de toi, maintenant. Il te suffit de le désirer assez fort, et elle apparaitra.

– Ah ? D’accord.

Je rouvris les yeux, moi-même étonné de la facilité avec laquelle j’acceptai les choses insensées qu’il venait de me dire. Alors que Yu Lin s’approchait de moi avec un sourire étrange sur le visage, je sentis un crépitement le long de mes doigts, et la lance se forma bel et bien dans le creux de ma main, en une succession d’étincelles et de tourbillons électriques. Yu Lin s’arrêta pendant une seconde, étonnée.

– Oh ? Du Qi matérialisé ? Et de l’affinité de foudre ?

Une lumière apparut sur son front, pendant l’espace d’une seconde. Elle ouvrit ses yeux en grand, un air choqué sur le visage.

– Comment ? Comment peux-tu matérialisé du Qi au point d’en faire une arme, en n’ayant ouvert qu’une seule porte Terrestre ?

– Je ne comprends rien à ce que vous dites, madame, mais je ne suis pas un esclave.

– Un esclave ? Loin de là. Tu seras mon nouvel animal de compagnie. Mais ça ne répond pas à ma question. Comment as-tu fait ?  insista-t-elle.

– Ah ? Mais je ne sais pas, moi. C’est le vieux dans mon ventre qui m’a dit comment faire.

– Le vieu… Hein ? Tu te moques de moi ?!  hurla-t-elle.

Devant cet excès de volume, mon premier réflexe fut de brandir ma lance en avant. Mais celle-ci se dispersa au contact d’une vague d’énergie que je parvins étonnamment à ressentir. Elle était si puissante qu’elle me donna envie de vomir. Yu Lin avait l’air vraiment furieuse, alors qu’elle me souriait quelques secondes auparavant. Elle approcha rapidement de moi, sans doute décidée à me donner une bonne correction ou à me tuer. Mais elle avait payé si cher pour m’acheter, alors j’espérais que j’allais juste me faire houspiller et pas démembrer ou exploser comme une banane.

Je mis mes mains devant mon visage par instinct, et en voulant me protéger, je fis émaner de la vapeur noire des pores de ma peau, sans trop comprendre comment.

Elle s’arrêta net.

– Ténèbres ?!

Elle recula de deux pas, et me redemanda :

– Ténèbres ou foudre ? Quelle est ton affinité ?! Je ne comprends pas ! Et pourquoi es-tu si noir ?!

– Aaaaaah, au secours, Zhou XueFang ! À l’aide ! Aide-moi !

En m’entendant crier, elle stoppa son avancée et me dit sèchement :

– Ce n’est pas en demandant l’aide des légendes disparues du passé que tu t’en sortiras, Poochi. Réponds à ma question, où tu recevras cinquante coups de fouet.

– Poochi ?  demandai-je en tournant la tête de tous les côtés. Il n’y avait que nous. – Je suis Osumba.

– Dorénavant, tu es Poochi et tu m’appartiens. Dernière chance, vas-tu répondre ou préfères-tu le fouet ?

 


 

 

Et voilà notre gentil Osumba qui a choisi d’aller porter secours à une demoiselle en détresse pour finir par se faire capturer lui-même.

De l’autre côté, s’il avait choisi de ne pas y aller, il aurait pu continuer à vivre pendant quelques semaines dans sa grotte, peut-être ouvrir une deuxième porte, qui sait ? Ne pas faire la connaissance de la demoiselle, ni de la Ligue des Assassins, ni de Yu Lin ou du vieux Fu Wuhan. Il a décidé de se jeter dans les relations sociales au plus tôt, quitte à sacrifier une occasion de cultiver. Bien entendu, il y a, comme pour tout, des bons et des mauvais côtés… Tout dépendra de sa capacité à se débrouiller à l’avenir. Et tout dépendra de vous, également. Vous l’avez mis dans une drôle de situation, quand même…

 

Maintenant, on se demande tous ce que va faire Poochi face à une Yu Lin qui n’a plus de patience.
Attention à toutes les implications que votre choix va avoir… Les choix amènent réellement à des scénarios aux conséquences variées, et plus ou moins enviables. Cela dit, tout choix impliquera du bon et du mauvais. Sans doute 🙂

N’oubliez pas de vous connecter pour voter !

