DMS : Chapitre 100 Bonus
DMS : Chapitre 102

Chapitre 101 – L’offre et la demande (1)

 

— …qu’il ne va pas vraiment lutter. Il va se laisser faire.

En collant mon oreille contre la porte, je pus entendre quelques mots qui se racontaient de l’autre côté.

— Peu importe qu’il lutte ou non, en vérité. Mon slime bleu est d’un niveau avoisinant une étoile, certes, mais je peux te garantir qu’il est bien plus puissant que ce que son niveau laisse supposer. En réalité, tu as dit que ce slime savait se transformer en d’autres créatures ? C’est sans doute parce qu’il est un familier de cette exploratrice. Mais même s’il se transformait, il ne serait pas à la hauteur.

Ils parlaient de Friderik et de moi ? Les quelques bribes de conversation que je pouvais comprendre me mirent la puce à l’oreille : en vérité, le Seigneur Ombre était en train de sacrifier Friderik à un slime bleu… Alors qu’en était-il de ce paquet d’or qu’il m’avait promis ?!

— Tu seras payé dès que mon slime bleu aura dévoré ce slime chevelu. Après tout, il était le boss d’un donjon et il est le familier d’une exploratrice désormais. Il va le rendre encore plus puissant…

— Si j’avais imaginé que deux familiers allaient se battre ce soir, ha ha… Elle a vraiment été facile à manipuler, finalement. J’avais un peu peur qu’elle ne me fasse pas confiance mais elle est tombée droit dans le panneau.

C’était clair. Ce vieux connard avait fait tout ça uniquement pour envoyer Friderik dans l’arène afin qu’un autre explorateur, qui possédait lui un véritable familier, puisse renforcer ce dernier. La somme en jeu devait être largement plus importante que celle que le vieux aurait pu gagner sur un combat truqué.

Je décollai mon oreille de la porte et me fondis dans la foule, qui ne s’intéressait déjà pas vraiment au combat en cours. Voir deux slimes combattre… Quelle était cette étrange idée ? Le Seigneur Ombre avait-il perdu son savoir-vivre ?

Je pus ainsi rapidement arriver en face de la cage. À l’intérieur, Friderik se laissait légèrement malmener par son adversaire, comme nous l’avions prévu. J’avais envie de lui crier de le défoncer au plus vite mais je ne pouvais pas lui parler. Il était mon familier, j’étais supposée pouvoir lui donner des ordres mentaux.

Alors, lorsqu’il regardait dans ma direction de temps en temps, au détour de l’un ou l’autre coup bas, je tentais de lui faire des signes, trop discrets parce qu’il ne s’aperçut de rien. Finalement, je constatai qu’il arrivait à tenir tête au slime bleu sans trop paniquer et je pus soupirer tout bas.

— J’espère qu’il n’est pas aussi puissant que ce type le disait… marmonnai-je.

Soudain, je me souvins d’autre chose. À l’origine, j’avais prévu de placer le vin des géants dans un coffre facilement accessible dans le donjon mais rapidement, je vins à me dire que tout ça m’importait peu. Pour l’heure, je n’étais pas dans mon donjon et il y avait ici quelqu’un qui se foutait secrètement de ma gueule. Alors détruire toute réputation et foutre le bordel dans cette arène clandestine ? Hah. C’était le minimum que Qian Wuying pouvait espérer faire pour rendre la monnaie de sa pièce à ce vieux con.

Je me tournai et m’avançai vers une table proche. Là, quatre hommes, des habitants locaux sans doute vu leurs manières, riaient et buvaient sans se soucier du combat le moins du monde. En me voyant approcher, ils se tournèrent vers moi.

— Ooh, Le Seigneur a embauché de jolies serveuses, les gars !

— Ouais. Oh, ouais ! Chérie, que dirais-tu de nous servir la poitrine à l’air ?!

Sans laisser le temps aux deux autres d’enchaîner sur d’autres conneries, je sortis immédiatement une amphore de vin de ma sacoche magique.

— Tout à fait ! Je suis nouvelle, et pour mon premier jour, la maison offre le vin ! leur répondis-je en souriant.

— Du vin ? Gratuit ? L’un d’eux réagit au quart de tour.

Ses yeux brillaient et il tendit immédiatement son verre dans ma direction.

— Qu’attends-tu pour nous servir, alors ?! Vite ! J’ai soif, tu sais ! Le Seigneur Ombre nous a donné un combat misérable ! Il faut qu’on passe le temps autrement !

Les autres hochèrent la tête et se rendant compte que je servais réellement un vin à la robe magnifique et irisée à leur copain, les trois autres me tendirent également leurs verres. Je les remplis tous à tour de rôle avant de leur adresser un autre sourire.

— Il faut que je serve encore tous ces autres clients, alors je vous souhaite une bonne soirée, chers clients !

