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LDO : Chapitre 35

Chapitre 34     La ménagerie s’agrandit

 

 

Le squelette était vraiment étrange. Il ne ressemblait à rien de ce que je connaissais, à rien de ce que je pouvais imaginer et à rien de ce que je trouvais logique. C’était comme un assemblage de plusieurs squelettes dont les os auraient été empilés d’une drôle de façon ; mais il dégageait pour autant une pression formidable, une aura qui même après des millions d’années n’était toujours pas prête de faiblir.

– Je comprends que personne n’ait réussi à emmener ses os…

– Oui, maintenant que je le vois, moi aussi…

Et il était logique que l’endroit soit désert, également. Puisque personne ne pouvait récupérer ces os et que rien ne vivait dans ces contrées, je ne voyais pas pourquoi quiconque aurait eu quoi que ce fût à faire dans le coin.

– C’est donc ça, une Cocatrix Dorée ?

Dai Lin était admirative. Pourtant, ce n’était qu’un amas d’os, un squelette sans vie qui tenait debout pour une raison obscure. Elle ne pouvait pas deviner à quoi elle ressemblait de son vivant, ni à quel point sa puissance était grande. Le seul qui pouvait, c’était…

La Cocatrix Dorée… Ça me ramène tellement d’années en arrière… Et elle est toujours intacte, telle qu’elle était quand je l’ai tuée. Son corps a péri et ses os sont restés debout… C’est incroyable. Je ne pensais pas qu’elle exsuderait encore une puissance pareille. Elle est insondable.

Tu l’as vraiment tuée ?

Oui.

Tu étais plus fort qu’elle ?

Plus patient. Plus technique. Plus rusé, surtout. Pourtant, elle n’était pas à prendre à la légère.

T’as fini de te vanter ?

Bon, tu vas bouffer ses os, oui ?

Je ne me vantais pas. Elle était extraordinaire. J’ai failli ne pas pouvoir la tuer. Chacun de ses mouvements était méticuleusement choisi et travaillé, elle ne bougeait jamais inutilement. J’ai dû attendre pendant des années et des années pour trouver une ouverture dans sa défense. J’ai fort heureusement réussi à l’exploiter la seule et unique fois où j’en ai eu l’occasion.

Hah. Quel vantard.

J’attends toujours de savoir quelle créature divine tu as affrontée et vaincue. Hm ?

Je n’ai pas eu besoin de ça pour devenir une lég…

– Oh, la ferme, les deux papys.

Ils commençaient tous deux à vraiment me donner envie de ne plus leurs parler avec respect malgré leur grand âge et leur sagesse. Sentant peut-être mon exaspération, ils la fermèrent effectivement et attendirent de savoir ce que j’avais à dire. Et j’avais bien sûr des choses à dire.

– On s’en fiche, de ce qu’était la créature de son vivant. Elle est morte.

Pour tout dire, j’étais impatient de raffiner ces os qui devaient contenir une puissance absolue. Mais il fallait que je fasse les choses bien. Je ne pouvais pas me permettre de gaspiller la moindre goutte de qi, un tel gâchis m’aurait empêché de dormir pour l’éternité.

– Quelle est l’affinité du qi de ces os ?

Ma question s’adressait directement à Xinlong ; il devait le savoir pour avoir affronté la Cocatrix Dorée pendant des années. Ceci dit, sa réponse fut plus qu’évasive.

Eh bien, je me souviens d’un qi de feu, et d’un autre de glace. Je n’en sais pas vraiment plus.

Ce n’est pas logique ! Le feu et la glace sont des éléments presque opposés ! À moins que…

En effet… Tu penses de la façon correcte.

Alors c’était ça ? C’est incroyable. Est-ce bien vrai ?

Oui. Je ne vois que ça.

– Eh, vous allez m’expliquer à la fin ?

Ils parlaient d’une façon si mystérieuse qui semblait réservée aux vieux et me laissaient dans le noir le plus total. Et un noir dans le noir, autant dire que je n’y voyais pas grand-chose dans toute cette histoire !

