DMS : Chapitre 18
DMS : Chapitre 20

Chapitre 19 – Ma première expédition (2)

 

Le chupacabra. Une créature étrange à l’origine de diverses légendes sur Terre et qui avaient toutes pour point commun de dépeindre un monstre qui n’aimait pas les humains.

Ici, il s’agissait d’une espèce de gros chien d’un noir d’encre et aux longues pattes filiformes, comme s’il était composé des pires cauchemars des enfants ; son corps élancé et son museau pointu lui donnaient un air de prédateur sadique et efficace. Son dos était recouvert d’une espèce de couverture de petits tentacules qui grouillaient comme autant d’asticots noirs.

 Beurk. C’est quoi cette bestiole…

Pour être parfaitement honnête, le chupacabra me dégoûtait, et je le fis directement savoir à FeiLong. Il se contenta cependant de répondre à ma question.

 C’est un chupacabra. Ce sont des monstres de niveau supérieur à 40, si mes souvenirs sont bons. Ils sont solitaires la plupart du temps, mais il peut arriver qu’ils se réunissent pour chasser, notamment lors des périodes de rut.

 Période de rut… 

Mon esprit divagua l’espace d’une seconde mais je repris bien vite mes esprits en repensant au niveau de ces horreurs. S’ils me touchaient, il y avait de fortes chances que je n’y survive pas. À moins que je ne parvienne à emprunter cette force miraculeuse qui m’avait permis de défoncer la gueule d’un gobelin alors qu’ils étaient censés être de niveau bien supérieur à moi. Si je me rappelais bien, FeiLong m’avait dit qu’ils étaient de niveau 8 ou 10.

Et pourtant, ce corps immortel m’avait permis d’en tuer un d’un seul coup.

 Ne t’éloigne pas de moi. Il nous a vus. 

FeiLong se plaça devant moi pour attirer l’attention du chupacabra qui approchait en galopant, grognant et bavant. Même ses dents acérées étaient d’un noir profond, et le rouge vif de sa langue contrastait avec le reste de son corps. Ses pattes, trop longues pour son corps et trop fines pour être réalistes avaient l’air de trembler à chaque pas, ce qui lui donnait une allure des plus glauques.

 Beuh… 

J’en tremblais à le voir courir ainsi vers nous, mélange de chien-chien à sa mémère venant lui faire sa fête et d’indicible horreur venue vous traîner au fond des ténèbres douloureuses.

En arrivant près de nous, il bondit d’un seul coup et parcourut plus de 5 m en vol, la gueule grande ouverte et la langue claquant au vent, décidé à nous tomber dessus pour nous bouffer, sans doute.

Mais c’était sans compter sur FeiLong qui avait un niveau incroyablement plus élevé, et même des étoiles derrière. Il leva le bras et envoya un revers du dos de la main. Putain, il venait de coller une baffe sans respect au monstre qui se jetait sur nous. Percuté au vol, le chupacabra fit des pirouettes et termina son vol plané par un magnifique lobe par-dessus nos têtes pour atterrir un peu plus loin, inerte et en sang, une partie du crâne enfoncé.

 Ouah…

 Celui-là ne nous fera plus de mal. 

Et à défaut d’avoir des étoiles derrière mon niveau, j’en avais maintenant dans les yeux.

 Je… je peux ? 

FeiLong me regarda d’un air surpris.

 Quoi donc ? 

 Aller le toucher… Je voudrais le récupérer pour mon donjon, même si je ne pourrai sans doute pas l’utiliser tout de suite car il est sûrement trop cher en énergie. 

 Oh… Inutile. 

 Comment ça, inutile ? 

Il me sourit et m’expliqua.

 Il est déjà mort. Si tu veux l’ajouter à ta collection, il te faut le tuer toi-même. 

 … 

Je pouvais tirer un trait sur les chupacabras pour le moment. À moins de tenter ma chance avec ma super force, je n’avais aucune chance d’en mettre un à mort. Alors que FeiLong, lui, les tuait en un coup, sans effort ! Les niveaux élevés, ça ne rigolait décidément pas.

Je caressais tout doucement l’idée de m’essayer à en frapper un, après tout, si je pouvais lui créer une simple commotion cérébrale, même si je ne lui éclatais pas la tête, je pourrais ensuite l’achever plus facilement. Mais le gobelin que j’avais tué était de niveau 10 au grand maximum, alors que ces cabots étaient d’un niveau quatre fois plus élevé. Rien ne me garantissait que je pourrais y arriver.

D’ailleurs, c’était le bon moment pour en avoir le cœur net.

 Dis… J’ai réussi à éclater la tête d’un gobelin bien plus fort que moi, en un coup. Je lui ai littéralement explosé la caboche. Est-ce que mon corps est vraiment si puissant ? Même à un faible niveau ? 