 

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Concernant les résultats précédents, il a choisi à 67 contre 41 d’aller sauver la demoiselle.

Raka
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28 thoughts on “LDO : Chapitre 3

  1. rhinocéros laineux ?
    je vois mal l’image. perso si on me parle de rhinocéros de de laine dans la même phrase, j’imagine juste une pelote planté sur la corne du rhino, qui sert alors de dérouloir ?

    1. J’ai été voir sur Google Image , apparemment ça existait bel et bien , c’est un peu comme un mammouth mais moins grand avec des cornes en plus

  2. si les gens choisissent de parler du vieux dans son dantian, ce sera nawak, aucun sens. Réfléchissez avant de voter, il faut que ça ai du sens T_T

    1. Au lieu d’essayer de les influencer gratuitement (je pense que ça ne fonctionne pas si facilement), étaye ton avis ? Pourquoi ? Comment ?

      D’ailleurs, je suppose qu’une fois qu’ils lisent les commentaires, ils ont déjà voté, non ? 🙂

      1. Exact j’ai deja voté et c’est mon choix pas le tiens. De toute façon tu connais pas la suite qui sait elle pourrait le croire ;).

    2. Après osumba est quelqu’ un de simple…
      Il pourrait tout à fait faire ce choix…
      Et aussi vive la démocratie

  3. Je l’avais dit aurait du rester dans sa grotte, maintenant il est dans la grosse merde… Mais d’un autre coté je trouve ça cool que le personnage se soit fait avoir comme ça, c’est plus réaliste ! Que l’histoire ou il sauve la demoiselle en détresse est devient son mec !

    1. Ah ben les gens voulaient qu’il aille porter secours à quelqu’un alors qu’il est au niveau de cultivation le plus bas possible, qu’il ne connait rien, ne maîtrise rien, n’a aucun vrai entrainement.
      Je ne le voyais pas devenir un chevalier blanc.

      Comme je le dis toujours, les choix ont des conséquences, il faut y réfléchir un tout petit peu plus loin que le bout de son nez 🙂

      Cela dit, qui sait ce qui lui serait arrivé dans sa grotte ? (Bon, moi je sais, mais à part moi mdr) Il aurait certes cultivé, il aurait pu apprendre des choses sous la tutelle du vieux, mais après ? Il y aurait forcément eu un autre choix à faire ensuite.

  4. Merci pour le chapitre .
    J’imagine bien pour la suite une scène à la Kunta Kinté même si Osumba n’a pas l’air n’as pas l’air de ce style .

  5. Merci pour le chapitre ! Je suis dans la majorité ! Vu qu’il est du genre gentil alors c’était un choix direct pour moi car vu qu’il débute dans ce monde de cultivation et sa personnalité naïf, sa rend bien avec ce choix. 

    —-
    Mon avis sur ce vote : 

    Cette fois il y a quatre choix qui offre plus de liberté.
    En réfléchissant, si on prend le premier vote ou il raconte tout sur le vieux : je pense à deux voix, soit elle ne le crois pas sa ramène au vote 3 donc le coup de fouet, ou soit elle le croit mais va savoir elle réagis bonne ou mauvaise intention ? Qui peut diriger sur différente direction.

    Le deuxième choix est peu probable que sa marche vu son manque de connaissance du monde où il se trouve donc va se faire fouetté x) Ou peut-être que son « locataire » on trouve une pour lui ? mais vu comment il agit déjà sa m’étonnerait … mais bon qui sait.

    Le troisième choix est ben sa emmène à de la douleur ? xD La je voix pas plus loin car peu de connaissance sur cette femme très bizarre pour le choix d’animaux de compagnie xD

    Le quatrième choix est ben sont attaque à la lance n’a pas marché donc je vois pas qu’est-ce qui peut faire d’autre. A par en retour de son attaque échoué retour au choix trois : le fouet.