Me félicitant intérieurement pour mon sens de l’humour et mon autodérision, j’attendis leur réponse.

Et ce fut Waad qui coupa court, visiblement agacé lui aussi par leur petit jeu.

La Cocatrix était au minimum au stade de l’éclatement spirituel.

Mais je ne compris pas plus ce qu’il voulait dire.

– Comment ça, au stade de… Je ne saisis pas.

L’éclatement spirituel est le dernier stade de cultivation de sa voie, Osumba. Lorsqu’on l’atteint, il nous permet de développer une nouvelle affinité majeure, et deux affinité mineures. Si la Cocatrix possédait une affinité du feu et de la glace, ça signifie qu’elle en était à ce stade.

– Ah. Je vois, maintenant. Donc, où est le souci ?

…Les monstres ne cultivent pas de la même façon que nous. Une fois le qi terrestre dépassé, ils ne font que se renforcer en passant d’étape en étape au sein du qi céleste. Les monstres ne possèdent pas les capacités de choisir leur voie, ils ne sont pas assez intelligents pour ça. Et même lorsqu’ils cultivent suffisamment et qu’ils développent une intelligence du même niveau que celle des humains, il est trop tard pour eux pour essayer quoi que ce soit de la sorte.

C’est exact. De mon temps aussi, les monstres fonctionnaient de la même façon. Mais il semble que celle-ci est un cas à part. Elle possédait peut-être une intelligence suffisante dès la naissance pour comprendre les voies de la cultivation.

– Bon, peu importe. Je ne maîtrise ni le feu, ni la glace. Donc je vais devoir assimiler ces os tels quels.

Il semble que ce soit malheureusement le cas, en effet.

Après une préparation mentale de plusieurs heures, j’ouvris les yeux et toujours assis en tailleur, j’ouvris un vortex de ténèbres juste à côté du squelette géant. Il me faisait peur, même mort ainsi ; il donnait l’impression qu’il était tout prêt à se jeter sur moi à la moindre occasion, sur un coup de tête anodin.

Le vortex se mit à développer un effet de succion important et je sentis ma base de cultivation de quatre niveaux de qi ainsi que mon nuage de qi temporel trembler, comme si tout mon dantian menaçait de s’écrouler à tout moment.

Je pris un peu peur mais les deux vieux me rassurèrent aussitôt : ils n’allaient jamais laisser mon dantian prendre des dégâts de la sorte. Je pouvais continuer à me concentrer l’esprit tranquille.

J’allais tout d’abord absorber un os. Le premier à entrer fut une phalange, une longue phalange composant une aile, comme celle d’une chauve-souris. Elle disparut dans le vortex et je sentis l’os se désintégrer. C’était le moment de vérité. La créature morte allait-elle réagir comme lorsqu’on cherchait à voler ses os ? Me laisserait-elle faire sans broncher ?

La réponse arriva aussitôt. La terre vibra et des fissures de plusieurs dizaines de mètres se formèrent dans toutes les direction en partant des pattes de la carcasse squelettique.

– Il… Il réagit ! Ce n’est pas bon !

Et en effet, à peine eussé-je prononcé ces quelques mots que le squelette bougea. Comme s’il était animé d’une volonté propre et de muscles lui permettant de la mettre en mouvement, il tourna son immense tête dans ma direction. Je pouvais sentir que le qi qui venait d’entrer dans mon dantian était phénomnal, et même si j’allais en perdre la majeure partie, j’allais également en tirer de sacrés bénéfices.

Ceci dit, ce n’était pas vraiment le moment de penser à ça. La Cocatrix ouvrit la gueule et à l’intérieur de ses deux mâchoires se forma une boule d’énergie rouge et bleue claire qui tournoya de plus en plus rapidement.

– Elle… Elle veut me tuer ?!

Osumba ! C’est une de ses attaques les plus dévastatrices ! Elle doit la charger mais une fois lancée, tout sera détruit sur des kilomètres !