 Quoi ? Tu l’as vraiment tué en un coup ? En lui explosant la tête ? Non, bien entendu, ce n’est pas normal. Tu n’aurais même pas dû pouvoir lui faire réellement mal à ton niveau. 

Alors ce corps n’était pas vraiment tout puissant. Mes doutes étaient fondés. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé, mais il était clair que je ne pouvais pas m’essayer à un « bug » du système. Et si ça ne marchait pas une deuxième fois ?

 Par contre, te souviens-tu si le boss de ton donjon a été tué quelques secondes avant ? 

Là, il avait vu juste. Comment aurais-je pu oublier la première mort de Thomred ?! J’en avais eu les yeux injectés de sang et le cœur déchiré.

 Oui ! Mon bébé venait de se faire couper en deux ! J’étais hors de moi… 

 Ha ha ha ! Quel heureux concours de circonstances ! Tu n’aurais jamais pu tuer ce gobelin si ce n’avait pas été le cas ! 

 Comment ça ? 

Il avait piqué ma curiosité, comme il le faisait souvent les derniers temps.

 Lorsque le boss de l’un de tes donjons meurt de la main d’un explorateur, tu reçois pendant quelques secondes un bonus gargantuesque, te rendant quasi-immortelle et toute-puissante. Encore une fois, je ne sais pas pourquoi. C’est comme ça, voilà tout. 

 Quasi-immortelle ? Toute-puissante ? Je comprends mieux, maintenant. Je me demande si celui ou celle qui a créé tout ce système a fait ça pour qu’on ne se retrouve pas coincé dans le donjon avec un explorateur une fois le boss mort… 

FeiLong haussa les épaules.

 Aucune idée. De toute façon, peu m’importe. Tant qu’on le sait, c’est l’essentiel. Cela dit, tu as raison, ça m’a déjà sauvé la vie à plus d’une reprise dans mes donjons après la mort du boss. Par contre, si l’explorateur parvient à te contenir le temps que ta surpuissance se termine, tu es morte, ne l’oublie jamais. 

 Pas de risque… 

Tout en continuant à nous diriger vers le centre de la Plaine des Chupacabras pour y chercher les plantes que FeiLong convoitait, nous vîmes passer une dizaine de saloperies au dos grouillant d’autres saloperies – d’ailleurs, c’était leur corps ou des parasites ? Je n’avais même pas envie de le savoir – et nous finîmes par arriver à l’ombre d’un petit bosquet d’arbres au milieu duquel scintillait un étang. Tous les monstres que nous avions croisés avaient rencontré le même destin que le premier d’entre eux. Et je n’avais pas osé m’y essayer moi-même, bien cachée derrière mon garde du corps.

Sur les bords de cet étang poussait la plante dont FeiLong avait besoin ; il savait dès le départ où la trouver, mais il n’y avait rien de choquant à ça avec l’expérience qu’il traînait derrière lui.

 Attention. Ne t’approche pas de l’eau. 

Il mit sa main sur mon épaule pour m’empêcher d’avancer vers la surface azurée sur laquelle se reflétaient les rayons de soleil qui passaient à travers le feuillage. Pourquoi ne devais-je pas m’approcher ? C’était un décor de rêve et il n’y avait pas le moindre chupacabra à l’horizon.

 Pourquoi crois-tu qu’ils n’approchent pas ce bosquet et ce plan d’eau ? 

 … 

C’était une bonne question. Il n’y avait pas de danger à proximité, et étant le seul point d’eau que nous avions croisé, il devait être précieux pour les monstres sauvages. Il est vrai qu’il aurait dû y avoir des dizaines de chupacabras en train de garder leur territoire.

 Ce plan d’eau est gardé par des créatures que même les chupacabras craignent. 

 Des monstres plus puissants ?! Dans l’eau ? 

 Oui et non. Ils vivent dans l’eau mais ne sont pas plus puissants. Au contraire, ce sont de faibles monstres, qui ne disposent que d’une puissance offensive et défensive limitée, sans parler de leur niveau. Ils oscillent entre le niveau 15 et 20. Mais ils sont impossibles à tuer pour les chupacabras. 

 Ce sont d’étranges créatures… Quelles sont-elles ? 

 Ce sont des slimes. 

 Des slimes ? Tu veux dire, comme ces petites boules vertes et gluantes ? 

FeiLong se mit à rire.

 Oui, c’est un peu ça. Mais ils ne sont pas tous verts. Ceux qui vivent dans cet étang sont bleus. Cependant, ils possèdent une capacité de régénération incroyable et quand les chupacabras tentent de les mordre, ils se retrouvent avec des morceaux de slime acide sur le corps, et finissent par en mourir. 

