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Chapitre 17 – Accident de parcours

 

— Ha ha ha ha !

J’étais hilare. En réalité, j’étais en train de me tenir le ventre tant je riais. Krahn était rouge cramoisi et ne semblait plus savoir où se mettre. Il ne pouvait rien me reprocher, il avait fait ses propres plans et tiré des conclusions de merde tout seul, comme un grand.

Dix minutes plus tôt, le géant m’avait déposé brutalement devant le marchand, que rien ne semblait choquer.

— Ah ! Mademoiselle ! Quel bon vent vous amène ? Envie d’investir vos gains du jour ?

Krahn avait pris la parole à ma place.

— Mademoiselle veut dépenser tous ses crédits et m’offrir des structures.

Sérieusement, il était de quel niveau ? Il pensait que j’avais accès à quoi ? Ce que je pouvais acheter, il le possédait déjà depuis longtemps, sans doute ; ou alors voulait-il simplement me donner une leçon et m’humilier, me voler ? Mais peu m’importait, je venais de me faire tuer par un explorateur de donjon, qui m’avait donc dérobé tous mes crédits. J’avais la faramineuse somme de zéro crédit sur mon compte en banque astral, et je ne pouvais rien acheter. Le marchand me jeta un coup d’œil et me demanda :

— Est-ce vrai, mademoiselle ?

Krahn avait sans doute l’habitude que ses victimes confirment ce qu’il prétendait, apeurées peut-être par sa réputation ou son influence, ou encore intimidées par la menace de sa clique. Le géant pouvait faire particulièrement peur, c’était vrai. Mais pour moi, qui avais vécu une vie de souffrance et d’humiliation, tout ça n’avait pas la moindre importance. Si j’avais eu le moindre crédit, je l’aurais envoyé se faire voir.

Mais la tentation actuelle était trop grande. Avec une grande anticipation, je m’étais hâtée de confirmer ses dires. Il devait avoir l’habitude, parce qu’il n’avait pas flanché tandis que je n’opposais aucune résistance et que je répondais même avec un sourire.

— Bien sûr ! Mais juste pour cette fois. Il peut utiliser ma réserve complète de crédits ! Qu’il achète donc ce qu’il veut !

Krahn me regardait, un sourcil levé. J’étais décidément un peu trop enthousiaste à l’idée de me faire racketter. Mais il ne pouvait rien en dire, il n’allait pas se rétracter. Il s’adressa au marchand.

— Que peut-elle acheter à son niveau et avec sa réserve de crédits ?

Le marchand me fixa pendant deux secondes, d’un regard scrutateur semblant percer jusqu’au fond de mon âme, et avec un sourire faux, lui répondit :

— Rien du tout, monsieur. Elle n’a aucun crédit.

Et Krahn resta perplexe pendant quelques secondes. À vrai dire, je ne le comprenais pas. FeiLong avait dit que j’avais du talent, et que ce que j’avais fait en trois jours, peu de monde en était capable si rapidement. Et lui, il voulait me voler ? Il s’attendait à ce que je possède beaucoup de crédits ? Mais en toute honnêteté, je m’en fichais. Le voir blanchir de désarroi puis rougir de colère – la colère de s’être fait avoir à son propre jeu – me fit éclater de rire. Et voilà où nous en étions.

— Alors ? Tu vas faire quoi ? Me tenir prisonnière jusqu’à ce que je gagne des crédits ?

Je me moquais, évidemment. Mais il me prit grotesquement au sérieux.

— Et pourquoi pas ?! M’en crois-tu incapable ?

Je venais de lui donner une idée stupide, mais au final, il n’avait aucun intérêt à le faire.

— Si tu savais dans quel état est mon donjon, tu ne perdrais pas ton temps.

Je riais encore, et il ne comprenait pas que je puisse ne pas avoir peur de lui. Il était quelqu’un que tout le monde se devait de respecter, de craindre, d’aduler, et moi, moi ! Je me foutais ouvertement de sa gueule parce que pour moi, il ne représentait rien. Et je ne le faisais pas seulement sans crainte, je le faisais surtout devant sa bande de chiens fidèles.

J’en avais rencontré, des gens comme ça, sur Terre. Je savais que pour eux, la pire humiliation consistait à se faire rabaisser devant ses sous-fifres, et je ne m’en privais pas à ce moment précis. Je voulais qu’il comprenne une bonne fois pour toutes qu’il valait mieux me foutre la paix s’il tenait à la sienne.

N’attendant pas qu’il réponde, j’entrepris de faire demi-tour pour m’en aller. Et tandis qu’il fulminait même trop pour trouver quelque chose d’assez fort à me dire, ses subordonnés – dont certains souriaient en coin – me regardèrent tranquillement passer le pas de la porte.

Tout ça représentait une sacrée perte de temps. Je devais rapidement aller dans mon donjon pour rajouter des gobelins ; le temps qu’il me ramène là, j’avais déjà senti à plusieurs reprises des aventuriers tuer le boss et les deux assassins pour piller le dernier coffre restant. Je ne pouvais pas laisser faire plus longtemps, mon donjon risquait de gagner une réputation dont je ne voulais pas. Il était hors de question qu’on dise de lui que le terminer était une partie de plaisir !