– Pourquoi ? Pourquoi fait-elle ça ?

Je paniquais clairement et je ne savais plus que faire. Je voyais déjà la fin arriver : que pouvais-je espérer réaliser contre une créature de ce niveau ? J’avais senti le qi qui se trouvait à peine dans l’une de ses phalanges, alors je n’osais imaginer le niveau de la bestiole entière !

Je pense qu’elle a senti qu’elle ne pouvait pas récupérer son os parce qu’il avait disparu, et ça l’a énervée… Mais alors, elle n’était pas morte ?

– Tu crois que c’est le moment de penser un truc pareil ?

Xinlong semblait plus émerveillé qu’apeuré, et ce n’était vraiment pas le moment. La boule d’énergie dans la gueule décharnée du monstre tournoyait si vite que je ne distinguais même plus la différence entre le bleu et le rouge.

Je fis alors la seule chose que je sentais pouvoir avoir une quelconque utilité.

Je me levai, attrapai Dai Lin qui ne comprenait rien à ce qu’il se passait, me retournai et me mis à courir le plus rapidement possible.

– AWAWAWAWAWAWAWA !!

Et pour courir vite, je courais vite. Je n’avais jamais connu une vitesse pareille. Je sentais que ma base de cultivation jouait clairement un rôle dans mon accélération, et je n’avais cela dit pas le temps de m’en réjouir. Il fallait que je fuie !

Mais ce fut Zhou Xuefang qui m’arrêta.

Osumba ? Que fais-tu ? Tu vas tous nous tuer.

– JEEEEE COUUUUUURS !!

Tu ne pourras pas éviter la destruction qui va résulter de cette attaque, même si tu courais encore plus vite, il est déjà trop tard.

– Alors quoi ?!

Je m’arrêtai de courir, comprenant qu’il avait raison. Regardant le squelette toujours tourné dans ma direction, quelques dizaines de mètres plus loin, je pus voit que son tir était imminent.

Bouffe-le donc en entier.

… ?!

Waad, tu…

Il a raison, c’est ce que je voulais te dire ! Peu importe les conséquences ou la perte de qi, c’est la meilleure solution ! Si tu le désintègres totalement, c’en sera fini de son attaque !

– D’un seul coup ? Mais je ne supporterai jamais… !

Tu préfères te volatiliser à coup sûr ?!

– Nooooon !

Je criai en courant à nouveau mais vers la Cocatrix cette fois-ci. Arrivé à proximité, j’activai le Bagua le plus rapidement possible et ouvris un vortex qui fit à nouveau trembler toute ma région du dantian tant ce qu’il cherchait à aspirer résistait et démontrait de puissance.

Ses ailes, puis ses pattes, des os de son torse, de sa queue, de son bassin, de son cou. Un os après l’autre pénétrait dans le vortex et se faisait raffiner par mon dantian. Je commençais à avoir une sacrée nausée et un mal de tête atroce mais il fallait que je continue. Tombant à genoux, les mains au sol, bavant de douleur et les yeux parfaitement écarquillés, les larmes s’écoulant toutes seules de mes yeux, je fis tout mon possible pour ne pas perdre ce qu’il me restait de concentration.

La créature résistait de toutes ses forces et je sentais qu’elle faisait tout pour que sa gueule soit la dernière chose à disparaître, afin de s’assurer qu’elle puisse lancer son attaque ultime.

Cependant, le Bagua a toujours raison, et au moment où la créature ouvrit la gueule encore plus grand et était sur le point de raser la zone, sa tête se fit aspirer et disparut, juste comme ça.

Le silence tomba d’un seul coup, et je fis de même, l’inconscience me frappant de plein fouet.

 

**

 

Lorsque je rouvris les yeux, Dai Lin était penchée au-dessus de moi et m’adressa un sourire soulagé lorsqu’elle me vit reprendre connaissance.

– Hm ?