    Voilà, mon avis.

    1. Voilà le genre de réflexion que j’attends !
      Sans parler des conclusions qui sont propres à chacun, c’est comme ça qu’il faut penser pour construire son personnage 🙂

  6. Merci pour ce chapitre 

    Je suis dans la majorité mais je ne m’attendais pas du tout à ce dénouement.

  7. Tu t’attendais à ce qu’il sauve une demoiselle en détresse du haut de sa toute-puissante cultivation ? 

    Quel que soit le cas, il était à peu près certain des le départ qu’il n’y arriverait pas, faut rester réaliste aussi un peu. Le pauvre est au tout premier niveau de cultivation. N’importe qui est plus fort que lui.

  8. Merci pour le chapitre ☺,
    Moi qui avait pris le choix majoritaire et pensée qu’il allait sauvé était surement la chose la plus naïve que j’ai pu pondre de ma vie.
    Maintenant j’aurai un temps de réfléxion un peu plus poussé pour permettre a ossumba de devenir le guerrier des ténèbres le plus forts avec les meilleurs choix possible.
    Je suis content tout de même d’en avoir découvert un peu plus sur ce monde de cultivation intérressant. 

    PS : assez long comme chapitre, ne meurent pas en cours de route, mais j’aime bien plus de contenue dans un chapitre que sur 3 chapitre des autres novels. Bon courage continue comme ca.

    1. C’est pas Osumba, c’est Poochi. D’ailleurs, je vais sans doute renommer le LN en « Le Destin de Poochi » si jamais il reste un animal de compagnie. Ca, c’est du destin !

      1. pourquoi pas. après tout dans le manga gun-ota(je suis pas sur du titre) le héros passe un arc complet en temps qu’esclave d’une famille de vampire et ça ne nuit pas a l’histoire, bien au contraire.

        1. En effet, tout est possible. Tout dépendra des choix des lecteurs.

          Comme à chaque fois, les grandes lignes des 4 possibilités sont déjà écrites, et peut-être que l’une ou plusieurs d’entre elles mènent à ce résultat, qui sait 🙂

  9. je pense que la meilleure solution reste de tout lui raconter.
    si jamais il choisit le choix 2 il se fera fouetter car je doute fortement que Yu Lin le gobe et même si c’est le cas elle ne tardera pas à découvrir que c’est un mensonge. Ce qui ramène encore une fois au fouet.
    Si il choisit le fouet, il nourrira juste de la haine a son égard et sa renforcera sa volonté de s’échapper mais Yu Lin y pretera plus d’attention, Elle pourrait même l’enfermer ou le torturer si il continue de lui résister si on pousse cette éventualité a l’extrême a sa maîtresse pourrait potentiellement le tuer même si je doute que ca arrive si Poochi meurt dès le chapitre 3 pourquoi écrire une histoire sur son destin.
    le quatrième choix est totalement inutile puisque ca saute aux yeux que le mc est très loin du niveau de Yu Lin donc c’est le fouet assuré.
    De plus avec la premiere solution Yu Lin pourrait potentiellement s’allier avec lui ce serait étonnant mais bon, après sa réaction pourrait être contraire et même si ce pas forcément la meilleure solution c’est celle qui m’intéresse le plus.

  10. Arf je voulais qu’il reste dans la grotte moi.

    Par contre si tu as prévu de pouvoir le faire mourir et fin de l’histoire si nous lecteurs faisons toujours le mauvais choix la suite risque d’être passionnante 😀

    1. Mourir + fin de l’histoire, non. Clairement pas. N’oublions pas qu’il doit toujours arriver au moment du prologue.

      Ca peut se passer après une certaine cultivation, après la mort, après un évènement spécifique de type magie ou prophétie, mais une mort définitive, non.

      Par contre, il peut facilement se retrouver handicapé ou faire mourir ses proches oui.

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