Tandis que je commençais à me hâter vers le Palais des mille Miroirs, j’entendis une voix hurler des insultes dans mon dos. Evidemment, ce con avait repris ses esprits, mais je partais en courant et il n’avait pas l’air de vouloir me rattraper. Peut-être avait-il peur de ne pas réussir et de perdre encore plus la face devant ses petits copains.

L’une des choses qu’il me criait au loin ne manqua pas de rester gravée dans mon esprit.

— Tu cherches à mourir !

Il était vraiment idiot. J’étais déjà morte deux fois en très peu de temps ; je n’allais pas avoir peur d’une menace aussi ridicule. Mais après tout, que pouvait-il faire d’autre ?

 

*

 

Près du Palais, je tombai sur FeiLong, qui m’adressa un sourire.

— Eh. Comment vas-tu, ce matin ?

Je me tournai rapidement vers lui en entendant sa voix et m’approchai rapidement.

— Pas mal. Ce demeuré de Krahn a essayé de m’arnaquer, haha. Que ça lui serve de leçon.

— …

Il me dévisagea avec un air étrange.

— Quoi ? Il y a un problème ?

— …Tu as encore eu affaire à lui. Il t’a volée, c’est ça ?

— Il a essayé, évidemment, mais je l’ai fait tourner en bourrique. Je n’avais aucun crédit, un explorateur m’a tué hier soir.

— Oh. Je vois. Tu as encore un peu de mal avec ton donjon ?

— Non, pas tant que ça. J’ai récemment effectué des tests pour voir comment certaines choses fonctionnaient et j’étais tellement plongée dedans que je ne l’ai pas senti arriver dans mon dos…

Il éclata de rire, le plus sincèrement du monde.

— Ha ha ha, je pense que ça nous est arrivé à tous. Ne t’en fais pas. Maintenant que tu as eu le coup une fois, tu ne devrais plus avoir de problème de ce côté-là. À moins d’être particulièrement stupide, tu ne te laisseras plus surprendre.

— Je n’y compte pas, non.

— Allez, je te laisse filer vers ton donjon.

— Ok ! À plus.

Je lui fis un signe de la main en me retournant, et il me rattrapa soudain.

— Ah, au fait ! Je vais partir en expédition aujourd’hui. On m’a demandé de retrouver une certaine plante, et j’en ai besoin rapidement, donc si tu veux m’accompagner…

— Oh que oui ! Avec plaisir !

La dernière fois que j’étais partie dans le monde extérieur, j’étais revenue certes morte, mais avec une nouvelle petite créature. Je m’attendais donc, surtout en sa compagnie, à y trouver mon compte. Peut-être aurais-je droit à des éléments bonus ! Je ne pouvais donc qu’accepter.

— Parfait. Je t’attendrai peu après midi devant le Palais. Nous partirons à ce moment.

En regardant ma montre, je confirmai qu’il était encore tôt et que j’avais tout le temps de faire ce que je voulais dans mon donjon.

— Je serai là.

Et sur ces mots, je fis demi-tour à nouveau pour entrer dans le bâtiment et me jeter dans un miroir.

 

**

 

— Voilà. Je pense que ça fera l’affaire pour le moment.

Je me frottais les mains en observant ce que je venais de terminer. En plus de mon Pyromancien et des deux assassins invisibles dans les ombres, j’avais rajouté plusieurs Peaux-Vertes équipés de lances en bois rudimentaires, que j’avais trouvées dans ma collection. J’étais venu à cette solution en repensant au filet que j’avais donné aux tomtes, et dont ils savaient se servir, et en avait tiré la conclusion qu’on pouvait donc équiper les monstres selon les besoins.

Et effectivement, ils jetèrent les massues qu’ils transportaient par défaut pour se jeter sur les lances que j’avais posées au milieu de leur camp. Leur engouement était visible, ils préféraient clairement cette arme plus létale, plus rapide et avec une plus grande allonge. Ils n’étaient pas si bêtes que ça, ou peut-être n’était-ce simplement qu’un instinct de base.

Mais c’était parfait. En plus du boss, je disposais maintenant d’une équipe de deux assassins et de 5 Peaux-Vertes. J’appris un peu par hasard que je pouvais influencer jusqu’à un certain point le comportement des monstres de mon donjon, et je parvins à obliger les 5 gobelins à se promener ensemble. Ainsi, ils ne se quitteraient jamais et auraient moins de problèmes à défaire des explorateurs téméraires.

Posant le pied sur la dalle de sortie, je me rendis compte que plus de deux heures s’étaient écoulées, et je fus surprise par le fait que j’avais pu me plonger dans ce que je faisais à un tel point que je n’avais pas vu le temps passer ; mais également par le fait qu’aucun explorateur n’était entré pendant ce temps. J’aurais eu l’air vraiment bête si ça m’étais arrivé une deuxième fois…

— Et maintenant, on attend.