Je me relevai d’un seul coup, la tête prise dans un étau chauffé à blanc. Après avoir hurlé à plusieurs reprises en me roulant par terre, la douleur finit par se calmer légèrement et je pus sentir un trop-plein de qi parcourir mon corps. Il y en avait des milliers, des centaines de milliers de fois trop, et je pouvais clairement sentir que lorsque j’en absorbais une partie, j’en perdais mille.

Je fis de mon mieux pour stabiliser mon dantian chaotique, fis pivoter ma base de cultivation et après avoir fait le ménage dans mon dantian, j’entendis la voix de Xinlong du fond de ma conscience.

…et donc, pourquoi moi ?

Une voix que je ne connaissais pas lui répondit aussitôt.

Parce que tu es le seul que je respecte.

Une voix sombre, basse, rauque et puissante. Je fermai des yeux brûlants pour me plonger dans mon dantian, perplexe. Mais je n’y vis pas plus qu’à mon habitude ; il y avait là la mer de qi, les portes, le nuage de qi temporel, et moi, flottant dans tout ça.

Tu me respectes ? Et tu m’as attendu uniquement pour ça ?

Pour t’affronter, Xinlong. Pour progresser. Pour renaître. Pour devenir plus fort. Pour… Pouah.

La voix se mit à bâiller en pleine explication, comme si parler était devenu d’un seul coup trop éreintant.

Eh… Eh bien, tu vois… Nous ne sommes pas prêts de nous affronter à nouveau.

…Ce n’est pas grave. C’est fatiguant, de toute façon. Je ne suis vraiment pas motivé, là.

M… Motivé ?! Tu te rends compte de ce que tu dis ?

Dans les méandres de mon dantian, une image flasha, comme un éclair stroboscopique. Elle percuta ma conscience et disparut aussitôt, mais je pus clairement voir ce qu’il se passait.

Instantanément, je compris.

Ce que je venais de voir, c’était un vieil homme barbu en toge blanche portant un petit chapeau noir ; il discutait avec une créature gigantesque, qui faisait au moins trois fois sa taille. Une espèce de poule à quatre pattes, aux allures de lézard et de zèbre, aux allures de dragon et de varan. Je ne pouvais même pas dire si sa tête ressemblait plus à celle d’un zèbre, d’un émeu ou d’un dragon. C’était perturbant au plus haut point.

Perturbant, mais je savais de qui il s’agissait. Je le sentais tout au fond de moi.

– L… La Cocatrix ?! N… Ne me dis pas que…

Soudain, je sentis son regard se poser sur moi, scrutateur, accusateur et interrogateur. Au bout de quelques secondes, elle m’adressa directement la parole.

Alors comme ça, je suis en toi ? C’est étrange… Se retrouver dans le dantian d’un humain. Un humain si faible, qui plus est. On est à l’étroit, ici. Pourquoi dois-je partager cet endroit avec deux humains et un démon ? Nous sommes ici en toi, alors réponds.

– Eh… Euh… Je… Je ne sais pas ? Je n’ai rien choisi de tout ça.

Je n’avais pas une seule fois donné la moindre autorisation à quiconque de venir habiter dans mon dantian. Je ne savais rien de tout ça, j’étais une victime dans cette histoire !

Mais la Cocatrix continua sans me laisser le temps de m’expliquer.

On dirait que je peux faire mon nid ici. Va falloir vous y faire, les deux vieux. J’ai besoin de dormir, je suis crevé. Vous ne pouvez pas imaginer comme c’est assommant de se faire réveiller après seulement quelques dizaines de millions d’années de sommeil.

De sommeil ? Tu étais mort.

Mo… Ha ha ha !

Je t’ai tué ! De ma main !

Oh… Je vois. C’est ce que tu crois ?

C’est ce que j’ai vu. Il ne restait de toi que des os.

Évidemment, puisque j’ai abandonné tout le reste lorsque tu as lancé ton attaque.

Quoi ? Mais… Pourquoi ? Pourquoi avoir fait ça ?