C’était donc pour ça qu’ils ne les attaquaient pas et qu’ils restaient même loin de ce plan d’eau… La loi du plus fort. Ou plutôt, la loi de celui qui survit le plus longtemps.

 Alors je serai moi aussi incapable de les tuer. Autant oublier le joli petit slime. 

FeiLong ramassait des plantes tout en me répondant.

 Pour tuer un slime, il faut en détruire le cœur. C’est un morceau solide de la taille d’une tête d’épingle qui se promène à l’intérieur du slime. Il est difficilement détectable, et à ton niveau, tu n’as aucune chance de lui faire grand mal. 

Je m’en doutais un peu. Mais c’était une créature qui m’inspirait, je sentais que je pourrais en faire quelque chose dans un donjon et il faudrait que je revienne en tuer un à l’occasion.

 Voilà. J’ai les plantes qu’il me faut. 

 Je sens que je n’ai vraiment rien gagné dans cette expédition… 

J’étais frustrée de ne pas avoir pu profiter de FeiLong pour récupérer une structure, un monstre ou quelque chose d’intéressant.

 Mais tu as acquis des connaissances, nous avons beaucoup discuté. 

 Nous aurions pu le faire en ville ! Je pensais gagner quelque chose de concret à ajouter à mon donjon ! 

Il ne se moquait même pas de moi. Je le connaissais déjà assez bien pour savoir que cet air sérieux qu’il arborait la plupart du temps était sincère. Il n’avait vraiment, vraiment pas le sens de l’humour et prenait toujours tout au premier degré.

 Bref… 

 … 

Il me fixait en silence, cherchant sans doute à comprendre où je voulais en venir avec mon avis changeant comme une girouette.

 Tu veux un slime ? 

 Je veux même un chupacabra !! 

Il rit en guise de réponse.

 Allons, ne plaisante pas. Tu n’aurais pas l’énergie pour en placer un seul. Pourquoi en voudrais-tu un ? 

 …C’est vrai. Merde. Un slime, peut-être… 

 Quand tu seras d’un niveau un peu plus élevé, nous reviendrons. Je t’aiderai à en tuer un. Pour l’instant, oublie ça, tu n’es clairement pas assez forte pour ça. 

Il me prenait vraiment pour une conne… Non. Il était sérieux.

 Arrête de dire des trucs pareils si ce n’est pas pour m’aider tout de suite… 

Il soupira en m’invitant à reprendre la route du retour.

 Haa… Jamais contente, hein ? 

 Je devrais ? 

Je fis la moue et je me mis en tête de refuser de lui parler pour le reste du trajet.

 

**

 

Arrivé à Imperos, il était déjà presque 19 : 00. Notre petite escapade – qui s’était finalement passée sans heurt – avait permis à des explorateurs que je ne connaissais pas de s’essayer à mon donjon et d’y laisser leur peau. Décidément, les gobelins étaient vraiment des durs à cuire pour les explorateurs de bas niveau.

Mais ils s’adaptaient petit à petit… Je le sentais dans leur façon de faire, dans leur expérience, dans leurs choix stratégiques. Mes gobelins mettaient de plus en plus de temps à les tuer, et lorsque sonna 21 : 00 à ma montre, j’étais bien au chaud dans mon lit à observer les allers et venues dans mon donjon, les yeux fermés et les jambes écartées.

Le duo ‘aventurier têtu / type au bouclier’ était de retour, et ce coup-ci, ils parvinrent à terminer le donjon.

L’aventurier au bouclier partit engager le boss pendant que le mec le plus habitué de mon donjon dézinguait le reste de la salle, assassins et Peaux-Vertes armés de lances en bois. Décidément, il était vraiment bon ! Et ce type était bas niveau… Il possédait clairement un talent inné.

Il vida le coffre et repartit, permettant au donjon de se réinitialiser.

Je m’endormis peu après, un peu aigrie.

Le lendemain matin, face au miroir, j’étais ravie. Les aventuriers qui étaient venus encore et encore s’essayer à mon donjon la veille ne s’étaient pas intéressés le moins du monde à ma Fontaine, mais avaient eu la bonne idée de se transformer en réserve de crédits que j’étais heureuse d’accepter.

Et là, gravés sur le miroir, ces quelques mots magiques illuminaient mon début de journée.

[Niveau 4 / 1.325 crédits.]

Raka
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18 thoughts on “DMS : Chapitre 19, joyeux Noël !

  1. Merci et Joyeux Noël.
    En tout cas une série très bien écrite, avec un très bon dosage, entre la chance malchance de notre héroïne et sans être pour autant trop badass. Une belle création que voila bravo Raka.

  2. Techniquement si elle refait son donjon et qu’elle met comme boss un varan qu’elle fait naître dans du feu sa ferait pas une salamandre ?

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