Il faisait déjà nuit dans l’autre monde, peut-être que l’absence des explorateurs pouvait s’expliquer et je n’y fis pas plus attention que ça.

En sortant, je décidai d’aller me promener un peu en ville en attendant l’heure de notre sortie promise avec FeiLong. J’attendais beaucoup de cette expédition. Je craignais que Krahn ne joue au con – encore – et qu’il ne tente de nous chercher des noises, mais après tout, il ne devait même pas être au courant. FeiLong n’était pas une secte, il était un type seul qui ne dépendait de personne et les informations le concernant ne se répandaient sans doute pas aussi facilement que ça. Mis à part moi, personne n’était au courant de ses plans. J’en étais certaine.

Deux explorateurs entrèrent dans mon donjon. Il s’agissait de ce connard qui m’avait tué, accompagné d’un type que je n’avais pas encore vu. Evidemment, le niveau du donjon avait à nouveau changé et ils devaient avoir conscience que je l’avais repeuplé. Mais ils n’avaient pas l’air d’avoir peur et avancèrent d’un pas assuré.

Ils ne s’arrêtèrent pas devant la Fontaine et continuèrent jusque dans la salle des gobelins. Arrivés à l’entrée, le deuxième type, équipé d’une lourde armure blanchâtre et cabossée, sortit de son dos un grand bouclier et dégaina une épée courte du fourreau accroché à sa hanche.

Il sembla crier quelque chose et je vis un éclat lumineux balayer toute la salle ; il attira l’attention de tout le monde, mais surtout, les assassins étaient à découvert. Tous les gobelins se mirent à luire légèrement, et les assassins ne parvinrent pas à disparaître dans les ténèbres. S’avançant vers eux en tout premier lieu, l’aventurier que je considérais comme le chef de groupe se jeta sur eux et ne leur laissa pas la moindre chance de riposter. Ils avaient une force de frappe considérable, capables de tuer un homme en un coup en frappant dans les ouvertures entre les pièces d’armure et en visant les points vitaux, mais en combat singulier, ils ne valaient pas tripette.

Les deux assassins à terre, l’homme au bouclier engagea les 5 gobelins qui couraient vers lui avec des lances. Il semblait confiant dans le fait de pouvoir les contenir assez longtemps pour permettre à l’autre d’en finir avec le boss. Ils n’en étaient certainement pas à leur première danse dans mon donjon, ces deux-là. Ils étaient sans doute les deux qui avaient vidé le coffre à plusieurs reprises la nuit précédente.

L’aventurier solitaire se rua vers le boss sans lui laisser le temps de lancer un sort et envoya son épée voler vers sa gueule, d’un coup rapide et rectiligne. Dugnekk esquiva de justesse, une ligne rouge apparaissant peu à peu sur sa joue ; du sang en perla. Apparemment, l’humain avait déjà pris l’habitude de se battre avec lui.

L’idée me traversa l’esprit, mais… Et s’il avait même gagné un niveau en le combattant et en le tuant à plusieurs reprises ?

J’en eu la conviction au moment suivant. Dugnekk fit tournoyer son bâton et celui-ci s’enveloppa d’une volute de feu. Il s’apprêtait malgré tout à lancer un sort car il ne savait pas se battre au corps à corps, comme l’aventurier essayait de le forcer à le faire.

Au moment où il leva la main et voulut abattre son bâton enflammé vers son adversaire tout en bondissant en arrière, cette saloperie d’humain se décala de côté et esquiva ce qui s’avérait être une boule de feu. C’était le seul sort que connaissait Dugnekk ? La boule de feu fit bel et bien demi-tour, et alors qu’elle s’apprêtait à toucher l’explorateur, il avait déjà rattrapé Dugnekk et s’était caché derrière lui. La boule de feu explosa à la gueule de Dugnekk qui fut surpris par le comportement de son adversaire.

Il ne prit pas de dégâts grâce à sa résistance naturelle contre le feu, mais la seconde de stupéfaction permit à l’aventurier de tenter de le décapiter proprement, par-derrière.

Ce fut malheureusement sans compter sur les cinq gobelins lanciers qui avaient déjà tué le type en armure. Ils avaient finalement été trop nombreux pour un seul mec.

Psiik

Psik

Psiiiiiik

— …

Je ne l’entendais pas, mais je pouvais clairement comprendre le désarroi sur le visage du pauvre bonhomme. Au moment exact où sa lame allait abattre Dugnekk, il se fit transpercer par trois lances en bois, de trois côtés différents. Concentré sur son affrontement contre le boss, il ne les avait pas vu achever son coéquipier et approcher de lui rapidement.

La suite fut évidente.

La réinitialisation fit son œuvre.

Tandis que je profitais de ce début d’après-midi pour retourner au Palais des Miroirs afin d’y attendre FeiLong, je souriais. Le niveau 3 ne me semblait plus si éloigné à ce rythme.

Raka
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