Eh bien, cela faisait des années que je cherchais un moyen de mettre un terme à ce combat que tu avais toi-même provoqué, je te le rappelle en passant. J’ai trouvé l’occasion idéale.

Pourquoi avoir voulu y mettre un terme ?! C’était le combat de notre vie !

…Notre ? De ta vie. Bien entendu, je veux ma revanche, mais c’est une autre histoire. Je ne voulais pas me battre. Se battre est bien trop fatiguant. Tiens, pousse-toi un peu de là, laisse-moi m’allonger. Oui, comme ça… Ohh, c’est bon… Bien. Maintenant que je suis bien installé, on peut parler.

Parler ? Mais…

Je ne voulais pas me battre, comme je te l’ai dit. Tu m’y as forcé. J’ai trouvé l’occasion d’y mettre un terme et puis voilà. Il ne faut rien y voir de plus.

D’ailleurs, cette sieste était fameuse. Je crois que je ne me suis pas réveillé une seule fois.

Pas une seule… ? Mais, tu as tué un nombre incalculable de cultivateurs qui ont tenté de dérober tes os…

Ah ? Oh, sans doute un réflexe. Je t’assure que je dormais jusqu’à me réveiller ici.

Alors, ton attaque ultime, lorsque ton os a été dévoré… ?

Sais pas.

Ton acharnement à la lancer même en te faisant bouffer os après os… ?

Je dormais.

– Eh, oh, non, attendez, là. Stop. Stop, stoooop. J’ai une Cocatrix Dorée en moi ? C’est bien ce que je comprends, là ?

Bien entendu. Tu as téléporté mes os dans ton dantian. Il était certain que j’allais suivre… Je n’ai pas eu le choix, à vrai dire.

– Mais…

Et je ne suis pas « une Cocatrix Dorée ». J’ai un nom, tu sais.

– Un nom ? Tu es un m…

Je me rendis compte de ce que j’allais dire et fermai ma bouche avant le mot critique. Mais il était trop perspicace.

Un monstre, hein ? Ah, oui. Je suis un monstre. Et toi, tu es un humain. Et alors ? N’as-tu pas un nom, alors que tu es « un humain » ?

– Ce… Ce n’est pas ce que je voulais dire… Mais oui. Je suis Osumba.

Hm… Osumba. Trois syllabes. Fatiguant à prononcer, tu aurais dû t’arrêter à deux.

– Mais je…

…n’ai pas choisi, c’est ça ? Quelque chose t’a empêché d’en changer ?

– N… Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que cette conversation ?

Tu as raison. Parler pour ne rien dire est si épuisant. Je suis aussi bien là, immobile et silencieux.

– Et… ton nom ? Tu as dit avoir un nom ?

Oh. Oui. Mon nom complet est très long et épuisant à prononcer mais tu peux m’appeler Dada, deux syllabes bien courtes et répétitives. Pas fatiguant à retenir. Un bon nom.

– …

Il était vraiment fier de son nom, et je commençais à comprendre une chose effarante : ce monstre m’avait tout l’air d’être un sacré fainéant ! Au point de juger que mon nom était trop long à prononcer, je ne pensais pas tomber sur un cas pareil un jour.

Osumba. Pourquoi ne possèdes-tu que quatre portes terrestres ouvertes ? Je ne comprends pas, tu as assez de qi pour en ouvrir deux de plus. Au bas mot.

– Quoi ? Je…

Oh, et puis fais ce que tu veux, ça me fatigue. Je vais faire une sieste, réveille-moi si tu… Oh, non, ne me réveille pas, en fait.

– At… Attends !

…Quoi ? Tu commences à me stresser tout doucement là, à vouloir retarder l’heure de la sieste.

– Mais tu es à peine réveillé d’un sommeil de plusieurs mill… Oh, et puis zut. Laisse tomber. Tu me critiques, mais je ne peux pas ouvrir la cinquième porte ! J’ai beau essayer, elle résiste à tous mes assauts !