Le nez dans leurs verres et les yeux pleins de feux d’artifices, ils me laissèrent partir sans me retenir. En les voyant, je me rendis compte que voilà, le tout premier geste en direction du chaos sur Albion venait d’être fait.

Machine arrière ? C’était impossible, désormais.

Durant plus d’une heure, je fis le tour de la grande salle et tout en vérifiant en permanence que le Seigneur Ombre ou ce capitaine de la garde ne revenaient pas, je me hâtai de droguer le plus de clients possible. De temps en temps, je jetai un coup d’œil en direction de la cage et pouvais voir Friderik qui perdait peu à peu l’avantage. Clairement, il faisait de son mieux dans son état normal de slime mais le slime bleu semblait réellement plus puissant que lui.

Il finit par utiliser sa compétence peau de pierre, qui lui permit de reprendre le dessus le temps qu’elle durait. Mais elle n’était par éternelle et lorsqu’elle se termina, il avait récupéré un peu grâce à sa régénération mais son adversaire se régénérait lui aussi et continuait à le réprimer sans trop de problèmes.

Friderik tenta alors de se transformer en loup, sa forme la plus puissante. Aussitôt, il gagna une vitesse nettement supérieure à ce dont il était capable précédemment et sans doute parce qu’il estimait que le moment était venu de renverser la vapeur, il commença à attaquer le slime bleu sans lui laisser la moindre chance de riposter.

Face à un loup, le slime bleu était mou et lent et ne parvenait plus vraiment à faire grand-chose.

— Oui, continue, murmurai-je en servant deux autres nouveaux drog… clients. Continue comme ça, je savais que tu n’aurais aucun problème à le vaincre.

Et comme je m’y attendais, Friderik termina le combat comme si de rien n’était. Il finit par déchiqueter son adversaire de ses crocs acérés et même s’il avait subi des blessures entre temps, elles guérissaient déjà.

Alors même que la foule qui aurait dû être en délire au moment où Friderik s’était changé en loup et avait dominé l’autre slime, à peu près 90% des gens présents n’étaient plus que spectateurs de leur propre verre de vin, la plupart du temps déjà vide. Certains lorgnaient celui du voisin, se demandant s’il était prudent de le lui prendre de force. Je pouvais le voir dans leurs yeux : le combat n’avait plus aucun intérêt.

Certains se tournèrent vers moi. Je m’y attendais à vrai dire ; je leur fis un signe de la main leur signifiant que je n’avais plus de vin : la distribution gratuite était terminée. La plupart soupirèrent en baissant les bras, mais trois d’entre eux se levèrent et vinrent agressivement à ma rencontre.

— Du vin ! Encore ! Le même ! Tu en as, je le sais. Ce n’est pas possible que tu aies tout vidé juste maintenant, comme par hasard.

Ils m’encerclaient et ne comptaient apparemment pas me laisser partir. Ils avaient remarqué que ma sacoche était en quelque sorte magique et que je pouvais en sortir des amphores pleines. À vrai dire, j’en avais utilisé six seulement… Il m’en restait encore beaucoup. Mais je ne voulais pas céder ; mon plan hâtivement construit nécessitait justement qu’ils ne reçoivent qu’une petite dose avant de s’en languir.

— Je suis désolée, chers clients, mais je n’ai réellement plus une seule goutte de vin.

Je tentai bien évidemment de me sortir de cette situation. Après tout, j’étais bien plus puissante que des humains, désormais ; même musclés comme ils l’étaient, ils n’avaient aucune chance de me retenir. Je tentai donc de forcer le passage mais étrangement, l’un d’eux était un explorateur et bien plus puissant que moi. Il se dressa tel un mur inamovible qui m’empêcha de m’enfuir.

— Tu ne va nulle part, serveuse, grinça-t-il, je veux du vin.

— Mais je… bafouillai-je.

Je ne m’attendais pas à me faire arrêter par un explorateur, merde.

Friderik venait de finir de bouffer son adversaire. Il n’avait sans doute pas obtenu de nouvelle forme en avalant un slime mais je pense qu’il s’agissait là d’un petit plaisir personnel. Au loin, derrière l’explorateur bourru, je vis arriver le Seigneur Gros Connard accompagné d’un homme plus jeune qui avait le teint livide.

— Ben oui mon gars, ton familier s’est fait buter. Tu t’attendais à quoi ? Tu voulais affronter Qian Wuying ? Tu vas t’en mordre les doigts.

Bon, pour l’heure, j’étais celle qui étais dans une situation délicate. Entre un grand type qui serrait les dents en attendant du vin et Friderik qui n’était toujours pas arrivé, il fallait que je me tire de là rapidement. Et j’en vis la possibilité dans ce Seigneur Je-Vais-En-Prendre-Plein-La-Gueule.