Ah ? Et c’est ça qui te chagrine ? Ha ha ha ! Ha… ha. Pourquoi veux-tu briser la porte de force ? La cinquième porte terrestre résiste à toute la puissance que tu lui opposeras. Contente-toi de laisser couler ton qi…

– Laisser couler mon qi ? Je ne saisis pas.

Un peu comme une clé dans une serrure. Trouve la bonne forme, le bon débit, la bonne façon de caresser cette porte et tu verras, elle s’ouvrira sans effort.

– …C’était si simple ?

Simple ?! C’est ennuyant et fatiguant si tu veux mon avis ! Laisse-moi dormir, maintenant ! Pousse-toi, le démon, ma queue n’est pas un oreiller ! Je te bouffe tout cru si tu me touches encore !

Alors il s’agissait uniquement de contrôle, comme on me l’avait déjà dit ? La force brute n’allait mener nulle part ?

Confiant en mes compétences et en ma capacité de compréhension hors du commun, je me mis à méditer, jambes croisées, afin de chercher à résoudre ce mystère.

Et en attendant, je me retrouvai avec un pensionnaire de plus.

Quand donc la crise du logement allait-elle donc cesser dans ce monde de fous ?

Reprenant mes esprits, je me rendis compte que pour la première fois depuis longtemps, mon dantian était devenu totalement silencieux. Plus personne n’osait piper mot, je n’entendais plus les deux vieux se disputer inlassablement pour n’importe quelle raison, et même Waad avait cessé de ricaner en les regardant comme s’il regardait un bon spectacle.

Soudain, je me sentis seul, si seul.

– Pourquoi… ? Eh, vieux. Pourquoi d’un seul coup, vous ne dites plus rien ?

Un frisson malsain me parcourut. Quelque chose n’allait pas, c’était évident. Il fallait que je règle le problème à tout prix. Il s’agissait de mon dantian, après tout. La base de ma cultivation et, de fait, de ma vie.

Ceci dit, Zhou Xuefang me répondit en chuchotant, le plus bas possible, comme s’il s’adressait à mon esprit par un canal secret.

Dada dort.

– … ?

Quoi ? C’était tout ? Il n’avait rien d’autre à me dire ? La bête dormait comme un gros bébé, alors il ne fallait pas la réveiller ? Je les avais connus plus égocentriques que ça !

– Ah, allez… Elle dormira une autre fois, qu’importe si on la réveille ? J’ai pris une trop forte habitude, et je ne peux pas supporter de ne plus vous entendre.

Chuut ! Tu vas réveiller Dada !!

– Ooh ! Allez, ça suffit, maintenant ! S’il se réveille, il se rendormira !

Tu ne comprends pas ! Dada possède une cultivation extrêmement profonde ! Contrairement à nous, il n’a pas été réduit à ton niveau, parce qu’il n’est pas mort mais s’est fait absorber vivant !

– Vivant ? Je n’ai toujours pas compris.

Ce squelette n’était qu’une espèce d’hibernation. Il n’était jamais mort ! Et tu l’as absorbé tel quel… Maintenant, nous ne faisons absolument pas le poids face à lui ! Nous ne pouvons pas nous permettre de l’offenser, alors s’il dort, il faut le laisser dormir ! Tant qu’il n’est pas éveillé, tout ira bien…

– N’importe quoi, vraiment. Tu étais une légende, et Xinlong l’a tué. Enfin, l’a vaincu. Enfin, je me comprends. À vous deux, vous devriez être capable de le gérer.

Que nenni. Nous ne sommes que des esprits et nous ne pouvons pas tirer plus de puissance que ce que ton corps nous le permet. Dada quant à lui n’a pas ce souci. Je suis même persuadé qu’il pourrait sortir de ton corps si l’envie lui prenait. Seulement…

– Seulement ?

Le vieux continua à chuchoter à mon esprit.

Je le soupçonne d’être si paresseux qu’il est très bien là où il est, là où personne ne peut déranger ses siestes. Alors… Ne le dérangeons pas, il pourrait se fâcher, qui sait ?

Ainsi, mon nouveau locataire était une bête d’un niveau insondable qui aimait trop dormir ?

En attendant, je concédai ce que Zhou Xuefang me demandait et laissait l’intérieur de mon dantian en paix. Après tout, il m’avait expliqué de quoi il s’agissait et le malaise était passé. Par contre, je possédais toujours une quantité phénoménale de qi qui tournoyait dans mon dantian et qui était toujours en cours d’assimilation. Il ne fallait pas oublier que j’avais absorbé le squelette entier de Dada. Même si les pertes de qi étaient énormes, ce qui restait était phénoménal malgré tout.

Aussi m’installai-je à nouveau pour méditer, rapidement imité par Dai Lin qui ne posait presque jamais de questions. Elle était facile à vivre : lorsque je méditais, elle m’imitait. Lorsque j’arrêtais, elle faisait de même, sans jamais me demander d’explications que lorsqu’elle en avait vraiment besoin.

Rapidement, je me souvins de ce que m’avait dit Dada. Contrôler mon qi, le laisser couler sur la porte comme si je possédais une clé dont je cherchais la serrure. Le processus était facile, j’avais une bonne maîtrise de mon qi et j’en submergeai rapidement la cinquième porte, non pas avec une force brute comme je l’avais déjà fait mais avec douceur cette fois, avec tact et en ressentant son contact à chaque instant.

Au bout de quelques heures, alors que le qi de Dada était toujours en pleine fusion avec ma propre mer de ténèbres, je sentis quelque chose, une légère fluctuation à la surface de la porte. Comme un nœud dans le bois, comme une fissure dans l’espace, dans la matière.

Immédiatement, je concentrai tout le qi environnant pour l’affiner et insister sur cet endroit en particulier. Il prit toutes les formes possibles, tout ce qui me passait par la tête, une clé, une lame, un nuage et un brin d’herbe ; une étoile, dix feuilles de papier et cent cornes de girafes. Au bout de quelques heures de plus, alors que le soleil s’allumait à nouveau dehors, je compris enfin comment adapter mon qi à ce que je considérais comme une erreur à la surface de la porte. Je parvins à éroder le nœud, à combler la fissure, le tout à la fois comme dans plusieurs dimensions.

D’immenses vibrations, comme un tremblement de terre, parcoururent mon dantian et j’entendis mille coups de tonnerre frapper ma mer de qi, qui avait désormais quasiment terminé de s’approprier le qi du squelette de Dada.

La porte grinça, craqua et se tordit comme dans un dessin animé.

Je possédais suffisamment de qi pour la forcer à s’ouvrir, bien plus qu’il n’en fallait même. Elle se déchira immédiatement en une vingtaine de morceaux et disparut, laissant cascader un torrent infini de qi des ténèbres vers mon dantian.

– Enfin !

Je m’écriai sous le coup de la jubilation. C’était sauvage, un plaisir tel ; je pensais ne jamais parvenir à passer ce goulot, et pourtant, grâce aux conseils simples et sans importance de Dada, j’y étais parvenu.

Qu’est-ce qui… Pouaaa…

Dada s’était réveillé sous les coups de tonnerre incessants et bâillait paresseusement. Je pus sentir qu’il venait de provoquer une terreur sans fin chez les deux vieux qui étaient sans doute prostrés dans un coin de mon dantian et n’osaient dire mot.

Finalement, Dada se roula en boule – ou du moins c’est ce que j’imaginai – et se rendormit, après avoir sans doute vu de quoi il s’agissait.

J’ouvris les yeux, et un éclair de puissance les traversa. Je pouvais le sentir, je le savais. J’avais ouvert la cinquième porte, elle avait libéré tout le qi qu’elle pouvait depuis « l’autre côté » et avait disparu comme les autres l’avaient fait avant elle.