— Oh, mais regardez ! Voici mon Seigneur et Maître ! Là-bas ! S’il en donne l’autorisation, je pourrai aller vous chercher encore du vin, cher client ! Sans ça…

Je levai les mains en secouant la tête, impuissante.

— …je ne peux pas aller contre ses ordres. Il a dit, plus de vin, plus de service gratuit !

Ce type était clairement déjà bien dépendant du vin. Je supposai qu’il y avait plusieurs niveaux et qu’il était l’un de ceux les plus rapidement drogués. Même si le Seigneur Vieux-Schnoque lui disait qu’il n’avait rien à voir avec tout ça, haha…

…il n’entendrait pas raison.

Et comme je m’y attendais, tous trois se retournèrent et se dirigèrent immédiatement vers lui et de loin, je pouvais les voir s’engueuler. Ravie, je me retournai et vis un employé de l’arène totalement inconscient des magouilles de son patron ouvrir la porte à Friderik, qui revint gentiment vers moi.

— On se casse. Vite. J’ai payé une tournée générale de vin.

Mon ton se voulait sec et urgent. Il fallait qu’il comprenne que la situation allait rapidement dégénérer en ces lieux. Mais lorsque je lui parlai du vin, il comprit et je le vis légèrement tressauter, comme s’il riait tout bas – ou plutôt, qu’il essayait de se retenir.

Je fonçai rapidement vers la sortie, consciente que je ne verrais jamais la couleur de l’or que j’avais gagné à la suite de la victoire de Friderik – et puis, qui avait parié ? Tout le monde s’en foutait.

Avec plus de peur que de mal et parce que le Seigneur Je-Vais-Avoir-Des-Drogués-Sur-Le-Dos était sans doute très occupé à ce moment même, je pus sortir sans trop de souci et m’enfuir dans Camelot sous couvert de la nuit, direction mon donjon.

Ma peau me démangeait – bordel, le sort prenait fin et j’avais eu chaud. Mais j’étais entrée dans le donjon au tout dernier moment ; j’étais désormais en sécurité. Enfin, l’étais-je jamais totalement ? Hors du donjon, j’étais à la merci de tout un tas de mésaventures imprévues. Dans le donjon, j’avais toujours peur que le système finisse par me retrouver.

Je soufflai avant de demander à Friderik.

— Alors ? Tu l’as bouffé, hein ?

Il hocha la tête, fier et heureux.

— Oui. Mais bon sang, il était coriace. Si je ne m’étais pas changé en loup, je n’avais aucune chance.

— Ce n’est pas grave, repris-je, tu as fini par le vaincre au bout du compte. Tu y as gagné quelque chose ?

Il secoua la tête.

— Non. Pas de nouvelle forme, et puisque ce monstre n’était pas un équipement, pas de statistiques non plus…

Je haussai les épaules.

— Ne t’en fais pas. Quelque chose me dit que de l’équipement t’attend chez les géants.

Pour illustrer mes propos, je tapotai mon épaule et il y remonta. Ces deux types, l’Élémentaliste et l’autre, je ne pouvais pas croire qu’ils n’aient pas perdu leur équipement une fois de plus.

Aussi posai-je le pied sur la dalle de sortie, direction le camp de mes géants adorés.

Sur Albion soufflait déjà, et je le savais, le vent d’une guerre civile.

Raka
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15 thoughts on “DMS : Chapitre 101

  1. Merci pour le chapitre

    Mais désolé je crois que je ne peux plus vraiment apprécier Qian wuying après ça .Je veux dire ce vin rend drogué définitivement ,elle a détruit de nombreuse vie pour ce venger d’un type.

    Un type qui la serte arnaqué (essayer de l’arnaqué en faite) alors qu’elle était dans un deal visant a arnaquer des gens a l’intérieur d’une activité illégal. 

    Apres l’histoire de la famille du forgeron ,ou elle culpabilise de créer des problèmes ,elle rigole d’en créer des plus grave a plus de personne.

    1. C’est ce qui fait tout son charme et c’est pas la première fois qu’elle est comme ça.
      Elle est impulsive et le regrette par la suite.

    2. AAAAaaaahh !!! Je pensais que j’étais devenu un vieux con moraliste… Car pour ma part, elle a atteint le fond dès qu’elle a demandé aux géants le vin, car je ne me rappelais de personne dans son entourage accessible qui pouvait lui avoir fait un truc suffisamment moche pour pouvoir (en partie) justifier l’usage de ce vin…

  2. merci pour le chapitre

    déjà que « un roi sans épée = une terre sans roi » et en plus un bataillon de drogué dans les rues.
    albion va sans doute jamais s’en remettre.

  3. DROGUE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Ce vin qui fout le bordel dès que les gens en boivent. Moi, je vous le dis : le chaos n’est plus très loin à Albion ^^.

    Merci en tout cas pour ce chapitre.

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