– Ou ! Verte ! Tralala ! Ou ! Verte ! Dai Lin ! La cinquième porte est ouverte !

– Ah ?

Elle ouvrit elle aussi les yeux pour me répondre, visiblement heureuse pour moi et très surprise que j’y sois parvenu aussi rapidement.

Je dansais de bonheur, lorsque soudain je sentis une nouvelle fluctuation au sein de mon dantian. Quelque chose qui était déjà arrivé et que je craignais déjà.

Me replongeant rapidement à l’intérieur, je vis réapparaître lascivement la cinquième porte Terrestre, celle-là même que je venais d’ouvrir quelques minutes auparavant !

Immédiatement, je relançai la manœuvre, et me mis à chercher pendant plus d’une journée complète cette petite erreur à la surface de la porte. Mais il n’y avait plus rien, rien de rien. De plus, la porte avait cette fois une légère couleur bleutée, très claire et crépitante.

– Une porte… temporelle… ? Oh, non… Pas encore…

Je manipulai rapidement mon nuage de qi temporel et le fracassai à plusieurs reprises contre la porte. Elle trembla, et ce fut la première réaction que je lui vis. Ceci dit, elle ne céda pas. Elle était loin de se briser.

Je le savais.

Quelque chose au fond de moi me le disait.

Pour ouvrir cette porte-ci, peu importait la quantité de qi à ma disposition ou la manière dont je le maîtrisais.

Il fallait que je trouve du qi temporel parce qu’elle ne réagirait qu’à ça.

 



 

Et voilà pour notre chapitre de près de 4 500 mots qui, je l’espère, aura su vous satisfaire. La ménagerie s’agrandit et les deux vieux ont trouvé leur maître pendant que Waad n’en a toujours rien à faire 😉

Pour la suite, je vous laisse donner votre avis, mais non, Osumba ne voyagera pas dans le temps, je n’ai pas envie de jouer avec les paradoxes. Ce sera l’un des seuls points sur lesquels je ne transigerai pas.

 

À  vos plumes !

Raka
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11 thoughts on “LDO : Chapitre 34

  1. Merci pour le chapitre !
    Je pense que le plus plausible et qu’Osumba parte à la recherche de sanctuaire puisque c’est dans ces lieux qu’il y a du qi temporelle

  2. L’amas d’énergie que la Bèête allait lâché a attiré une énorme hordes de zombis dans le désert, se dirigeant tout droit sur Osumba…

  3. Merci pour ce long et merveilleux chapitre ! Et un locataire de plus dans le dantian d’Osumba, un ^^ ! Si ça continue comme ça, Osumba va devenir une maison mobile à part entière XD !!!
    Franchement, j’aime beaucoup le fait de nous donner notre avis pour donner des idées et faire progresser l’histoire. C’est vraiment sympa :).
    En parlant de ça, je dirai la même chose qu’Isybile à savoir qu’il parte à la recherche d’un sanctuaire vu qu’apparemment, c’est là qu’il arrive à avoir du Qi temporel. Peut-être que ça résoudra son problème qui sait ^^ ? Et oui ! Pour mon premier commentaire posté sur cette histoire, je ne suis pas très inspiré niveau idée. Désolé pour ça ^^ »… Ce sera certianement mieux la prochaine fois. Je l’espère en tout cas ^^.

  4. Merci pour le chapitre imaginer que l’âme de Dada se retrouve dans le corps du phénix quand il va récupérer l’oeuf ce qui donnerait un phénix paresseux mais qui est obligé d’obéir à ossumba et comme c’est un contrat les vieux pourrons l’entendre et se moquer de Dada pour ce vanger un phénix qui veut cramé ossumba pour ce battre avec les vieux mais ne peut pas a cause du contrat et donc lui picorerai la tête à la place

  5. Merci pour le chapitre.
    J’imagine que le Qi temporel est attiré par le Qi temporel. Ce qui permettrait à Osumba de se téléporter aux endroits où il y en a…

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